Category
✨
PersonnesTranscription
00:00Voir son amoureux ou son amoureuse partir du jour au lendemain, pas parce qu'il vous a quitté
00:07volontairement, mais parce que la mort vous l'a arraché. C'est le cas des veuves et des
00:13veufs. Mais ce n'est pas la seule douleur en général que ces veufs et veuves subissent.
00:18Il y a également les rites traditionnels, surtout chez nous ici en Afrique et au Cameroun
00:25Ils les mettent jusqu'à un niveau où ils peuvent venir et me dire « Lève-toi sur le lit, je me lève, il doit y avoir une autre femme. »
00:32Il décède un dimanche soir, le lundi, son grand-frère arrive à la maison, il regarde tout ce qu'il y a à la maison et il dit qu'il va aller dans la chambre avec la veuve.
00:42Après l'enterrement, on verse l'eau sur tout le corps, donc l'habit, au moment d'enterrer le mari, l'habit que tu as sur toi, tu laisses là-bas.
00:52C'est dans quelques secondes, au rendez-vous, beaucoup d'émotions et des choses incroyables, des rites de veuvage.
00:59Qu'est-ce qu'on cache réellement derrière ? C'est dans quelques secondes.
01:22Bonsoir, c'est toujours un plaisir de vous retrouver dans le cadre de votre programme « Et si on en parlait ce soir », nous avons décidé de parler avec Cécile, Marie et Marie-Louise, des rites de veuvage qu'elles ont dû subir.
01:45Avec le professeur Raymond Bédé, notre psychologue du jour, nous allons entendre des choses que vous ne croyez même pas pouvoir ressentir un jour, mais ce soir, c'est beaucoup d'émotions au compteur.
01:56On reçoit donc Marie-Ama, Cécile et Marie-Louise.
02:00C'est avec beaucoup de plaisir que nous recevons sur ce plateau ces magnifiques dames qui sont désormais des veuves.
02:18Il s'agit de Marie-Louise, Marie-Ama et Cécile-Louise.
02:23Alors, on va commencer tout de suite par vous, Marie-Louise.
02:27Vous avez subi des rites de veuvage. C'est le sujet qui nous réunit ce soir. Parlez-nous un peu de votre expérience. C'était plutôt une expérience joyeuse ou triste ?
02:37C'est une expérience très triste. Vu que je vous ai dit au premier temps que je voulais commencer par le mariage, j'ai d'abord eu un mauvais mariage, que je n'étais pas souhaitée par la belle famille.
02:50J'avais toujours mon mari à mon côté. Ils ont tout fait pour lui donner une femme et m'anéantir.
02:56Toute ma vie, j'ai passé toute ma vie avec la main sur la joue comme ça.
03:01Je ne connaissais pas comment les femmes riaient. Je ne connaissais pas comment les femmes partaient même au salon.
03:06Comment l'homme pouvait marcher avec la femme ? C'était toujours la chose qui était dedans.
03:13Avec l'accouchement que Dieu m'a donné, j'ai accouché beaucoup d'enfants.
03:17Malgré tout ça, quand même, monsieur, vous vous êtes accueillie.
03:20La famille ne m'a pas acceptée parce qu'elle était tellement grasse.
03:24Je disais qu'une vieille femme, il a amené une vieille femme.
03:27Les belles sœurs communes, c'était les femmes de rue.
03:30Les femmes passaient par là, j'étais toujours lésée.
03:34Quand il ne veut pas aller, il n'y a personne qui peut me supporter dans la famille.
03:38Donc, avec l'accouchement qui me suivait, l'enfant dans le ventre, l'enfant en main, j'étais la femme des champs.
03:46Chaque jour, même le jour de Noël, quand les gens mangeaient bien, moi, je préparais le pomme chez moi.
03:50J'étais toujours avec la main sur la joue.
03:52Jusqu'à ce que j'aie décidé de me séparer de lui pour qu'il ne me quitte.
03:58Parce que ce n'est même pas là où on peut aller porter plainte à quelqu'un.
04:02Vous êtes mariée à quel âge ?
04:04Je me suis mariée à l'âge de 21 ans.
04:0721 ans, on sait quand même.
04:09J'étais là, j'aimais trop mon mari.
04:12Je voyais tout ça avec mes enfants.
04:15Je les mettais jusqu'au niveau où ils pouvaient venir me dire,
04:19« Lève-toi sur le lit, je me lève, il doit avoir une autre femme. »
04:22Mais tout ça, ma famille, ma belle-famille ne voyait pas.
04:25Ils m'ont mis le caca sur le corps jusqu'à la dernière minute, je me suis retirée.
04:31Je n'ai pas cessé d'accoucher parce que je voulais.
04:34J'ai vu que ça ne valait pas la peine.
04:36Vous avez eu combien d'enfants ?
04:37Avec lui, j'ai eu sept enfants, quatre filles et trois garçons.
04:43Je me suis retirée car à ce niveau-là, je peux arrêter.
04:48Je n'ai pas eu un enfant qui a eu un brevet chez moi, un bar ou un probatoire.
04:54J'ai le brevet à mon petit niveau.
04:56Le reste, c'est les épées.
04:58Jusqu'au moment où je me suis retirée, je me bats dans le Baïamsalam,
05:03les petits mains sur la tête, les petits corps sur la tête pour les nourrir.
05:08Ils commencent sa maladie, ils meurent.
05:11Quand il venait de mourir, il était avec une autre femme.
05:14La femme l'a abandonnée.
