• l’année dernière
Le procès d'assises, tourné à Saint-Omer, est d'une intensité émotionnelle particulièrement forte. D'abord parce que la victime est un bébé de moins de treize mois. Ensuite parce que l'accusée qui est dans le box n'est autre que sa mère. Elle conteste les faits qui lui sont reprochés. Enfin parce que, derrière la qualification criminelle retenue par la justice, « violences volontaires sur un mineur ayant entrainée une mutilation ou une infirmité permanente » se cache ce que l'on appelle « le syndrome du bébé secoué ».
Selon la Haute autorité de la Santé, on dénombre chaque année une centaine de nourrissons victimes de ce traumatisme crânien non accidentel. Et il revient à la justice de rechercher le ou les responsables de ce crime et de les juger. La peine encourue variant selon les conséquences pour le bébé, infirmité ou décès.
Dans le cas présent, les 9 jurés et les trois magistrats professionnels de la cour d'assises du Pas-de-Calais ont à se prononcer sur la culpabilité d'une mère, déjà condamnée en première instance à 8 ans d'emprisonnement. Va-t-elle parvenir à les convaincre de son innocence ?

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Transcription
00:00Monsieur, vous pouvez vous asseoir, s'il vous souhaitait ajouter quelque chose.
00:05Qu'est-ce que vous attendez de ce procès ?
00:07Bien, merci maître, monsieur l'avocat général.
00:10Madame, monsieur de la cour.
00:12Bienvenue dans Justice en France.
00:14Le procès que vous allez suivre dans un instant
00:17est d'une intensité émotionnelle exceptionnellement forte.
00:21D'abord parce que la victime est un bébé de moins de 13 mois.
00:25Ensuite, parce que l'accusé qui est dans le boxe n'est autre que sa mère.
00:29Elle conteste les faits qui lui sont reprochés.
00:32Enfin, parce que derrière la qualification criminelle retenue par la justice
00:36se cache le syndrome du bébé secoué.
00:39Selon la Haute Autorité de la Santé,
00:41on dénombre chaque année une centaine de nourrissons victimes
00:45de ce traumatisme crânien non accidentel.
00:48Et il revient à la justice de rechercher le ou les responsables de ce crime
00:53et de les juger.
00:55Dans le cas présent, les neuf jurés et les trois magistrats professionnels
00:58de la cour d'assises du Pas-de-Calais
01:00ont à se prononcer sur la culpabilité d'une mère
01:03déjà condamnée en première instance à huit ans d'emprisonnement.
01:08Va-t-elle parvenir à les convaincre de son innocence ?
01:11Réponse à la fin de l'émission
01:13où je vous retrouve avec nos deux invités
01:14pour décrypter ce procès de justice en France.
01:17...
01:25...
01:37L'audience est ouverte, veuillez vous asseoir.
01:39...
01:48Le 18 mai 2022, le premier président de la cour d'appel de Douai
01:53désignait notre cour d'assises du Pas-de-Calais
01:56afin de procéder au réexamen complet de l'affaire.
02:01Reconnu coupable en première instance
02:02pour avoir secoué violemment son bébé de 13 mois,
02:05ayant entraîné une infirmité permanente,
02:07l'accusée a été condamnée à huit ans de détention.
02:10Elle a fait appel.
02:12Ceci est son second procès.
02:14Pendant trois jours, cette mère est rejugée
02:17sur l'ensemble des faits qui lui sont reprochés
02:19et en cours, 20 ans de réclusion criminelle.
02:23Alors, ma première question, reconnaissez-vous les faits, madame ?
02:29Non.
02:30Non.
02:32Et alors, si ce n'est pas vous, c'est qui ?
02:36Comme je l'ai dit, c'est monsieur.
02:38Moi, je suis innocent, je n'ai jamais fait de mal à mes enfants.
02:42Moi, j'aime mes enfants.
02:47Vous avez la certitude qu'il s'agit de monsieur ?
02:50Il n'y a que lui qui l'a gardé ce jour-là
02:52pendant que j'étais absent à la fruiterie.
02:54C'est le seul qui était présent au domicile.
02:58Vous êtes parti combien de temps à la fruiterie ?
03:0040 minutes.
03:01En 40 minutes, une personne a pu sonner.
03:06Rentrez dans l'habitation.
03:08On est d'accord ?
03:09Oui.
03:10C'était la première fois que vous laissiez seul votre fille avec monsieur ?
03:14Oui.
03:15D'accord.
03:15Et quand vous revenez ?
03:17Pour moi, elle dort puisque je venais de la métro.
03:20Et quand vous quittez pour aller chercher des frites,
03:23elle dort aussi ?
03:24Oui, c'est ça.
03:25D'accord.
03:26Bien.
03:29L'homme que l'accusé désigne comme l'auteur des faits
03:31est son compagnon de l'époque.
03:33Il n'est pas le père de la petite fille.
03:35Ce dernier, qui n'a pas reconnu l'enfant,
03:38ne sera pas entendu à l'audience en tant que témoin.
03:49Madame, vous êtes la sœur aînée de l'accusé ?
03:52Oui.
03:53À ce titre, vous ne prêtez pas serment,
03:54mais ce n'est pas parce qu'on ne prête pas serment qu'on ne dit pas la vérité.
03:57Celle-ci est dans le box et risque 20 années de réclusion criminelle.
04:00Oui.
04:00Donc on vous écoute, Madame, parlez-nous de votre sœur,
04:02on vous posera des questions.
04:04Ça n'a jamais été le grand amour, mais je ne lui veux aucun mal.
04:08On a très très peu vécu ensemble à part notre enfance.
04:13Donc au niveau de l'affaire, je n'ai pas pu apporter des éléments,
04:17que ce soit positif ou négatif.
04:19Je ne suis pas là non plus pour la juger.
04:21D'abord, ce n'est pas mon job.
04:24Et je déplore simplement ce qui s'est passé vis-à-vis de ma nièce
04:32et de la situation actuelle.
04:43Vous avez terminé ?
04:44Oui.
04:47C'est court.
04:49Moi, j'aime bien savoir spontanément ce que les gens ont envie de dire sur les autres.
04:53C'est le code de procédure pénale.
04:56Parce que dès que je vais poser des questions,
04:58nécessairement, ça passe par mon prisme à moi.
05:01Donc voilà, ça peut être un peu dirigé.
05:05Donc spontanément, parlez-nous de votre sœur.
05:08On n'a jamais vraiment rien partagé ensemble,
05:11même depuis qu'on a nos enfants chacune de notre côté.
05:14On ne se côtoie pas, on ne se parle pas,
05:16on fait chacune notre vie de notre côté.
05:19Si vous deviez décrire le caractère de votre sœur, vous diriez quoi ?
05:25Impulsif, ce qui lui fait défaut.
05:29Parce que je pense que ça aurait pu être une belle personne,
05:31mais je pense que le caractère très fort qu'elle a,
05:34ça lui porte préjudice.
05:36Elle peut être super sympa, puis en 30 secondes être franchement désagréable.
05:41Oui.
05:41C'est ce que vous aviez dit.
05:42Pour moi, être sympa est changer du tout au tout
05:44sur une simple phrase qui ne lui plaît pas.
05:48Elle peut tout vous donner comme elle peut tout vous reprendre.
05:54Bon.
05:55Quoi d'autre à nous dire, madame ?
06:00Pas grand-chose, malheureusement.
06:04Votre mère va voir votre sœur en détention ?
06:06Je ne sais pas.
06:08Vous ne savez pas ?
06:08Non, c'est un sujet tabou.
06:11Vous allez donc rester au procès ?
06:13Oui.
06:14Je vais vous demander de rester aujourd'hui et demain.
06:16D'accord.
06:17Jusqu'au bout.
06:18D'accord.
06:19Allez, vous asseyez dans la salle.
06:20On va entendre monsieur ***.
06:29Donc, vous êtes ex-concubin.
06:31Donc, à ce titre, vous ne prêtez pas serment.
06:33Mais ce n'est pas parce qu'on ne prête pas serment
06:35qu'on ne dit pas la vérité.
06:36On vous écoute.
06:37Pierre, parlez-nous de ***.
06:39Parlez-nous de votre fille.
06:40Parlez-nous de son caractère.
06:42Et puis, on vous posera des questions.
06:46On a vécu ensemble pendant des années.
06:49On a eu deux enfants.
06:51Et après, on n'a jamais eu pris de logement ensemble
06:55parce que ça se passait pas très bien.
