• il y a 5 mois
Amy Greene, politologue, enseignante et spécialiste de la politique américaine à Sciences Po Paris, est l'invitée de Télématin. Elle revient sur le retrait de Joe Biden de la course à la présidentielle américaine. Ce dernier devrait laisser place à Kamala Harris qui doit être investie par les démocrates. 

Category

📺
TV
Transcription
00:00L'invité de 8h15 nous emmène aux Etats-Unis ce matin après l'annonce choc du retrait de Joe Biden dans la course à l'élection présidentielle.
00:06On se dirige tout droit vers un duel. Donald Trump, Kamala Harris, Amy Green, bonjour.
00:11Bonjour.
00:11Merci d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes politologue anciennement et spécialiste de la politique américaine à l'université Sciences Po Paris.
00:18Bonjour Amy Green. Il n'y a plus vraiment doute. Regardez la une de libération Kamala Harris. C'est l'évidence, c'est sûr, ça sera elle face à Donald Trump ?
00:27Oui, ça sera elle. Alors la bonne nouvelle, ou en tout cas la bonne nouvelle pour Kamala Harris et puis la nouvelle de la soirée,
00:32c'est qu'elle a réussi à sécuriser assez de délégués pour pouvoir être nommée investie du Parti démocrate.
00:38Donc il n'y a plus du tout de doute, ça sera elle. Les démocrates vont avancer assez rapidement maintenant pour conclure cette phase-là.
00:46Toutes les personnes qui pourraient potentiellement la concurrencer avaient décidé de se ranger derrière elle.
00:51Donc il y a un phénomène, une vague de solidarité, de cohésion chez les démocrates. Et oui, ça sera elle.
00:56Qui se voit financièrement aussi.
00:58Ah oui, c'est assez fascinant parce qu'en fait, en l'espace de 24 heures, un groupe qui est affilié au Parti démocrate a débloqué 150 millions de dollars.
01:07C'est extraordinaire, c'est inimaginable. Il y avait dans ça à peu près...
01:11150 millions de dollars, j'en étais à 81 millions de dollars en 24 heures, moi.
01:14Parce qu'en fait, non, il y avait 90 millions qui ont été en suspens en attendant la décision de Biden de se retirer, qui se sont débloqués.
01:23Donc effectivement, les chiffres que j'ai eus ce matin, c'était 150 millions. Mais ça, c'est pour un groupe affilié.
01:28Après, il y avait la levée de fonds de la candidate.
01:30La levée de fonds, voilà. Levée de fonds de 80 millions de dollars, qui est aussi un record en 24 heures, c'est dire l'engouement qu'elle suscite.
01:36Est-ce qu'elle suscite justement un engouement à l'échelle du pays, au-delà de son parti ?
01:41Alors, pas encore. C'est-à-dire que chez les démocrates, c'est vrai qu'il y a cette énergie, cet enthousiasme qui s'est libéré avec le retrait de Joe Biden.
01:49Ce sentiment que c'est la dernière chance, la dernière tentative, il faut y aller maintenant.
01:53Alors, en revanche, à l'échelle du pays tout entier, sa cote de popularité n'est pas si haute que ça.
01:59Elle a un vrai travail à la fois de se présenter à des Américains qui ne la connaissent pas, connaissent peu ou même pas, tout simplement, ainsi que d'aller convaincre des indécis.
02:08Et donc, ce travail-là, ça reste à faire. Mais le fait d'aujourd'hui de pouvoir se dire j'ai les délégués pour être la nominée de mon parti, ça va lui permettre justement de faire ce travail.
02:18Ça, c'est à l'échelle des États-Unis. Et à l'échelle du monde, comment est-ce que c'est à regarder ce qui est en train de se passer là aux États-Unis ?
02:24À l'échelle de la France ou à l'échelle du monde entier ?
02:27La France ou l'international ?