05:16Ma première fille, elle est venue vers moi et m'a dit
05:20« Maman, si tu nous as accouchés avec papa, excuse papa.
05:25Tu prends papa, on connaît que tu peux faire ça très fort. »
05:29Papa, il avait déjà la VCE, prostate, diabète, tension, quatre maladies.
05:35Il chiait même sur mes mains comme ça.
05:38J'ai oublié tout.
05:40Mais le jour de la mort, la famille est tombée sur moi.
05:45C'est moi qui ai tué leur fils parce que j'étais jalouse.
05:50Je ne voulais pas une autre femme à côté de moi.
05:53Alors que le jour que je me mariais, que j'avais déjà fait douze ans de mariage seule,
05:59j'étais déjà avec une autre femme.
06:01On se mariait à la mairie de Saar.
06:03Un homme avait deux femmes.
06:05C'est le maire qui m'a aidée.
06:07Le maire qui m'a aidée m'a appelée dans la chambre.
06:10Il m'a dit « Maman, ma fille, j'ai les filles comme tu es là. »
06:14Quand une femme se marie, elle s'assoit sur la chaise à gauche de son mari.
06:18Laisse l'autre là.
06:19Comme il va s'asseoir au milieu de vous, laisse l'autre là.
06:22La diabète, la part de l'autre côté.
06:24C'est là que j'ai vu l'intention d'être femme mariée.
06:29Parce que si je refusais, je devais être dehors avec tous les enfants.
06:35Quand on est entrés dans la mairie,
06:38j'ai pris la place que le maire m'avait déjà indiquée.
06:41Derrière, derrière.
06:43Ils ont pris leur place.
06:45L'homme au milieu, ma coépouse de l'autre côté.
06:48On a commencé à faire mon acte.
06:52Je dis ça parce que vous avez dit que c'est quand quelque chose qui lui choque,
06:57doit dire ça.
06:58Je peux même plaire.
07:00J'ai pris la chaise.
07:01On a commencé à me faire l'acte.
07:04On m'a demandé si j'aimais mon mari.
07:06Maman Marie, t'es voilà aujourd'hui.
07:09Ton mari a une autre femme à côté.
07:11Vous allez vous marier à trois.
07:13Est-ce que tu l'aimes ?
07:14J'ai dit que j'aimais mon mari dès le premier jour jusqu'à la fin de nos jours.
07:18On m'a demandé c'est quel bien que tu sollicites comme je n'avais rien.
07:23J'ai dit bien comment.
07:26On a fini.
07:27On a applaudi.
07:28Je croyais que c'était bon.
07:31On a continué avec mon mari.
07:34Après, on a suivi avec ma coépouse.
07:37On lui a demandé que Mme Monique, te voici aujourd'hui.
07:41Tu as trouvé M. Ndjana avec sa femme, avec les enfants,
07:44parce qu'il manquait un seul enfant.
07:46Il y avait déjà six.
07:47Est-ce que tu vas continuer à l'aimer jusqu'à la fin ?
07:50Elle a répondu que si il continue à m'aimer, je vais aussi l'aimer.
07:57L'homme s'est fâché.
07:58Il a jeté le biais.
07:59Le maire a dit que le jour du mariage, il n'a jamais eu de six.
08:03Condition soit où aujourd'hui, M. Ndjana, j'annule tout.
08:08Toute la famille a commencé à parler dehors.
08:11C'est moi qu'on l'insultait.
08:13Il devait même laisser la chose là.
08:16Il se mariait d'abord avec la femme qui cherchait l'argent.
08:19L'autre là qui pensait seulement les enfants, les enfants, les enfants.
08:24Il était là.
08:26Je me suis mariée même seulement avec mes deux amis,
08:29parce qu'il avait honte d'appeler ma famille, les amis du marché.
08:36Quand mon père avait entendu qu'il y avait un mariage,
08:39que je me mariais, il est venu, il est venu.
08:41Cette nuit, derrière la mairie, il a croisé les bras,
08:43parce que je ne lui avais pas dit.
08:45Je ne savais pas que je vais avoir quelque chose à lui donner,
08:49parce que je n'organisais rien.
08:52Mon mari et sa famille sont partis supplier le maire,
08:57donner encore l'enveloppe.
08:59Le maire a accepté de célébrer le mariage.
09:04Quand on lui demande à l'oncle Maman Monique,
09:07Mademoiselle Monique, te voilà, tu viens trouver Monsieur Germain avec sa femme,
09:12sa belle femme.
09:13Ce n'est pas que le mariage lui a dépassé.
09:15Elle donne les beaux enfants, elle fait tout, tout, tout.
09:17Le maire a tout parlé.
09:19Est-ce que tu vas accepter Monsieur Germain comme ça ?
09:22Elle a dit aussi là.
09:24Quand on arrive pour les biens, on lui demande que tu fais quel bien ?
09:29Elle dit que bien c'est pareil.
09:31Elle croyait que comme elle est Bayam, celle-là, en fondue,
09:34elle va progresser jusqu'à...
09:37Bon, comme Dieu le dont, elle n'a rien progressé.
09:41Il nous a amené comme ça, il nous a laissé ailleurs.
09:44De prendre les pieds, c'était un entrepreneur.
09:47Quand il part à Yokadjouma, il va trouver une petite fille du lycée de Claire de Yokadjouma,
09:53une fille bi-mort.
09:55Le type commence à investir là-bas, les maisons, les terrous, les bars,
10:01les bois de nuit, comme il avait gagné l'investissement de Yokadjouma pour construire.