06:57On a jamais eu pris de logement ensemble
06:59parce que ça se passait jamais comme il fallait.
07:01Il y a toujours des tensions.
07:09Après, je sais pas si vous voulez savoir.
07:12Tu lui as marqué l'homme.
07:14Après, je ne sais plus dans quel sens
07:16que j'ai toujours raconté.
07:18Je ne saurais pas vous dire exactement
07:20ce qui est marqué sur le papier
07:22à part si je le relis.
07:26Vous voyez, monsieur,
07:28il est clair.
07:30Il est clair.
07:32Il est clair.
07:34Il est clair.
07:36Il est clair.
07:38Il est clair.
07:40Monsieur,
07:42il existe un principe en cours d'assises,
07:44c'est l'oralité des débats.
07:46Moi, j'ai lu votre déposition,
07:48madame l'advocate générale,
07:50la partie civile, la défense,
07:52mais les gens qui vont la juger,
07:54ils n'ont pas lu.
07:56Ils ont besoin d'entendre oralement
07:58ce que vous avez à nous dire.
08:00Comment elle était, la vie avec elle,
08:02comment vous l'avez rencontrée,
08:04ses défauts, ses qualités,
08:06de mère, d'épouse,
08:08de concubine.
08:10Vous êtes là pour ça, monsieur.
08:12J'ai tiré un trait là-dessus,
08:14je suis passé à autre chose.
08:16Je ne pensais pas revenir ici un jour
08:18pour expliquer ce qui s'est passé
08:20avec madame.
08:22Après, il y a des choses qui m'ont marqué,
08:24donc oui, il y a des choses que je me rappelle.
08:26Allez-y.
08:28Au niveau des emprunts,
08:30ce n'était pas le choix,
08:32ce n'était pas le top.
08:34Elle n'était pas à 100%
08:37à s'occuper d'eux.
08:39J'ai vu des choses
08:41qui plaisaient à mes enfants
08:43que je n'aurais pas accepté.
08:45Exemple ?
08:47Je devais partir comme ça,
08:49ça m'a marqué.
08:51J'étais rentré entre midi et 2.
08:53Je rentre chez moi, chez mes parents,
08:55je mange et après je m'en vais voir
08:57madame et ses enfants.
08:59Pour ne pas que je parte au boulot,
09:01parce que je devais partir au boulot,
09:03sinon j'étais en retard.
09:05Elle est arrivée avec la poussette
09:07et l'enfant.
09:09Le chou, il dormait.
09:11Elle a commencé à le secouer,
09:13à lui mettre des baffes pour le réveiller
09:15pour lui dire « Regarde, ton père il s'en vaut,
09:17il ne veut pas se couper tôt,
09:19il ne veut pas te voir. »
09:21La réalité, c'est qu'il dormait,
09:23on le laissait dormir et moi je partais au boulot,
09:25j'étais en retard, je ne pouvais pas me permettre
09:27de partir plus tard.
09:29Elle s'est mangée comme ça,
09:31parce qu'elle voulait que je reste.
09:33Un jour, c'était pareil,
09:35c'était un soir au boulot,
09:37en partant de chez mes parents,
09:39elle arrivait avec mon fils en poussette
09:41et quand elle m'a demandé des choses
09:43et je n'ai pas voulu pareil,
09:45de là elle a pris,
09:47elle s'est énervée.
09:49Moi je suis parti en voiture,
09:51elle est partie à pied avec la poussette
09:53et là au coin de la rue,
09:55moi je tournais à gauche, elle allait en face,
09:57elle a jeté la poussette contre un mur
09:59et là la poussette a s'est renversée,
10:01moi quand j'ai vu ça dans mon rétro,
10:03je me suis arrêté, je me suis garé
10:05et je suis allé voir s'il n'y avait pas de coup de seau sur l'enfant.
10:07Et de là,
10:09vu qu'elle était énervée,
10:11elle était prête à tout,
10:13je suis parti pour laisser
10:15s'énerver ou se calmer
10:17et de là, moi je suis parti de mon côté,
10:19j'ai fait ma soirée.
10:21Bon monsieur,
10:23je pose la question à tout le monde,
10:25même si personne n'est présent,
10:27ce fameux 6 mars,
10:30il est reproché
10:32d'avoir secoué...
10:36Qu'est-ce que vous en pensez ? Vous la pensez capable de cela ?
10:38Ou pas ?
10:40Franchement, oui.
10:42J'ai vu ce qu'elle faisait avec mes enfants,
10:44jusqu'à moi,
10:46oui.
10:48J'en mettrais pas le doute.
10:52Madame, quand il parle éventuellement
10:54que vous auriez projeté la poussette...
10:56C'est le contraire madame la juge !
10:58J'ai voulu récupérer la tutu
11:00qui était juste au-dessus du toit de sa voiture,
11:02il a refusé,
11:04et de là, il a couru vers moi,
11:06mais comme il y avait la poussette devant moi,
11:08il a poussé la poussette
11:10et le petit a basculé sur le côté
11:12et il a eu un hématome de 3 cm à la tête
11:14et monsieur a été en garde à vue
11:16à l'ancien commissaire de l'île.
11:18D'accord.
11:20Et l'autre épisode, par exemple,
11:22où vous auriez
11:24réveillé...
11:26Non, pas du tout.
11:28Au bout d'un moment,
11:30il faut arrêter de mentir.
11:32Il faut dire la vérité et puis c'est tout.
11:34Moi, je suis là pour dire la vérité,
11:36c'est pas pour mentir.
11:38Je vois pas l'intérêt de mentir en fait.
11:42Pas d'autres questions au témoin ?
11:44On peut libérer le témoin ?
11:46Eh bien, la cour vous remercie,
11:48monsieur, vous pouvez disposer,
11:50c'est comme vous le désirez.
11:52On va chercher le dernier témoin de la matinée
11:54qui est à l'avant.
12:00Vous êtes le fils aîné
12:02de l'accusé. A ce titre, vous ne prêtez pas sa main.
12:04Qu'est-ce que vous souhaitez nous dire, monsieur ?
12:08Ben...
12:12Moi, je pense pas que c'est ma mère qui ait fait ça.
12:16Moi, je n'ai jamais eu
12:18aucune violence.
12:20Je n'ai jamais vu ma mère
12:22faire de la violence contre un enfant,
12:24entre moi et mes petits-frères.
12:28Donc, je vois pas pourquoi
12:30elle aurait fait ça. C'est ma sœur.
12:38Vous allez voir votre maman
12:40en détention ? Oui.
12:42Et...
12:44c'est important pour vous d'aller voir votre mère ?
12:46Ben oui.
12:48Pourquoi ?
12:50Parce que c'est ma mère et...
12:52j'ai besoin de la voir.
12:56Et pourtant,
12:58c'est pas elle qui a eu votre garde.
13:02Vous savez un peu pourquoi ?
13:04Ben...
13:06si vous
13:08pouvez nous s'occuper de nous...
13:10C'était un petit peu compliqué.
13:12Oui.
13:14Et est-ce que vous voyez votre petite sœur ?
13:18C'est compliqué aussi.
13:20Je l'ai vue deux fois,
13:22depuis que j'ai eu l'autorisation d'aller la voir.
13:24Parce qu'avec mes études
13:26et tout ça, c'est un peu compliqué
13:28en ce moment.
13:30C'est vous qui avez souhaité la voir ?
13:32Oui. Pour quelle raison, monsieur ?
13:34Ben, parce que c'est ma sœur
13:36et j'ai besoin de prendre compte d'elle avec
13:38et de la revoir.
13:42Mais qui d'autre que vous va la voir
13:44de la famille ? Personne.
13:46Personne.
13:48Pas d'autres questions aux témoins ?
13:50L'audience est
13:52suspendue et reprend
13:54à 14h30 précise.
13:56L'audience est suspendue et reprend à 14h30.
14:00L'audience est reprise, veuillez vous asseoir.
14:02...
14:14Après l'épreuche de l'accusé,
14:16le policier en charge de l'enquête
14:18rencontre de ses investigations devant la cour.
14:20Il a été saisi le lendemain des faits
14:22par l'hôpital qui a pris en charge
14:24la petite fille de 13 mois.
14:26Les médecins soupçonnent
14:28un syndrome de bébé secoué.
14:30...
14:32Les parents ont été convoqués
14:34ainsi que monsieur
14:36qui était le compagnon
14:38convoqués pour y être
14:40placés en garde à vue.
