• il y a 4 mois
Du 19 au 22 août, se déroule la convention nationale du Parti démocrate américain. Accueilli dans la ville de Chicago dans l'Illinois, ce rendez-vous valide habituellement le choix du candidat démocrate à la présidentielle et de son colistier. Mais à la suite du désistement de Joe Biden, Kamal Harris et Tim Walz ont été désignés en amont par un vote en ligne intervenu courant août. Alexis Buisson, auteur de L'Héritière (L'Archipel, 2023), une biographie de Kamala Harris, est sur place depuis Chicago pour vivre ce « couronnement » de l'intérieur, il est l'invité de RTL Matin.
Regardez L'invité de RTL avec Stéphane Boudsocq du 20 août 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin
00:04C'est un rendez-vous politique qui pourrait préfigurer un événement historique.
00:08Le parti démocrate américain tient depuis hier sa convention à Chicago.
00:12Un rendez-vous durant lequel le président Joe Biden va officiellement passer le relais à sa vice-présidente Kamala Harris.
00:17Objectif, battre en novembre un Donald Trump qui s'envolait jusqu'ici dans les sondages.
00:23Mais tout a changé en quelques semaines avec le renoncement de l'actuel locataire de la Maison Blanche.
00:28Bonjour Alexis Buisson.
00:30Bonjour, bonjour à tous.
00:31Ou plutôt bonsoir puisque vous êtes en direct de Chicago.
00:34Vous êtes l'auteur aux éditions L'Archipel du livre L'Héritière, biographie consacrée justement à Kamala Harris.
00:41Vous avez assisté il y a quelques minutes, en quelque sorte aux adieux de Joe Biden,
00:45salué sur scène par Kamala Harris lors d'une brève apparition de la candidate.
00:49C'est un événement qui avait une ferveur, une intensité toute particulière.
00:54Oui, tout à fait.
00:55J'étais effectivement dans la salle et je peux vous dire qu'autour de moi,
00:58il y avait des démocrates qui s'essuyaient le visage et qu'il y avait des larmes qui leur venaient aux yeux.
01:05C'était véritablement un passage de témoin auquel on a assisté ce soir à Chicago.
01:12Passage de témoin entre un président et sa vice-présidente,
01:15mais aussi entre une certaine Amérique incarnée par Joe Biden,
01:19un homme blanc de 81 ans élevé dans un milieu populaire sur la côte Est,
01:25qui passe le relais à un nouveau visage du Parti démocrate incarné par Kamala Harris,
01:30une femme métisse de 59 ans, élevée en Californie, de l'autre côté du pays.
01:39Donc, effectivement, un changement de garde.
01:41On parlait bien sûr de Joe Biden, mais il y avait aussi le discours d'Hillary Clinton,
01:46qu'il faut mentionner, qui était à mon sens extrêmement fort,
01:48qui a parlé de la perspective de briser cet ultime plafond de verre,
01:53le plafond de verre qu'elle n'a pas pu briser en 2016, quand elle était candidate,
01:57qui est bien sûr le fait qu'une femme soit élue à la présidence des Etats-Unis.
02:02Alors, pour le moment, en tous les cas, vue de France, Kamala Harris semble marcher sur l'eau, si l'on peut dire.
02:07Elle est en tête dans les sondages, notamment dans ces états, ce qu'on appelle les swing states,
02:11les états qui peuvent basculer, qui sont indispensables pour remporter l'élection.
02:14La dynamique, elle a changé de camp ?
02:17Oui, j'ai le sentiment que c'est vrai, mais je ne me base pas nécessairement sur les sondages,
02:22qui sont toujours un peu partiels, notamment dans les swing states,
02:27où c'est difficile d'établir des échantillons qui sont assez importants et représentatifs de la population.
02:34Donc, je me méfie un peu des sondages.
02:36En revanche, ce qui est clair, c'est qu'on voit des levées de fonds qui sont vraiment très conséquentes
02:41de la part de Kamala Harris, tout à fait.
02:43Ça, c'est un signe d'enthousiasme qui ne se dément pas,
02:45notamment des levées de fonds auprès de primo-donateurs.
02:47Ça, c'est une preuve claire de l'enthousiasme autour de sa candidature.
02:52Et quand vous avez l'enthousiasme et des fonds supplémentaires,
02:56vous pouvez ouvrir des bureaux de campagne dans des états-clés,
03:00vous pouvez financer l'achat de publicité, toujours dans ces états-clés,
03:04sur les réseaux sociaux ou à la télévision.