10:06L'argent coule, il fait les choses là-bas.
10:09La fille, c'est le premier enfant reconnu, le deuxième enfant reconnu.
10:14Moi qui ai avonné avec six enfants, le septième dans le ventre, aucun n'est reconnu.
10:19C'est seulement mon premier fils qui était parti avec lui pour lui tourner les morts.
10:25Le sable au chantier, parce qu'il lui avait déjà enlevé à l'école, sans CP.
10:31Tourner dans le chantier, et pas tout ça pour la deuxième femme.
10:35Qu'est-ce qu'il dit qu'il sait s'il ne part pas à l'école l'année si tu ne pars pas ?
10:41Je vais t'envoyer avec quoi.
10:44Mon fils a profité d'être aussi reconnu là-bas, parce qu'il était sur place.
10:50Et ils étaient reconnus comme ça parce qu'il y avait la richesse là-bas.
10:55Bon, il y a une adage qui dit là-bas à Yokadjouma, que quand tu pars là-bas,
10:59même si tu as fait quoi, même si tu as fait la maison,
11:02quand tu quittes, tu ne rentres avec rien.
11:04Quand on a levé mon mari là-bas, avec les problèmes, que le chantier de l'évêché,
11:10on veut déjà même le mettre en prison, il est rentré à Yaoundé, zéro.
11:14Il est revenu commencer la vie, on ne lui a pas jeté de l'or.
11:18Maintenant, il vient à Yaoundé comme ça, ça ne donne plus.
11:22Parce que quand tu étais là, tu donnais plusieurs fois.
11:24Il y a aussi beaucoup de gens, ça ne donnait plus.
11:27La misère, la misère, la misère.
11:29Ils tombent alors les quatre maladies ici.
11:31Il n'y a plus aucune femme.
11:35C'est là que l'enfant vient me dire que maman, prends papa dans tes bras.
11:39Je le prends dans tes bras, il meurt comme ça.
11:41Quand je le lave, il me dit que papa, je ne t'ai pas aimé.
11:45Qu'est-ce que je t'ai fait ?
11:46Tu as voulu les enfants déjà accouchés.
11:49Tu as voulu une femme qui part en bourse.
11:51Je défrige le chant.
11:53Si on te dit que c'est la vieille mère qui est assise là, qui a défrigé,
11:56si elle met le manioc, mon manioc, c'est comme ça, comme mon pied.
12:00Qu'est-ce que tu as voulu ?
12:02Laver même les habits.
12:03Quand tu vois, je lave les habits de mon mari,
12:06je repasse.
12:07Il prend même dans la maison d'une autre femme, là où il habite.
12:10Il vient avec, il vient jeter chez moi.
12:12Quand on n'est pas ensemble, dès qu'il donne seulement le savon,
12:15je lave, je repasse.
12:17Je mets encore, je n'ai pas donné là-bas.
12:21Le voilà, alors qu'il meurt, sa famille tombe derrière moi.
12:25Si ce n'était pas les prêtres, peut-être qu'on me tuait même.
12:29C'est moi qui lui ai tué à cause de la jalousie,
12:32et ça m'a dramatisé toute la famille.
12:35Moi, même comme vous me voyez là,
12:37même si j'ai la nuitie chez moi,
12:39je ne manque pas la nuitie parce que Dieu m'a donné les filles.
12:42Quand tu as accouché les beaux enfants,
12:45j'ai les filles, elles prennent charge de moi.
12:48Comme vous me voyez ici assise,
12:50on ne me laisse pas passer, on connaît ce que j'ai subi.
12:53Même si je mange, j'ai toujours la main sur la joue,
12:56parce que j'étais habituée, je n'en peux plus.
12:58Voilà, ma présidente, elle peut vous dire,
13:00je suis toujours la main comme ça,
13:02je ne suis pas éveillée, ça m'a trop dramatisé.
13:06Je suis comme ça, celle qui a fait reconnaître les enfants.
13:10Quand il meurt comme ça, alors,
13:12elle kiffe là-bas pour venir discuter.
13:16Les vieilles maisons que mes beaux parents ont laissées,
13:19le jour que j'ai 100 000, je change le mursi.
13:23Je change le mursi pour être aussi à l'heure.
13:26Elle kiffe là-bas pour venir discuter les choses ici à Yaoundé.
13:30Et moi, je ne sais pas si la loi du Cameroun permet ça.
13:34Je pensais que quand il faisait reconnaître ses enfants à son mari,
13:40c'était pour les biens qu'il avait là-bas.
13:43Vu que lui, il est d'abord quitté ici.
13:45Mais c'est bien la songe.
13:46Ils sont là-bas.
13:47C'est elle qui les gère ?
13:49Nous, on ne parle même pas, c'est elle qui gère.
13:52C'est tradition.
13:54Elle quitte encore comme les enfants sont reconnus.
13:57Comme je suis dans la zone d'autoroute,
14:00quand elle a entendu, elle est venue seulement avec les artisans.
14:04De naissance.
14:06De naissance de ses enfants, elle est seulement voile aux chefs.
14:09Pour le vivage, vu que la belle famille m'avait refusé avant,
14:15et moi, je suis une femme de l'église,
14:17je vis toujours avec les prières et les prêtres.
14:20Mes prêtres m'ont conseillé
14:23que tout ce que ma belle famille va me demander que je donne,
14:26ils ne m'ont même pas demandé les choses.
