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Transcription
00:00Stéphane Auzière est avec nous, avocate. Merci Stéphane Auzière, avocate et romancière, parce qu'on se pose quatre questions sur cette affaire, vous allez nous y répondre.
00:08Merci déjà d'être avec nous, merci beaucoup.
00:10Alors, qu'est-ce qui explique l'écho médiatique du procès des viols de Mazan ? C'est vrai que médiatiquement, ça a été largement couvert. Pourquoi ?
00:18Alors je pense qu'il y a un certain nombre de facteurs, déjà l'émoi que suscite cette affaire, et ça c'est en quelques chiffres.
00:23On parle quand même d'un procès qui couvre 92 viols, qui sont réalisés par 51 accusés sur une seule victime.
00:30C'est juste incroyable, excusez-moi, cette histoire est complètement folle.
00:34C'est vrai que médiatiquement, tout le monde s'en empare, parce qu'on est tous bouche bée devant cette affaire.
00:39On ne croyait pas que c'était possible en fait Stéphane Auzière, vous ne pensiez pas que ça pouvait arriver un truc comme ça ?
00:43Non, on ne croyait pas que c'était possible, et surtout la stupéfaction aussi, c'est que la victime elle-même ne croyait pas que c'était possible,
00:49puisque si on remonte aux racines, elle est convoquée au commissariat parce qu'elle pense aller chercher son mari qui a filmé sous les jupes des filles,
00:55et elle découvre à ce moment-là qu'elle est victime, alors que le cheminement classique, c'est plutôt la victime qui va déposer plainte et qui est entendue.
01:02D'où la stupéfaction pour tout le monde.
01:04C'est bien de dire ça, c'est vrai que cette histoire, parce que ça vous permet de refaire un point sur cette affaire.
01:10Au départ, elle y va parce que son mari a été filmé, a filmé sous les jupes des filles,
01:15et elle se rend compte que la principale victime, c'est elle, c'est absolument incroyable.
01:20Qu'est-ce qu'un violeur ? Parce que c'est vrai qu'il risque quoi ?
01:25Le Dominique Pellicot, il risque quoi ?
01:28Je pense qu'en tout cas, ce qui est fou dans ce procès, et là où on peut en tout cas saluer son courage,
01:33parce qu'on parlait aussi de la médiatisation, c'est qu'elle a accepté que le procès ne soit pas à huis clos,
01:39ce qui est normalement et la pratique sur ce type de procès.
01:42Et ça permet de réfléchir, parce que souvent on entend, est-ce qu'il y a un profil type de violeur ?
01:47C'est-à-dire, qui sont les gens qu'on va retrouver dans une cour d'assises ?
01:50Et là, ce qu'on voit dans cette affaire, c'est que vous avez tout profil.
01:54Ils ont entre 20 et 70 ans, qui ont un métier, vous avez des vendeurs, des chauffeurs, un sapeur-pompier,
02:01des gens qui sont sans emploi, des retraités, donc vous avez tout profil.
02:04Et vous avez surtout cette phrase qui est absolument glaçante, qui a été faite dans le cadre de la Défense,
02:09du mari de Gisèle Pellicot, qui déclare « On ne n'est pas pervers, mais on le devient ».
02:15Ce qui est déjà un écho terrifiant par rapport à la phrase de Simone de Beauvoir,
02:19et qui sous-entendrait que toute personne qui finalement est victime, à un moment donné dans sa vie,
02:23deviendra bourreau.
02:25Et donc, ça interpelle vraiment les personnes sur, effectivement, quels sont les profils,
02:31et qui peut être violeur dans ce type d'affaires.
02:33– Alors, troisième question, on se pose, comment se définit le viol ?
02:37C'est quoi ? À partir de quand on peut considérer que c'est un viol ?
02:40– Oui, alors, peut-être aussi, avant de vous définir, par rapport à ce qu'il risque,
02:44parce que souvent les gens se disent, mais qu'est-ce qui va ressortir de ça ?
02:48Je pense que c'est important de rappeler que le viol, c'est quand même puni de 15 ans de réclusion criminelle,
02:52c'est porté à 20 ans quand on a une circonstance aggravée,
02:54c'est le cas pour les personnes qui sont visées, puisque vous avez des viols en réunion.
02:59Et je pense aussi que c'est important de parler, parce qu'on n'en parle pas souvent,
03:03de la question des dommages d'intérêt.
03:05Je ne sais pas si vous avez une idée de ce que ça représente pour une victime d'un viol,
03:10quand elle se retrouve en cours d'assises, quel est le montant de dommages d'intérêt
03:14qui peut lui être alloué ?
