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Mardi 16 juillet 2024, SMART IMPACT reçoit Lucille Battafarano (cofondatrice, Ancrée) et Malaury Morin (cofondatrice, Blutopia)

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00:00Le débat de ce Smart Impact consacré à la préservation de l'océan. Je vous présente tout de suite mes invités, Malaurie Morin, bonjour et bienvenue.
00:15Vous êtes la cofondatrice de l'association Blutopia et Lucille Batafarano, bonjour.
00:20Bonjour.
00:21Et bienvenue, cofondatrice de l'entreprise, ancrée à l'ÉA. Deux questions de présentation pour démarrer. Blutopia, quelles sont les missions de votre association ?
00:29Notre mission, elle est simple et en même temps, elle est ambitieuse, c'est de réinventer notre alimentation pour préserver l'océan.
00:34Parce qu'en fait, on s'est rendu compte que pour préserver l'océan, ça se passait en grande partie dans notre assiette.
00:38C'est ce dont on va parler ensemble aujourd'hui plus en détail. On a commencé par le plastique, c'était ce qui nous semblait le plus évident.
00:44Et en fait, on a réalisé en se renseignant, en lisant des rapports, et notamment celui de l'IPBES, qui est le GIEC de la biodiversité,
00:51que toutes les menaces, en tout cas les menaces qui pèsent le plus sur la biodiversité marine, sont liées de près ou de loin à notre alimentation.
00:57Le plastique, c'est important, mais ce n'est pas le levier le plus efficace, c'est ce qu'on peut dire. On va détailler ça tout à l'heure.
01:02Ancrée, vous l'avez créée, fondée avec votre sœur, Émilie, en février de cette année. Pourquoi vous l'avez créée ? C'est quoi, Ancrée ?
01:09Alors, Ancrée, c'est une entreprise qui permet d'offrir une offre plus végétale autour des produits de la gastronomie française.
01:20Il y a trois produits dans la gamme, un produit qui est iodé, un produit qui est acidulé, un produit qui est truffé.
01:26C'est vraiment la rencontre de deux ingrédients très intéressants, la graine de chia et l'algue, qui ensemble forment un condiment gastronomique marin,
01:36sans éditif, sans conservateur. Donc voilà, on a un produit qui est un produit d'exception, mais qui...
01:43C'est quoi ? C'est un peu une alternative au caviar ? Est-ce qu'on peut le présenter comme ça ?
01:46Alors, ça dépend surtout de son usage. Si jamais le produit est simplement consommé à l'apéritif et que c'est le produit au milieu de l'assiette,
01:54on peut considérer que c'est comme un caviar végétal dans les marqueurs de goût, surtout. En revanche, c'est plutôt un produit qui a été pensé comme un condiment,
02:04donc qui vient accompagner le reste d'une proposition, à la fois pour le grand public, mais aussi pour les chefs.
02:13On va rentrer un peu dans le détail du rôle de l'océan dans notre équilibre, on va dire, climatique, pour simplifier.
02:21L'océan a absorbé 20 à 30 % des émissions anthropiques, c'est-à-dire d'origine humaine, de dioxyde de carbone depuis les années 80.
02:30Malorie Morin, on parle souvent des forêts, on parle souvent de l'Amazonie. Rappelons une vérité essentielle. C'est notre premier puits de carbone, l'océan ?
02:40Oui, pendant des années, l'océan était absent des grands rassemblements pour le climat, ce qui est un peu dingue quand on y pense,
02:46parce que, comme vous l'avez rappelé, il capte 25 à 30 % des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine, ce qui est absolument considérable.
02:54Et il joue aussi un rôle de pompe à chaleur, donc il a ce rôle de puits de carbone et un rôle de pompe à chaleur,
02:59donc il va capter la chaleur excédentaire de l'atmosphère pour éviter qu'on ait une température trop élevée.
03:06Et il est perturbé lui-même par le réchauffement climatique en cours ?
