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News
Transcription
00:00Avec nous Stéphane Ballon, bonjour Stéphane.
00:02Bonjour Julien.
00:03On voulait revenir sur ce nouveau drame lié à l'immigration illégale.
00:07Dimanche dernier, au moins 26 personnes ont péri en mer.
00:10Leur embarcation a fait naufrage au large de Mebourg.
00:13Des dizaines de personnes avaient pris place à bord d'une pirogue.
00:16Elles voulaient rejoindre l'Europe.
00:18On apprend que le capitaine de l'embarcation a été arrêté.
00:21Les faits d'abord avec Nicolas Bertrand.
00:24Les bateaux des secouristes continuent leur va-et-vient pour repêcher
00:28et ramener sur la plage les corps des victimes.
00:31Leur pirogue a chaviré avec une centaine de passagers à bord
00:35qui tentaient de rejoindre les îles Canaries et donc l'Union Européenne.
00:40Les familles des disparus viennent ici
00:43tenter de reconnaître leurs proches parmi les morts.
00:48Mon grand frère fait partie des victimes, mais on ne l'a pas encore retrouvé.
00:52Sans lui, nous sommes seuls avec notre maman.
00:55C'était lui l'aîné.
00:57Il voulait aller en Espagne.
00:59Il a fait beaucoup d'études, mais n'a pas réussi à décrocher un emploi.
01:02C'est pour ça qu'il est parti.
01:04En mer, à trois kilomètres, la pirogue est toujours en train de dériver,
01:09à moitié immergée.
01:11A l'intérieur, des sacs de riz, de semoule, des gâteaux
01:14qui devaient permettre aux passagers de se nourrir pendant la traversée.
01:18Six jours dans l'océan Atlantique,
01:20un voyage extrêmement dangereux jusqu'aux îles Canaries.
01:24Sur la proue de l'embarcation, un drapeau français avait été peint à la main.
01:30Maguette Gueye est pêcheur.
01:32C'est un des premiers à être arrivé sur place après le naufrage.
01:35Il a pu sauver huit personnes.
01:38Il y avait des gens qui criaient de ce côté.
01:40J'ai avancé vers eux.
01:42La première personne que j'ai secourue était un homme, plutôt jeune.
01:46Après, j'ai continué.
01:48J'ai trouvé une femme, et une autre femme m'appelait de l'autre côté.
01:53Depuis ma naissance, je n'ai jamais vu ça.
01:56Quand je suis arrivé, j'avais la chair de poule.
01:59À son retour sur la terre ferme,
02:01Maguette Gueye apprend que sa nièce fait partie des victimes du naufrage.
02:05La voici.
02:07Fatou Samb, 17 ans.
02:09Une jeune femme scolarisée
02:11qui n'avait semble-t-il mentionné son projet à personne.
02:15Son corps a été retrouvé par un autre pêcheur.
02:19On ne savait pas qu'elle voulait partir.
02:21Ça nous a vraiment tous étonnés.
02:23Le matin même, elle était encore avec nous, à une fête.
02:25Et puis elle est partie.
02:27On est vraiment sous le choc.
02:29Pour l'oncle de la jeune femme,
02:31l'hypothèse la plus probable, c'est qu'elle est partie pour fuir la pauvreté
02:35et aider sa famille.
02:37Presque tous les passagers de cette pirogue
02:39venaient du même quartier.
02:42Cherou Omar habite ici lui aussi.
02:45Il était dans la pirogue.
02:47Il a survécu.
02:49Il a réussi à nager jusqu'à l'arrivée des secours.
02:54Beaucoup de gens sont morts sous mes yeux.
02:57Trois de mes amis sont morts.
02:59Malgré le traumatisme,
03:01le jeune homme de 21 ans ne regrette rien.
03:04Via les réseaux sociaux,
03:06il échange avec d'autres Sénégalais arrivés en Europe
03:09qui, selon lui, gagnent facilement leur vie.
03:13Voir les autres là-bas, ça nous donnait envie de partir.
03:16Nous ici, on ne gagne pas notre vie.
03:18C'est ça qui nous pousse à partir.
03:21Nos amis là-bas nous envoient des photos.
03:25J'ai espoir.
03:26Si tu te lèves tôt, si tu travailles bien là-bas,
03:28même en une heure, tu peux avoir de l'argent.
03:34Et est-ce que vous allez recommencer ?
03:36Vous allez réessayer ?
03:38Si je vais réessayer ?
03:40Oui, je suis encore plus motivé.
03:42Je suis surmotivé.
03:45Malgré le danger,
03:47les départs de pirogues vers les Canaries
03:49n'ont jamais été aussi nombreux.
03:51Sur les cinq derniers jours,
03:53les garde-côtes sénégalais disent avoir intercepté
03:55plus de 650 migrants.
03:57En route pour l'archipel espagnol.
04:01La marine sénégalaise indique
04:03que 400 nouveaux migrants ont été interceptés lundi.