03:06Donc, ça fait une véritable différence.
03:08Et moi, sur tout ce que j'entends de mes sources,
03:11même dans des états ou dans des zones qui sont très républicaines,
03:14c'est qu'il y a beaucoup de gens qui n'étaient pas nécessairement intéressés
03:18par la politique ou des démocrates qui s'étaient un peu éloignés du parti,
03:22qui, là, sont en train de revenir dans le giron du parti.
03:26Et ça, c'est un signe extrêmement encourageant pour Kamala Harris
03:29et très inquiétant pour Donald Trump.
03:30Vous avez écrit sur Kamala Harris, on le rappelle, cette biographie, l'héritière.
03:34On a l'impression que ce nouvel espoir qu'elle incarne,
03:38c'est aussi l'opposition frontale avec les outrances, les fake news de Donald Trump.
03:42Oui, je pense qu'il faut vraiment préciser que Kamala Harris,
03:46elle est vraiment aux antipodes de Donald Trump.
03:49C'est quelqu'un qui a 59 ans, qui est métisse,
03:53qui, comme je le disais, a été élevé dans le berceau de la contre-culture,
03:57qui est Auckland, enfin la baie de San Francisco plus généralement.
04:01Et donc, Kamala Harris et Donald Trump, à l'inverse,
04:06est un homme blanc qui a presque 80 ans,
04:09qui vient d'un milieu très fortuné à New York.
04:14Et donc, c'est véritablement deux Amériques qui s'affrontent.
04:18En plus de ça, effectivement, Donald Trump, depuis 2016,
04:22est devenu de plus en plus radical, revanchard face aux systèmes,
04:26face aux institutions, et elle, qui est plutôt quelqu'un
04:30qu'on avait un peu du mal à situer du point de vue idéologique,
04:34qu'on pourrait décrire comme une pragmatique,
04:36elle bénéficie de l'extrémisme, en quelque sorte, de Donald Trump,
04:40pour se poser comme une candidate qui est finalement modérée
04:44et plutôt normale par rapport à lui.
04:46Donald Trump qui semble plutôt désarçonné.
04:49Lui, ses équipes multiplient les attaques, les insultes, les coups bas.
04:52Il y a notamment ces dernières heures, ces fausses images qui ont été générées
04:55par l'intelligence artificielle, où la pop star Taylor Swift,
04:59qui peut être vraiment un déclencheur dans cette élection,
05:02où Taylor Swift semble, en tous les cas, lui apporter son soutien,
05:05alors que tout ça, évidemment, c'est faux.
05:07On a l'impression, effectivement, que Donald Trump n'a pas su anticiper
05:11que les démocrates, en fait, osent changer de candidat.
05:16Et ça, à mon avis, c'est vraiment une erreur, une faute majeure
05:21qui a été commise par la campagne de Donald Trump.
05:23Ils n'étaient pas prêts, ils n'ont pas vu que Kamala Harris
05:26pouvait remplacer Joe Biden, ou plutôt, ils n'ont pas cru
05:30que les démocrates allaient avoir le courage de le faire, en quelque sorte.
05:34Et donc, du coup, effectivement, ils se raccrochent aux branches,
05:37ils recourent finalement à des techniques qu'ils ont déjà utilisées
05:41en 2016 face à Hillary Clinton, ou déjà contre Kamala Harris en 2020,
05:46où ils s'en prennent à son identité, où ils s'en prennent à son rire,
05:52à son apparence, etc.
05:53Mais tout cela, ce sont des attaques qui ont déjà été éprouvées
05:56contre Kamala Harris, qui, je le rappelle, en 2020,
05:59était la personnalité américaine, politique américaine,
06:03la plus attaquée en ligne, en grande partie par des supporters de Donald Trump.
06:07En restant prudent, évidemment, Alexis Buisson,
06:10à moins de trois mois maintenant de l'élection,
06:12vous diriez que l'Amérique, les Américains,
06:14se sont lassés des excès, des outrances de Donald Trump ?
06:19C'est difficile à dire, parce que l'opinion américaine
06:23et la population américaine vit, un peu comme en Europe d'ailleurs,
06:27dans des espèces de bulles d'opinion.
06:29Et moi, quand je voyage dans le pays, je suis souvent frappé
06:32par à quel point les gens ne s'intéressent pas à la politique
06:37ou s'intéressent juste à une facette de la politique,
06:40ou sont susceptibles, on va dire, à des théories du complot, etc.