03:09Et en plus, il est perturbé, puisqu'à force de capter cette chaleur et de capter ces émissions de gaz à effet de serre,
03:15en fait, il commence à s'asphyxier un peu et donc, à un moment donné, on arrive à une limite qui ne va plus pouvoir être dépassée.
03:22Avec un élément important, et on rentre dans cette thématique de l'impact de notre alimentation sur la santé de l'océan, c'est l'élevage.
03:30Mais l'élevage sur terre, comment vous faites le lien entre, finalement, ce qu'on mange et la santé de l'océan, la fragilité de l'océan ?
03:37Oui, c'est vrai que quand nous, on présente notre mission, on nous dit « Ah bah oui, vous allez parler de la pêche ».
03:40Alors en effet, on parle de la pêche, mais on parle aussi de l'élevage sur terre, parce que quand on parle des liens océan et climat,
03:46les émissions de gaz à effet de serre, la plupart de celles qu'on émet, elles sont sur terre et dans notre alimentation,
03:50c'est les produits d'origine animale, et donc c'est l'élevage qui est en cause.
03:54Il y a trois gaz à effet de serre. Souvent, on parle du dioxyde de carbone.
03:57Donc c'est un des gaz à effet de serre qui est lié à l'élevage, quand on va déforester pour avoir des espaces pour les bêtes,
04:03pour pouvoir les élever, mais aussi pour faire des grandes cultures qui vont nourrir les animaux.
04:07Il y a un autre gaz à effet de serre qui est le plus important quand on parle de l'élevage, c'est le méthane.
04:12C'est les ruminants, quand ils vont digérer, qui vont émettre du méthane, qui a un pouvoir réchauffant bien plus important que le dioxyde de carbone.
04:18Et il y en a un troisième, c'est le protoxyde d'azote.
04:21Celui-là, il est émis par les engrais azotés qu'on va mettre sur les champs et donc sur les grandes cultures qui servent, elles aussi, à nourrir les animaux.
04:28Donc c'est lié à tous ces gaz à effet de serre qu'aujourd'hui, on estime que l'élevage est responsable de 14,5% des émissions de gaz à effet de serre.
04:37C'est plus que tous les transports réunis.
04:39Lucie Batafarano, la préservation de l'océan, vous aviez ça en tête, vous avez ça en tête quand vous créez Anchrais ?
04:46Alors évidemment, c'est un sujet à côté duquel on ne peut pas passer.
04:51C'est vrai que la volonté avec Anchrais, c'est d'abord de pouvoir prouver qu'il est possible d'avoir une alimentation plus végétale, sans forcément culpabiliser non plus,
05:01plutôt inviter à une nouvelle proposition à table.
05:05Après, bien sûr, c'est l'heureuse conséquence d'avoir un produit qui est 100% à base de plantes dans la composition.
05:12Alors, comme vous nous l'avez dit, c'est un condiment, mais ça peut être aussi un substitut au caviar.
05:18Vous vous êtes penchée sur la question de la pêche, la surpêche de l'esturgeon, par exemple ? Vous avez regardé ce que ça représentait ?
05:25Alors, pour le coup, moi, le marché sur lequel j'évolue actuellement, c'est le marché français.
05:31Donc c'est celui que je connais le mieux, parce que c'est celui sur lequel je suis implantée.
05:36Et d'ailleurs, le marché de l'esturgeon n'est pas mon marché, mais d'après ce que j'en sais, aujourd'hui, en France, le caviar n'est issu, justement, que de l'élevage.
05:49Alors, l'impact de l'élevage, on peut en parler aussi, parce qu'on se dit que c'est peut-être une solution, finalement.
05:54Quel regard vous portez sur les poissons d'élevage, qui prennent une part importante dans notre alimentation liée à l'océan ?
06:02Oui, on se dit qu'en fait, s'il n'y a plus assez de poissons dans l'océan, ce n'est pas grave, on va en élever.