14:42Monsieur a été entendu par mon chef
14:44de brigade à l'époque.
14:46Lui refute évidemment toute violence
14:48ou maltraitance,
14:50ni de sa part, ni de...
14:52La première audition a été
14:54faite par moi-même.
14:56Là, durant cette audition,
14:58elle me dit que monsieur n'a jamais
15:00gardé sa fille seule.
15:02Elle me dira qu'elle
15:04ne comprend pas comment sa fille
15:06s'est faite cela.
15:08Elle dit que la grand-mère se serait présentée
15:10ce jour-là, vers 11h30,
15:1212h15,
15:14et que c'est vers 16h30
15:16qu'elle s'est rendue compte que sa fille
15:18avait un regard vers le mur,
15:20un regard assez vide,
15:22et que c'est là où, effectivement,
15:24comme elle était amorphe, en la portant,
15:26on décidait d'appeler le 18.
15:28Et durant cette audition, pour la terminer,
15:30elle nous dira qu'elle n'a
15:32jamais vu qui que ce soit secouer
15:34sa fille.
15:36Ce qui est plutôt surprenant comme question,
15:38puisque nous-mêmes n'avions pas évoqué
15:40les secousses.
15:42De là, on demande à madame de rejoindre
15:44les cellules, et c'est durant
15:46ce parcours jusqu'au geôle
15:48où elle m'interroge un petit peu sur
15:50le devenir de la procédure, de qu'est-ce qui va se passer.
15:52Et là,
15:54au milieu de chemin, elle me dit
15:56qu'elle souhaite être réentendue immédiatement.
15:58Donc quand je lui demande pourquoi,
16:00elle me dit qu'elle a des choses à me dire.
16:02Donc je décide de ne pas laisser de temps,
16:04et je fais retour dans mon bureau,
16:06et j'engage
16:08une seconde audition de madame.
16:10Donc là,
16:12madame me reconnaît des secousses
16:14sur l'enfant.
16:16Elle me dit avoir pété un câble,
16:18pour utiliser ces termes,
16:20parce que la petite l'avait réveillée.
16:22Elle met hors de cause
16:24et sa mère. Elle dit également
16:26être enceinte de deux mois,
16:28et nous fait part qu'elle ne souhaite pas garder
16:30cet enfant.
16:32Elle dit qu'elle s'est énervée,
16:34parce qu'elle voulait juste dormir.
16:36C'est une garde à vue qui se passe comment ?
16:40Comment vous interrogez,
16:42selon vous ?
16:44Vous hurlez sur le garder à vue ?
16:46Je sais pas, je posais une question.
16:48Vous avez un beau teint ?
16:50C'est ce genre de truc
16:52auquel quelquefois on pense ?
16:54Ou alors c'est une audition
16:56qui, dans votre souvenir, se déroule...
16:58Je parle toujours de la même manière.
17:00Crier n'est pas forcément
17:02la solution.
17:04Le but, c'est d'obtenir un maximum de détails.
17:06Le but, c'est de recueillir
17:08des éléments.
17:10Donc non, il n'y a pas de cri.
17:12D'ailleurs, on peut passer la vidéo.
17:14Je n'ai aucune difficulté avec ça.
17:16C'est ce qu'on va faire, monsieur.
17:18Les trois auditions.
17:20Il n'y a aucune pression
17:22qui est mise,
17:24que ce soit dans mon intonation
17:26ou dans les propos que je peux avoir.
17:28La défense.
17:30Il est courant
17:32qu'on ait des auditions
17:34en matière de bébés secoués
17:36de 20 minutes.
17:38Mais là, il n'y a pas eu que 20 minutes.
17:40On est à plusieurs auditions.
17:42Il y a trois auditions, on a des détails.
17:44Il y a une description relativement claire.
17:46Parce que la première,
17:48elle conteste.
17:50On a une audition de 20 minutes.
17:52Et puis après, une audition
17:54qui ne concerne plus les faits.
17:56Une trentaine de minutes.
17:58Je demande juste, au niveau de temps,
18:00est-ce que c'est classique ?
18:02Il n'y a pas de raison d'aller plus loin
18:04que les faits qui sont
18:06soupçonnés.
18:08Là, en l'occurrence,
18:10on est sur des suspicions
18:12de bébés secoués. Il y a des gestes
18:14qu'on peut établir.
18:16Elle nous les relate,
18:18elle nous les décrit de manière
18:20tout à fait naturelle.
18:22Il n'y a pas eu de pression qui a été mise.
18:24D'ailleurs, encore une fois, je vous invite
18:26à passer la vidéo. Vous verrez
18:28qu'à aucun moment je lève le ton.
18:30Ce n'est pas du tout mon genre.
18:32Bien.
18:34Alors madame, vous savez que vous avez
18:36reconnu les faits en garde à vue ?
18:38Oui.
18:40Alors, en application des dispositions
18:42des indices, dans le cadre de mon pouvoir
18:44discrétionnaire et parce que c'est utile
18:46à la manifestation de la vérité,
18:48nous allons visionner l'ensemble
18:50de vos auditions de garde à vue.
18:56Alors,
18:58dans votre accompagnement aujourd'hui,
19:00vous m'avez demandé de reprendre votre audition de suite.
19:02Oui, parce que
19:04c'est moi qui a fait ça ma petite.
19:06Ok.
19:08Donc,
19:10c'est moi qui a fait ça.
19:12Vous ne pouvez pas reprendre votre audition de suite.
19:14C'est toi qui a fait ça.
19:16D'accord.
19:18Merci beaucoup.
19:20Merci, madame.
19:22Merci, madame.
19:24Bonne chance.
19:26Merci, madame.
19:28Merci, madame.
19:30Merci, madame.
19:32Merci, madame.
19:34Comme quoi ?
19:36Comme quoi ?
19:37En sérieux, je me souviens pas.
19:39Ici, là-bas toi ?
19:41Non, comme ça.
19:43En dessous des bras ?
19:44Ouais.
19:48Ça a duré combien de temps ?
19:50Deux secondes, quand je serrai, puis après je la laisse dans son lit.
19:54Comment elle a réagi ?
20:04Elle m'a fait des surprises en fait.
20:06Elle m'a regardé, j'ai pas l'air de dire « tu fais quoi ? »
20:11Elle s'est mis un peu là après.
20:13Donc là où j'ai été la rechercher, j'ai mis dans sa poussette.
20:17Avec la fatigue, le stress, la petite qui est tout le temps en train de râler, tout le temps en train de pleurer, j'ai pété un plomb qu'au mardi.
20:27La petite elle pleure assez souvent, ouais.
20:30Elle pleure assez souvent ?
20:32Est-ce que tu peux t'ajouter quelque chose là tout de suite ?
20:39C'est pour que je regrette mon geste.
20:42Alors madame, vous venez de vous revoir.
20:50On vous écoute.
20:52Je vous ai vue émue.
20:55Oui, parce que tout ce que j'ai dit lors de l'audition, c'est faux.
21:00Oui, parce que tout ce que j'ai dit lors de l'audition, c'est faux.
21:04C'est faux ?
21:05Et ça m'a ému dans le sens où j'ai dit de la merde, et à cause de ça, voilà.
21:12Vous avez dit quoi ?
21:14J'ai dit n'importe quoi en fait.
21:16Vous avez dit n'importe quoi.
21:19Vous avez pleuré n'importe comment.
21:22Vous avez dit n'importe quoi ?
21:26Vous avez pleuré n'importe comment ?
21:36Il n'y a aucune pression de la police, là ?
21:39Parce que c'est la vidéo.
21:41On ne voit même pas comment je l'ai secoué,
21:43comment elle est positionnée.
21:45Vous ne voyez rien du tout, en fait.
21:47En fait, tout ce que je dis,
21:49personne ne me croit.
21:52Est-ce qu'on peut croire, au moins, vos pleurs ?
21:56Comment ?
21:57Est-ce que vos pleurs, on peut les croire ?
22:01Ils sont simulés, vos pleurs ?
22:03Non, pas du tout.
22:05Alors pourquoi ?
22:08Je vous ai dit, par crainte, par peur.
22:10Par crainte de quoi ?
22:12Par la crainte qu'ils s'en prennent à mes enfants.
22:14Ils savaient très bien où mes enfants résidaient.
22:18En fait, pendant le trajet du commissariat,
22:21ils m'ont fait des menaces
22:23en disant que si je ne dis pas que c'est moi,
22:26ou si je dis que c'est lui,
22:28ils s'en prendraient à ma famille.