04:05Stéphane, on aurait pu penser
04:07que l'arrivée du nouveau président Basserudio Maïfaï,
04:10qui avait suscité beaucoup d'espoir parmi la jeunesse sénégalaise,
04:14aurait contribué à ralentir
04:16ces départs massifs vers l'Europe.
04:18Il n'en est rien.
04:20Si vous permettez,
04:22juste avant de répondre à cette question,
04:24il est important, je pense,
04:26de dire que le Sénégal,
04:28qui est un pays de départ
04:30à l'est de la Tunisie,
04:32du Maroc ou encore de la Mauritanie,
04:34à ce titre,
04:36les migrants qui partent des côtes sénégalaises
04:38ne sont pas que des Sénégalais.
04:40Même si, dans le cas
04:42de cette embarcation,
04:44dans ce cas précis,
04:46il semble que c'est essentiellement
04:48pour la plupart
04:50des ressortissants de cette petite ville
04:52d'Ombourg.
04:54Et puis, pour répondre
04:56à la question,
04:58finalement,
05:00l'arrivée de Basserudio Maïfaï au pouvoir
05:02est trop récente
05:04en fait, en réalité,
05:06pour avoir un quelconque impact
05:08sur ce phénomène.
05:10C'est vrai, son élection
05:12qui a été rendue possible
05:14par une mobilisation inédite
05:16de la jeunesse sénégalaise,
05:18suscite beaucoup d'espoir, c'est vrai.
05:20D'ailleurs, Aminatou Traoré,
05:22qui est
05:24ancienne, Touré, pardon,
05:26qui est l'ancienne première ministre
05:28de Makisal et aujourd'hui
05:30haute représentante
05:32de Basserudio Maïfaï,
05:34le rappelle dans un message de compassion
05:36qu'elle a posté ce matin.
05:38Pour le fait que les jeunes sénégalaises
05:40doivent envisager leur avenir
05:42dans leur pays,
05:44notamment grâce aux perspectives
05:46qu'offre l'arrivée de Basserudio Maïfaï
05:48au pouvoir.
05:50Mais seulement, on est là
05:52toujours dans des promesses, si vous voulez.
05:54J'étais à Dakar en
05:56juillet.
05:58Quand vous parlez avec les jeunes sénégalaises,
06:00les jeunes sénégalaises,
06:02ce qu'ils vous disent, oui, il y a beaucoup
06:04d'attente, il y a beaucoup d'espoir,
06:06cependant, ne mange pas l'espoir.
06:08Les problèmes qu'on a évoqués ici
06:10de long à large pendant la
06:12campagne présidentielle, ces problèmes
06:14économiques, que ce soit
06:16l'emploi ou le chômage des jeunes,
06:18que ce soit la cherté de la vie,
06:20quand on parle,
06:22par exemple, d'un secteur de la pêche
06:24qui est un des principaux employeurs
06:26du Sénégal,
06:28ces problèmes demeurent
06:30et ces problèmes-là, il faut du temps
06:32pour les traiter.
06:34Les autorités avec lesquelles
06:36j'ai pu échanger pendant
06:38mon séjour à Dakar,
06:40ils en sont conscients, eux-mêmes le disent,
06:42ils savent très bien que cette
06:44jeunesse qui les a portés au pouvoir
06:46peut, cette même jeunesse,
06:48peut se retourner contre elle
06:50si les résultats
06:52espérés n'étaient pas
06:54au rendez-vous. Je peux vous dire
06:56qu'ils ont suivi avec beaucoup d'attention ce qui
06:58s'est passé au Kenya récemment
07:00où les jeunes sont descendus
07:02dans les rues de Nairobi
07:04pour contester un projet
07:06de loi de finances. Donc
07:08de tout cela, ils en sont conscients
07:10et ils savent qu'ils doivent
07:12travailler et vite pour apporter
07:14des solutions aux jeunes. Mais
07:16quand on a dit cela, on ne règle pas
07:18le problème. Penser que
07:20la solution, s'il y en avait,
07:22se trouve uniquement
07:24du côté africain,
07:26en fait, quand on a dit
07:28cela, on ne règle que le problème
07:30en partie, si vous voulez.
07:32Justement, on a assisté, il y a
07:34quelques jours, à ce déplacement
07:36du chef du gouvernement
07:38espagnol, Pedro Sanchez,
07:40en Afrique de l'Ouest. Il est allé au Sénégal, en Gambie,
07:42en Mauritanie. Il plaide, lui, pour
07:44une meilleure coopération. Il a signé des partenariats
07:46avec les pays
07:48de départ. Est-ce que c'est cela
07:50la solution ?
07:52Il est évident qu'il faut une coopération
07:54plus forte, une coopération
07:56mieux pensée entre les pays de départ
07:58et les pays d'arrivée.
08:00Mais pour cela,
08:02l'Europe doit changer
08:04de posture.
08:06Je veux dire, aujourd'hui,
08:08quand on parle d'immigration,
08:10du point de vue européen, j'entends,
08:12on voit
08:14cela comme un danger.
08:16On exprime une peur,
08:18celle d'être envahi
08:20par des Africains. On ne voit
08:22pas, dans ce mouvement
08:24de population, une opportunité.
