• il y a 3 mois
La "voracité" de certains groupes de crèches privées combinée à l'"inaction" des pouvoirs publics a eu des impacts "dramatiques" sur le secteur et sur les enfants, souligne le journaliste d'investigation Victor Castanet dont le livre "Les Ogres" (Flammarion) sort mercredi.

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Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin un journaliste d'investigation indépendant.
00:04Son précédent livre « Les Faussoyeurs » avait révélé les graves dysfonctionnements
00:10des EHPAD hors PA.
00:11Il publie demain chez Flammarion « Les Ogres », une nouvelle enquête sidérante sur les
00:17crèches privées.
00:18Intervenez au 01 45 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:25Victor Castaner, bonjour.
00:26Bonjour et merci pour votre invitation.
00:29Soyez le bienvenu sur Inter, après le best-seller « Tremblement de terre, les Faussoyeurs »,
00:35vous vous attaquez donc, dans « Les Ogres », à un autre business qui concerne bien
00:40des familles, bien des parents, les crèches privées et notamment l'un des leaders du
00:44secteur, le groupe « People and Baby ».
00:47On va venir aux révélations explosives de ce livre, qui se lit comme un thriller où
00:53l'on est plongé dans un système prédateur où la rentabilité prime sur le soin.
00:58Mais d'abord, expliquez-nous ce qui vous a poussé à vous intéresser à ce sujet,
01:03à enquêter sur ce milieu des crèches privées.
01:06Vous dites dans l'introduction que le sujet s'est imposé à vous, c'est-à-dire ?
01:11C'est vrai, le sujet s'est imposé à moi, d'abord parce que, si je dois avoir
01:16un fil rouge dans mon travail d'enquête, c'est celui de la vulnérabilité.
01:19Et ce secteur de la petite enfance, comme le secteur de la dépendance, traite de la
01:25manière dont notre société gère les plus vulnérables, les plus fragiles.
01:28Donc c'est un sujet qui me tenait à cœur.
01:31Et en fait, dans la foulée de la publication des Fossoyeurs, très rapidement, à partir
01:37de février 2022, donc quelques semaines après la publication des Fossoyeurs, j'ai
01:41commencé à recevoir des dizaines, puis des centaines, puis des milliers de mails et de
01:45courriers pour me proposer de travailler sur d'autres enquêtes.
01:50La petite enfance était un de ces sujets, et j'ai reçu des centaines de mails de famille
01:55et de salariés m'alertant de graves dysfonctionnements dans le secteur de la petite enfance, et faisant
02:00déjà le parallèle avec ce qui avait pu se passer chez Orpea, c'est-à-dire des logiques
02:06d'optimisation des coûts sur les produits de première nécessité, notamment les couches
02:10ou les repas, l'obsession du taux d'occupation, et globalement, une dégradation des conditions
02:17de travail des professionnels et de la qualité d'accueil.
02:20Après ce mail, après ces mails, mais il y a eu un premier mail qui vous a vraiment
02:25placé sur cette route-là, vous avez enquêté pendant plus de deux ans, vous avez interrogé
02:30200 témoins, et vous publiez dans ce livre des preuves accablantes, vous écrivez « La
02:35problématique des crèches m'a saisi de manière aussi brutale que celle des EHPAD
02:38parce qu'elle raconte, une fois encore, la manière dont notre société traite les
02:42plus vulnérables ». Qu'est-ce qui vous a le plus frappé, le plus heurté ?
02:46Et le plus mis à l'épreuve dans cette enquête ?
02:49Alors c'est évidemment les maltraitances qu'ont subies certains enfants de familles
02:56que j'ai pu suivre pendant plusieurs années, notamment des enfants qui étaient dans une
03:00crèche située à Villeneuve-Dasque, près de Lille, dans laquelle vous avez neuf enfants
03:05qui sont concernés par des faits de maltraitance, ça a duré plus d'un an, et vous avez des
03:11punitions avec des enfants qui sont, pendant plusieurs, pendant de longs moments, parfois
03:16pendant des heures, punis dans le noir, sans tétines, sans doudou.