22:30Tout simplement.
22:31C'est-à-dire que ma famille, c'est mes deux enfants.
22:33Depuis le temps que vous le dites,
22:35c'est-à-dire depuis 2013,
22:38est-ce qu'ils s'en sont pris à votre famille ?
22:42Non, parce que j'ai déménagé déjà.
22:48L'audience est suspendue et reprend demain à 9h15 précise,
22:51mais 9h pour l'administration pénitentiaire.
23:08L'audience est reprise, veuillez vous asseoir.
23:12Bien, madame, pleuvez-vous, s'il vous plaît.
23:17Je suppose qu'en tant que maire,
23:19vous devez vous interroger,
23:21qui a fait ça ?
23:22Oui.
23:23Et alors, votre intime conviction, c'est qui ?
23:26Mon intime conviction,
23:27sachant qu'on n'était qu'à deux dans l'appartement,
23:29et que monsieur ne m'a jamais dit
23:30qu'il y avait quelqu'un
23:31qui était rentré dans l'appartement
23:32pendant mon absence,
23:34pour moi, c'est lui.
23:36Et alors, qu'est-ce qu'il aurait fait, selon vous ?
23:39D'après les médecins,
23:40c'est un bébé secoué, donc...
23:43Après, moi, j'étais pas là pour voir.
23:45D'accord.
23:46Il l'aurait secoué sur le cumulus ?
23:49Moi, j'ai vu une trace,
23:51qui n'a pas été exploitée.
23:52Mais madame, un bébé secoué,
23:54est-ce que c'est un bébé
23:55qu'on projette sur un cumulus ?
24:00Un bébé secoué,
24:01est-ce que c'est un bébé
24:02qu'on projette sur un cumulus ?
24:05Un bébé secoué, c'est,
24:07comme vous l'avez montré en garde à vue,
24:10on met les mains sous les aisselles...
24:13J'ai rien montré, puisqu'on a rien...
24:14Ah si, madame, vous avez montré,
24:16vous voulez que je vous le remontre ?
24:17On peut le remontrer,
24:18on ne voit rien du tout.
24:19On va vous le remontrer,
24:20on va vous le remontrer, madame.
24:21Sur vous, il y a eu ces gestes-là.
24:23Vous le contestez, madame ?
24:25Parce que le policier
24:26montre les gestes qu'il faut faire,
24:27donc forcément, je reproduis.
24:29Je vous demande de répondre
24:30à ma question, madame.
24:31Est-ce que vous avez vu
24:32avoir fait ce geste-là ?
24:33Qu'est-ce que vous faites ?
24:34Je vais le faire.
24:35Madame, avez-vous vu,
24:36sur la vidéo,
24:38avoir fait ce geste-là ?
24:40Oui, parce que le policier
24:41m'a montré les gestes.
24:42C'est ça, un bébé secoué, madame.
24:47Mais alors, prenons votre version.
24:49Et pourquoi il aurait fait ça ?
24:50Je ne sais pas.
24:52Moi, je pense que quand on est
24:53une mère de famille,
24:54on essaie de savoir
24:55ce qui a pu se passer.
24:58Ça fait 11 ans que je me pose
24:59la question de ce qui s'est passé.
25:00Vous croyez que je ne souffre pas ?
25:02J'en souffre.
25:03Je souffre de tout.
25:05Du fait qu'on m'a privé
25:06de mon enfant pendant 10 ans.
25:08J'avais le droit,
25:09par rapport à un juge des enfants,
25:11de voir ma fille,
25:12mais à cause du contrôle judiciaire,
25:13je n'ai jamais pu la voir.
25:14Je n'ai jamais pu lui écrire.
25:16Je n'ai jamais pu l'appeler.
25:17Je n'ai jamais rien pu faire.
25:18Vous avez le droit de correspondance.
25:19Il n'y avait pas de difficulté, madame.
25:21Si, je n'avais pas le droit.
25:24Alors,
25:26on va l'interroger.
25:28On va lui demander
25:29s'il a secoué.
25:32Parce que c'est ça.
25:33C'est soit lui,
25:34soit vous.
25:45C'est vous, monsieur,
25:46qui avez secoué sa petite fille ?
25:47En aucun cas, madame.
25:48Comment ?
25:49En aucun cas, madame, non.
25:50Pas du tout, non.
25:51Mais si, c'est vous.
25:53Je vous assure que non.
25:54En aucun cas.
25:55Mais c'est évident.
25:56Comment ?
25:57Je ne comprends pas pourquoi c'est évident.
25:58C'est-à-dire ?
25:59Elle le dit.
26:00Oui, elle le dit,
26:01mais ça, pour le dire,
26:02oui, elle dit beaucoup de choses.
26:03Mais,
26:04en aucun cas.
26:06Je ne suis pas quelqu'un de violent.
26:07Je n'ai secoué personne.
26:08J'ai entendu dire aussi
26:09que je l'avais menacé.
26:11Moi, je n'ai menacé personne.
26:13Non.
26:14Pas du tout, madame.
26:21C'est-à-dire ?
26:22Contre moi ?
26:26Oui.
26:29Oui, mais enfin...
26:31On est tous les deux.
26:33Pour moi, c'est...
26:34Et vous lui mettez la pression
26:35pour qu'elle avoue.
26:36Non, c'est...
26:37Mais si, monsieur.
26:38Mais non, madame.
26:39Mais c'est ce qu'elle nous dit.
26:40Oui, c'est ce qu'elle vous dit.
26:42C'est les histoires qu'elle essaie d'inventer
26:44pour ne pas assumer ses actes.
26:46Mais en aucun cas,
26:47j'ai mis la pression
26:48à quelqu'un comme...
26:49Jeanne.
26:50Madame la vocation.
26:52Oui, madame, le président.
26:55Bonjour, monsieur.
26:56Bonjour, madame.
26:57Ce n'est pas très agréable d'être ici.
26:58Non, pas du tout.
27:01Vous avez l'air très calme
27:03depuis le début de cette audience.
27:06C'est peut-être l'impression que vous avez, mais...
27:09Je suis forcément stressé par la situation.
27:11Intimidé, parce que...
27:13Ce n'est pas anodin de se retrouver ici.
27:15Non.
27:17En tout cas, moi, je remarque
27:20que vous ne vous énervez pas
27:21à toutes les questions
27:22que vous pose madame le président.
27:24De manière très agréable.
27:26Ce n'est pas une critique.
27:28Non, non.
27:29Alors, est-ce que vous vous contrôlez
27:31pour ne pas vous énerver ?
27:32Non, je ne suis pas de nature à...
27:36Je ne suis pas de nature à m'énerver.
27:37Après, moi,
27:38je sais que j'ai ma conscience pour moi.
27:40Je ne sais pas quoi dire,
27:41à part que moi,
27:42je n'ai rien fait de mal.
27:44Bon, madame, devez-vous...
27:49Qu'est-ce que vous avez comme question
27:50à lui poser ?
27:54Moi, je veux savoir
27:55ce qui s'est passé avec ma fille.
27:56Tout simplement,
27:57pendant que je n'étais pas là.
28:00Vous j'écoute ?
28:03Je vais lui retourner la question.
28:05Moi, avec sa fille,
28:07moi, vous me concernant,
28:08il ne s'est rien passé du tout.
28:09Donc, maintenant,
28:10ce serait...
28:13Ce serait bien de...
28:15En gros, d'assumer ses actes
28:17et d'arrêter de...
28:19d'essayer de ruiner ma vie
28:20concrètement.
28:21Parce que...
28:24J'ai l'impression que
28:25il n'y a pas vraiment de scrupules
28:26pour ruiner la vie de quelqu'un.
28:28Alors que, je suis désolé,
28:29moi, je vais encore me répéter,
28:31mais je ne suis pour rien
28:32dans cette histoire.
28:35Moi, je n'ai plus rien à dire.
28:41Moi, je pensais
28:42qu'en vous donnant la parole,
28:44ce que je fais rarement
28:45dans un échange comme ça,
28:47que vous alliez lui poser
28:48des questions sur votre fille.
28:50Parce que c'est votre fille, là.
28:52N'importe quelle question
28:53que je lui pose,
28:54il ne sait pas.
28:55Dont on parle.
28:57Moi, j'aimerais bien savoir
28:58ce qui s'est passé, oui,
28:59avec ma fille.
29:00Pourquoi elle se retrouve
29:01dans un état critique.
