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00:00Pour inviter Simon Kolbock, une question très délicate, comment prendre en charge les auteurs de violences sexuelles ?
00:05Eh bien, des professionnels de toute la France sont rassemblés aujourd'hui et demain à Perpignan,
00:09ça se passe au Palais des Congrès.
00:11Bonjour Anne-Hélène Moncani, merci d'être avec nous, vous êtes psychiatre,
00:15vous êtes la présidente de la Fédération française des CRIAVS.
00:18Alors CRIAVS, c'est un nom barbare qui veut dire
00:20Centre de ressources et d'informations pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles.
00:26Il y a 25 centres de ce type comme ça en France, il y en a un chez nous dans les Pyrénées-Orientales.
00:30Et pendant deux jours, l'ensemble des CRIAVS, ces professionnels, se retrouvent à Perpignan.
00:35Très concrètement, c'est quoi d'abord l'émission des CRIAVS ?
00:38Je vous remercie de me poser la question,
00:40puisque effectivement c'est un acronyme un peu compliqué à retenir,
00:43et pourtant c'est des missions qui sont essentielles et qui restent trop peu connues en tout cas à notre sens.
00:49Ce sont des centres de ressources régionaux, donc il y en a un par ancienne région,
00:53on est rattaché aux hôpitaux, avec des missions auprès de toutes les personnes
00:57qui vont être confrontées à des situations de violences sexuelles.
01:00Alors particulièrement celles qui travaillent auprès des auteurs de violences sexuelles,
01:03mais d'une manière plus large, dès lors qu'on est confronté à une problématique
01:07autour d'une sexualité compliquée ou d'une suspicion de violences sexuelles.
01:10Avec une mission de formation pour tous les intervenants,
01:13que ce soit du côté de la santé, de la justice, de l'éducation nationale, du milieu sportif.
01:19Une mission de recherche, c'est-à-dire qu'on mène des travaux de recherche nationaux,
01:23notamment là on a un grand projet de production de recommandations scientifiques
01:27sur la prise en charge des mineurs auteurs de violences sexuelles.
01:30Une mission de soutien aux professionnels de terrain,
01:33c'est-à-dire que toute personne qui se pose une question
01:36avec un risque de violences sexuelles sur des mineurs peut nous interpeller.
01:39Alors justement, on va prendre des exemples très concrets.
01:42On est dans un club sportif par exemple,
01:45et il y a un dirigeant qui a un doute sur un bénévole.
01:48Il a un doute. Est-ce qu'il peut vous contacter
01:51parce qu'il suspecte des gestes déplacés, des violences sexuelles ?
01:55Alors absolument, et en fait ça arrive très régulièrement,
01:59dans le milieu sportif mais pas que bien évidemment.
02:01Bien sûr, tout le milieu associatif.
02:03Oui, et même dans le milieu professionnel.
02:05Je crois qu'on commence à comprendre aujourd'hui que la question des violences sexuelles
02:08ça touche tous les milieux, tous les domaines.
02:10Et en fait c'est toujours une problématique qui sidère un peu.
02:13On ne sait pas quoi faire. On ne sait pas quoi faire avec ça.
02:15Est-ce qu'il faut appeler la police, la gendarmerie, la justice ?
02:18Comment on accompagne ?
02:20A quel moment on considère qu'il y a des violences sexuelles ?
02:22Donc nous on sert vraiment à ça, c'est-à-dire à accueillir les personnes
02:25et à réfléchir, à évaluer la situation avec elles.
02:29Et ensuite elle est guidée sur ce qui nous semble être la meilleure façon de faire
02:33pour éviter bien évidemment la commission de violences sexuelles.
02:36Vous pouvez aussi intervenir auprès de possibles agresseurs
02:39pour éviter les passages à l'acte. Alors comment vous faites ?
02:43Alors effectivement, la quatrième grande mission des CRIAF
02:46c'est le soutien à la prévention des violences sexuelles.
