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Hubert Védrine, ancien conseiller de François Mitterrand et ancien ministre des Affaires étrangères, est notre invité dans ce nouvel épisode de The Global Conversation.

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Transcription
00:00Les conflits dans le monde se multiplient, les démocraties sont de plus en plus en crise.
00:05Est-ce que le monde est devenu ingouvernable ?
00:08On a posé cette question à Hubert Védrine, ancien conseiller du président français François Mitterrand
00:15et ancien ministre des Affaires étrangères.
00:18Tout de suite sur Global Conversation.
00:24Hubert Védrine, bienvenue sur Euronews.
00:26Cet été 2024, la question de la gouvernabilité se pose à tous les niveaux, national, international,
00:33union européenne ainsi que global.
00:36Est-ce qu'on est en train d'assister à la fin d'un ordre politique et d'un ordre économique mondial ?
00:42Globalement, il n'y a jamais eu d'ordre mondial en réalité.
00:46En fait, il y a toujours eu plus ou moins un désordre mondial.
00:49Mais il y a quelques moments où il y avait des puissances qui avaient réussi à dominer le système.
00:55Après la Deuxième Guerre mondiale, ce sont les Américains qui ont organisé la suite.
00:59D'ailleurs très bien.
01:01C'est un des rares moments où une puissance dominante arrive à mélanger les intérêts nationaux
01:06qui sont le cas de toutes les puissances, et puis une sorte de vision un peu plus générale.
01:11Après il y a eu la Guerre froide, qui était assez stable d'ailleurs, et on comprenait.
01:15Il y avait l'Est, l'Ouest et le Sud, le fameux tiers-monde.
01:19Et après, quand l'Union soviétique a disparu, il y a eu un élan d'enthousiasme, de triomphalisme en Occident.
01:28Avec une forme un peu nationaliste aux Etats-Unis, on a gagné, on est les maîtres.
01:33Là on revient en géopolitique classique.
01:35La force des Etats-Unis, la force de la Chine, que devient la Russie, etc.
01:39Donc je ne dirais pas que tous les régimes sont en crise, c'est différent.
01:43S'il y a des problèmes en Chine ou en Russie, c'est différent.
01:46En revanche, toutes les démocraties sont en crise à mon avis.
01:48Elles sont menacées.
01:50Justement, il y a un problème de gouvernabilité.
01:53Mais pas spécialement en Europe, c'est les démocraties.
01:56Regardez les Etats-Unis, ils sont dans une situation effrayante.
01:59C'est comme deux pays qui s'affrontent.
02:01Donc il y a une crise dans la démocratie, et l'idée de démocratie représentative.
02:06Il y a l'idée qu'on élit des gens, président, député, etc.
02:11On les laisse travailler et on juge le bilan.
02:14On les reprend ou pas, ça c'est mort.
02:16Il y a aussi une menace, un risque, celui d'une fracture définitive
02:20entre l'Europe et les Etats-Unis en termes d'intérêts.
02:23L'Europe et les Etats-Unis, à mon avis, évolueront un jour différemment du siècle passé.
02:30Parce qu'en fait, qu'est-ce qui a réunifié de force les Etats-Unis et l'Europe ?
02:35C'est la première guerre mondiale.
02:37Après c'est Hitler, après c'est Staline, maintenant c'est Poutine.
02:42Mais dans la longue durée, c'est des mondes différents.
02:45Dans son testament, le président George Washington, le premier,
02:49il a dit ne vous mêlez jamais des conflits entre les Européens.
02:53Mais les Etats-Unis n'ont jamais été isolationnistes globalement.
02:56Ils n'ont jamais été pour contrôler l'environnement, le Mexique, le Cuba, ni les Philippines.
03:03Mais par rapport à l'Europe, il y a un cas particulier, en effet,
03:06où ils ont été obligés de se réinvestir beaucoup plus que ce qu'ils avaient prévu.
03:10Et on le voit encore maintenant.
03:12Puisqu'il n'y a pas que les Trumpistes qui disent qu'il y en a marre de payer pour les Européens
03:17et qui ne font pas assez.
03:18Même les démocrates le disent un peu.
03:20Et même c'est un démocrate, Barack Obama, qui a lancé le mouvement du pivot vers l'Asie.
03:25Le pivote.