29:02Bien sûr.
29:03Moi, ça fait 11 ans que je souffre.
29:06Je souhaiterais que vous restiez
29:08au moins toute la matinée.
29:10Vous pourrez reprendre la route,
29:11je pense, en début d'après-midi.
29:13Très bien, merci.
29:14Docteur, si vous voulez bien approcher.
29:21Chez le nourrisson et le jeune enfant,
29:22jusqu'à l'âge de 2 ans,
29:23le principal mécanisme
29:25à l'origine de ces lésions traumatiques
29:27constitue en deux violentes secousses
29:29et qui s'inscrit dans un syndrome
29:31qu'on appelle communément
29:32le syndrome du bébé secoué.
29:34Aujourd'hui, on parle
29:35de traumatisme crânien non accidentel,
29:37au sens plus large.
29:38Et qu'est-ce qu'un syndrome du bébé secoué ?
29:41Le syndrome du bébé secoué
29:42survient lorsqu'un adulte
29:44maintenant fermement un bébé
29:46ou un jeune enfant
29:47jusqu'à l'âge de 2 ans,
29:49soit au niveau du tronc,
29:50sous les aisselles ou par les épaules,
29:52le secoue de manière très violente
29:54et ce secouement violent
29:56entraîne une bascule brutale
29:57de la tête sur le cou.
29:58Et cette bascule brutale
29:59de la tête sur le cou,
30:00elle impose au méninge,
30:03au vaisseau qu'il traverse,
30:04au cerveau, au globe oculaire,
30:06jusqu'à la moelle épinière cervicale,
30:09des mouvements rotatoires
30:10d'accélération et d'accélération
30:12qui expliquent l'ensemble
30:14des lésions diffuses.
30:16On sait aujourd'hui que
30:17chez l'enfant jusqu'à 2 ans,
30:19l'association de ces hématomes souduraux
30:22et de ces hémorragies rétiniennes
30:24ne se rend compte que dans
30:25deux types de situations.
30:27Le syndrome du bébé secoué
30:28et les accidents de la voie publique
30:29à grande vitesse.
30:30On sait que *** n'a pas été victime
30:32d'un accident de la voie publique
30:33à grande vitesse.
30:34On peut déjà déterminer
30:35à ce moment-là
30:36qu'elle a été victime
30:37de manière certaine
30:39d'un épisode de secouement intense.
30:42Je vais vous montrer sur un poupon
30:44pour imager un peu.
30:49Je le jette en l'air.
30:51Je le jette en l'air comme ça.
30:52Vous allez voir que la tête
30:53reste dans l'axe.
30:54Il ne se passe rien.
30:57De même s'il tombe.
31:00Par contre, si je le prends,
31:01que je le maintiens fermement
31:03par le thorax, par exemple,
31:05et que je lui impose un mouvement
31:06de secouement intense comme un prenier,
31:09on voit cette bascule brutale
31:11de la tête sur le cou
31:12et ça, ça va arracher les veines
31:14lors des mouvements de bascule.
31:16Elles sont étirées et elles s'arrachent.
31:19Je me pose la question.
31:21Est-ce que ce que vous avez pu examiner
31:25au niveau des pièces médico-légales,
31:28est-ce que vous auriez pu avoir la tête
31:32claquée contre un cumulus ?
31:35Non, c'est totalement incompatible,
31:37en tout cas, puisque je ne vais pas refaire
31:40toute ma démonstration.
31:41D'autres questions à l'expert ?
31:43Madame l'avocat générale ?
31:44Pas de questions.
31:45La partie civile ?
31:46Pas de questions.
31:47La défense ?
31:48Non, pas de questions à l'expert.
31:49On peut libérer l'expert ?
31:50Bon.
31:55Elle est arrivée ?
31:56Oui, ils sont là dans la salle des pas perdus.
32:12Alors, tu vas te mettre là.
32:14Voilà.
32:15Alors, en fait, moi, je voudrais savoir,
32:18ça, c'est qui, là ?
32:20C'est moi.
32:21C'est toi ?
32:22D'accord.
32:24Et là, c'est qui, là ?
32:26C'est moi.
32:27C'est toi aussi.
32:28C'était il y a longtemps ?
32:29Est-ce que tu sais le dire ?
32:31Oui, c'était il y a très longtemps.
32:33Il y a très longtemps ?
32:34Est-ce que tu sais me dire quel âge tu as ?
32:3612 ans.
32:3712 ans.
32:38Et est-ce que tu sais me donner ta date de naissance ?
32:40Non ?
32:42Et est-ce que tu sais me dire avec qui tu habites ?
32:51Non, c'est compliqué.
32:52Oui.
32:53Et est-ce que tu sais mettre les mains sur la barre, ici, comme moi ?
32:57Oui.
32:58Et l'autre ?
32:59Tu as du mal, un petit peu ?
33:00Alors, comment tu fais, par exemple, pour manger, alors ?
33:02De temps en temps, tu manges avec quelle main ?
33:04Droite.
33:05La main droite.
33:06Est-ce que tu es droite chaire ou gauche chaire ?
33:08Est-ce que tu ne sais pas ?
33:09Ça, tu ne sais pas ?
33:10Moi non plus, je ne sais plus.
33:12En fait, moi, je ne me sers que de celle-là.
33:14Et qu'est-ce que tu fais dans la journée ?
33:18Parfois, je joue avec mes copains.
33:21Oui.
33:26Et surtout, est-ce que tu fais un petit peu de sport ?
33:29Tu fais du vélo ou c'est compliqué, ça ?
33:32J'en ai déjà fait, du vélo.
33:34Du vélo avec deux roues ou plusieurs roues, encore ?
33:36Trois roues.
33:37Trois roues, oui, c'est plus facile.
33:39Oui, on tient mieux sur le vélo.
33:41Et est-ce que tu as un papa ou une maman ?
33:44Alors, j'ai une maman qui s'appelle ***.
33:46Oui. Tu l'as déjà vue ?
33:49Non.
33:50Non.
33:51Je ne l'ai vue quand qu'une photo.
33:53Qu'une photo.
33:54Et en fait, tu aimerais bien la voir, ta maman ?
33:58Oui.
33:59Oui ? Levez-vous, madame.
34:04Maman, elle est là.
34:05Maman, elle est là.
34:08Est-ce que de temps en temps, tu voudrais voir un peu maman plus souvent ?
34:13Oui.
34:14Regarde-moi.
34:15Regarde-moi.
34:16Asseyez-vous, madame.
34:19Est-ce que ce serait bien de la voir plus souvent ?
34:21Ou pas ?
34:23Bah non.
34:24Pourquoi tu ne veux pas la voir plus souvent ?
34:26Parce qu'elle m'a fait du mal.
34:28Comment tu sais que c'est elle qui t'a fait du mal ?
34:30Parce qu'elle m'a secouée quand j'étais bébé.
34:33Parce qu'elle m'a secouée quand j'étais bébé.
34:35Comment tu le sais, ça ?
34:37Pourquoi tu dis ça ?
34:39Peut-être que ce n'est pas la vérité ?
34:42Tu penses que c'est ça, toi ?
34:44Oui.
34:45Tu as des choses à nous dire, encore ?
34:47Non.
34:48Non ? Bon, alors, je vais pouvoir aller te raccompagner.
34:50Oui.
34:51Tu veux bien ?
34:52Allons, tu me reprends le bras ?
34:54Bien sûr, c'est vrai.
34:56Allez, on repart ?
34:57Oui.
34:58Allez, on y va.
34:59Tranquille.
35:03C'est bon, ça ?
35:04Oui.
35:13Vous avez vu ?
35:19Alors ?
35:29Qu'est-ce que vous souhaitez nous dire, madame ?
35:31Qu'elle me manque.
35:33Ça fait dur de la voir, là.
35:35Après tant d'années.
35:38Mais voilà, je reste sur mes positions.
35:40Je n'ai rien fait à ma fille.
35:42Mais j'aime mes enfants plus que tout.
35:46Je vais vous dire une dernière chose, madame.
35:48Moi, je ne vais pas aller beaucoup plus loin.
35:52Jamais vous l'avez secouée.
35:55Ce moment-là.
35:56Non, je n'ai jamais rien fait.
36:02Vous faites un amalgame entre, éventuellement, les faits qu'on vous reproche.
36:06Voyez ?
36:10Et le fait que vous êtes une mauvaise mère.
36:13Ça n'a rien à voir.