03:19C'est des humiliations aussi, quand les enfants ne sont pas propres, il y a certains
03:24professionnels qui vont les punir, les humilier devant les autres enfants, ce qui laisse des
03:28traumatismes.
03:29Et puis c'est aussi des faits de privation de nourriture et de coups, de griffures qui
03:36se retrouvent sur le corps de certains enfants.
03:38Parlez-nous de Zohra et de son fils Sofiane dans cette crèche de Villeneuve-Dasque.
03:43Je précise que vous avez changé les prénoms.
03:45Oui, pour certaines, pour Zohra, et puis il y a beaucoup de familles qui témoignent
03:49en leur nom, et effectivement Zohra qui est médecin, elle a vu l'état de son fils se
03:56dégrader au fil des mois, sans pouvoir faire le lien direct avec ce qui se passait dans
04:01la crèche au départ, parce que c'est très difficile.
04:03Au départ c'est un enfant qui fait des cauchemars, puis qui ne veut plus manger, la courbe de
04:07poids qui se casse, c'est aussi ce que je vais retrouver dans d'autres cas, il pleure
04:11quand il va à la crèche, mais bon, ça arrive à plein d'enfants, et puis progressivement
04:17elle voit que ça ne va pas du tout, les cauchemars sont de plus en plus récurrents, les crises
04:21sont de plus en plus fortes, et puis elle va commencer à découvrir un moment des traces
04:24de coups, d'empoignement au cou et des traces de griffures, et donc elle va faire constater
04:29par médecin, et il y a un constat qui montre que c'est des traces de mains d'adultes, et
04:35donc là elle va lancer l'alerte, et décider de porter plainte, ce qui va réveiller un
04:41certain nombre de familles qui avaient des doutes, mais qui ne pouvaient pas elles-mêmes
04:45faire le lien avec la situation dans cette crèche, et à ce moment-là, elles vont avoir
04:49le soutien d'un certain nombre de personnels de cette crèche, qui vont collaborer ces faits,
04:53et décider de témoigner ce qui est assez rare.
04:56Et dans cette même crèche, Victor Castaner, racontez-nous l'histoire de Johanna, qui,
05:01une des employées de la crèche, va dire « retirez tout de suite vos enfants d'ici ».
05:05Oui, alors c'est une crèche qui appartenait à une association, un groupe à 2-3 soleils,
05:11qui a été repris par People and Baby, et progressivement, après cette reprise, la
05:16situation s'est dégradée, et donc les anciens membres du personnel se sont plaints des pratiques
05:23des nouveaux membres, et notamment de la nouvelle directrice et d'une infirmière, et quand
05:29ils ont voulu émettre des alertes auprès du siège de People and Baby, ils se sont
05:33fait sanctionner par la direction, il y a d'ailleurs des personnes qui se sont fait
05:37licenciées, et donc cette personne, avant de se faire licencier, elle va prévenir
05:40les familles en disant « sortez vos enfants de la crèche, nous on n'est plus en capacité
05:45de pouvoir les protéger, il y a trop de dysfonctionnements ». Et donc, ce que ça raconte, moi j'essaye
05:50jamais de raconter des faits isolés, ce qui m'intéresse c'est comment le siège réagit
05:54face à ça, et c'est comment les pratiques du siège maximisent ce genre de situation.
06:00Et là, dans cette situation, ça a duré plus d'un an, il n'y a pas eu de remontée
06:04d'informations, quand il y a eu des alertes, elles n'ont pas été prises en compte, et
06:07plus grave, les salariés qui alertent, ils sont sanctionnés, et les familles, on porte
06:11plainte, il y a plusieurs familles, People and Baby a porté plainte en diffamation contre
06:15elles.