02:28Est-ce que c'est positif ou pas positif ? Enfin, vous allez me dire ça dépend de qui, mais…
02:32Ça dépend de qui ? C'est-à-dire que c'est vrai que ça dépend de qui. Si on demande à Moscou ou à Pékin, c'est vrai que l'enthousiasme n'est peut-être pas au rendez-vous.
02:41En effet, Moscou et le Kremlin avaient déjà dit qu'elle n'était pas une très bonne amie de la Russie.
02:47En revanche, on peut voir chez les alliés traditionnels beaucoup d'attentes. On a quand même des gages de la ligne de politique étrangère qu'elle pourrait incarner.
02:56Mais néanmoins, on attend des prises de position fermes de sa part. Jusqu'à aujourd'hui, elle n'a pas dû s'exprimer justement sur les affaires internationales.
03:04Et si elle l'a fait, c'était vraiment sous la bannière de l'administration Biden, donc elle a incarné la ligne de son président.
03:10Est-ce que sa ligne sera différente d'ailleurs à l'international par rapport à celle de Joe Biden ?
03:14Globalement, je ne pense pas. C'est vrai que c'est un peu tôt, il faut qu'on lui laisse le temps de s'exprimer.
03:19Mais globalement, on peut penser qu'elle va incarner une forme de continuité si c'est bien elle élue.
03:24Soutien indéfectible à l'OTAN, aux alliés européens, à l'Ukraine, discours un peu musclés pour contrer la montée de la Chine.
03:34Elle a eu des propos qui divergent un petit peu avec le président sur Israël et Gaza.
03:39Mais globalement, je pense qu'on sera sur une candidate classique démocrate habituelle.
03:45Justement, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou va rencontrer Joe Biden jeudi.
03:49Camilla Harris aussi d'ailleurs. Ça sera quoi l'objectif de cette visite ?
03:53Il peut y avoir plusieurs objectifs. En tout cas, il y a une forme de se reconnaître un petit peu.
04:01Passer le flambeau aussi de la relation ?
04:03Oui, d'une certaine manière, l'installer un peu dans la dynamique.
04:06Ceci dit, elle n'est pas encore présidente, donc il ne faut pas non plus mettre la finalité avant la démarche.
04:13Mais en effet, il y a l'enjeu de la placer auprès du public américain,
04:18en tant que personne qui pourrait être chef d'État, chef des armées.
04:22C'est une personne qui est en train constamment d'être présentée, introduite au peuple américain.
04:29Et donc en effet, la positionner sur des rencontres assez importantes comme celle-ci
04:33permet justement de la positionner comme figure qui peut incarner justement la présidence.
04:38Il y a Israël, la Palestine, il y a l'Ukraine bien sûr aussi.
04:41Mais la préoccupation majeure des États-Unis, quel que soit le camp, c'est la Chine.
04:45Qu'est-ce que cela va changer le résultat de l'élection à venir dans trois mois,
04:48que l'on soit démocrate ou républicain ?
04:51Alors, il est vrai qu'il y a une vraie différence en termes de vision du monde
04:54entre le camp républicain et le camp démocrate.
04:57Ça va s'exprimer notamment sur des sujets comme l'Ukraine
05:00où la différence ne peut pas être plus intense, plus extrême.
05:05Alors sur la Chine…
05:07C'est-à-dire que Donald Trump soutiendrait plutôt la Russie ?
05:09Exactement.
05:10Et du côté démocrate, on soutient l'Ukraine ?
05:12Tout à fait.
05:13Et par ailleurs, le co-dictateur de Trump, J.D. Vance,
05:15avait dit que l'Ukraine ne méritait pas d'être soutenue.
05:17Donc je pense que ça dit beaucoup de choses,
05:19alors que Kamala Harris et Joe Biden…
05:21Pour vous, si jamais Donald Trump est élu,
05:23ça signifie forcément l'arrêt net des aides à l'Ukraine ?
05:27Non, ça ne signifie pas forcément ça,
05:29mais ça veut dire que la barrière à passer
05:32pour justement sécuriser le niveau de financement,
05:35le niveau d'armement sera extrêmement haut à franchir.
05:39Donc c'est vrai que ça remet en question.