06:48Donc c'est assez difficile, je dirais, de mesurer l'état de l'opinion,
06:52ce qui est sûr, c'est qu'il y a un grand pessimisme quand même aux Etats-Unis
06:56quant à la trajectoire du pays, quant à l'avenir du pays.
06:59Il y a le sentiment finalement que l'Amérique perd un peu sa place dans le monde,
07:05il y a un sentiment de déclassement qui habite notamment la jeunesse américaine,
07:10qui est assurée, je le rappelle, de vivre moins bien que la génération de ses parents.
07:16Et donc tout ça, ça nourrit un pessimisme qui, finalement, peut favoriser Donald Trump.
07:22Ce que je répète souvent, c'est que Kamala Harris, maintenant, est au pied du mur.
07:26Là, elle vit un peu enveloppée dans une bulle d'enthousiasme démocrate,
07:30mais pour passer au stade supérieur, il faudra quand même qu'elle réponde
07:34à ce pessimisme latent pour l'avenir du pays au sein de la population américaine.
07:40Je reviens à votre livre, Alexis Buisson, L'Héritière.
07:42Il y a un passage très intéressant où vous revenez sur les débuts
07:45de la vice-présidence de Kamala Harris.
07:47Ça n'a pas été facile.
07:48D'abord, elle a été chargée de ce dossier empoisonné de l'immigration.
07:51Elle n'a pas été très diplomate avec ses équipes.
07:53Il y a eu beaucoup de changements autour d'elle.
07:55Et puis, elle n'était pas du tout populaire, en fait.
07:57Oui, tout à fait.
07:59D'ailleurs, elle reste assez peu populaire dans l'opinion.
08:01À mon avis, si elle était opposée à quelqu'un d'autre que Donald Trump,
08:04ce serait plus difficile pour elle.
08:07Mais, effectivement, elle a connu des débuts difficiles à la vice-présidence.
08:10Mais ce qui est important, c'est que tout au long de sa carrière,
08:13c'est quelqu'un qui a appris de ses erreurs,
08:15qui s'est souvent remise en question et qui s'est améliorée.
08:18Et, en fait, c'est ce qu'on a vu à la vice-présidence.
08:20Après ses débuts difficiles, elle a pris ses marques,
08:23notamment sur la scène internationale,
08:25où elle a développé ses compétences, son réseau.
08:29Même aux États-Unis, elle a noué de nouvelles relations
08:33avec des militants dans différents secteurs,
08:37notamment sur la question de l'avortement,
08:39qui est un peu son cheval de bataille aujourd'hui et depuis deux ans.
08:43C'est quelqu'un qui, finalement, a appris à voir le pays et le monde
08:48à travers le prisme de la Maison-Blanche.
08:50C'est une expérience qu'elle a acquise,
08:52qu'elle a emmagasinée ces quatre dernières années,
08:55qui lui sera, bien sûr, extrêmement utile si elle devient présidente demain.
09:00Donc, il y a la Convention démocrate jusqu'à la fin de la semaine.
09:03Le rendez-vous important, ce sera le 10 septembre prochain,
09:06le premier débat à la télé entre les deux candidats.
09:09Est-ce que vous pensez que Kamala Harris peut faire le poids
09:12face à un Trump qui va forcément y aller en mode bulldozer ?
09:15C'est toute la question.
09:17Et moi, j'avoue que c'est quelque chose que je vais regarder de près,
09:20parce que Kamala Harris n'est pas nécessairement connue
09:22pour être très à l'aise dans les situations où elle est mise au défi,
09:26ou dans des situations un peu imprévisibles.
09:28Je rappelle qu'en 2019, elle avait fait une performance de débat
09:32qui était catastrophique lors de la campagne des primaires démocrates,
09:37où l'une de ses rivales sur scène avait remis en question
09:40son bilan de procureur progressiste.
09:42Et en fait, elle avait été complètement...
09:46Déstabilisée.
09:48Déstabilisée, présodée pour vue.
09:50Et donc, j'ai envie de voir effectivement ce qu'elle va donner face à Donald Trump,
09:55qui est quelqu'un de complètement imprévisible,
09:58quelqu'un qui est prêt à tout pour retourner à la maison blanche,
10:02ne serait-ce que probablement pour éviter une peine de prison.
10:06Et donc, effectivement, ça va être une confrontation intéressante
10:09entre quelqu'un qui est imprévisible et quelqu'un qui se prépare énormément,
10:14qui est très médiculeuse, mais qui peut aussi se préparer à outrance
10:17et être facilement déstabilisé.
10:19Merci Alexis Buisson d'avoir été l'invité de RTL.

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