06:16Oui, dont Kenza. Au cœur de vos révélations, un peu sur le modèle des fossoyeurs où vous
06:21visiez un système, mais où vous pointiez un groupe en particulier, qui était hors
06:26PA pour les EHPAD, là, c'est People and Baby que vous pointez clairement du doigt.
06:31Au début de votre enquête, ce drame se produit à Lyon, on en avait parlé, cette fillette
06:37qui meurt empoisonnée dans une crèche de ce groupe, empoisonnée parce qu'on lui donne
06:41des produits… Racontez-nous… Oui, c'est une petite fille, en juin 2022, qui va être
06:48empoisonnée avec du déboucheur, du desktop, par une des professionnelles.
06:53Parce qu'elle ne supportait plus ses pleurs.
06:55Exactement.
06:56Donc c'est un drame tragique qui a secoué le secteur et évidemment, il y a là un homicide
07:02et donc la responsabilité de cette professionnelle.
07:04Moi, dans mon enquête, j'essaye de montrer comment certaines pratiques du groupe ont
07:08maximisé les risques.
07:09Et donc, j'ai découvert notamment que cette femme avait été embauchée quelques mois
07:13plus tôt par un autre groupe, en l'occurrence, Babylou, et qu'elle avait été licenciée
07:17au bout de cinq jours, parce que tous les jours, il avait été constaté des dysfonctionnements.
07:22Elle arrive en retard le premier jour, le deuxième jour, elle laisse un enfant sur
07:26une table à longer, seule.
07:27Très rapidement, on se rend compte qu'elle ne sait pas s'occuper des enfants, qu'elle
07:31ne sait pas faire les transmissions.
07:32Et donc, Babylou fait ce travail-là de la sortir rapidement.
07:35Chez People & Baby, ça raconte quoi ? Un très grave dysfonctionnement des fonctions
07:40RH qui sont essentielles, où il n'y a aucune remontée d'informations, où on va embaucher
07:45des gens qui ne sont parfois pas faits pour ce métier.
07:47Et plus grave, chez Babylou, par exemple, une personne novice, on ne la laisse jamais
07:52seule avec des enfants.
07:53Jamais.
07:54Il faut qu'elle soit accompagnée d'une personne qui a au moins deux ans d'expérience.
07:58Évidemment, ça minimise les risques.
08:00Et chez People & Baby, on a laissé une personne novice ouvrir cette crèche et être seule
08:07avec un enfant.
08:08Mais vous écrivez, Victor Castanet, que ce ne serait pas suffisant de croire que People
08:12& Baby est un mouton noir et que les autres crèches privées sont de douze agneaux.
08:16En gros, c'est tout un système que vous dénoncez, basé sur le profit et l'optimisation
08:21des coûts.
08:22Oui, alors, je raconte les dérives de ce groupe People & Baby qui a trait à l'optimisation
08:29des coûts, sur notamment les couches.
08:32Je raconte comment, à partir de 2015, quand le groupe est en pleine expansion, il y a
08:36des consignes de la Direction Générale.
08:38On va notamment dire aux directrices « Petit Pipi, vous ne changez pas, vous attendez
08:42une heure de plus ». Ce qui est le début de la maltraitance.
08:46On va commencer à optimiser la gestion des couches.
08:48Sur les repas, c'est la même chose, c'est-à-dire qu'il y a des appels d'offres qui sont
08:52passés, dans lesquels vous avez des demandes qui sont non réglementaires.
08:56Il y a des appels d'offres où on demande 12% de grammage en moins par rapport aux recommandations
09:01nutritionnelles.
09:02Et donc, il y a certains fournisseurs, comme Elior, qui refusent de répondre à ces appels
09:05d'offres de People & Baby tellement ils sont problématiques.
09:08Donc, il y a toutes ces questions.
09:10Et puis, la question de la gestion du personnel, où on demande aux directrices de dépasser
09:15la capacité réglementaire des crèches, c'est-à-dire qu'il y a un, deux, trois
09:17enfants en plus.