06:06Et donc, on va faire ça sur Terre. Le problème, c'est le type de poissons qu'on va élever.
06:10Donc, si on élève des poissons qui sont carnivores, qui vont manger d'autres poissons, ça veut dire qu'on a besoin d'aller pêcher des poissons dans l'océan encore pour pouvoir les nourrir.
06:17Et là, on est dans un cercle assez absurde.
06:19Voilà, c'est complètement absurde. Sur l'exemple du saumon, ça peut aller jusqu'à 7 kg de poissons sauvages pour faire 1 kg de saumon d'élevage.
06:25Donc là, on se rend bien compte qu'il y a un problème.
06:27Et c'est d'autant plus important en ce moment qu'il y a un projet de méga-ferme de saumon dans le Médoc, donc pas très loin de chez nous.
06:34Nous, on est basé à La Rochelle, qui a pour ambition de faire 3 millions de saumons par an.
06:40C'est 10 millions de tonnes de saumon. C'est complètement délirant.
06:44Ça n'existe nulle part ailleurs sur la planète.
06:46Et donc, ça va avoir des conséquences sur la surpêche et aussi sur des enjeux sociaux.
06:51Parce qu'on va prendre ce poisson-là dans des pays où les personnes en ont besoin pour survivre et pour se nourrir.
06:56Comment vous mettez en musique, en quelque sorte, vos missions ?
07:01Votre objectif, c'est de nous informer sur ce lien entre alimentation et préservation de l'océan.
07:06Ça passe par quoi ?
07:07Alors nous, on mène des campagnes d'action thématique.
07:10On a traité des liens entre alimentation et océan à travers la campagne qui est en cours, qui s'appelle « De l'assiette à l'océan ».
07:15On en prépare une prochaine sur les algues.
07:17C'est très lié au sujet d'encrer.
07:19Et on s'appuie sur trois piliers pour faire ça.
07:21Un pilier qui vise à inspirer avec des films documentaires pour changer les imagineurs collectifs.
07:26Essayer de faire émerger de nouveaux récits vers un futur désirable.
07:29On s'appelle Bluetopia, ce n'est pas pour rien.
07:31On a un pilier qui vise à former.
07:33Donc là, on a des programmes pédagogiques qu'on mène en milieu scolaire.
07:35Des masterclass qu'on anime auprès d'entreprises, de collectivités, d'élus.
07:39Et on a un podcast pour creuser un peu tous les sujets qu'on aborde dans nos films documentaires.
07:44Ensuite, on a un tout dernier pilier qui vise à encourager le passage à l'action et le faciliter.
07:49Pour faciliter aussi la transition alimentaire vers plus de végétal.
07:52Avec un livret de recettes, des ateliers culinaires.
07:54Et notamment des ateliers culinaires autour des algues.
07:56Alors justement, Lucille Battafarano, comment vos algues viennent d'où ?
08:00Comment vous avez sourcé votre matière première ?
08:03Exactement. Donc il faut savoir que dans la recette du produit, l'ingrédient majoritaire c'est la graine de chia.
08:07La graine de chia, c'est une graine qui est endémique d'Amérique latine.
08:10Mais il s'avère qu'il y a un terrain qui est très fertile en France.
08:13Et notamment en Ile-de-France où je suis basée.
08:16Donc ma graine de chia, elle est bio. Je l'achète en direct producteur en Ile-de-France.
08:21Elle ne traverse pas toute l'Europe pour venir. Déjà, c'est pas mal.
08:24C'est ça. Et évidemment, l'algue aussi était un sujet quand j'ai construit la recette.
08:30Et pour le coup, on s'est rapprochés d'une ferme qui est basée à côté de Lorient.
08:35Donc les algues sont françaises, bretonnes. Et elles sont aussi en bio.
08:40D'accord. Donc ça, vous avez coché un certain nombre de cas, ce qu'on essaye de faire quand on crée une entreprise.
08:45Votre entreprise qui est d'ailleurs membre du Collège Culinaire de France. C'est quoi le Collège Culinaire de France ?
