Rien ne prédestinait Thierry Marx a devenir chef cuisinier. Pour neo, il a raconté son enfance en cité.
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00:00J'ai pas un souvenir heureux de cet enfermement dans cette cité totalement bétonnée.
00:05Le judo, la boxe, tout ça a créé de la camaraderie et m'a protégé aussi des risques de ce quartier.
00:11Bonjour, je suis Thierry Marx, rien ne me prédestinait à être chef étoilé ou chef d'entreprise.
00:17Je vais vous raconter d'où je viens.
00:19Né dans le quartier de Belleville-Méline-Montant, un quartier merveilleux,
00:22jusqu'à l'âge de 12 ans où il faut quitter ce quartier pour les grands ensembles à humanité modérée
00:28à la cité des Boulreaux et cité des Bois-l'Abbé à Champigny-sur-Marne.
00:32Premier souvenir de Champigny, du béton, du béton, du béton, jour et nuit du béton.
00:37Mon père était ouvrier qualifié, ma mère était ouvrière qualifiée
00:40et ils n'avaient d'envie que de quitter ce quartier le plus vite possible.
00:45J'avais une sœur et mes parents partaient très tôt le matin et rentraient tard le soir.
00:50Je me souviens de ça, de longues journées, des dîners sans nos parents, des déjeuners sans nos parents.
00:55J'étais très respectueux de mon père qui était très travailleur.
00:58Vraiment, jamais je n'ai entendu se plaindre de quoi que ce soit,
01:01mais je le voyais rentrer harassé par le travail.
01:04Ma mère, c'était la même chose.
01:06Ma mère, le samedi soir, faisait des moules frites que j'adorais.
01:09Et puis après, il y a d'autres moments que je passais avec ma mère.
01:12C'était tartines beurrées, pain noir et des sardines à l'huile.
01:15Et ça, ce n'est pas des grands moments de repas.
01:18Et avec mon père et ma mère, c'était les coquillettes, le concentré de tomates et le corned beef.
01:24Donc, évidemment, vous ne savez pas ce que c'est que le corned beef,
01:26mais c'est des boîtes en forme de trapèze comme ça,
01:28qu'on coupait en morceaux et qu'on mélangeait dans les coquillettes à la sauce tomate.
01:32Ça peut vous paraître un plat pas très gastronomique,
01:34mais pour moi, c'est encore un souvenir très heureux de la vie avec mes parents,
01:37parce que c'était un plat de partage.
01:39Et finalement, tout le monde aimait ça.
01:41Je suis allé à l'école primaire pour rançonner un petit peu l'État français,
01:45de savoir lire, écrire et compter.
01:46Parce que ma grand-mère me dit, tu sais, les riches ont le savoir, donc ils ont le pouvoir.
01:49Si tu sais lire, écrire et compter, ils ne te voleront pas.
01:52Ensuite, le collège, je n'ai rien compris.
01:53Du coup, j'ai quitté le collège et je suis rentré en apprentissage.
01:56J'ai compris qu'on pouvait apprendre autrement.
01:58Il y a ceux qui apprennent pour faire et qui suivent très, très bien l'école
02:00et ils sont parfaitement légitimes.
02:02Et moi, je fais partie de ces gens qui ont besoin de faire pour apprendre, pour comprendre.
02:05J'ai traversé l'apprentissage du sport, d'ailleurs, notamment du judo,
02:09qui m'a amené à l'apprentissage d'un métier, notamment au départ la pâtisserie.
02:12Vous dites que vous étiez rebelle.
02:14Vous ne rentrez pas dans les cases, mais vous aimeriez y rentrer.
02:17Et comme vous n'y rentrez pas, les mots tombent.
02:19Nul, cancre, ne fait rien, etc.
02:22Donc finalement, vous devenez, malgré vous, un petit caïd, rebelle au système.
02:28Vous trouvez une aura par rapport à un certain nombre de comportements que vous pouvez avoir
02:33et tout ça vous pousse du mauvais côté du chemin.
02:36D'ailleurs, dans la bande que j'ai pu fréquenter, la bande de la rue Axo,
02:40j'ai beaucoup de copains et de copines à qui ça a coûté la vie.
02:43Coup de chance, le sport.
02:44Le sport va me faire comprendre qu'il faut essayer de rentrer dans les codes.
02:48À quel âge vous avez commencé le sport ?
02:4913 ans.
02:5013 ans, le judo et la boxe.
02:52Je comprends, il y a un cadre, on fait des compétitions, on sort de la cité,
02:56on voit d'autres banlieues, d'autres départements, les compétitions,
03:00on devient quelqu'un d'utile.
03:02Et tout ça fait que vous finissez par vous dire à 14 ans que vous n'êtes pas si nul
03:06parce qu'il y a quand même un certain nombre de gens qui comptent sur vous.
03:08Et le sport va me conduire vers l'apprentissage métier.
03:11Bien sûr que le sport a été la lumière pour moi sur mon chemin de vie
03:15et ça le sera jusqu'au bout.