14:29Ils m'ont demandé, heureusement, mes enfants,
14:32avec les pieds un peu sur terre, les jeunes filles là,
14:35ce qu'on devait, les cartons de vin rougeux, les canettes d'eau.
14:39Ils ont demandé même que je donne 40 000
14:42pour qu'on me laisse.
14:45J'ai rentré avant de faire le vivage chez les prêtres.
14:49Mes enfants ont donné l'argent, j'ai donné tout.
14:52Dans tout ça, mes belles soeurs m'insultent, parlent tout.
14:56Que si un an arrive, que moi, je ne meurs pas.
15:00Ce qu'ils ne sont pas.
15:02Et jusqu'à présent, je vous dis, ma fille,
15:06je suis dans le feu, je ne dors pas.
15:09Ils ont comploté avec la deuxième femme
15:12qui a commencé à me nuire la vie parce qu'elle m'a dit
15:15que tant qu'elle vit, je ne pourrais pas se lever la tête un jour.
15:19Donc j'ai eu un mauvais mariage.
15:22Ce qui a fait qu'arriver au vivage, je n'ai même pas eu
15:25ce qu'on appelle le vivage.
15:27C'est les prêtres qui m'ont lavé.
15:29Parce que ces gens-là se mettaient leurs mains sur moi
15:32si je ne vis plus parce qu'on devait me finir là.
15:35Je n'ai pas accepté.
15:37C'est quoi, qu'est-ce que les femmes,
15:39qu'est-ce qu'on fait dans les rives de vivage en général?
15:42Nous sommes les mangissas de ça.
15:44Dans notre vivage, on coupe les plantins.
15:49On te donne.
15:51Tu as seulement le soutien avec le cycliste.
15:54On t'enroule au sol.
15:56On verse la boue.
15:58On t'enroule au sol, on verse la boue.
16:00On te dit de porter le tronc de banane là.
16:05Tu contournes la maison.
16:07Tu contournes le village.
16:10Ils sont là derrière.
16:11On te tape.
16:12Les beaux frères te tapent.
16:13Pourquoi?
16:14Les trucs de bananier.
16:18On te tape pour dire qu'on t'enlève la mort au corps.
16:22Et dans ça, c'est là qu'on te finit.
16:24Parce que les coups qu'on te donne là,
16:26ce ne sont pas les coups simples.
16:28Parce que je pense qu'il y a bien les mangissas ici
16:31avec les étangs.
16:32Ils savent les rives de chez nous.
16:34Parce qu'on ne blague pas avec.
16:36Si tu étais qu'une personne,
16:39même si tu ne connais rien,
16:40c'est là qu'on te finit.
16:42On va revenir à vous, Marie-Louise.
16:45Votre histoire est très triste, très émouvante.
16:49Ce n'est pas évident.
16:50Tout ce que vous avez vécu
16:52et tout ce que vous continuez d'ailleurs de vivre
16:54même après le décès de votre mari,
16:56qui a été quand même mari
16:58parce que vous avez eu des enfants.
17:00On va quand même écouter aussi Mariama
17:03qui, elle, est plutôt musulmane.
17:05Je pense que ça se passe différemment chez vous.
17:08Bonsoir Mariama.
17:09Bonsoir.
17:10Dites-nous, quelle a été votre expérience ?
17:13L'expérience, c'est que nous sommes d'abord les Africains.
17:16Même si nous sommes musulmans,
17:18si je suis musulman, c'est la religion.
17:21Quand tu peux te marier,
17:22il y a toujours la famille
17:24qui va demander à ce que tu fasses quand même
17:27c'est un rite africain.
17:29C'est quoi ce rite ?
17:30Le rite qu'on a eu à faire chez moi d'abord dès le départ,
17:33c'était quoi ?
17:34Dès qu'on enterre le mari,
17:36il faut chercher l'eau de la rivière
17:39ou bien l'eau du puits.
17:42On verse l'eau sur toi.
17:45Après l'enterrement, on verse l'eau sur tout le corps.
17:49Donc l'habit, au moment d'enterrer le mari,
17:52l'habit que tu as sur toi,
17:54tu laisses ça là-bas.
17:56Tu entres dans la maison.
17:58Et quand tu entres déjà dans la maison,
18:00c'est le matelas.
18:02On te fait coucher sur le matelas.
18:05Et quand on te fait coucher sur le matelas,
18:07on va chercher maintenant ton plat,
18:10ton verre et ton bidon,
18:12ta bouteille d'eau.
18:13Tu ne peux pas...
18:14Tes cuillères et tes fourchettes.
18:16On s'arrange à ce que quelqu'un
18:19n'utilise...
18:21Que personne d'autre n'utilise.
18:23Oui, donc ce n'est que pour toi.
18:25Et le rite devrait...
18:26Et là, maintenant,
18:27quand on entre dans la coutume africaine,
18:29pour eux, ils se disent que...
18:31À un certain moment, la semaine qui suit,
18:33on s'arrange,
18:35on cherche où un homme est mort.
18:38Donc, il faut savoir,
18:40on cherche à connaître là où il y a eu le deuil d'un homme.
18:43Et par derrière, on va terminer
18:46pour voir le corps de l'homme
18:48et rentrer à la maison.
18:50C'est juste pour te couper
18:52l'esprit du mort.
18:54Parce que pour nous, on nous disait que quand l'homme...
18:57Il devient très jaloux.
18:59Il devient très méchant.
19:01Donc, il va revenir.
19:02Il peut toujours revenir.