36:15Ça n'a rien à voir.
36:26La parole est donc à la partie civile pour la défense,
36:31oui, on peut dire la défense,
36:33des intérêts...
36:36Mesdames, messieurs les jurés,
36:38vous l'avez compris,
36:39je ne supporte pas...
36:42J'espérais,
36:43comme beaucoup, mais le président a essayé
36:45de recueillir les amis de madame ***
36:49pour reprendre l'expression
36:50« pas d'avoir moitié pardonné ».
36:53Mais même ça, on ne l'a pas eu, madame ***.
36:55Et moi, je pourrais tant l'aimer.
36:58Cette petite *** que je représente depuis 2012,
37:01je pourrais tant l'aimer.
37:05Maman,
37:07elle a fait ce geste.
37:09Certes, c'est un geste court,
37:12c'est d'extrême violence,
37:14mais elle a fait ce geste.
37:17Parce qu'elle a ***, on l'a dit tout à l'heure,
37:19que j'ai raccompagné jusqu'à son taxi
37:21qui l'attendait.
37:23Mais elle me dit,
37:24moi j'aimerais bien savoir
37:26pourquoi maman elle m'a fait ça.
37:30Et moi, j'aurais aimé
37:32dire à votre fille,
37:34lui apporter une réponse.
37:36J'aurais tant...
37:39J'aurais aimé pouvoir dire,
37:41« ça y est ***,
37:43maman a dit ce qu'il s'était passé. »
37:46Maman regrette ce qu'il s'est passé.
37:54Nous allons suspendre nos travaux
37:56qui reprendront demain à 9h précise
37:58avec les réquisitions de madame l'avocate générale,
38:00suivie de la plaidoirie de défense.
38:03L'audience est suspendue.
38:09L'audience est reprise, veuillez vous asseoir.
38:13La parole est donnée à madame l'avocat générale
38:15pour ses réquisitions.
38:17Madame la présidente,
38:19mesdames de la cour,
38:22mesdames et messieurs les jurés,
38:25vous êtes en mesure
38:27d'exprimer votre avis
38:29sur le sujet.
38:31Vous êtes en mesure
38:33d'exprimer votre avis
38:35sur le sujet.
38:37Vous êtes saisie
38:39du crime de violence ayant entraîné
38:41une infirmité permanente.
38:43L'existence de ces violences volontaires
38:46commises au préjudice ***
38:48est démontrée par les éléments médicaux.
38:51Le diagnostic
38:53du syndrome du bébé secoué,
38:55il est certain,
38:57s'agissant de ***,
38:59qu'il n'y a pas de place pour d'autres hypothèses.
39:03Première audition,
39:06elle va nier.
39:09Et puis,
39:11elle va formuler ses aveux
39:13de manière rapide et spontanée,
39:15compte tenu manifestement
39:17du sentiment de culpabilité qui l'habite.
39:21Elle exprime des regrets.
39:24Vous l'avez vu,
39:26cette femme qui
39:28est en pleurs,
39:30qui est dans une situation de détresse à ce moment-là.
39:33Et il faudrait maintenant croire
39:35qu'elle jouait la comédie.
39:39C'est digne des Oscars si c'est le cas.
39:44Avec un texte
39:46parfaitement maîtrisé,
39:48parfaitement coordonné
39:50avec *** sur l'emploi du temps
39:52et en tout point conforme
39:55à ce qu'est la réalité
39:57des passages à l'acte
39:59quand il est question d'un bébé secoué.
40:01C'est improbable.
40:03C'est improbable que ***
40:05puisse avouer
40:07faussement ses faits avec
40:09autant de détails.
40:11Et les versions alternatives
40:13qui sont suggérées
40:15par l'accusé ne peuvent
40:17aucunement créer un doute raisonnable
40:19qui pourrait vous conduire
40:21à la quitter.
40:23J'estime qu'il est démontré que ***
40:25est coupable de ses faits de violence
40:27ayant entraîné une infirmité permanente.
40:31Et que vous devez entrer en voie de condamnation
40:33à son égard. Alors que fait-on ?
40:35Que fait-on face à ces faits ?
40:37Face à cette femme ?
40:39Quelle peine prononcer ?
40:41Je vous demande de prononcer
40:43une peine de
40:458 années d'emprisonnement.
40:49De décerner mandat de dépôt
40:51à effet immédiat.
40:53De constater son inscription
40:55au fichier des auteurs
40:57d'infractions sexuelles et violentes.
40:59Et d'ordonner
41:01le retrait total
41:03de l'autorité parentale sur ***.
41:05Compte tenu du fait qu'elle s'est
41:07très peu investie
41:09dans le suivi de celle-ci.
41:11Qu'elle a été avertie
41:13du fait que seulement
41:15si elle faisait des démarches, elle pourrait revoir ***
41:17et qu'elle n'a rien fait. Et compte tenu du fait
41:19qu'il y a de facto
41:21une rupture de lien depuis
41:23très longtemps et qu'il est donc dans l'intérêt d'***
41:25que ce retrait d'autorité parentale
41:27soit prononcé.
41:29La parole
41:31est à la Défense. Maître
41:33Lenin, nous vous écoutons.
41:35Alors,
41:37comment expliquer ces faux aveux ?
41:39Ça, c'est une
41:41question qu'on se pose, évidemment.
41:43Pourquoi on fait des faux aveux ?
41:45Ça paraît tellement
41:47invraisemblable.
41:49Vous avez un tas de thèses
41:51d'étudiants dans les
41:53DU de criminologie.
41:55Tout le monde se penche sur la question des faux aveux.
41:57Il y a plein d'hypothèses.
41:59Pourquoi on ferait des faux aveux ?
42:01Parce qu'on a souvent
42:03des pressions psychologiques
42:05cachées,
42:07des fausses promesses.
42:09Si vous passez aux fausses aveux,
42:11on est dans un dossier correctionnel,
42:13vous n'encourez pas grand-chose. Vous savez,
42:15les faits, c'est pas bien
42:17grave. Secouer un enfant,
42:19c'est pas comme
42:21le violenter volontairement
42:23pendant des années,
42:25c'est pas la même chose.
42:27C'est deux secondes.
42:29Vous ne vouliez pas les conséquences.
42:31Ça n'a rien à voir. C'est un dossier
42:33correctionnel.
42:35Les aveux, c'est la clémence.
42:37Les aveux, c'est la liberté.
42:39La clé, c'est le contrôle judiciaire.
42:43Deuxième facteur,
42:45c'est la personnalité.
42:47La personnalité de celui qui passe
42:49les aveux. La fragilité
42:51de celui qui va
42:53faire ses faux aveux.
42:55Et madame, elle est fragile
42:57lorsqu'elle fait ses faux aveux ?
43:01Est-ce qu'on peut considérer qu'elle est fragile
43:03avec ce qu'on a entendu ?
43:05Enceinte ?
43:07Fatiguée ?
43:09Venant d'enterrer
43:11son père ?
43:13Dans un état
43:15de fragilité et d'isolement extrême ?
43:17Voilà l'état
43:19de madame lorsqu'elle fait
43:21ses faux aveux.
43:23Les larmes de madame
43:25renvoient à l'image de sa fille
43:27entre la vie et la mort. Vous avez une
43:29maman qui ne sait pas si sa fille
43:31va survivre. Vous avez une maman
43:33qui a vu son enfant partir.
43:35Vous avez des images qui ont marqué son esprit.
43:37Vous avez des questions sans réponse.
43:39Ça tourne en boucle.
43:41Quand on est maman, évidemment
43:43qu'on comprend les larmes de
43:45lors de son audition alors qu'elle ne
43:47sait pas comment va sa fille.
43:49Ces larmes sont celles-là.
43:51Les larmes d'une mère
43:53en souffrance absolue
43:55face à ce qui est en train
43:57de se produire et à ce
43:59que son enfant est en train
44:01de vivre. Cette
44:03enquête de police, elle était axée
44:05sur les aveux.
44:07C'est tellement plus confortable.
44:09Sauf que comme
44:11le but de l'enquête, c'était
44:13les aveux et l'obtentieux de ces aveux.
44:15Mais effectivement, quand l'aveu tombe,
44:17c'est le château de cartes
44:19qui s'écroule.
44:21Il n'y a rien d'autre.
44:23Il n'y a plus rien d'autre.
44:25Dans ce dossier,
44:27le doute,
44:31il est certain.