03:15– Moi, j'ai la réponse, donc je ne vais pas le dire,
03:17parce que je l'ai surmise.
03:18– C'est certainement trop peu, c'est trop peu.
03:20– Je vous le dis.
03:21– 250 euros.
03:22– Combien ?
03:23– Je ne sais pas, je dis le plus.
03:24– 2 000 euros ?
03:25– Comme ça, d'être choquant…
03:26– 30 000 euros, je dirais.
03:27Effectivement, on est sur une fourchette qui va de 20 000 à 30 000 euros sur un viol aggravé.
03:33Ce que vous imaginez, par rapport aux circonstances que j'ai évoquées…
03:36– J'ai une question.
03:38Si la personne avait été torturée, la définition en droit de la torture,
03:44elle aurait eu droit à une indemnisation de combien,
03:46pour qu'on voit à quel point le législateur considérait que le viol,
03:49finalement, c'est beaucoup moins grave que la torture ?
03:51Ce qui serait délirant.
03:52– Après, ça dépend effectivement du type d'infraction, si les choses se cumulent.
03:55Mais en tout cas, ça donne l'idée vraiment…
03:57Après, il y a des barèmes qui peuvent évoluer,
03:59mais on a quand même une certaine homogénéité sur les cours d'assises.
04:01Mais ça donne une idée de ce qu'on chiffre aujourd'hui comme le prix de la violence
04:05qui, effectivement, est totalement déconnecté de la réalité.
04:09Et par rapport à ça, justement, la question que vous posiez aussi, Cyril,
04:13sur comment on définit finalement un viol,
04:16aujourd'hui, dans la loi, c'est un acte de pénétration sexuelle
04:21qui est réalisé sous la surprise, la contrainte ou la violence.
04:25Alors, si je dis la violence, tout le monde figure assez facilement ce que c'est.
04:29Si je dis la contrainte, alors ça peut être la contrainte physique,
04:33mais ça peut être aussi la contrainte morale.
04:35C'est-à-dire, typiquement, vous avez des cas dans les arrêts
04:37qui ont été rendus par les tribunaux d'un directeur qui a autorité sur une élève
04:43et donc elle se sent obligée d'eux.
04:45Ça, c'est la contrainte.
04:46Et le dernier, la surprise, que les gens perçoivent moins facilement.
04:49La surprise, par exemple, vous avez eu des arrêts dans la jurisprudence
04:53d'un homme qui s'introduit la nuit au domicile d'une femme
04:56dont le mari est absent, se faisant passer pour le mari.
04:58Ça peut paraître...
05:00Mais vous avez eu récemment aussi un arrêt d'un septuagénaire
05:04qui a été condamné parce qu'il rencontrait des jeunes femmes sur des sites,
05:08leur donnait rendez-vous dans des hôtels,
05:10et il se faisait passer pour un homme de 40 ans avec un certain physique, etc.
05:14Et c'était évidemment pas ça.
05:16Donc ça, c'est la surprise.
05:18Et au-delà de ça, ce qu'il faut dans un viol, c'est qu'il faut l'intention.
05:21C'est-à-dire qu'il n'y a pas de crime s'il n'y a pas d'intention.
05:23Et tout ce qui est mis en avant dans ce procès,
05:26par un certain nombre d'accusés, c'est
05:28Ok, j'ai eu un rapport sexuel,
05:30mais je n'avais pas l'intention de violer Gisèle Pellicot.
05:35Et à l'appui de la Défense,
05:37parce qu'il faut entendre aussi les arguments des avocats de la Défense,
05:40c'est de dire, mais on était face à un couple
05:43qui pratiquait des jeux libertins.
05:45Et donc, moi, je suis arrivée pensant que, en fait,
05:49c'était une mise en scène, etc.
05:51Sauf qu'il y a tout un tas d'éléments qui sont fournis,
05:54grâce au fait qu'elle a accepté la publicité des débats,
05:57qui remettent clairement ça en cause,
05:59puisque vous avez notamment certains qui témoignent qu'elle dormait,
06:02puisqu'elle ronflait,
06:04que les gens se sont mis sur un forum pour participer
06:07qui s'appelait A son insu,
06:09qui ne prête pas de doute,
06:11et qu'on leur demandait d'attendre dans la voiture
06:14qu'elle soit bien endormie et qu'ils viennent les ongles courts
06:17pour ne pas laisser trace, etc.
06:19Donc, clairement, ça va être totalement battu en brèche.
06:22– Il y aura un avant et un après, c'est basant certainement.
06:25Qu'est-ce que ça peut changer, ce procès, cette affaire ?