08:49Tout à fait. Le Collège Culinaire de France, c'est un collectif indépendant qui regroupe des chefs et des producteurs
08:57qui sont engagés pour valoriser l'artisanat culinaire français.
09:04C'est un collectif qui est intéressant parce qu'on dépose une candidature qui est votée ensuite par un comité pour pouvoir adhérer à ce collège.
09:14Et en tant que consommateur, par exemple, on peut facilement repérer un établissement ou un commerce qui fait partie du Collège Culinaire de France
09:23qui a souvent une plaque devant son établissement. Et c'est aussi gage de son engagement.
09:28Le projet collectif, c'est d'aller vers une alimentation qui soit plus vertueuse de la production à l'assiette.
09:36Malaurie Morin, est-ce que vous voyez, alors là on va être sur d'autres échelles, l'industrie agroalimentaire commencer à bouger sur les thématiques qui sont les vôtres ?
09:44Ça bouge peu, qu'on se le dise clairement. Nous, pour notre documentaire de l'assiette à l'océan, on a rencontré Yves-Marie Lelay en Bretagne
09:52qui est un militant qui milite depuis plus de 30 ans contre les algues vertes et notamment contre leurs causes.
09:56Parce qu'en fait, on ne milite pas contre les algues vertes en tant que telles, mais contre la surproduction animale, contre les engrais azotés
10:01qui sont responsables de la prolifération des algues vertes en Bretagne, qui ont causé la mort de plusieurs personnes, de beaucoup d'animaux aussi.
10:08Et en fait, lui, ce qu'il nous a montré très clairement, c'est qu'on connaît les causes.
10:12Depuis 1999, il y a eu un acte, un colloque scientifique avec un livre qui a montré les causes très précises.
10:20Et rien ne bouge depuis. On s'attaque à des petits symptômes par-ci, par-là, mais on ne s'attaque pas réellement aux causes.
10:26Et on n'a pas envie de changer parce qu'en fait, il y a un lobby qui est trop important.
10:29Lui, il appelle carrément ça le complexe agro-industriel en Bretagne.
10:33Ça a été aussi très bien démontré dans la BD « Les algues vertes » d'Inès Leroux et dans le film qui est sorti après.
10:38Je pense que c'est assez représentatif de ce qui se passe dans l'industrie agro.
10:41Mais il y a quand même une autre question. Moi, je ne suis pas pour la culpabilisation des consommateurs.
10:46Mais c'est vrai que quand vous nous dites qu'il y a une ferme gigantesque de production de saumon qui va se créer dans le Médoc,
10:51c'est parce que nous, on s'est habitués à manger du saumon le plus souvent possible alors qu'avant, c'était un mai de fête.
10:58Vous voyez ce que je veux dire ? Elle est rare finalement dans notre alimentation.
11:01Oui, je pense que si on nous fait croire que ça va être meilleur que du poisson sauvage,
11:06ce que fait la ferme qui va s'installer ou qui compte s'installer, parce qu'on va tout faire pour qu'elle ne s'installe pas,
11:13qui s'appelle Pure Salmon, elle fait croire que c'est une ferme écolo qui va produire du saumon à côté de chez nous
11:19et donc que c'est meilleur que le saumon qui vient d'Amérique latine ou de Norvège.
11:23En fait, je pense qu'il y a aussi tout cet enjeu de l'industrie qui a une communication, un marketing assez engagé,
11:30engagé dans le mauvais sens du terme du coup, pour nous cacher tous les impacts négatifs qu'il peut y avoir.
11:36Et en effet, il y a aussi aux consommateurs et aux consommatrices le fait de devoir se renseigner,
11:42mais ça on peut le faire si on en a les moyens, si on a du temps, si on a de l'espace mental aussi pour le faire.
11:46Merci beaucoup, merci à toutes les deux et à bientôt sur Bsmart.
11:49On passe à notre rubrique Startup tout de suite.

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