03:26En disant que l'Europe c'est très bien, mais c'est secondaire.
03:29Mais ça peut quand même obliger les Européens à réagir plus qu'avant.
03:34Donc on a une présidence républicaine, comme tout le monde semblerait penser, avec Trump.
03:39Ou les démocrates.
03:41On n'aura pas un grand changement de politique.
03:44Alors il y a un changement gigantesque de style, de comportement.
03:48Le narrative.
03:49Le narrative.
03:50Mais c'est aussi une question de décence politique, etc.
03:53Mais sur le fond, je pense qu'il y a une évolution historique
03:56qui a lieu, même dans les deux hypothèses, par rapport à l'Ukraine.
04:00Même si c'est encore les démocrates.
04:02Ils ne vont pas faire re-voter un deuxième plan à 61 milliards.
04:06Donc d'une façon ou d'une autre, la question ukrainienne va être modifiée.
04:10La Russie demeure un dilemme pour les Européens et pour les Américains.
04:16Il y a des pays européens qui sont sur la confrontation dure en disant
04:21non, ça c'est une menace existentielle, il faut supprimer, éliminer cette menace.
04:26Alors que pour des autres, oui, c'est un risque, mais gérable.
04:30Et des autres aussi, ils parlent d'engagement de la Russie.
04:34Moi je suis de l'avis, pour être franc avec vous, des vieux réalistes américains,
04:39Kissinger, Brzezinski, pour une fois d'accord d'ailleurs,
04:43qui pensaient qu'on a complètement raté la décennie 90.
04:46Donc je pense vraiment, moi aussi, que dans cette période,
04:50Yeltsin, Poutine 1 et 2, Medvedev,
04:53il aurait fallu faire ce que Kissinger proposait,
04:56c'est-à-dire un grand accord de sécurité, y compris avec la Russie.
05:00Et Brzezinski lui-même, polonais, donc avec Carter,
05:04mais une influence énorme après aussi,
05:07disait, il faut couper l'Ukraine de la Russie,
05:10donc réinventer l'Ukraine, la couper de la Russie,
05:13comme ça la Russie ne sera plus un empire,
05:16mais il ne faut pas la mettre dans le temps.
05:18Il faut faire un statut de neutralité, genre Autriche,
05:21de l'époque de la guerre froide.
05:23Ce n'est pas du tout ce qui a été fait,
05:25mais pas du tout par duplicité stratégique.
05:28J'emploie les termes, à propos des Etats-Unis,
05:30de désinvolture olympienne.
05:33On a gagné, nos valeurs vont s'imposer partout,
05:36à coups de sermons, de sanctions, de bombardements, tout ça.
05:38On a gagné. Le réalisme n'a pas échoué.
05:41La réelle politique n'a pas échoué, n'a pas été essayée.
05:44Donc c'est une sorte d'irréelle politique confuse qui a dominé.
05:48Et là, je suis tout à fait de l'avis de Biden,
05:51pas de tous les Européens, Biden,
05:54depuis le début, il faut empêcher Poutine de gagner en Ukraine,
05:58absolument, mais on ne va pas se laisser entraîner
06:01dans l'engrenage de la guerre à la Russie.
06:03Et là, il y a clivage, parce qu'il y a une partie des Européens
06:06qui n'osent pas le dire comme ça,
06:08mais ils pensent qu'il faudrait abattre le régime russe, en fait.
06:11Il faut revenir à la Moscou, oui, pour certains.
06:14Oui, c'est ça. Valézy, c'est ça, par exemple.
06:17Parce que la Russie est aussi un empire colonial.
06:20Ben oui, quand même, c'est bon.
06:22Mais là, il y a une ligne américaine,
06:24et même à l'époque où on croyait, on espérait
06:26que les Ukrainiens allaient gagner,
06:28le chef d'état-major des armées américaines
06:31indiquait clairement qu'il ne soutiendrait pas
06:33l'attaque sur la Crimée, par exemple.
06:35Bon, on n'en est pas là, c'est l'inverse.
06:37C'est l'inverse, il y a une menace sur l'Ukraine.
06:40Et là, je suis complètement d'accord,
06:42il faut empêcher Poutine de gagner.
06:44Vous avez dit que, pour Biden,
06:47disons l'école Biden,
06:49la Russie ne doit pas gagner.
