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Alors que l'Union européenne veut prolonger son augmentation des droits de douane sur les véhicules électriques chinois, Sébastien Jean, professeur d’économie au Conservatoire National des Arts et Métiers et responsable du programme Géoéconomie et géofinance de l'IFRI, est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-30-septembre-2024-4603940

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00:00Il est 6h21, l'Europe va-t-elle montrer les muscles ? Va-t-elle prolonger les droits de douane
00:04exceptionnels sur les voitures électriques chinoises ? Un vote très important a lieu
00:08cette semaine à Bruxelles car il vise à protéger l'industrie automobile européenne.
00:12Mais la Chine fait pression et les 27 sont divisés sur le sujet.
00:15Bonjour Sébastien Jean, vous êtes professeur d'économie au Conservatoire national des
00:19arts et métiers et responsable du programme Géoéconomie et Géofinance de l'IFRI,
00:24c'est l'Institut français des relations internationales.
00:27Cette surtaxe sur les véhicules chinois a été imposée au début de l'été, vous
00:30pensez qu'elle va être prolongée ? Pour l'instant, ça me paraît l'hypothèse
00:34la plus probable mais il y a encore de la place pour des négociations et donc vous
00:39l'avez dit, elle est sujet de cette prolongation à un vote important cette semaine.
00:43Et alors comment se positionnent les différents pays ? Comment se fait le découpage ? Est-ce
00:47que c'est en fonction ou non des pays qui ont une industrie automobile eux-mêmes et
00:51les autres ? C'est un sujet très important et comme
00:55habituellement en Europe, le gros défi, c'est un défi de coordination entre des
00:59Etats qui effectivement, des pays qui n'ont pas les mêmes intérêts et les mêmes positions.
01:03D'une part, j'allais dire un peu idéologiquement, par principe, les pays du Sud ont tendance
01:08à être plus volontiers protectionnistes, à plus volontiers mettre en oeuvre des mesures
01:11protections que les pays du Nord.
01:13Et puis d'autre part, en termes d'intérêts industriels et commerciaux, parce que cette
01:16concurrence sur les véhicules électriques, elle va toucher inégalement les pays européens
01:21d'une part.
01:22Et d'autre part, parce qu'il y a derrière une menace dans la négociation de représailles
01:26des Chinois.
01:27Et ça, cette menace, elle est, disons, vécue de manière inégale, hétérogène entre les
01:33pays européens.
01:34Par exemple, quels sont les produits qui peuvent être visés par les Chinois ?
01:36On l'a vu très vite, c'est-à-dire qu'assez peu de temps, donc en janvier dernier, peu
01:40de temps après que la commission ait initié cette enquête, les Chinois ont commencé une
01:45enquête anti-dumping sur les eaux de vie en production d'Europe.
01:48Qui c'est qui vend de l'eau de vie en Chine ? Les Français qui vendent du cognac.
01:51Donc, c'était très clair.
01:52Ensuite, cet été, enquête anti-dumping sur la viande porcine.
01:56Qui vend de la viande porcine ? Pour qui est-ce un enjeu économique et politique important
01:59? Pour l'Espagne, notamment, également pour les Pays-Bas, le Danemark, etc.
02:05Et puis derrière, il y a la menace de représailles sur le secteur automobile, et là c'est l'Allemagne
02:11qui est dans le viseur.
02:12Vous avez cité justement l'Espagne et la France qui ont deux positions différentes
02:15puisque la France est plutôt favorable à ce qu'on maintienne ses droits de douane
02:18exceptionnels.
02:19L'Espagne, non.
02:20Comment ça se fait ?
02:21Alors, l'Espagne était initialement plutôt favorable aux droits de douane exceptionnels
02:25et depuis récemment, notamment après la visite de Pedro Sánchez en Chine, elle a
02:29changé.
02:30J'étais pas dans la pièce des discussions, mais ce qui est clair, c'est qu'il y a une
02:35discussion politique qui est aussi un rapport de force.
02:38C'est qu'elle a plus à y perdre avec son cochon qu'avec ses voitures ?
02:41Ce qu'on peut présumer, il me semble, c'est que d'une part, il y a un coup politique
02:45aux mesures éventuelles sur le cochon, et puis d'autre part, on fait aussi miroiter
02:48des gains.
