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Philippe Askénazy, économiste du travail et de l'innovation, directeur de recherche au CNRS et membre du Haut conseil des rémunérations, de l'emploi et de la productivité est l'invité éco de franceinfo vendredi 13 septembre.

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Transcription
00:00Bonsoir à toutes et à tous, ce sera la grande question sociale des 25 prochaines années.
00:09Selon Bruno Le Maire, nous parlons salaire ce soir avec notre invité, bonsoir Philippe Askenazy.
00:13Bonsoir.
00:14Économiste du Travail et de l'Innovation, directeur de recherche au CNRS et membre du Haut Conseil des Rémunérations.
00:20Et ça, on va en parler tout à l'heure, l'inflation est à 1,8% en août sur un an, pas de revalorisation automatique du SMIC en octobre.
00:27Une telle revalorisation d'ailleurs apparaît très incertaine d'ici la fin de l'année, écrit l'INSEE.
00:32Ça, c'est si c'est automatique, le gouvernement lui peut toujours donner un coup de pouce, devrait-il le faire selon vous ?
00:38Alors effectivement, même si ce n'est pas exactement cet indicateur sur lequel est basé le critère pour augmenter le salaire minimum,
00:46il n'y aura probablement pas d'augmentation automatique d'ici le 1er janvier.
00:49Et donc il y a toujours une possibilité de faire un coup de pouce au SMIC.
00:54Je dirais que, pour le moins, le gouvernement va devoir revoir rapidement et assez substantiellement le schéma actuel des exonérations de cotisations sociales employeurs.
01:08Je vais m'expliquer. On est dans une situation singulière chez nos voisins, notamment européens.
01:15Lorsqu'il y a une augmentation du salaire minimum, ça se traduit notamment par plus de cotisations sociales, donc on remplit les caisses de l'État.
01:21En France, comme les exonérations de cotisations sociales sont liées, indexées sur le salaire minimum,
01:29lorsqu'on augmente le SMIC, au contraire, l'effet direct, c'est de creuser le déficit public.
01:38Donc il y a une sorte de piège budgétaire dans lequel sont tous gouvernements, qu'ils soient de gauche ou de droite.
01:46Or, ils se trouvent en face, ces gouvernements aujourd'hui, à une très forte demande sociale pour une augmentation, une revalorisation salariale.
01:57Et il y a peu d'outils. On peut indexer les salaires, mais je ne pense pas que ce gouvernement fera ça,
02:02ou on peut jouer notamment sur le salaire minimum.
02:06Donc ça, c'est un paramètre très franco-français.
02:08Et puis surtout, il y a notre environnement européen qui va changer de manière spectaculaire dans les deux années qui viennent.
02:16À la sortie de la crise Covid, nos partenaires européens se sont accordés sur le fait que cette course vers le bas,
02:24le moins-disant social avait été délétère pour l'économie européenne.
02:29Et donc il y a eu une directive en 2022, salaire minimum, qui va se traduire par exemple,
02:35donc le ministre allemand du Travail a annoncé que du fait de cette directive,
02:40le salaire minimum allemand allait augmenter de l'ordre de 20% d'ici 2026, ce qui va le mettre à 15 euros de l'heure.
02:46Si on avait un tel niveau en France, ça correspondrait à 1800 euros nets pour un salarié à 35 heures par mois.
02:54Et donc vous voyez, lorsqu'on dit que c'est irréaliste les 1600 euros du nouveau Front populaire,
03:01et qu'on va avoir 1800 en Allemagne, 1700 en Belgique par exemple,
03:06et bien ça va être intenable pour un gouvernement le statut quo tel que l'on a aujourd'hui.
03:11Donc je pense qu'il va à la fois devoir modifier les systèmes d'exonération,
03:15et devoir aussi augmenter le salaire minimum en France.
03:19Il y avait une réflexion effectivement qui a été lancée par le précédent gouvernement sur la question des exonérations.
03:23Selon les derniers chiffres de l'ADARES, le ministère du Travail, les salaires en France progressent plus vite que l'inflation concrètement.
03:30Pour nos auditeurs qui vous écoutent, est-ce que ça veut dire que ça va aller mieux, que ça va mieux pour notre pouvoir d'achat ?
03:35Alors le pouvoir d'achat des salariés, du privé, alors ce n'est pas le cas pour le public, il n'y a pas de progression pour le public.