06:51Mais qu'est-ce qui signifie, en termes concrets,
06:54sur les terrains, une sorte de 38e parallèle
06:58à l'européenne ?
07:00C'est-à-dire, on gèle le conflit
07:02là où les Russes sont arrivés.
07:04Moi, je m'attends à une sorte de gel.
07:06Je sais, c'est le fameux plan Trump,
07:08dont on connaît le début.
07:10Il dit à Zelensky, il faut arrêter.
07:13En disant, je vais m'entendre avec Trump,
07:15j'invite les Russes à des négociations,
07:17il a déjà compris.
07:19Et même si c'est les démocrates,
07:21ils ne vont pas promettre le soutien perpétuel.
07:23Donc, une sorte de gel.
07:25Après, je n'imagine pas
07:28des négociations, en tout cas, pas directes.
07:30L'Ukraine a trop souffert.
07:32C'est trop dégueulasse, la guerre russe en Ukraine.
07:35C'est monstrueux sur le plan humain,
07:37les cibles, etc., effrayants.
07:39Donc, ils ne peuvent pas négocier.
07:41Aucun président, même si ce n'est pas Zelensky,
07:43même si c'est un autre,
07:45ne peut pas négocier avec la Russie, en fait.
07:47Quelle formule ?
07:49Différents pays proposaient des plans,
07:51des plans de coexistence, de voisinage,
07:53de cesser le feu organisé, etc.
07:55Les Turcs, qui rappellent
07:57qu'ils avaient quand même permis
07:59des négociations la première année,
08:01rappelaient. Éventuellement, les Indiens,
08:03les Chinois, Lula,
08:05enfin, tout le monde.
08:07Mais pas les Européens qui sont dans un camp, maintenant.
08:09Que dans un camp.
08:11Je pense que les Européens, sans rien lâcher,
08:13continuant à aider l'Ukraine,
08:15devraient se positionner pour être capables
08:17de jouer un rôle dans la suite,
08:19par rapport à ça.
08:21Et donc, ça veut dire être capables d'accepter
08:23qu'à un moment donné,
08:25on reparle aux Russes.
08:27Mais les Russes veulent parler avec les Américains.
08:29Je sais bien.
08:31Et les Américains ne veulent pas parler avec les Russes.
08:33Peut-être Trump voudrait.
08:35Non, Trump, il a un plan.
08:37Il ne veut plus les cibles militaires.
08:39Mais après, tout le monde va lui dire,
08:41même aux Etats-Unis,
08:43il faut quand même empêcher Poutine de réattaquer.
08:45Même pour Trump,
08:47ça peut marcher. Parce que s'il réattaque,
08:49il ne peut plus impressionner les Chinois.
08:51Après.
08:53Donc, il peut y avoir un deuxième volet du plan Trump.
08:55Il commence à dire, d'ailleurs,
08:57il croit qu'il va gagner. On n'est pas sûr.
08:59Mais c'est une hypothèse sérieuse.
09:01Je règle la question
09:03entre mon élection et l'entrée à la Maison Blanche
09:05le 21 janvier.
09:07Donc, ça veut dire qu'il ne se croit
09:09qu'appelable d'une façon ou d'une autre
09:11d'obtenir des garanties russes,
09:13ce qui ne vaut rien, à mon avis,
09:15sauf s'il y a des menaces.
09:17Ce qu'on appelle garantie, il faut que ce soit des menaces
09:19dissuasives, en vrai.
09:21Est-ce que, justement,
09:23l'adhésion de l'Ukraine à l'Union Européenne
09:25pourrait être une solution
09:27acceptable pour tout le monde ?
09:29L'élargissement général.
09:31Un jour, il faudra s'arrêter quelque part.
09:33Donc, l'idée qu'on va s'élargir
09:35jusqu'à la Mongolie, c'est une plaisanterie, mais...
09:37Non, non, mais... Bon, on n'en est pas là.
09:39Ukraine, je peux comprendre
09:41qu'à un moment donné, pour des raisons
09:43de solidarité humaine, vu l'atrocité
09:45de ce que subissent les Ukrainiens,
09:47on fasse ce geste.
09:49C'est très compliqué, en réalité.
09:51Il ne remplisse pas les conditions.
09:53Donc, il faut qu'il y ait un calendrier
09:55quand même réaliste.