19:03Parfois, on dit souvent que les hommes reviennent.
19:06Il peut revenir.
19:07Il peut être gêné par tous les...
19:09Parfois, même, les traditions,
19:11on utilise l'esprit de celui qui est mort.
19:14Nous sommes quand même les Africains.
19:15On te détruit avec.
19:18Donc, quand on fait déjà ça,
19:20on coupe d'abord ces liens-là.
19:22Et là, maintenant, on t'amène à accompagner le mort
19:25dans le système spirituel, disons, musulman.
19:28Chez nous, ça veut dire que tu ne fais plus le vauvage,
19:32mais tu es en train d'accompagner le mort.
19:35Parce que chez nous, on me disait,
19:38ce qu'on me disait,
19:39quand un homme meurt,
19:41comment on dit souvent que quand une femme
19:43et un homme se marient,
19:45il devient un.
19:47Et quand un homme meurt,
19:49il ne pense pas à ses soeurs,
19:51il ne pense pas à ses frères.
19:52Son esprit est sur sa femme et ses enfants.
19:57Et ça veut dire que toi, la femme qui reste,
20:01on te prépare à ça.
20:03Il faut tout faire pour que, étant dans la tombe,
20:06son esprit ne soit pas épapier.
20:09Donc, tu t'arranges, tu es couché là.
20:13On te demande d'aller au marché.
20:16Et si tu es malade, on peut t'amener à l'hôpital.
20:19On te demande de ne pas te préparer.
20:22Et là, maintenant,
20:23si quelqu'un peut rester à côté de toi,
20:25ce n'est qu'une veuve.
20:27Les gens qui ne sont pas mariés,
20:29qui ne sont pas encore veuves,
20:31ne peuvent pas venir rester à côté de toi.
20:34Et là, maintenant,
20:36c'est juste pour accompagner le mort.
20:39Et selon ce qu'on me disait,
20:41le mort, c'est par étapes.
20:43De 1 jour à 7 jours.
20:45Quand l'homme se décompose déjà dans la tombe,
20:47on ne vient jouer comme l'on gonfle.
20:49Il y a certains systèmes de prière
20:51et certaines façons de faire qu'on nous demande.
20:53Je ne sais pas comment il peut expliquer.
20:56De 9 jours, d'un jour à 9 jours,
20:58l'homme commence déjà,
20:59prend déjà l'étape de la décomposition.
21:02Et son esprit est toujours sur sa femme et ses enfants.
21:07L'esprit du mort, selon ce qu'on me dit,
21:09n'est jamais sur la famille.
21:12Et là, maintenant,
21:13et quand tu l'accompagnes à ce système-là,
21:15il part en paix.
21:17Et quand l'homme atteint, maintenant,
21:19les 45e jours,
21:21ça signifie qu'après la décomposition de l'homme,
21:23le corps, quand le corps a déjà gonflé,
21:25et là peut-être que si on ouvre la tombe,
21:27selon ce qu'on me disait,
21:28c'est ce que moi je vous reflète,
21:31la décomposition de l'homme dans la tombe,
21:33ça veut dire que le corps a déjà gonflé
21:36et la chair commençait déjà à lâcher.
21:39Et là, il faut vraiment accompagner l'homme dans la prière
21:44Pour nous, le voivage, ce n'est pas prier,
21:47c'est accompagner le défunt
21:50pour qu'il puisse partir au ciel en paix.
21:53Et ce n'est que la femme, il n'y a que la femme seule
21:57avec ses prières et les prières des enfants
22:00qui peuvent faire que l'homme monte tranquillement après.
22:04Et là, maintenant, après les 25 jours,
22:07il y a les prières qu'on fait.
22:09Après les 40 et 45 jours,
22:12il y a les prières juste pour accompagner l'homme.
22:15Et là, maintenant, après les 45 jours,
22:19là, tu restes tranquille,
22:21tu attends 4 mois et 10 jours
22:23et dans tout ça, tu n'as pas le droit d'aller au marché
22:27parce que l'esprit de quelqu'un qui est mort,
22:29selon ce qu'on nous dit, il est trop jaloux.
22:32Il est déjà parti.
22:33Bon, mais je ne vous coupe pas.
22:35Vous, les musulmans, en général, vous êtes polygames.
22:384 femmes, 5, 20 même.
22:41L'esprit est sur toutes les femmes?
22:43Oui, s'il est déjà monté sur toi.
22:45Si tu as eu à faire les rapports avec un homme
22:47et qu'il t'a fait le mariage religieux,
22:49son esprit est sur toi.
22:51Toutes les femmes font pareil.
22:53Donc, ça veut dire que s'il y a les matelas,
22:55ils sont couchés, alignés.
22:58Et là, il ne faut pas pleurer.
23:00Là, c'est interdit de pleurer.
23:02Il faut plutôt accueillir les gens.
23:04Il faut être souriant
23:06parce que la mort, c'est quelque chose de naturel
23:09C'est pour ça qu'on meurt.
23:11Parce que quand tu pleures, selon ce qu'on te dit,
23:13son esprit est emballoté.
23:15Et il est toujours en train de vouloir.
23:17Au lieu de monter, il va rentrer en arrière.
23:20Il sera un peu gêné.
23:22Et après, maintenant, les 4 mois.
23:24Parce que là, maintenant, la finale, c'est les 4 mois et 10 jours.
23:284 mois et 10 jours, on te vend le bon.
23:32Il y a un bon spirituel qu'on fait même souvent.
23:34On te fait avec l'eau simple.