08:26Une opportunité économique.
08:28Je veux dire, on vit en France,
08:30quand on va dans les campagnes,
08:32on voit ce que sont les besoins
08:34en main d'oeuvre, par exemple,
08:36dans l'agriculture, des besoins qu'on n'arrive pas
08:38à combler. Et ça, l'immigration
08:40peut apporter cette
08:42solution-là. Mais pour cela,
08:44il faut que l'Europe sorte
08:46de sa posture qui consiste à dire aux Africains
08:48restez chez vous. Parce que
08:50quand on part de la tournée
08:52de Sanchez,
08:54on peut penser à celle
08:56de la première ministre italienne
08:58dont le nom m'échappe, Meloni,
09:00qui va
09:02en Tunisie
09:04à peu près dans le même espace.
09:06Qu'est-ce que ces dirigeants européens disent
09:08aux Africains ? En gros, c'est restez
09:10chez vous. Et si besoin, on va vous donner
09:12un peu d'argent pour que
09:14vous gardiez vos populations chez vous.
09:16Je veux dire, aujourd'hui, quand on vit
09:18n'importe
09:20partout dans le reste du monde,
09:22qu'on soit jeunes ou moins jeunes,
09:24parfois, après ces études, on a envie
09:26d'aller voir le reste du monde,
09:28apprendre, pas seulement, pas
09:30forcément pour y vivre, pourquoi les
09:32Africains n'auraient-ils pas
09:34ce droit-là ? Ce qui
09:36me fait penser à la
09:38politique de visa de l'espace Schengen.
09:40Il y a quelques mois, il y a
09:42une étude qui est sortie qui montre que
09:44les demandeurs de
09:46visa africains
09:48essuient un refus de plus de 70 %.
09:50Plus de 70 %, ce qui correspond
09:52à un montant de 54
09:54millions d'euros perdus.
09:56Parce que ce qu'il faut savoir, c'est que quand vous faites
09:58une demande de visa, vous payez, je pense
10:00que c'est autour de 90 euros.
10:02Et quand vous n'obtenez pas le
10:04visa, cet argent,
10:06vous n'êtes pas, ne vous est pas rendu.
10:08En fait, on est dans une configuration
10:10où on a l'impression que
10:12c'est finalement l'Afrique qui transfère
10:14de l'argent
10:16vers des économies développées, des économies
10:18européennes. C'est quand même
10:20le comble.
10:22Et on parle aujourd'hui
10:24de jeunes
10:26chômeurs qui
10:28veulent migrer.
10:30Ce ne sont pas des gens qui n'ont pas d'emploi.
10:32Mais ce n'est pas vrai, on l'a vu dans ce reportage.
10:34Il y a des jeunes diplômés qui sont
10:36qualifiés, qui peuvent apporter quelque chose.
10:38Et en fait,
10:40le profil des migrants
10:42a évolué.
10:44Alors lequel ? Où est-ce qu'il a évolué ?
10:46C'est des diplômés maintenant ?
10:48Il y a aussi plus de femmes, c'est ça ?
10:50Traditionnellement, on a toujours pensé que c'est
10:52des jeunes désœuvrés
10:54si vous me passez l'expression,
10:56qui n'ont plus de perspectives dans leur
10:58propre pays, qui veulent aller voir ailleurs.
11:00Mais en réalité, les autorités,
11:02les ONG qui s'occupent de ces questions-là,
11:04vous le disent. Aujourd'hui,
11:06vous avez des gens qui ont un travail,
11:08qui ont un salaire, qui prennent ce
11:10risque-là. Parce qu'il y a une politique de visa
11:12qui est très restrictive.
11:14Avec mon travail et mon salaire,
11:16même quand je ne serais
11:18que allé passer des vacances
11:20en Europe, c'est compliqué.
11:22Je ne peux pas y arriver. L'année dernière,
11:24on parlait d'un jeune
11:26humoriste sénégalais,
11:28activiste, qui est très connu
11:30sur la place d'Akaroa,
11:32qui est mort dans
11:34la traversée. Donc,
11:36on ne parle pas uniquement
11:38des gens qui
11:40n'ont plus de perspectives chez eux. On parle
11:42aussi des gens qui ont
11:44une vie
11:46chez eux, qui ont un travail,
11:48parce qu'ils ne peuvent pas
11:50sortir de chez eux pour
11:52aller voir ce qui se passe ailleurs. Ne serait-ce que pour
11:54s'en inspirer et
11:56revenir chez eux, faire des choses.
11:58Ils ne peuvent pas le faire. Dans ces conditions-là,
12:00c'est
12:02compliqué. La seule
12:04solution qu'on offre
12:06aux jeunes aujourd'hui, aux jeunes
12:08Africains aujourd'hui, c'est de prendre la mer.
12:10La solution, cette question-là,
12:12ne peut pas être réglée uniquement
12:14dans les pays Africains. Il faut que
12:16les Européens revoient aussi leur
12:18politique.

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