09:57D'autre part, on ne peut pas laisser tomber
09:59les pays comme ceux des Balkans occidentaux
10:01qui sont dans la salle d'attente depuis des années.
10:03C'est ça, le problème.
10:05On sait très bien que c'est là
10:07où, officiellement, le problème
10:09le plus grand se pose quand on parle
10:11d'élargissement aux Balkans occidentaux,
10:13la reconnaissance du Kosovo.
10:15Vous étiez en poste
10:17en tant que ministre des Affaires étrangères.
10:19J'étais là comme groupe de contact
10:21qui a géré ça,
10:23y compris avec le ministre russe
10:25de l'époque, Igor Ivanov.
10:27Mais je vous signale que l'Espagne
10:29n'a pas reconnu le Kosovo.
10:31Il y a plusieurs pays d'Europe
10:33qui n'ont pas reconnu
10:35parce que c'est un précédent trop dangereux.
10:37Donc, je ne vois pas comment la machinerie
10:39européenne, qui est quand même
10:41psychorigide, sûre d'elle-même
10:43avec beaucoup d'arrogance,
10:45peut-être un peu moins maintenant,
10:47je ne comprends pas comment on en fait une condition.
10:49Parce que la construction d'une défense
10:51européenne,
10:53surtout d'un point de vue industriel,
10:55demeure quelque chose d'absolument
10:57irréel.
10:59De toute façon, c'est un peu du théâtre,
11:01parce que même avant
11:03Macron, qui lui est encore plus convaincu
11:05personnellement, les Français ont
11:07toujours suggéré une défense européenne.
11:09Les Européens n'en veulent pas.
11:11Ça passe
11:13notamment par les industries de défense
11:15en Europe. Mais les Américains,
11:17tout en prétendant
11:19que les Européens doivent dépenser plus,
11:21ils combattent les concurrents
11:23européens. Donc, ils veulent
11:25que les Européens dépensent plus pour acheter
11:27Américains. Il faudrait que les pays qui
11:29comptent en matière de défense,
11:31il y en a 6 ou 7,
11:33secrètement, je le dis publiquement, c'est bête,
11:35mais il faudrait que ce soit fait secrètement,
11:37réfléchissent entre eux
11:39à ce qu'on fait
11:41s'il y a vraiment Trump.
11:43Les États-Unis
11:45forcent pour
11:47ramener l'OTAN, étendre l'OTAN,
11:49les rayons d'action de l'OTAN
11:51à l'Asie pacifique,
11:53les pivots sur l'Asie.
11:55Les Européens ne sont pas tous convaincus
11:57de ça.
11:59Moi, j'ai un point de vue classique,
12:01français et classique.
12:03C'est le traité de l'Atlantique nord.
12:05Il y a toujours eu
12:07la tentation de ce qu'on appelle le hors jaune,
12:09l'étendre.
12:11Mais c'est pas nouveau. Je pense
12:13que c'est pas une bonne solution. C'est incontrôlable,
12:15hyper dangereux.
12:17On sait pas dans quoi ça nous étendrait.
12:19L'OTAN, la clé, c'est l'article 5, quand même.
12:21L'obligation de défendre les alliés.
12:23Donc je pense qu'il faut une alliance
12:25différente, une vraie alliance.
12:27Et dans certains cas, pour certaines
12:29opérations ponctuelles,
12:31il peut y avoir une collaboration ponctuelle,
12:33limitée, entre
12:35tel ou tel pays de l'OTAN en Europe
12:37et cette alliance asiatique,
12:39éventuellement, ou non, on peut dire non.
12:41Mais en tout cas, ça peut pas être la même alliance,
12:43à mon avis. D'ailleurs, c'était déjà abusif
12:45d'étendre
12:47la compétence théorie de l'OTAN
12:49à l'Afghanistan,
12:51qui en plus se termine sur un échec.
12:53Le Proche-Orient, par contre,
12:55il est,
12:57disons, un problème
12:59énorme pour
13:01la sécurité
13:03européenne.
13:05Il y a plusieurs scénarios,
13:07dont des scénarios épouvantables.
13:09Les Israéliens, nationalistes,
13:11extrémistes, quasiment fascistes,
13:13pas forcément Netanyahou, mais ses alliés,
13:15ils ont expulsé tous les Palestiniens.
13:17Ils rendent la vie
13:19intenable en Cisjordanie.