44:35Et à ce titre,
44:37il ne peut
44:39y avoir, a contrario,
44:41de certitude
44:43de culpabilité.
44:45Je vous mets
44:47au défi
44:49d'avoir la certitude de dire
44:51que celle-là, le jour des faits,
44:53a secroué
44:55son enfant.
44:57D'avoir la certitude
44:59que monsieur le jour des faits,
45:01il est innocent.
45:03Ou d'avoir la certitude
45:05que l'un est innocent
45:07et que l'autre est coupable.
45:09Cette certitude,
45:11elle n'existe pas.
45:13Le doute, oui.
45:15Le doute va vous obliger
45:17à acquitter,
45:19à acquitter
45:21madame
45:23au nom de la loi,
45:25par application
45:27de la loi.
45:29Parce que le doute,
45:31c'est la règle
45:33de droit.
45:35Et le doute profite
45:37de l'accuser.
45:39C'est la règle de droit.
45:41C'est avec confiance
45:43que je vous demande,
45:45aujourd'hui,
45:47à chacun d'entre vous,
45:49d'acquitter.
45:55La cour vous remercie,
45:57maître Lenin. Madame, s'il vous plaît,
45:59levez-vous.
46:01Avez-vous quelque chose
46:03à ajouter pour votre défense ?
46:05Non. Asseyez-vous.
46:07Je déclare les débats
46:09terminés. J'ordonne que le dossier de la procédure
46:11soit déposé entre
46:13les mains de madame le greffier.
46:15Mesdames et messieurs les jurés,
46:17nous allons nous rendre dans la salle des délibérations.
46:19L'audience est suspendue.
46:21Si vous voulez bien quitter la salle
46:23d'audience avec l'ensemble de vos affaires.
46:31L'audience est reprise.
46:33Veuillez vous asseoir.
46:41Bien, madame, voici les réponses
46:43faites aux questions posées et
46:45l'arrêt délibéré en commun.
46:47Aux questions concernant
46:49votre culpabilité,
46:51il a été répondu
46:53oui à la majorité
46:55de huit voix au moins.
46:57La cour et le jury apprécient
46:59d'avoir délibéré conformément
47:01à la disposition de l'article 362
47:03du code de procédure pénale
47:05vous condamnent à la majorité absolue
47:07à la peine de
47:09huit années d'emprisonnement.
47:11En clair, huit ans
47:13de prison. Ce que vous avez déjà accompli
47:15va venir se déduire.
47:17A la suite de cela, madame, vous aurez
47:19ce que l'on appelle un suivi socio-judiciaire.
47:21Il y a d'ores et déjà
47:23ce que l'on appelle une injonction de soins.
47:25La cour et les jurés vous invitent
47:27à respecter cette injonction de soins.
47:29Pourquoi ? Parce que si vous la respectez,
47:31outre les crédits de peine,
47:33si vous vous comportez correctement,
47:35seront accordés
47:37par le juge d'application des peines. Mais il pourrait y avoir
47:39ce que l'on appelle des crédits de peine supplémentaires.
47:41D'accord ?
47:43Enfin, en application des dispositions
47:45des articles 378 à 80
47:47du code civil,
47:49toujours la cour, seule sans l'assistance du jury,
47:51prononce le retrait
47:53total de l'autorité parentale
47:55de votre part,
47:57donc sur…
47:59L'audience pénale est levée,
48:01l'audience civile va débuter
48:03dans quelques instants.
48:09Le visionnage de l'audition à garde à vue
48:11de l'accusé, le témoignage
48:13à la barre du bébé devenu adolescente,
48:15la première rencontre entre l'enfant
48:17et sa mère dans le boxe, sont des instants
48:19d'audience marquants.
48:21Alors, pour les commentaires, avec moi, deux invités.
48:23Jean-Louis Peries, vous avez
48:25récemment quitté la magistrature
48:27après avoir présidé pendant
48:29dix mois le procès dit V13
48:31lié aux attentats de Paris en 2015.
48:33Vous avez été juge d'instruction
48:35précédemment. Hubert Delarue,
48:37avocat,
48:39ancien bâtonnier au
48:41barreau d'Amiens, vous êtes intervenu
48:43dans de nombreux dossiers,
48:45parlons entre autres de celui
48:47d'Outreau, l'un des plus emblématiques.
48:49Première question, j'évoquais
48:51à l'instant cette extrême tension,
48:53la dramaturgie qui règne
48:55à l'audience. Est-ce que c'est aussi
48:57du fait de la position de
48:59l'accusé que tout accable
49:01et qui est sur une position un peu
49:03difficile, on va dire ?
49:05Disons que d'emblée,
49:07la cour d'assises est consacrée
49:09à des affaires,
49:11aux affaires les plus graves.
49:13Et là, on a vraiment un cadre très particulier
49:15puisque la victime
49:17est un bébé, un enfant qui va grandir
49:19avec malheureusement des séquelles
49:21très dramatiques.
49:23Et ce qui rajoute déjà à cette
49:25dramaturgie, c'est que l'accusé
49:27est la propre mère de
49:29cet enfant. Donc déjà, on a tous
49:31les ingrédients pour
49:33rehausser cette dramaturgie.
49:35Alors c'est vrai qu'aussi,
49:37quand on voit le déroulé du procès,
49:39on s'aperçoit que
49:41la position de l'accusé
49:43est difficilement tenable
49:45et que du coup ça peut procurer
49:47un certain agacement, entre guillemets,
49:49et peut-être que tous ces
49:51éléments-là vont
49:53jouer pour qu'il y ait cette tension.
49:55– C'est ce que vous appelez, Hubert Delahue,
49:57souvent… – La cour d'assises,
49:59c'est la justice de l'émotion,
50:01c'est la justice de la
50:03tension. Alors c'est compliqué
50:05cette affaire parce qu'au fond,
50:07c'est ce que nous appelons, nous,
50:09la religion de l'aveu. En réalité,
50:11cette femme va contester
50:13dans un premier temps et puis
50:15pendant 13 ans, elle va expliquer
50:17que ça n'est pas elle, qu'elle n'a rien fait,
50:19que c'est peut-être son concubin,
50:21que c'est peut-être une tierce personne,
50:23qu'elle était partie faire des courses.
50:25En même temps, on a des aveux
50:27et on a des aveux qui sont extrêmement
50:29troublants, qui sont précis
50:31et qui évidemment
50:33interpellent, interrogent.
50:35Voilà, donc c'est une affaire
50:37difficile, vous l'avez rappelé,
50:39parce qu'on est vraiment sur l'humain,
50:41on est sur l'émotion, on est sur
50:43l'enfance maltraitée et
50:45tout cela fait un procès
50:47évidemment compliqué, difficile.
50:49Vous avez-vous eu à gérer,
50:51je ne sais pas si c'était comme juge d'instruction ou président des assises,
50:53des dossiers de bébés secoués ?
50:55En tant que président des assises, oui,
50:57effectivement, j'ai eu quelques
50:59cas, avec malheureusement
51:01à chaque fois
51:03une issue fatale, c'est-à-dire
51:05le décès du bébé qui avait été
51:07violemment secoué à l'âge
51:09de 6 mois, 8 mois.
51:11Moi, je trouve qu'en l'espèce, quand on voit
51:13ces aveux, quand on voit
51:15le visionnage de cette garde à vue,
51:17et la présidente le fait remarquer
51:19d'ailleurs, il y a quand même beaucoup d'émotions
51:21aussi de la part de la
51:23personne qui est un garde à vue, qui va reconnaître
51:25effectivement, spontanément je dirais.
51:27Mais elle décrit la scène.
51:29Elle décrit la scène, elle n'est pas du tout
51:31poussée dans ses retranchements
51:33par l'enquêteur,
51:35qui la laisse effectivement parler,
51:37il va s'en expliquer, mais on voit bien à travers,
51:39c'est rare de voir quand même
51:41une telle spontanéité dans ses aveux,
51:43tels qu'ils sont retranscrits
51:45dans cette vidéo, donc oui,
51:47c'est une position assez intenable.
51:49– C'est difficile pour la… – Moi, je suis un peu plus prudent
51:51que le président, je suis un peu plus prudent
51:53parce qu'on a obtenu que
51:55les gardes à vue soient filmées.
51:57– Oui ? – Oui, c'était important,
51:59on s'est battus pour l'obtenir,
52:01on a fini par l'obtenir.
52:03Mais on ne sait pas toujours ce qui se passe
52:05entre le moment où la garde à vue
52:07ou l'interrogatoire se termine.