23:37On t'enlève tous les habits.
23:39Tous les habits que tu portais, on enlève.
23:42Disons, pendant que tu étais dans l'aube vache.
23:45On enlève tous ces habits-là.
23:47On te fait alors une prière.
23:49Et là, on sait maintenant que l'homme est déjà parti.
23:52En ce temps-là, la femme,
23:54si tu as le souci de rester garder tes enfants,
23:57tu vas rester garder les enfants.
23:59Mais si c'est que tu veux te remarier,
24:02tu peux déjà aller en mariage.
24:05Et là, tu sais que...
24:07Oui, ça veut dire que tu as aidé ton mari jusqu'au bout.
24:11Tu l'as aidé à partir jusqu'au ciel,
24:15dans les bonnes conditions.
24:17Et là, maintenant, tu es à ta paix.
24:19Tu es libre.
24:21D'accord. On va revenir pour savoir si ça vous convient,
24:25ces rites de veuvage-là,
24:27ou alors si vous aimeriez bien que quelque chose change.
24:29On va d'abord dire bonsoir une fois de plus
24:32Bonsoir une fois de plus à notre très chère Cécile-Louise.
24:36Bonsoir Sidonie.
24:37Vous êtes également veuve.
24:39Je suis veuve.
24:40Alors, les rites de veuvage,
24:41pourquoi est-ce que les femmes les décrivent
24:43comme des choses atroces,
24:45alors que là, je trouve que c'est quand même acceptable,
24:48même si ce n'est pas le cas chez Marie-Cécile,
24:53Marie-Louise,
24:55qui, elle, a refusé catégoriquement de faire ces rites-là.
24:59Elle est plutôt allée auprès des prêtres.
25:01Merci de m'avoir passé la parole.
25:03Avant d'arriver aux rites,
25:05je vais vous dire que la mort d'un conjoint,
25:09c'est d'abord une situation très fatale, très triste.
25:13Je vais vous conter un peu mon histoire.
25:16Quand mon mari décède,
25:18il décède un dimanche soir.
25:21Le lundi, son grand-frère arrive à la maison.
25:24Il regarde tout ce qu'il y a à la maison.
25:26Il dit que je vais aller dans la chambre avec la veuve.
25:29Je dis non. Je vais aller causer avec la veuve dans la chambre.
25:32Pourquoi, au salon, les oreilles sont bouchées?
25:34Je dis, si tu as me dit, dis-moi ici.
25:38Bien sûr.
25:39Sur le matelas.
25:40Il me dit que je voudrais que tu me fasses
25:42la situation financière de mon petit frère.
25:46Mon petit frère était fonctionnaire.
25:48Je veux que tu me fasses la situation financière.
25:51Bon, je n'ai pas perdu la tête.
25:53Mon mari a fait un accident de la circulation.
25:55Il a fait six ans de maladie.
25:57Je lui ai dit que je voulais te dire
26:00comment un malade fonctionnaire de son état vit.
26:04Chaque mois, il est endetté.
26:06Il est sous découvert permanent.
26:08Ça veut dire que quand le salaire du mois arrive,
26:11la banque enlève, coupe son argent.
26:14On reste les mains vides parce qu'il faut acheter les remèdes.
26:17Il faut payer les ordonnances nuit et jour.
26:20C'est là où la haine, la première haine, commence.
26:24Bon, ça fait un petit truc dans ma tête,
26:26mais je me dis qu'il est venu pour l'argent.
26:30Après, dans l'enterrement, quand on enterre,
26:33c'est là où le vauvage vraiment commence.
26:37Parce que quand il décède, vous rentrez de la mort,
26:39on te couche sur le matelas.
26:41Et s'il vous plaît, c'est des femmes comme nous
26:44qui font le vauvage aux autres femmes.
26:47C'est qui les belles soeurs.
26:49On compte beaucoup sur l'argent.
26:51Notre frère était fonctionnaire.
26:53Il faut nous donner de l'argent.
26:55Parce que tu es restée veuve joyeuse.
26:57Je ne parle pas.
26:59Parce que nous, on dit que les veuves ne parlent pas.
27:01Les veuves ne gesticulent pas.
27:03Les veuves restent comme ça.
27:05Elles ne soulèvent pas la tête.
27:07Bon, après, comme il y a deux familles,
27:09ma famille et la belle-famille,
27:11ma belle-famille aussi s'est soulevée.
27:13Ils se sont tassés jusqu'à où on a enterré.
27:17Bon, je vais vous conter le vauvage traditionnel
27:21que ma mère a vécu.
27:23Parce que mon père meurt.
27:27Vous, vous avez refusé ce vauvage.
27:29J'ai refusé.
27:31Vous avez fait le vauvage chrétien.
27:33Qui est devenu une mode.
27:35Avec le professeur Mbédé sur ce plateau,
27:37on va voir si ça a la même valeur
27:39que le vauvage traditionnel.
27:41Est-ce que le vauvage, même,
27:43vraiment, ces rites-là,
27:45est-ce que c'est nécessaire?
27:47Quel est l'impact même de ces rites-là qu'on fait?
27:49Avec le professeur Raymond Mbédé qui est en régie,
27:51nous allons voir tout ça dans quelques minutes.
27:53On vous suit.
27:55Oui, je viens sur ma mère
27:57parce qu'elle est décédée.
27:59Mon père est décédé.
28:01J'étais adulte à 21 ans.
28:03Et puis, c'est la première personne
28:05que je perds qui me tient au cœur
28:07parce que j'aimais mon père
28:09plus que tout le monde.