09:18Mais je raconte la responsabilité des autres groupes du secteur, notamment dans cette dynamique
09:24de « low cost » que je raconte dans le Détail, qui a entraîné une dégradation
09:28continue de la qualité d'accueil des enfants.
09:30Oui, parce que c'est la manière dont vous répondez à la question « comment peut-on
09:34en arriver là ? ». Victor Castaner, pour vous, c'est le résultat d'un système
09:38à la dérive, l'exemple le plus caricatural des ravages que peuvent provoquer la privatisation
09:44et la financiarisation à outrance d'un secteur, en l'occurrence celui de la petite
09:48enfance.
09:49Peu importe notre positionnement politique, nous comprenons tous intimement les dangers
09:54qu'il y aurait à ce qu'un établissement gérant des tout-petits soit dépendant des
09:58évolutions du cours de la bourse et de la gourmandise des actionnaires.
10:02Donc, pour vous, un groupe privé ne peut pas gérer de manière saine une crèche ou
10:09une maison de retraite ? Ou en tout cas, un groupe coté ne peut pas le faire ?
10:13Moi, ce que je raconte dans ce livre, c'est les dérives d'un groupe en particulier,
10:17de manière très détaillée, avec notamment des témoignages et des documents provenant
10:21des salariés du siège.
10:23Et je raconte les dérives de certains acteurs, notamment la Maison Bleue et les Petits Chaperons
10:27Rouges, qui sont deux leaders du secteur, sur cette question du low-cost.
10:31Mais je ne dis pas que dans l'ensemble du privé, il y a des dysfonctionnements et
10:38que dans le public, tout va bien.
10:39Parce qu'il y a des questions qui dépassent très largement la problématique du privé.
10:44C'est le cas du low-cost.
10:46Et le cas du low-cost, il implique la responsabilité des mairies, des collectivités et des ministères.
10:53Parce qu'en gros, pour faire très court, il y a une vingtaine d'années, on a ouvert
10:58le marché des crèches municipales à des opérateurs externes et notamment à des opérateurs
11:02privés.
11:03On a fait des délégations de services publics, on lance un appel d'offres et puis il y a
11:05plusieurs personnes qui répondent.
11:07Ce qui s'est passé, c'est que le marché s'est ouvert et en gestion directe, pour
11:10faire très court, une crèche, un berceau, ça coûte à peu près 12 000 euros par an.
11:15Il y a des premiers opérateurs comme Babylou qui sont arrivés avec des offres à 8 000
11:19euros.
11:20Donc c'était avantageux pour les mairies qui faisaient une économie et puis les groupes
11:23avaient l'impression de pouvoir bien faire leur travail.
11:25Et puis là, il y a d'autres opérateurs qui sont arrivés, People and Baby, La Maison
11:28Bleue, Les Petits Chaperons Rouges et qui ont cassé les prix pour conquérir de nouvelles
11:33parts de marché.
11:34Et là, ils ont dit « vous savez quoi, on peut faire la même chose, non pas à 8 000
11:39euros, non pas à 6, non pas à 5, on va vous le faire à 4 000 ou à 3 500 ». Et en l'espace
11:46de 10-15 ans, le prix des berceaux en France, en gestion, en délégation de services publics
11:53ont été divisés par trois.
11:54Et donc il y a un certain nombre de maires qui dépensent trois fois moins d'argent
11:58qu'il y a dix ans et qui après s'étonnent ou mettent la responsabilité sur les groupes
12:03privés.
12:04Si les pouvoirs publics mettent trois fois moins d'argent, évidemment qu'est-ce qui
12:07se passe ? Et moi j'ai pu le prouver dans le livre, il y a une baisse continue de la
12:11masse salariale.
12:12C'est-à-dire que c'est très clair dans le livre, vous montrez et vous pointez du
12:15doigt les mairies et les collectivités locales qui jouent le rôle de ce système low cost
12:20comme ce que vous venez d'expliquer et ça touche même la crèche de Matignon.
12:25Alors ça c'est assez hallucinant, vous donnez l'exemple précis de la crèche de Matignon
12:32où le perso est à 3000 euros.