05:41Les Ukrainiens, en général,
05:43ils craignent justement le retour d'un Donald Trump
05:46et ils peuvent être plutôt rassurés par la continuité
05:49qu'incarne Kamala Harris vis-à-vis de la posture
05:52de l'administration Biden aujourd'hui.
05:54Et les relations avec la France dans tout cela ?
05:56Sauf s'il l'a fait dans les secondes dernières minutes.
05:59Emmanuel Macron ne s'est pas exprimé sur l'arrivée de Kamala Harris
06:03à la place de Joe Biden dans cette campagne présidentielle.
06:06Pourquoi d'abord ?
06:07Est-ce que ça dit quelque chose des relations
06:09entre la France et les États-Unis ?
06:11Non, il me semble tout à fait normal qu'un président en exercice,
06:14donc en l'occurrence Emmanuel Macron,
06:16n'ait pas à s'exprimer sur la politique intérieure.
06:18D'autres l'ont fait pour autant ?
06:19D'autres l'ont fait, tout à fait.
06:20En Allemagne, par exemple ?
06:21Je pense qu'il joue la prudence parce qu'il sait que quoi qu'il arrive,
06:24il y aura Trump ou il y aura Harris en face,
06:26il faut s'entendre le plus possible avec la personne en face,
06:29quelle qu'elle soit.
06:31Donc en effet, on voit qu'Emmanuel Macron,
06:33sur la scène internationale, il n'a pas pris position.
06:36Ça me paraît normal.
06:37Mais aussi aux États-Unis, il y a des soutiens comme Barack Obama
06:41qui se retiennent pour l'instant,
06:42qui essaient de la laisser justement dans son trajet, son parcours,
06:45pour ne pas la piéger.
06:48C'est aussi une façon de la protéger,
06:50de laisser le travail politique se faire
06:52et ensuite venir en soutien quand il faut.
06:53Emmanuel Macron a 1000 temps,
06:54mais il a quand même salué le courage de Joe Biden,
06:58le sens du devoir.
06:59Il a encouragé aussi à ce que le partenariat se poursuive.
07:02Ce n'est pas le seul à saluer toute l'action de Joe Biden.
07:06Kamala Harris, qui s'est exprimée pour la première fois
07:09depuis le renoncement de Joe Biden hier,
07:12elle a dit que Joe Biden, en un seul mandat,
07:15avait dépassé l'héritage de la plupart des présidents
07:18qui ont même été élus deux fois.
07:20Barack Obama, si vous nous entendez.
07:23C'est le cas ?
07:24Joe Biden, ça a été vraiment un bon président ?
07:26Président qui restera dans les annales ?
07:28C'est un très grand serviteur de l'État.
07:30Je pense qu'il n'y a pas quelqu'un comme lui
07:32en politique aux États-Unis
07:34qui peut se vanter de ce bilan
07:36et de cette vie consacrée finalement à son pays.
07:39Il est vrai qu'il y a une liste d'historiens
07:41qui avaient établi...
07:42Enfin, pardon, un groupe d'historiens
07:44qui a établi une liste des présidents efficaces
07:47et Joe Biden placé à 14e, je crois,
07:50sur plus d'une quarantaine.
07:52Ça dit beaucoup.
07:53En effet, il y a ce moment-là
07:55qui s'ouvre avec le renoncement de Joe Biden.
07:57C'est de permettre de lui rendre hommage,
08:00de prendre connaissance
08:01et de diffuser ce message
08:03sur le très grand engagement qu'il a eu envers son pays.
08:07Et aujourd'hui, on n'est plus du tout
08:09dans la crispation sur est-ce qu'il va rester ou pas.
08:11On peut simplement se féliciter
08:13de ce grand serviteur d'État
08:14qu'il a décidé de consacrer sa vie à son pays.
08:16Merci beaucoup, Amy Green.
08:18Je rappelle que vous êtes politologue,
08:19enseignante, spécialiste de la politique américaine
08:21à l'Université de Sciences Po Paris.

Recommandations