02:48C'est-à-dire qu'au bout d'un moment, au début on intervenait essentiellement
02:51auprès de professionnels qui prenaient en charge des personnes
02:54qui avaient déjà commis des violences sexuelles.
02:56Et à un moment donné on s'est dit que ce serait peut-être encore mieux
02:59si on arrivait à intervenir en amont.
03:01En amont, il y a plusieurs niveaux de prévention.
03:03La prévention primaire, c'est ce qu'on fait pour tout le monde.
03:06On travaille sur la question du consentement, du désir, etc.
03:10Et puis, il y a ce qu'on appelle la prévention secondaire.
03:12On va agir auprès de personnes plus à risque de commettre des violences sexuelles.
03:16Et c'est le cas notamment des personnes attirées sexuellement par les enfants.
03:19Nous en médecine, on appelle ça le trouble pédophilique.
03:21Et comment vous les repérez ? Comment est-ce que vous arrivez à les reconnaître ?
03:24Alors non, il n'y a pas de radar.
03:26Bien sûr.
03:27Mais en revanche, on a mis en place un numéro national d'appel pour ces personnes-là.
03:32C'est-à-dire que les personnes qui repèrent qu'elles ont cette attirance sexuelle
03:34et qui cherchent de l'aide.
03:36Et en fait, il y en a beaucoup, on le sait.
03:39Parce qu'en Allemagne, en Angleterre, ce sont des dispositifs qui existent depuis des années,
03:43plus de 15 ans en Allemagne.
03:45Et aussi parce qu'on a des patients qui nous disent qu'ils avaient repéré
03:48qu'ils avaient cette attirance sexuelle problématique
03:50et qu'ils n'avaient pas réussi à trouver l'aide avant de passer à l'acte.
03:53Alors ça, c'est très intéressant.
03:55Combien de personnes vous appellent chaque année en disant
03:59« je ne veux pas passer à l'acte, je sens que j'ai des pulsions, des attirances,
04:03je ne veux pas passer à l'acte ».
04:05Combien d'appels par an ?
04:06Le numéro a été mis en place en 2019 sur 5 régions au départ.
04:10L'Occitanie où c'est parti d'ailleurs, 5 régions pilotes.
04:13Puis on l'a nationalisé en 2021.
04:16Et depuis 2021, on a eu environ 5000 appels.
04:18Donc 5000 appels en 3 ans ?
04:21Oui, c'est ça.
04:23Ce qui est considérable.
04:25Et ce dont on se rend compte, parce qu'on essaie d'analyser les appels,
04:28d'où ils proviennent,
04:30c'est qu'en fait, c'est très dépendant de la communication autour de ce numéro,
04:33comme n'importe quel numéro de prévention d'ailleurs.
04:35Donc d'en parler ce matin, c'est un numéro.
04:37Vous pouvez le donner, ce numéro ?
04:38C'est le 0806 23 10 63, c'est le dispositif STOP,
04:42Service téléphonique d'orientation et de prévention.
04:44Et en fait, ce numéro ne fonctionne que s'il est connu des personnes ciblées.
04:49Qui vous appelle ? Des hommes ? Des femmes ? Des jeunes ? Des vieux ?
04:52Alors majoritairement des hommes.
04:54Bon, ça c'est un chiffre qu'on retrouve dans toutes les études sur la question de troupes pédophiliques.
04:58Même si, en fait, on a surtout des chiffres sur les personnes qui ont commis des violences sexuelles.
05:02C'est vrai que le troupe pédophilique, c'est-à-dire les personnes qui ne sont pas passées à l'acte,
05:05on a moins de données, c'est une population qu'on ne connaît pas bien.
05:07Donc ça fait partie aussi des objectifs du numéro.
05:09Mais ce sont majoritairement des hommes, de tous âges,
05:12mais beaucoup de jeunes, qui viennent chercher de l'aide.
05:16Et en fait, vraiment la cible, c'est la personne qui va nous demander des soins,
05:21va nous demander une aide, et nous on va faire l'évaluation clinique
05:23et l'orienter vers les soins les plus appropriés.