12:34Donc là vraiment on casse les prix du casse les prix.
12:37Ah oui, c'est-à-dire qu'ils ont joué la politique du low cost à fond.
12:40Si vous voulez il y a ce sujet du low cost, il est connu dans le secteur et il y a beaucoup
12:43d'opérateurs qui s'en plaignent mais ça ne sort jamais parce que ni les mairies ni
12:47les opérateurs ne veulent transmettre les documents.
12:49Là j'ai pu avoir pour la première fois les documents, les appels d'offres, les notifications
12:55de rejet, tous ces documents, qu'est-ce que je vois ? A nos gens sur Marne ou à Aix-en-Provence,
13:00vous avez un opérateur comme Babilou qui est à 6000-7000 euros.
13:03Il y a un appel d'offres, il y a, on va donner le cas de nos gens sur Marne, les petits chapeaux
13:08en rouge qui remportent le marché et donc deux fois moins cher, à 3000 euros.
13:12Et bien la masse salariale baisse automatiquement, il y a un ou deux postes en moins.
13:16C'est pareil pour la crèche de Matignon.
13:18La crèche de Matignon c'est très récent, ils ont fait leur renouvellement d'appel
13:21d'offres en 2023.
13:22Deux opérateurs, pareil, Babilou, les petits chapeaux en rouge.
13:26Babilou propose 10% de masse salariale en plus.
13:29Il y a un ETP, un poste et demi en plus.
13:32Et bien Matignon choisit évidemment l'offre la moins chère, sans se rendre compte qu'elle
13:39participe à la dégradation continue depuis 10 ans de l'accueil des petits-enfants.
13:44Vous citez tout le temps, vous épargnez Babilou et on vous entend ce matin dans le
13:49livre, au micro, épargnez la crèche Babilou qui est le leader européen du secteur, qui
13:55était pourtant pointé du doigt dans une autre enquête parue il y a quelques mois,
13:58sur le prix du berceau de Daphné Gastaldi et Mathieu Perris, épinglée pour accueillir
14:03aussi les bébés en surnombre.
14:05Certaines crèches, autres crèches que vous pointez dans ce livre, disent mais pourquoi
14:09ils épargnent Babilou ainsi ?
14:10Alors moi j'ai pu avoir accès à des documents confidentiels, très difficiles à obtenir.
14:15C'est les audits KPMG de ces groupes.
14:17Il y a en gros la banque Rothschild qui possède ces documents, le vendeur, en fait c'est
14:24des audits qui sont réalisés au moment des sessions, quand vous vendez des parts etc.
14:27ça fait 300 pages et vous avez tout le décryptage sur 300 pages, tout le squelette d'une boîte,
14:33son nombre de salariés, ses effectifs, sa stratégie commerciale, il y a tout.
14:37J'ai pu les avoir pour les 4 leaders du secteur, la Maison Bleue, People and Baby, Babilou
14:43et les petits chapeaux en rouge.
14:44Et là j'ai pu voir quoi ? Qu'il y a une différence gigantesque entre ces différents
14:48opérateurs, notamment sur la masse salariale.
14:50Vous avez un groupe comme la Maison Bleue, il a investi 9500 euros de masse salariale
14:56par berceau.
14:57Babilou c'est 11500, vous avez 20% de différence, c'est-à-dire qu'à une époque, en 2022-2023,
15:05il manquait de plus de 10 millions d'euros de masse salariale à la Maison Bleue, c'est-à-dire
15:101 poste par crèche, 400 postes.
15:12Il y a une différence entre ces groupes sur l'investissement sur la masse salariale,
15:18sur les ressources eux-mêmes, ça j'ai pu le constater.