06:29– Moi, je suis convaincue qu'il y aura un avant et un après.
06:31Déjà, c'est un procès qui est regardé, pas qu'en France,
06:34mais vraiment aussi au-delà de nos frontières
06:36et qui pose une vraie question,
06:38en tout cas, nous, sur la définition que je vous ai donnée du viol,
06:41puisque là, vous avez le cas de la soumission chimique
06:43et on voit que ça ne colle pas forcément
06:45avec les critères légaux que je vous ai définis.
06:47Et surtout, ce qui paraît totalement fou,
06:50c'est que dans le texte de l'infraction,
06:52à aucun moment vous n'avez le mot consentement.
06:55Il n'apparaît nulle part.
06:57Et en fait, c'est une notion qui est totalement centrale
06:59parce qu'on voit qu'encore aujourd'hui,
07:01il y a un certain nombre de questions,
07:03type, qui ne dit mot consent ?
07:05Est-ce que c'est vrai ?
07:07Si j'ai un rapport sexuel avec quelqu'un qui n'a pas dit non,
07:09est-ce que je peux considérer qu'elle était d'accord ou pas ?
07:12Est-ce qu'habillement vaut consentement ?
07:14Si la personne était habillée comme ça,
07:16est-ce que j'ai le droit de considérer qu'elle avait envie ?
07:19Et là, avec ce procès,
07:21ça me permet de mettre en lumière, de dire,
07:23il faut expliciter le mot consentement
07:25et changer la preuve,
07:27qui consisterait à dire, aujourd'hui,
07:29il faut que le mis en cause dans ce type d'affaires
07:32démontre que la personne en face était consentante,
07:35d'une part, et d'autre part,
07:37s'il avait un doute sur le consentement,
07:39on a appris toutes les mesures raisonnables
07:41permettant de penser qu'il y avait réellement consentement,
07:43ce qui est le cas notamment sur les questions
07:45de la consommation d'alcool,
07:47de médicaments, de stupéfiants,
07:49et on voit que ça appelle réellement
07:51un changement, non seulement de la loi,
07:53mais que de toute façon, dans la vie quotidienne,
07:55les pratiques évoluent
07:57vers ce qui peut être discutable,
07:59qui est la contractualisation du consentement,
08:02puisqu'on a de plus en plus d'actes
08:04où aussi les avocats sont sollicités.
08:06On l'a vu beaucoup chez les footballeurs,
08:08qui rédigent maintenant des contrats
08:10pour recueillir en amont
08:12le consentement des jeunes femmes
08:14avec lesquelles ils vont avoir des rapports sexuels
08:16et la confidentialité,
08:18et on voit aussi un certain nombre d'applications
08:20qui se sont développées
08:22sur lesquelles vous pouvez cocher
08:24au démarrage, puisqu'en fait,
08:26le consentement aussi doit être concomitant à l'acte.
08:28– C'est follement romantique.
08:30– Pour valider la question du consentement
08:32au moment de l'acte,
08:34alors il y en a qui vont loin,
08:36et puis après on peut décliner
08:38sur quelle pratique êtes-vous consentant.
08:40– C'est fou ça.
08:42Merci Tiffany.
08:44– La défense cherche toujours des circonstances atténuantes.
08:48J'ai écouté un peu ce qu'ils disaient,
08:50tous ces jeunes gens,
08:52ces personnes qui sont venues,
08:54ils ont dit,
08:56il y en a un qui a été violé quand il était jeune,
08:58il a fait ceci, il a fait cela.
09:00Est-ce que ça, c'est recevable ou pas ?
09:02– Je pense qu'il y a deux stratégies de défense.
09:04Il y a la première qui consiste à dire carrément,
09:06nous, on sollicite un acquittement
09:08parce qu'on n'est pas coupable,
09:10parce qu'on ne savait pas.
09:12Donc si on ne savait pas,
09:14ça veut dire qu'on n'avait pas l'intention,
09:16ça c'est le premier angle.
09:18Et le deuxième angle,
09:20c'est les circonstances atténuantes,
09:22chose qu'on emploie et qu'on voit régulièrement
09:24devant un tribunal,
09:26puisqu'en fait, dans un tribunal,
09:28vous appelez à la barre les proches,
09:30des experts,
09:32la personnalité du mis en cause,
09:34son histoire, sa vie,
09:36pour aussi essayer de comprendre.
09:38Parce qu'en fait, ce qui sidère tout le monde,
09:40c'est comment ces hommes se retrouvent là,
09:42à ce moment-là,
09:44et de la même manière, les juges ont la même sidération
09:46et ont besoin de comprendre
09:48pour pouvoir prendre une décision.

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