28:11Quand on est rentré de la morgue,
28:13on a d'abord déshabillé ma mère.
28:15On l'a mise dans un sac.
28:17Le sac où on met les oignons, là.
28:19Posé au sol.
28:21C'est là où elle dormait.
28:23Dans le sac.
28:25Attaché?
28:27Pas attaché.
28:29C'est jusqu'ici.
28:31Couché au sol.
28:33Même le sol, pas sur un matelas.
28:35Mais dans le sac.
28:37Dans le sac.
28:39Les sacs bizarres, là.
28:41Le sac des oignons, chez nous,
28:43c'est le cacao qu'on met dedans.
28:45Dans ces sacs-là.
28:47Les Bahamas en connaissent quand même quelque chose.
28:49Bon.
28:51On enterre.
28:53Le lendemain, les rites commencent alors.
28:55Au petit matin, 5h30,
28:57on te sort nu.
28:59Avec un petit caleçon.
29:01Si tu es un cycliste,
29:03tu portes, je me rappelle,
29:05un cycliste noir.
29:07On est parti couper un tronc de bananier
29:09cassé en deux.
29:11Parce que c'est un film qui est resté dans ma tête.
29:13Un cycliste,
29:15porter sur son épaule, courir.
29:17Une maman de plus de 60 ans,
29:19comment elle peut courir?
29:21Quand elle court, les autres piétinent
29:23les feuilles de bananier.
29:25Qui sont accrochées à elle?
29:27Non, non, le bananier.
29:29Oui, sur l'épaule.
29:31Et puis on piétine les feuilles derrière.
29:33Et tu ne dois pas laisser tomber
29:35ce bananier, ce tronc de bananier.
29:37Tu dois courir.
29:39Après, tu viens le déposer.
29:41Il y a une herbe chez nous,
29:43ça pique au corps.
29:45On peut te rouler sur ça.
29:47Après, tu reviens.
29:51Je ne sais même plus.
29:53Les belles soeurs,
29:55chacune vient se plaindre.
29:57Elle est venue un jour.
29:59Soit tu n'as pas servi la nourriture,
30:01tu dois payer tant.
30:03Au village, il n'y a même pas l'argent.
30:05L'autre vient et se plaint.
30:07On a fait comme ça, on a fait comme ça.
30:09Bon,
30:11à un moment donné,
30:13avant que le soleil ne sorte,
30:15on t'amène à l'eau.
30:17On te rase,
30:19on te lave,
30:21on te met le caban noir.
30:23Tu rentres à la maison.
30:25Comme cela ne suffit pas,
30:27les frères de papa
30:29commencent à veiller au terrain
30:31jusqu'à l'heure actuelle.
30:33Celui-là est Charpentier.
30:35Et c'est lui qui a fait
30:37la fondation de la maison de mon père.
30:39Son frère.
30:41De son frère, de son grand frère.
30:43Il dit que la maison est sur son terrain.
30:45Un jour, je lui ai demandé
30:47qu'en implantant cette maison,
30:49tu n'avais pas su que ça débordait les limites.
30:51Bon,
30:53c'est un rite.
30:55Si nous allons à l'église
30:57au jour d'aujourd'hui,
30:59c'est pour un peu
31:01fuir les maladies.
31:03Parce que ma mère a attrapé
31:05le mal d'estomac.
31:07Elle est décédée avec.
31:09Elle a attrapé
31:11ce mal d'estomac quand mon papa
31:13est décédé.
31:15Il y a le deuil, il y a ce rite.
31:17Tu ne manges pas, on ne peut pas te donner.
31:19Tu es dans la chambre et ce n'est
31:21même pas tes enfants.
31:23On ne sait pas ce qu'on te donne.
31:25Parce que c'est une belle-soeur
31:27veuve aussi
31:29qui peut te donner à manger.
31:31On ne sait pas.
31:33Elle est tombée gravement malade
31:35après ce rite.
31:37Gravement malade.
31:39Bon,
31:41je ne peux pas confirmer
31:43si c'est la séparation.
31:45C'est pour cela que
31:47la plupart des cas
31:49actuellement, les gens vont à l'église
31:51parce que l'église reconnaît
31:53la séparation.
31:55L'église reconnaît le veuvage.
31:57Parce que c'est une période
31:59très difficile, surtout pour la femme.
32:01Parce que chez les veuves,
32:03ça ne se passe pas comme ça.
32:05Bon, vous n'avez pas fait
32:07le rite de Mariama.
32:09Est-ce que vous avez vu votre mari finalement ?
32:11Il vous hante ?
32:13Depuis qu'il est décédé.
32:15Oui, puisqu'elle dit que si vous ne faites pas
32:17ce qu'elle a fait là,
32:19le mari va vous hanter. Il ne vous hante pas ?
32:21Non, non.
32:23Votre mari vous hante ?
32:25Non. Il ne vous hante pas ?
32:27Même dans les rêves ? Jamais.
32:29Avant d'accueillir notre très chère professeure
32:31Raymond Bédé sur ce plateau.
32:33C'est lui le psychologue.
32:35Aujourd'hui, on va quand même prendre quelques témoignages
32:37dans le public. On revient.
32:41Bonsoir.
32:43Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a des veuves
32:45ici ou des personnes qui ont été témoins
32:47des situations ? On parle des veuves,
32:49mais il y a aussi des veufs.
32:51Est-ce que quelqu'un peut nous parler
32:53d'une expérience vécue ?