15:20Et en regardant ces audits, qu'est-ce que j'ai vu ? C'est qu'il y avait une différence
15:23de stratégie de développement avec Babilou qui est allé voir ceux qui voulaient payer,
15:28c'est-à-dire les entreprises, c'est-à-dire L'Oréal, Vinci, Bouygues, qui sont prêts
15:34à payer 13-15 000 euros par berceau parce qu'ils veulent que leurs salariés soient
15:38rassurés quand ils déposent leurs enfants dans les crèches.
15:40Et en revanche, tous les autres qui ont fait une autre stratégie, c'est la stratégie
15:44des mairies, là ils ont plongé dans le low-cost.
15:47Donc moi je donne de bons points et de mauvais points à personne, il y a des stratégies
15:50de développement, il y a des stratégies de développement qui sont très différentes
15:54et surtout il y a des investissements sur la masse salariale qui n'ont rien à voir,
15:57et donc il ne faut pas voir le bloc privé de manière homogène, il faut pouvoir voir
16:02ses lignes de fracture pour comprendre justement les dysfonctionnements.
16:05On va aller au Standard Inter, c'est une avalanche de questions ce matin.
16:10Evelyne, bonjour.
16:11Bonjour.
16:12On vous écoute.
16:13Oui, alors moi je voulais signaler le cas de mon petit-fils qui a maintenant 5 ans,
16:17mais je suis toujours horrifiée de ce qui lui est arrivé.
16:19Il a été dans une crèche à Ilat, dans la commune de Gironde, j'habite en Gironde,
16:25les Petites Gribouilles, et donc il est un groupe géré par Eponyme, et il a été mordu
16:30plus de 11 fois, ma belle-fille a fini par porter plainte en gendarmerie et il n'y a
16:34pas eu de suite favorable, la directrice lui a promis mon vrai merveille en lui disant
16:39qu'ils allaient régler le problème, mais moi j'ai souvent eu, enfin je garde souvent
16:44le petit et je le garde toujours d'ailleurs, et j'ai souvent eu à aller le chercher,
16:48et vraiment j'ai vu en face de moi un personnel complètement incompétent.
16:52Pas qualifié, peu qualifié, alors voilà, est-ce que le salaire fait que effectivement
16:57ce que j'entendais par votre interlocuteur fait qu'on en est là, mais vraiment je suis
17:05toujours, il a 5 ans maintenant, et je suis toujours traumatisée de ce qu'on a pu le
17:10laisser vivre.
17:11Oui, merci Evelyne pour ce témoignage, la parole maintenant à Angelo, bonjour.
17:17Bonjour, je vous écoute et ce que dit le monsieur par rapport au mot optimisation ça
17:24rentre en résonance avec beaucoup de secteurs, là c'est des enfants, ça nous touche et
17:29vraiment bravo de mettre la lumière là-dessus, c'est quoi les contrôles qui permettent
17:35que cette optimisation ait une limite, parce que l'optimisation, sauf si je m'abuse,
17:42c'est légal, c'est comme l'optimisation fiscale, quel moyen on se donne pour arriver
17:49à mettre les gens en sécurité, c'est rapporté au monde du travail, on dit que
17:53les gens au travail doivent être en sécurité, mais on supprime des inspecteurs du travail,
17:57quel contrôle, quelle cohérence, quel choix budgétaire ?
18:01On va donner la parole à Victor Castaner, merci Angelo pour votre question sur à la
18:06fois le témoignage d'Evelyne et ce que vient de dire Angelo.
18:09Sur cette question des contrôles, il y a plusieurs problématiques, il y a notamment
18:14la problématique du contrôle des CAF, des caisses d'allocations féminales, qui vont
18:17contrôler notamment qu'il y a bien assez de personnel, que la capacité réglementaire
18:22est la bonne et que les déclarations de présence des bébés soient exactes.
18:28Ce que j'ai pu découvrir, notamment grâce au témoignage d'un ancien directeur de
18:34la CAF du Nord, c'est qu'ils se sont rendus compte, il y a déjà plusieurs années,
18:39qu'un certain nombre de groupes, et notamment People & Baby, captaient de manière irrégulière
18:44de l'argent public.
