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Éducation
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00:00Cette métropole qui défile sous leurs yeux ne ressemble pas à un pays en guerre.
00:07Les combats font rage, mais loin, de l'autre côté de la Méditerranée.
00:14Et même si l'indépendance de l'Algérie ne fait déjà plus de doute dans l'esprit de De Gaulle,
00:19la jeunesse française continue d'être massivement envoyée au front.
00:23A Paris, Daniel Blerald et une poignée d'étudiants antillais décident de s'engager dans les rangs du FLN
00:30et de ne pas répondre à l'appel de leur régiment.
00:34Mon ville nous parle de la possibilité d'être insoumis.
00:39C'était un avocat brillant qui fournit des causes.
00:43Il n'était pas seulement un homme de parole, il était un homme d'action aussi.
00:47Il travaillait, il prenait des risques.
00:48À la journée, il était avocat et la nuit, il travaillait avec le réseau Jeanson et tout.
00:54Le réseau Jeanson, ce sont ces progressistes français solidaires de la cause algérienne.
01:02Depuis Paris, Marcel Manville organise l'exfiltration des insoumis guadeloupéens et martiniquais,
01:08avec l'accord de Frantz Fanon, devenu entre-temps ambassadeur du gouvernement provisoire algérien.
01:19Partout en France, les renseignements généraux accentuent leur surveillance des mouvements radicaux.
01:34Les associations d'étudiants antillais qualifiées de mouvements séparatistes sont dans le collimateur du gouvernement.
01:41J'ai rendez-vous dans un café où je dois rencontrer une camarade française qui va me véhiculer pour quitter la France.
01:56Nous traversons la frontière, nous sommes accueillis à Bruxelles par des Belges qui étaient dans le réseau de soutien aux Algériens.
02:08Et puis arrive le moment où nous prenons l'avion pour aller au Maroc.
02:19Le tribunal militaire de Bordeaux déclare Daniel Blérald insoumis. Il sera condamné à un an de prison.
02:29On nous parlait de maintien de l'or, on nous parlait des exactions qui étaient commises par la population locale
02:36sur les colons.
02:38Les terroristes n'ont pas voulu qu'une seule vie, même animale, subsista de ce qui avait été un foyer heureux et une entreprise prospère.
02:45On se souvient encore de cette nuit tragique où plusieurs fermes des environs de Palestro furent assaillies, leurs habitants martyrisés.
02:51Parmi eux, il y avait des femmes et il y avait des enfants.
02:54Les bandits avaient tout tué sans distinction et parfois avec des raffinements qui pouvaient s'appeler sauvagerie ou sadisme.
03:02On nous disait que les Français ne sont pas bien, qu'il fallait aller les défendre en fait.
03:09On nous passait des films entre les Arabes en nous disant que l'Arabe est malpropre, l'Arabe est féminin.
03:16C'était le bouillon, le raton, c'était pas un humain.
03:22C'était une préparation psychologique pour ceux que ça pouvait marcher.
03:26Mais moi, comme disait Jacques Brel, moi qui étais déjà moi, je suis resté moi.
03:35Pendant qu'il se formatait là, qu'il se regardait, qu'il était un psychologue, tout ça, on ne voulait qu'à parler, il mente à chanter.
03:42Il fait pipi sur le gazon pour emmerder les coccinelles, ça suffit.
03:50Pas d'information psychologique encore à partir de ça.
03:53À New York, les Nations Unies reconnaissent le droit à l'autodétermination du peuple algérien.
04:02La France, jugée pays le plus colonialiste au monde, est critiquée de toutes parts.
04:12Dans le rift marocain, l'armée de libération nationale algérienne, le bras armé du FLN, poursuit la formation de ses recrues.
04:20Comme Daniel Blerald, une poignée de jeunes insoumis guadeloupéens et martiniquais a rejoint les camps d'entraînement.
04:28C'est à ce moment-là que le responsable du FLN me dit qu'il ne veut pas connaître mon nom.
04:35Parce que c'est le principe premier de la clandestinité, il faut avoir un pseudonyme.
04:41C'est pratique pour épargner les familles, mais c'est pratique aussi pour brouiller les pistes des renseignements généraux.
04:47Et là, je choisis le nom de Buchmann.
04:52Daniel Blerald devient Daniel Buchmann, du nom d'un ancien esclave, héros de la révolution haïtienne.
05:01Nous apprenons tout ce qu'il faut savoir pour faire de la guérille.
05:07C'est une période importante dans ma vie parce que c'est là que je rêve.
05:16De participer à la lutte armée.
05:22A Paris, les indépendantistes les plus radicaux estiment que le moment est venu pour les Antilles de ne plus vivre couchés.
05:32Marcel Manville veut s'engouffrer dans la voie ouverte par les nationalistes algériens.
05:37Dans un hôtel parisien, Édouard Glissant, Albert Béville et Marcel Manville créent le front anti-aux-guyanais pour l'autonomie, le FAGA.
05:50Franz Fanon lui aussi sent que les vieilles colonies sont prêtes à se libérer du joug français.
05:55Il n'en sera pas témoin. Pas plus qu'il ne verra l'indépendance de l'Algérie.
06:00À 36 ans, Fanon meurt d'une leucémie, quelques jours après la publication de son oeuvre capitale, Les damnés de la terre.