13:21Donc, c'est vraiment des incendiaires
13:23en Cisjordanie.
13:25Ou alors, vous avez l'autre hypothèse atroce,
13:27un jour, les Israéliens prennent
13:29une vraie bombe sur la tête. Enfin, c'est des scénarios,
13:31c'est pas des solutions.
13:33La seule solution, c'est celle que
13:35Yitzhak Rabin a eu le courage d'assumer
13:37les deux États. Un État palestinien,
13:39Rabin,
13:41Shimon Peres, Olmert,
13:43Ehud Barak, et même Sharon
13:45à la fin.
13:47Avant que Netanyahou gagne, reprenne le pouvoir,
13:49notamment, disait Clinton,
13:51en raison de l'influence
13:53dans l'électorat des juifs russes,
13:55et disent avec moi,
13:57jamais d'État palestinien.
13:59Et l'horreur du 7 octobre,
14:01puis l'horreur de la guerre, donc c'est pas une question
14:03de sécurité. Sur quelle base un État palestinien ?
14:05Alors qu'à l'époque, il y avait
14:07quand même Arafat, l'OLP...
14:09Même l'équipe Biden, qui est d'ailleurs très très très bien
14:11là-dessus, le mieux possible,
14:13compte tenu de ce qu'est l'Amérique.
14:15Biden, Blinken, Sullivan.
14:17Ils disent qu'il faut un chemin vers l'État palestinien.
14:19Les pays arabes eux-mêmes
14:21avaient complètement abandonné.
14:23Je pars de l'hypothèse de la mise
14:25à l'écart de Netanyahou.
14:27Il faut un gouvernement israélien
14:29qui prend le risque.
14:31Du côté palestinien, il faut réinventer
14:33une autorité palestinienne nouvelle et crédible.
14:35Donc c'est la seule menace contre le Hamas.
14:37D'ailleurs, le Hamas fera tout
14:39pour l'empêcher.
14:41Parce que si on retrouve un autre premier ministre israélien,
14:43un autre leader palestinien,
14:45non Hamas,
14:47il faut les protéger.
14:49Et un seul État, par contre ?
14:51Je crois que ça ne tiendra pas.
14:53Avec un changement de nom, évidemment.
14:55Il faut commencer par séparer les deux peuples.
14:57Avant peut-être un jour
14:59de vivre plus ensemble, etc.
15:01Donc je n'y crois pas.
15:03Ça me parait encore plus compliqué que l'autre
15:05scénario qui est déjà
15:07assez compliqué.
15:09Il ne faut pas renoncer d'espérer ça.
15:11On termine avec un scénario
15:13un peu moins compliqué.
15:15On pense et on espère.
15:17La situation française,
15:19après les élections,
15:21pour la première fois, on voit
15:23des grandes difficultés à trouver une majorité.
15:25Et
15:27la solution d'une cohabitation
15:29aussi se pose.
15:31Mais avec quelle majorité ?
15:33Vous avez été ministre dans un gouvernement
15:35qui avait une cohabitation.
15:37Moi j'ai connu les trois cohabitations.
15:39Le président Macron,
15:41déjà, il n'avait pas la majorité.
15:43Vrai. Donc il avait un gouvernement
15:45qui naviguait
15:47selon les sujets.
15:49La situation est encore plus compliquée qu'avant.
15:51D'abord parce que personne n'avait anticipé
15:53sur la coalition électorale
15:55intitulée Front Populaire.
15:57Tout à fait étonnant d'ailleurs.
15:59Un cartel, oui.
16:01Ce qu'on appelait le cartel des gauches
16:03dans les années 1922-1923.
16:05Macron ne s'y attendait pas, mais personne ne s'y attendait
16:07parce qu'il y a une contradiction absolue sur le fond.
16:09Sur énormément de sujets.
16:11Il suffit de regarder le programme.
16:13On voit bien qu'il y a des contradictions
16:15personnelles,
16:17des ambitions contraires
16:19et des contradictions de programmes.
16:21Énormes.
16:23Alors, la question, qu'est-ce qui se passe dans l'année
16:25qui est devant nous, sauf si le Front Populaire
16:27réussit à imposer une candidature unique.
16:29Mais pour le moment, ils n'y arrivent pas.