02:49C'est l'investissement dans des usines d'hydrogène en Espagne, d'un partenariat
02:54renforcé.
02:55Donc c'est un ensemble, si vous voulez, et c'est à l'image de cette relation commerciale.
02:58C'est-à-dire qu'il y a des menaces, il y a des pertes potentielles, il y a aussi des
03:01gains potentiels, et puis c'est un partenaire économique et politique important, évidemment.
03:05Donc on voit qu'en fait, c'est les intérêts individuels qui se confrontent à l'intérêt
03:08collectif européen ?
03:09Absolument.
03:10Et c'est ça qui est très difficile à coordonner.
03:11Et l'Europe a déjà vécu ça avec les panneaux solaires ?
03:15Ça, ça ne motive pas l'ensemble des 27 pour dire, pour faire bloc contre les voitures
03:19électriques chinoises ?
03:20J'allais dire ça.
03:21C'est le traumatisme familial dans cette histoire qui est vraiment est omniprésent
03:26dans ce dossier.
03:27Pourquoi ? Parce que les panneaux solaires, c'est une longue histoire, mais il y a une
03:30montée en flèche d'une industrie extrêmement subventionnée à la fin des années 2000
03:34et au début des années 2010 en Chine.
03:36Et puis en 2012, on ouvre une enquête et en 2013, on a passé un accord avec les Chinois
03:43sur ce dossier qui était très important.
03:44Le résultat, on peut le dire aujourd'hui, c'est qu'une certaine façon, on s'est raté
03:48dans le sens où notre industrie des panneaux solaires a été écrasée par la concurrence
03:51chinoise.
03:52Et cet accord, finalement, n'y a rien fait, on peut le dire aujourd'hui.
03:55Et donc, c'est un traumatisme dans le sens où la motivation, je crois, un peu de tout
03:59le monde, c'est de ne pas répéter cette erreur.
04:01Et ce serait pareil pour la voiture ? Les constructeurs européens ne pourraient pas
04:05résister à la déferlante ?
04:06Non, je pense que le dossier est beaucoup plus compliqué dans l'automobile parce que
04:11c'est une industrie plus complexe dans laquelle la position initiale européenne est beaucoup
04:14plus forte.
04:15Et c'est aussi beaucoup plus coûteux et difficile à renvoyer à l'autre bout du
04:18monde.
04:19Donc, on n'aura pas toutes nos voitures construites en Chine, c'est pas ça l'enjeu.
04:22L'enjeu, c'est d'éviter qu'on ait peut-être une proportion importante de nos voitures
04:27qui deviennent construites en Chine et puis d'être loin des leaders dans cette industrie
04:33absolument clé.
04:34Et d'ailleurs, vous avez dit voiture construite en Chine, ça concerne quoi ? Ce sont uniquement
04:38des marques chinoises ou ça peut être des constructeurs occidentaux qui font fabriquer
04:41en Chine ?
04:42Oui, ça a commencé d'abord par Tesla avec son usine au Shanghai qui était extrêmement
04:48performant.
04:49Et puis, par exemple, la Dacia Spring où une bonne partie des BMW électriques sont
04:55fabriquées en Chine.
04:56Donc, ça a été d'abord des marques américaines puis européennes et maintenant, de plus en
05:01plus, les marques chinoises en France, on voit les MG par exemple, les marques chinoises
05:07deviennent de plus en plus présentes parce qu'elles sont très concurrentielles et de
05:11bonne qualité.
05:12Et le marché européen représente vraiment un enjeu important pour la Chine ?
05:17Oui, il est petit par rapport à celui de la Chine, il faut en être conscient, mais
05:21c'est le plus grand dans le monde après celui de la Chine, d'une part.
05:25Et d'autre part, la perspective avec l'échéance de 2035 pour la sortie des moteurs à combustion
05:29interne, c'est que les voitures électriques soient l'ensemble du marché européen.
05:34Et c'est vraiment dans ce créneau que les Chinois sont les plus performants.
05:40On va suivre avec un grand intérêt ce vote des 27.
05:43Merci beaucoup Sébastien Jean, professeur d'économie au Conservatoire national des
05:46arts et métiers et responsable aussi du programme Géoéconomie et Géofinance de l'IFRI,
05:52l'Institut français des relations internationales.
05:54Bonne journée à vous !

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