• il y a 3 mois

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Transcription
00:00Parfois, dans un conflit, j'avais des réflexions.
00:03On me disait, mais qu'est-ce que tu fais là ?
00:04Pourquoi tu n'es pas en train de t'occuper de tes enfants, de ton mari ?
00:07Pourquoi tu n'es pas en train de faire la cuisine pour ton mari ?
00:09J'ai dit, parce que d'abord, il cuisine très bien, il n'a pas besoin de moi.
00:11Je suis grand reporter à France Télévisions
00:14et je couvre des terrains de guerre depuis 30 ans.
00:17Quand je suis arrivée à France 2, au service international,
00:20j'avais 25 ans, j'étais vraiment la plus jeune.
00:23Les autres avaient 35 ans.
00:25Il y avait beaucoup d'hommes.
00:26Il y avait quelques femmes reporters.
00:28Le reste, c'était des hommes et puis des vieux baroudeurs,
00:31pas forcément faciles, la blague un peu lourde parfois.
00:36J'ai eu un petit bizutage, mais rien de très méchant.
00:39Ils m'ont accepté.
00:40En fait, ils étaient contents d'avoir une jeune,
00:42qui était la première arrivée le matin, la dernière partie le soir.
00:45C'est vrai que j'en ai peut-être fait plus.
00:48Je me voulais irréprochable.
00:51Je mettais vraiment tout ce que j'avais dans chaque mission.
00:54Peut-être parce que j'étais une femme et que je voulais prouver
00:57que dans ce métier où il n'y avait pas énormément de femmes au départ,
01:00on faisait aussi mieux que les hommes, voire même mieux.
01:03Parfois, on a peur sur le terrain.
01:05C'est une évidence.
01:06Mais peut-être que j'ai toujours lutté contre cette peur,
01:09en tout cas pour ne pas la montrer.
01:10J'ai toujours gardé toute l'appréhension à l'intérieur.
01:14Je n'ai jamais montré parce que c'est montrer une faiblesse.
01:17Quand on revient à la rédaction d'un pays très compliqué
01:21où on a eu peur, on ne va pas mettre ça en avant
01:24pour ne pas être taxé de faiblesse,
01:27si les hommes à l'époque roulent des mécaniques
01:29en disant « j'ai peur de rien », les balles sifflaient partout.
01:33Quelque part, je vais enfouir cette peur et surtout pas la communiquer.
01:37Je pense que sur le terrain, être une femme, c'est vraiment un avantage,
01:42notamment pour avoir l'accès aux autres femmes.
01:45C'est simple, je vais vous donner un exemple, l'Afghanistan.
01:49Une femme va se confier à une femme journaliste
01:51alors qu'elle ne va pas du tout accepter
01:54d'être interviewée par un homme.
01:57Alors que moi, elle va enlever la burqa,
01:59elle va me faire venir chez elle,
02:00elle va être totalement libre, même face à une caméra.
02:03Il y a cette espèce de connivence entre femmes
02:06qui joue énormément sur le terrain.
02:08Et je pouvais avoir des inquiétudes en tant que journaliste
02:10de me dire « est-ce qu'un taliban va accepter de me parler ? »
02:13Finalement, oui, en Afghanistan,
02:15les talibans, hier et à 25 ans ou aujourd'hui encore,
02:18me parlent, alors à noter juste,
02:20ils ne me regardent pas dans les yeux,
02:21ils ne me serrent pas la main,
02:24ils répondent à mon interprète,
02:25je pose la question,
02:27l'interprète traduit et le taliban regarde.
02:30L'interprète ne sent jamais me jeter un coup d'œil.
02:32Donc, je n'ai jamais eu de problème
02:34parce que j'étais une femme sur un terrain.
02:36En tout cas, pas de problème pour faire mon travail.
02:39Après, il peut y avoir des moments désagréables,
02:41des pressions, des tentatives un petit peu d'agression,
02:46de s'arriver, mais ce qu'il y a de bien,
02:48c'est que dans une équipe télé, on n'est jamais seule,
02:50on est toujours avec un GRI,
02:52journaliste, reporteur d'images, un monteur,
02:55et il y a des endroits où je n'aurais pas aimé me retrouver toute seule,
02:58mais ça n'est pas arrivé et c'est un côté protecteur, l'équipe.

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