16:31Et si ce n'est pas le cas dans les deux cas,
16:33on passe après à des tentatives
16:35du gouvernement de coalition.
16:37Ce qui reste des macroniens, ensemble.
16:39Plus un peu de droite modérée.
16:41Pas le RN.
16:43Un peu de gauche.
16:45Et personne n'en sait rien.
16:47Mais dans tous les cas, c'est minoritaire.
16:49Est-ce qu'à votre avis, il faudra quand même
16:51à un moment donné, engager ou créer
16:53une détente institutionnelle,
16:55une forme de détente institutionnelle
16:57avec le RN ?
16:59À un moment donné.
17:01Et de toute façon, elle représente
17:03une partie considérable de l'électorat français.
17:05C'est sûr.
17:07Oui, je pense qu'on atteint les limites, quand même,
17:09de l'esprit démocratique,
17:11quand on prétend ostraciser
17:13dans les postes, etc., des gens qui représentent
17:15près de la moitié de l'électorat.
17:17Donc ça ne tient plus.
17:19D'ailleurs, si le barrage
17:21Front Républicain,
17:23coalition contre l'extrême droite
17:25et le moralisme,
17:27histoire du fascisme, etc.,
17:29c'est différent.
17:31C'est une paresse intellectuelle de comparer aux années 30.
17:33Je crois que c'est complètement, complètement différent.
17:35Mais si ça avait fonctionné,
17:37le RN serait à 15%.
17:39Il ne serait pas à 40%.
17:41Donc c'est vrai, la question est
17:43délicate.
17:45Ça peut...
17:47Les réponses peuvent choquer certaines personnes,
17:49mais à mon avis, soit les partis de gouvernement
17:51arrivent à répondre,
17:53ce qui n'est pas le cas depuis 30 ans,
17:55à la demande non pas fasciste,
17:57mais banale d'ordre.
17:59Ou alors, un jour ou l'autre, le RN
18:01gouvernera.
18:03À ce moment-là, on verra les limites.
18:05On verra qui se les banalisera.
18:07Ça deviendra
18:09un parti de gouvernement détesté,
18:11comme tous les autres.
18:13Exactement. Et à propos des extrêmes, pour conclure,
18:15il y a eu l'initiative
18:17de Viktor Orban, le Premier ministre
18:19hongrois, qui était très critiqué
18:21d'ouvrir un table des négociations
18:23avec les Russes, ainsi qu'avec les Chinois,
18:25et en plus avec Trump.
18:27Est-ce que vous pensez qu'une initiative comme ça
18:29pourrait être utile aussi ?
18:31Non, pas de façon isolée.
18:33Je ne crie pas au scandale.
18:35D'abord, plus personne ne se rappelait
18:37qu'il y avait des présidences tournantes.
18:39Donc, d'une certaine façon...
18:41Il a redonné visibilité
18:43à la présidence tournante.
18:45Après, il a un jeu particulier.
18:47Quand Poutine le reçoit,
18:49il sait très bien qu'Orban n'engage que lui.
18:51Peut-être un ou deux pays à côté,
18:53mais c'est tout par rapport à ça.
18:55Donc, je ne hurle pas contre Orban,
18:57même si ça met dans un état
18:59comateux tout le système
19:01Commission, PESC, etc.
19:03Et de toute façon,
19:05le cadre va changer à la fin de l'année.
19:07Parce que soit c'est Trump,
19:09ce qui est le plus probable aujourd'hui,
19:11soit c'est les démocrates,
19:13mais ils ne vont pas continuer sur la ligne d'avant.
19:15Donc, Orban pourra dire
19:17« J'ai préparé le terrain ».
19:19Mais ça ne veut rien dire. Il ne peut pas préparer le terrain
19:21La discussion qui intéresse les Russes,
19:23c'est la discussion américaine.
19:25Zelensky aura besoin
19:27de gens qui parlent aux Américains
19:29et aux Russes.
19:31Donc, c'est un scandale exagéré.
19:33C'est plutôt des luttes de territoire,
19:35mais ce n'est pas la solution non plus.
19:37Et moi, je ne vois pas
19:39les Européens,
19:41même dans le cadre de Trump,
19:43faire du Orban.
19:45Merci beaucoup.
19:48Merci pour vos invitations
19:50et vos questions.
19:52On a fait le double.
19:54Il faut garder le double.

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