05:25Est-ce que vous avez aussi un rôle envers les forces de l'ordre ?
05:30Est-ce qu'à un moment donné, vous pouvez saisir la justice
05:32par rapport aux témoignages que vous pouvez recevoir sur ce numéro ?
05:34Ou est-ce que c'est un anonymat complet ?
05:37Non, ce n'est pas un anonymat complet.
05:39Et ça, on le précise aussi, c'est un numéro qui est confidentiel.
05:42Parce qu'en France, c'est des questions de législation un peu compliquées,
05:44mais il n'y a pas d'anonymat complet.
05:47Et puis, on a un cadre de travail qu'on expose aux patients
05:50dès le début de l'appel, en réalité,
05:53à savoir qu'on est soumis au secret médical.
05:55Le secret médical, ce n'est pas ne jamais rien dire.
05:59Le secret médical, c'est tout ce qui est dit
06:01est protégé par le secret médical,
06:03mais dès lors qu'on considère qu'il y a un mineur en danger,
06:06on doit le signaler.
06:08Évidemment, pour protéger la victime potentielle,
06:10mais aussi parce que ça va permettre
06:12que la personne ne passe pas à l'acte avec toutes les conséquences que ça peut avoir.
06:15Ce numéro de téléphone, on peut le rappeler 0806 23 10 63.
06:20Les violences sexuelles, évidemment, on en parle énormément
06:23depuis plusieurs années.
06:25L'affaire des viols de Mazan dans le Vaucluse,
06:28en ce moment, l'affaire de Dominique Pellicot.
06:32Concrètement, vous vous ressentez aussi une hausse très importante ?
06:35Oui, alors, une hausse très importante, non pas des violences sexuelles,
06:39parce que ça, on sait que le phénomène est majeur depuis très longtemps.
06:42Enfin, nous, on sait.
06:44Ce qui manquait, peut-être, c'était de le rendre visible pour la société
06:47et de rendre visible l'importance que ça peut avoir,
06:49les conséquences dramatiques que ça peut avoir.
06:51Et ça, c'est clairement en train de se produire depuis quelques années.
06:55Ce procès y contribue, en montrant aussi qu'on se décale de la figure
06:59du monstre prédateur qu'on repère de loin.
07:01Ben non, en fait, ce sont des profils parfois...
07:05Il y a quelque chose parfois très banal
07:07parmi les personnes qui vont commettre des viols.
07:09Et donc, nous, c'est très important pour nous de pouvoir le rendre public
07:12parce que ça va nous permettre d'intervenir efficacement.
07:14Mais le corollaire de ça, c'est qu'on est de plus en plus sollicités
07:18et que c'est absolument nécessaire de libérer la parole.
07:22Mais derrière, il faut évidemment mettre en place les moyens pour prendre en charge...
07:27C'est-à-dire que les budgets ne suivent pas ?
07:29Ben, nous, on considère qu'aujourd'hui, il faudrait les augmenter, bien sûr,
07:33puisque la problématique a émergé.
07:35Nous, on a de plus en plus d'appels, de sollicitations
07:38et les moyens n'ont pas évolué depuis plus de 15 ans, maintenant, l'ouverture des criasses.
07:42Merci beaucoup, Anne-Hélène Moncany.
07:44Je rappelle que vous êtes psychiatre et aussi la présidente de la Fédération française
07:47des CRIAVS, les centres de ressources et d'informations
07:50pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles,
07:53les Journées Nationales des CRIAVS.
07:55C'est aujourd'hui, c'est demain, à Perpignan, au Palais des Congrès.
07:57Merci d'être venue dans le studio de France Bleu.
07:59Bonne journée à vous.
08:00Merci beaucoup.
08:01Et vous pouvez réécouter notre invité dans les prochaines minutes
08:04sur le site de France Bleu Russie.
08:05On a l'application ici, par France Bleu et France 3.
08:07On écoute Harry Styles et juste après, on va au marché.