03:41Oui ça améliore, c'est essentiellement la chute des prix de l'énergie qui permet de favoriser ce pouvoir d'achat.
03:51Mais il faut bien voir que dans les anticipations qu'il y a, les prévisions actuelles de l'INSEE,
03:57cette amélioration ne comblera que un cinquième des pertes de pouvoir d'achat en 2022 et 2023.
04:02Donc on est encore loin du compte, et c'est pour cela à nouveau qu'il y a cette pression à une augmentation salariale aujourd'hui.
04:09Il y a une autre question qu'on pose souvent, c'est la question d'un recul de la productivité française.
04:14Est-ce que c'est un problème, et quelles sont les solutions ?
04:17Et j'ai conscience qu'on n'a pas 4 heures.
04:19Oui, tout à fait. Alors déjà on a quand même un petit peu changé le scénario,
04:24c'est-à-dire qu'au départ on avait un vrai décrochage de la France par rapport à nos voisins européens.
04:28On est plutôt dans une situation où on connaît depuis la crise Covid une forme de stagnation sur l'ensemble de l'Europe, y compris en France.
04:34Donc c'est moins noir pour la situation française, mais c'est vraiment une situation Europe versus Etats-Unis, et c'est bien pour cela.
04:42Donc justement, l'Europe cherche de nouveau de renouveler sa politique pour monter en gamme l'économie européenne,
04:51et regagner en termes de compétitivité et de productivité.
04:55J'ai une question parce qu'on l'a mentionné au début, vous êtes membre du Haut Conseil des Rémunérations,
04:58installé par la future ex-ministre du Travail Catherine Vautrin, en tout cas elle est dans le gouvernement sortant.
05:03Est-ce qu'il poursuit ses travaux ?
05:05Alors pour l'instant ils sont suspendus depuis la dissolution, c'est un petit peu en quelque sorte normal dans le schéma politique.
05:16Je rassure les auditeurs, nous sommes non rémunérés, donc ça ne coûte rien à l'État cet élément de suspension.
05:26Je dirais que par ailleurs quand même les travaux se poursuivent sur cette idée globale de dismincartisation de l'économie française.
05:33Il y avait deux grands axes, celui justement de cette architecture des exonérations de cotisation sociale en France,
05:40si elle freinerait les progressions salariales, et aussi la problématique des temps partiels,
05:44puisque aussi une part importante de la pauvreté laborieuse, ce sont des femmes qui sont,
05:50il y a aussi des hommes, mais essentiellement des femmes qui sont à temps partiel et un temps partiel subies.
05:56Donc ces deux grands chantiers d'une certaine manière se poursuivent et au jour d'aujourd'hui,
06:01on ne sait pas si le gouvernement Barnier va continuer à se saisir de cet organe.
06:08Je pense que oui, dans le sens que c'est essentiellement, moi je suis une personnalité qualifiée,
06:12mais il est composé essentiellement des partenaires sociaux, côté patronal comme syndical,
06:18et dans une volonté de dialogue, c'était typiquement comme cela qu'était conçu ce Haut Conseil.
06:24C'était de cette manière-là que les partenaires sociaux le voyaient.
06:27Si on se résume, la question primordiale que va devoir se poser le nouveau gouvernement sur le travail,
06:32quelle est-elle selon vous ?
06:33Alors elles sont quand même multiples. Il y a effectivement une problématique de rémunération,
06:38mais je pense qu'il ne faut pas oublier la question du travail elle-même.
06:40C'est-à-dire que très souvent on se ramène à questions de salaire, des questions de budget, des chiffres,
06:45alors même que, vous voyez bien, typiquement lors de la réforme des retraites,
06:49il y a eu toutes sortes de questions sur le travail, sur sa soutenabilité.
06:53Et aujourd'hui il y a des interrogations, vous parliez de Bruno Le Maire,
06:58il y a eu de multiples interrogations sur les arrêts de travail pour dénoncer la chose en quelque sorte,
07:03mais tout cela est au départ une problématique travail, de santé publique, de conditions de travail,
07:10de vieillissement de la population, et au jour le jour dans les entreprises, comment gérer des absences imprévues.
07:16Et c'est justement en se posant aussi ces questions de travail qu'on trouve des solutions
07:20et qui permettront de faire des économies pour les finances publiques.
07:24Donc tout est lié. Merci beaucoup Philippe Askenazy, économiste du travail et de l'innovation.
07:28Vous étiez l'invité Echo de France Info.

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