18:45Comme j'ai pu le voir chez Orpéa, il y a des groupes qui font des fausses déclarations
18:50d'heures de présence de bébés pour toucher plus d'argent public.
18:52Oui, ça c'est édifiant, ce que vous racontez dans l'enquête sur People & Baby et sur
18:56la manière d'optimiser l'argent public… On demande à des directrices de faire de
19:02fausses déclarations en rajoutant des après-midi ou des journées entières où les bébés
19:06n'étaient pas là, pour toucher plus d'argent public.
19:10Il y a ce patron de la CAF du Nord qui a découvert ça, il a averti la CNAF et il ne s'est
19:15rien passé.
19:16Il faut lire le livre pour voir ce que vous décrivez dans le système, et l'ancien
19:20dirigeant de People & Baby, le fondateur Christophe Durieux, vous parlez de lui, vous décrivez
19:25le personnage que c'est, vous racontez comment il peut optimiser, comment il fait des affaires
19:29financières et immobilières, tout ça, on n'a pas le temps d'en parler ce matin,
19:32mais tout ça est dans le livre, est assez édifiant.
19:34Et vous soulignez aussi la grande proximité entre le lobby des crèches privées et la
19:40ministre de tutelle du secteur, en l'occurrence Aurore Bergé, qui a selon vous repris mot
19:45pour mot lors de ses interviews dans la presse des éléments de langage transmis par la
19:50Fédération Française des entreprises de crèches, pour vous c'est allé plus loin
19:55que des échanges, il y a collusion, connivence entre la ministre et la patronne de la FFEC ?
20:02J'ai eu plusieurs témoignages, à la fois côté privé et côté du cabinet ministériel
20:08de l'époque, de plusieurs collaborateurs, qui m'ont transmis des messages, des télégrammes,
20:13des boucles WhatsApp, des mails, des enregistrements.
20:16Qu'est-ce que ça raconte ? Ça raconte qu'il y a un an, quand il y a eu deux livres
20:21qui sont sortis sur le secteur des crèches et un début de scandale, il y a effectivement
20:26la déléguée générale de la Fédération des crèches privées, Elsa Hervi, et la ministre
20:30Aurore Berger, qui se sont entendues en amont avant la sortie de ces livres, qui ont échangé
20:35de manière très régulière.
20:36On a pu découvrir des messages où Aurore Berger explique qu'Elsa Hervi est une très
20:42bonne copine et sera très aidante, un autre où elle explique que la Fédération des crèches
20:47privées et ses acteurs sont ses meilleurs alliés, et en fait ce qu'il s'est passé
20:51c'est qu'elle va demander, a été demandé à Elsa Hervi, à la Fédération, de ne pas
20:56taper sur la politique gouvernementale de la petite enfance et de soutenir la ministre,
21:02en échange de quoi la ministre saura faire preuve de mince étude et fera passer un certain
21:06nombre de messages.
21:07Et je raconte dans le détail comment ça s'est passé et comment notamment la Fédération
21:11lui transmet une note avec un certain nombre de points et elle va les retranscrire presque
21:15mot pour mot quand elle est sur les plateaux télé.
21:17Merci Victor Castaner.
21:20Merci Victor Castaner, je précise aussi que vous pointez un phénomène, c'est les mères
21:25de famille qui vous ont beaucoup parlé et la culpabilité des mères de famille.
21:29Oui c'est vrai, c'est beaucoup de femmes qui… J'aurais dû voir, je ne comprends
21:33pas, je travaillais trop, je suis une mauvaise mère.
21:36Il y a une culpabilité très forte de ne pas avoir su voir les signes envoyés par
21:41les enfants et de se sentir responsable d'avoir mis son enfant dans la gueule du loup.
21:45Victor Castaner, merci, les oeuvres chez Flammarion, disponibles demain, je renvoie également nos
21:52auditeurs à l'émission Interception consacrée à ce sujet des crèches, diffusée le 12
21:57novembre 2023, aujourd'hui disponible en podcast.

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