06:09Un ouvrage alors interdit en France pour atteinte à la sécurité de l'État.
06:14Clandestinement, Franz Fanon sera porté en terre algérienne par ses frères d'armes du FLN et inhumé dans un cimetière des martyrs de la guerre.
06:28Depuis son camp d'entraînement au Maroc, Daniel Buchmann écrit une lettre, hommage à Franz Fanon, destinée aux combattants de la guerre de libération algérienne.
06:36Fils d'un peuple lui aussi prisonnier du système français, je n'ai cessé de me sentir frappé, insulté, humilié, torturé, chaque fois qu'il était frappé, insulté, humilié, torturé, un patriote algérien.
06:54Aujourd'hui, je suis un patriote algérien.
06:57Au seuil de cette année 1962, je formule le vœu sincère de voir très bientôt l'Algérie libre et je souhaite aussi que pour mon pays puisse enfin naître l'étincelle qui embrase montagnes pleines faubourgs, incendies salutaires ou sauvages.
07:27Je fais solide comme l'acier la vraie liberté.
07:41Plus que jamais, Alger est devenue la capitale de tous les espoirs.
07:46L'Algérie indépendante accueille les mouvements anticolonialistes et révolutionnaires du monde entier.
07:53Bien sûr, les Antillais sont là.
07:57Rappelez-vous cette phrase. Lorsqu'on est musulman, on va à la Mecque. Lorsqu'on est révolutionnaire, on va à Alger.
08:04Et effectivement, j'ai vécu cette période où il y avait une rue entière avec des délégations du monde entier, de l'Irish Republican Army, des tigres tabous, de l'ANC d'Afrique du Sud et même les Black Panthers.
08:17Alger accueille tous les révolutionnaires du monde et c'est ainsi que nous, nous créons le FLM, le Front de Libération Martinique.
08:29Nous sommes accueillis par Ben Bella qui nous donne le feu vert, qui nous donne le local, je suis le représentant, je suis payé mensuellement, nous faisons des voyages.
08:40Des camarades font un long périple où ils rencontrent Che Guevara parce qu'il y a le projet de faire la guérilla en Martinique et en Guadeloupe.
08:53Faire des Antilles françaises de petits Cubains, c'est l'idée qui a germé à Paris et qu'il est temps pour certains de mettre en œuvre physiquement aux Antilles.
09:01Albert Béville, un des fondateurs du FAGA, décide de se rendre en Guadeloupe pour structurer la lutte de libération nationale.
09:17Il décolle le 22 juin 1962.
09:21Penser pour en coloniser, c'est déjà une action.
09:26Et c'est déjà fou dans le regard des institutions françaises.
09:31En les coloniser là, ça qu'il a pensé là, il a vu un danger.
09:37Et il faut qu'il coupe ses tailles.
09:42Arrivé au-dessus de basse terre, le Boeing disparaît des radars.
09:45La communication avec la tour de contrôle est perdue.
09:50L'avion a heurté une montagne. Il n'y a aucun survivant.
09:54Quelques années plus tard, une enquête conclura à un accident.
09:59Mais la rumeur d'un sabotage a longtemps couru.
10:03Béville n'est qu'à rentrer ici pour affaire cubaine.
10:07Pour mon temps, section à l'offrande, Antilles de Guyane pour l'autonomie.
10:12C'est un théorie de métier à Angouadou.
10:16Donc on peut faire le lien de cause à effet.
10:20Dans cet accident un peu suspect, mourront beaucoup d'étudiants martiniquais.
10:25Et parmi ces étudiants, il y avait des étudiants qui faisaient la liaison
10:29entre les militants étudiants de France et les militants martiniquais en Martinique.
10:36Aux Antilles, malgré la disparition de Béville,
10:39et d'étudiants radicalisés, les autorités sont confrontées
10:43à la naissance de plusieurs groupes indépendantistes.
10:47Des menaces prises très au sérieux par les renseignements généraux.
10:53Présentés comme les héritiers de la révolution algérienne,
10:57leurs militants sont des étudiants et des militaires de retour du Djebel.
11:01Nombre d'entre eux prônent le recours à la lutte armée.
11:04En 1963, Serge Glaude rejoint les militants du GONG,
11:08le groupe d'organisation nationale de la Guadeloupe.
11:12La première organisation indépendantiste de l'histoire de l'île.
11:17Ce drapeau, l'âme du GONG.
11:21Et la Guadeloupe, le vert, c'est ce qu'on a le plus en Guadeloupe.
11:26Le blanc c'est pour s'épargner, ça.
11:29Et l'influence de Cuba se retrouve ici.
11:33Parce que le drapeau de Cuba c'est bleu, blanc, bleu.
11:38La colère gronde de nouveau.
11:42Et depuis l'accession de l'Algérie à l'indépendance, l'espoir est permis.
11:47C'est quand même, à l'image en mémoire,
11:51une énormité des injustices qu'on voit.
11:55La facilité du coup de feu sur un bougnol, sur un arabe,
12:00sur un Guadeloupéen, sur un Martiniqueur, c'est facile, ça.
12:05On ne peut pas.
12:09On ne peut pas vivre ça, normalement, non.
12:13Ça me fout en boule.
12:17C'est un peu comme ça.
12:20C'est un peu comme ça.