52:09On raccompagne à la cellule,
52:11et puis sur le chemin,
52:13alors qu'on raccompagne la personne,
52:15soudain, elle décide,
52:17finalement, non,
52:19je veux être réentendue,
52:21je change d'avis,
52:23j'ai des choses à rajouter,
52:25c'est peut-être vrai,
52:27et c'est sûr que comme avocat,
52:29moi j'ai été interpellé, bien sûr,
52:31par le visionnage des aveux.
52:33– Il y a ses larmes,
52:35ses larmes spontanées.
52:37– Mais qu'est-ce qui a pu lui être dit,
52:39en ce sens pour qu'elle prenne conscience,
52:41alors peut-être, de ce qu'elle avait commis,
52:43des faits qu'elle avait commis,
52:45de la gravité de ces faits-là,
52:47qu'est-ce qui s'est noué entre elle et l'enquêteur,
52:49mais c'est vrai qu'on est toujours nous.
52:51– Le policier, il en parle quand il est à la barre, il explique.
52:53– Il est évident que ce policier ne l'a pas maltraitée,
52:55c'est évident, ça ressort du dossier,
52:57c'est absolument indiscutable,
52:59pour autant l'aveu, la religion de l'aveu,
53:01c'est toujours un petit peu,
53:03pour nous, un petit peu compliqué.
53:05– Un mot sur la présidente,
53:07elle est debout à un moment,
53:09elle va chercher l'enfant,
53:11elle discute avec elle à la barre,
53:15elle reste au milieu du prétoire
53:17et, j'allais dire,
53:19elle fait la leçon, au minimum, à l'accusé.
53:21– Pourquoi elle fait cette démarche,
53:23moi je me suis interrogé,
53:25encore une fois j'étais surpris.
53:27– Elle la met face à ses contradictions.
53:29– Non mais il n'y a pas que ça,
53:31elle va d'abord chercher la victime,
53:33c'est une démarche pleine d'humanité,
53:35parce que, comparée devant une cour d'assises,
53:37ça on le sait tous, c'est quand même très impressionnant,
53:39vous avez tous ces magistrats en robe,
53:41rouge, noir, il y a les jurés,
53:43il y a beaucoup de monde, il y a le boxe,
53:45le fameux boxe avec des policiers
53:47ou des gendarmes à l'intérieur,
53:49une dame qui est gardée dans ce boxe,
53:51c'est très impressionnant pour tout un chacun,
53:53même pour les policiers et les experts
53:55qui viennent témoigner à la barre,
53:57et là je crois qu'elle a voulu
53:59effectivement prendre soin de cet enfant
54:01qui vient en plus,
54:03qui a un déficit malheureusement
54:05physique et psychologique,
54:07et psychologique je voulais dire,
54:09donc je crois qu'elle prend soin
54:11de cet enfant pour l'amener justement
54:13à ne pas être trop traumatisé
54:15par cette comparation.
54:17Mais par contre,
54:19il y a peut-être un risque aussi
54:21de se retrouver
54:23ainsi au milieu du prétoire
54:25à côté de la partie civile,
54:27– C'est le boulot,
54:29pardon M. le Président,
54:31c'est le travail de la partie civile.
54:33– Certainement,
54:35mais elle prend le risque qu'on remette en cause
54:37son apparence de neutralité peut-être,
54:39simplement son apparence.
54:41– L'apparence de l'impartialité.
54:43– De la neutralité et de l'impartialité.
54:45Mais je pense que ça part d'une bonne intention,
54:47– D'un bon sentiment peut-être.
54:49– Est-ce que le but de la présidente
54:51à un moment c'est pas,
54:53compte tenu des contradictions dont on vient de parler,
54:55– De la faire avouer.
54:57– Et donc par conséquent d'en tenir compte
54:59au moment du délibéré avec les jurés.
55:01– Certainement, puisqu'elle reste toute seule,
55:03après que la victime soit partie,
55:05elle reste toute seule au milieu du prétoire,
55:07la présidente,
55:09et elle interpelle une dernière fois l'accusé
55:11pour lui dire bon c'est le moment.
55:13Et je crois qu'effectivement
55:15le but c'est d'avoir
55:17un peu d'humanité de cet accusé
55:19qui n'en fait pas beaucoup preuve
55:21pendant le procès,
55:23et qui peut l'amener à reconnaître
55:25les faits, ce qui dans notre système
55:27à la vocation judéo-chrétienne,
55:29à fondement judéo-chrétienne,
55:31– C'est l'aveu, c'est l'aveu.
55:33– Oui, mais à partir du moment où on reconnaît une faute,
55:35on va être un moitié pardonné,
55:37mais surtout,
55:39c'est pas que ça, c'est pas que des conceptions
55:41strictement religieuses ou de civilisation,
55:43c'est que ça veut dire aussi qu'on a pris conscience de sa faute,
55:45et que le risque de récidive,
55:47le risque de récidive est écarté,
55:49plus que dans le cas
55:51où on conteste l'évidence.
55:53– Mais est-ce que c'est pas le rôle non plus aussi
55:55de l'avocat d'amener quand même
55:57son client ou sa cliente
55:59sur le chemin de la vérité,
56:01pour qu'elle en bénéficie ?
56:03– Quelle est la vérité ? Vous parlez d'une vérité judiciaire.
56:05Le client, d'abord, l'avocat n'a pas
56:07à trahir son client.
56:09Cette femme, depuis 13 ans,
56:1112-13 ans, après avoir
56:13nié, reconnu en garde à vue
56:15une déposition,
56:17et ensuite, sur laquelle elle revient,
56:19elle va rester constante pendant 13 ans.
56:21Bon, voilà.
56:23Après, il y a évidemment le film,
56:25il y a l'audition,
56:27et je l'ai dit tout à l'heure, je n'y reviens pas,
56:29fondamentalement, ça m'interpelle,
56:31ça interpelle l'avocat, ça interpelle l'homme,
56:33évidemment, de dire
56:35que c'est vraisemblable, c'est possible
56:37qu'à ce moment-là, cette femme dise la vérité.
56:39– Un mot sur la parole de l'expert légiste,
56:41il est déterminant,
56:43et la scène avec le poupon,
56:45évidemment liée
56:47aux images de la garde à vue.
56:49– Oui.
56:51Une forme de théâtralité aussi,
56:53dans la présentation qui peut être faite
56:55de manière un peu différente.
56:57Il est vrai que de la manière dont c'est fait,
56:59il est évident que ça dénote une forme
57:01de brutalité absolument terrible
57:03d'un adulte sur un enfant,
57:05et que la justice pénale, la justice criminelle
57:07étant celle de l'émotion
57:09par rapport aux jurés populaires…
57:11– Mais maintenant, n'oublions quand même pas
57:13qu'on s'adresse aussi à des jurés populaires,
57:15et donc il faut qu'ils comprennent aussi,
57:17à quoi ça correspond ?
57:19– Mais là, on assiste à une évolution
57:21dans la déposition de l'expert,
57:23depuis quelques années,
57:25qui ne va pas simplement se contenter
57:27d'un rapport oral,
57:29même si l'oralité des débats,
57:31c'est le grand principe,
57:33mais qui va effectivement soit
57:35montrer des vidéos,
57:37soit montrer des PowerPoints,
57:39soit effectivement ajouter des gestes
57:41à sa déposition,
57:43et je trouve que c'est très intéressant,
57:45sachant que ce geste de secousse
57:47est clairement entre guillemets interdit,
57:49il y a des avertissements
57:51dans toutes les maternités,
57:53dans tous les hôpitaux
57:55où il y a des accouchements,
57:57où on montre effectivement aux parents
57:59que ça, il ne faut pas le faire,
58:01et il y a systématiquement,
58:03je pense que maintenant
58:05dans tous les établissements hospitaliers
58:07qui accueillent des naissances,
58:09des accouchements,
58:11on a cet avertissement,
58:13attention, ne jamais secouer un bébé.
58:15– Merci à tous les deux
58:17de nous avoir aidés à mieux comprendre
58:19cette audience évidemment très tendue,
58:21mais très forte aussi.
58:23Merci aux magistrats, avocats,
58:25greffiers et personnels de justice
58:27de la Cour d'assises de Saint-Omer
58:29de nous avoir permis de réaliser cette immersion.
58:31Merci aussi à vous de nous avoir suivis
58:33et à très bientôt pour un nouveau numéro
58:35de Justice en France.

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