32:55Oui.
32:57Bonsoir.
32:59Moi, je suis contente, moi,
33:01particulièrement,
33:03parce que ce que j'ai vu,
33:05Madame a parlé, mais pour moi
33:07c'est trop grave, Madame.
33:09Je veux parler de ça ici.
33:11Je suis contente parce que
33:13ce que le ministre
33:15de la Promotion de la Femme a invoqué,
33:17c'est de voir le statut
33:19des veuves dans la société.
33:21C'est très, très important.
33:23Je suis contente.
33:25Donc, moi, je vis
33:27une vie.
33:29Je vis dans les...
33:31dans les...
33:33comment on peut dire ?
33:35Les vérandas.
33:37Vous êtes clocharde ?
33:39J'ai vu une super clocharde.
33:41Parce que vous dites que vous vivez dans les vérandas.
33:43Actuellement, parce qu'on avait pris tout.
33:45Vous n'avez plus de maison.
33:47Je n'ai plus de maison, je ne peux plus louer.
33:49Donc, vous squatchez...
33:51sur les vérandas des gens.
33:53Oui, vous êtes clocharde un peu.
33:55Je peux dire.
33:57Oui, mais c'est un mot.
33:59Donc, je vis mal, Madame.
34:01Le grand-frère de mon mari
34:03tue son frère.
34:05C'est quand même très grave, ce que vous dites.
34:07Je vis bien mal.
34:09Il l'a tué avec l'arme ?
34:11Il l'a tué. Par l'air magique, je ne savais pas,
34:13mais j'ai vu ça avec mon mari.
34:15Ah là, c'est très grave, parce que la magie,
34:17on ne peut pas prouver ça ici.
34:19C'est moi qui ai tué mon mari.
34:21Donc, je ne sais pas par comment.
34:23Je ne suis pas à moi.
34:25Je vais vous parler là.
34:27J'ai fait l'accident grave.
34:29Toujours parce que j'ai tué mon mari.
34:31Voilà, je ne suis pas encore guérie.
34:33Désolée. Vraiment, beaucoup de courage.
34:35Je ne suis pas à moi.
34:37J'ai subi trois opérations.
34:39J'ai fait l'action.
34:41J'étais dans un autre monde, je peux dire.
34:43Parce qu'on me redonne seulement,
34:45on me parle seulement.
34:47On m'a opéré la tête.
34:49Le cerveau s'est mélangé avec le sang.
34:53Donc, ici, là, c'était arraché,
34:55comme vous voyez, je ne suis pas encore guérie.
34:57Et le bras.
34:59Après la mort de votre mari ?
35:01Oui. Après les rites de veuvage ?
35:03Oui, j'ai suivi les rites,
35:05mais c'est le pasteur.
35:07Qui a fait les rites ? Oui.
35:09Donc, je demande l'intervention.
35:11Quand je parle maintenant,
35:13c'est l'intervention.
35:15Parce que je n'arrive même plus
35:17à toucher 5 francs.
35:19Donc, votre compte est bloqué.
35:21Ils ont bloqué les banquiers
35:23qui s'entendent, même avec ma belle-famille.
35:25C'est ça.
35:27Donc, les banquiers se sont entendus
35:29avec votre belle-famille.
35:31Et on prend l'argent dans votre compte.
35:33Mais vous, vous n'avez pas 5 francs.
35:35Ou dans le compte de votre mari.
35:37Non, c'est moi qui ai le compte.
35:39Et finalement, on a investi ça sur mon nom.
35:41Bon, maintenant...
35:43Vous avez le compte de monsieur,
35:45et on a mis...
35:47À votre nom.
35:49Parce que vous êtes la veuve légitime.
35:51Mais la belle-famille s'est accaparée de ça.
35:53C'est ce que vous voulez faire comprendre.
35:55Ils se sont entendus avec ma belle-famille,
35:57les gens de la banque.
35:59Donc, de façon que...
36:01Aujourd'hui, vous n'avez plus rien.
36:03Non, je suis là comme ça.
36:05Mais quelles sont les preuves
36:07que vous pouvez apporter
36:09à propos de ce que vous faites
36:11pour voir que votre banque
36:13s'est liguée...
36:15Je sais pas...
36:17J'ai porté une plainte.
36:19Aussi,
36:21les gens de la banque
36:23donnent de l'argent.
36:25Parce que moi, j'ai tué mon mari.
36:27Vous avez les preuves que vous avez l'argent
36:29devant la banque.
36:31Quand tu ne touches pas,
36:33comme ça,
36:35on est venu mal parler de toi.
36:37Vous avez porté plainte.
36:39Donc, actuellement, l'affaire est en justice.
36:43Ils bloquent.
36:45Votre belle-famille
36:47et la banque.
36:51Ça veut dire qu'aujourd'hui,
36:53si on mène des enquêtes,
36:55on va comprendre et on va voir
36:57que vous ne jugez plus de vos biens.
36:59Parce qu'il y a des gens
37:01qui se sont accaparés de ça.
37:03C'est ce que vous voulez nous faire comprendre.
37:05Je l'ai dit à mon père.
37:07Mais qu'est-ce qui ne va pas ?
37:09J'ai trouvé un numéro de compte.
37:11Ça ne va pas.
37:13Mais vous avez quelle ressource
37:15pour atteindre l'argent dans ce numéro de compte-là ?
37:17C'est la pension de votre...
37:19Oui, oui.
37:21Il est mort.
37:23Il travaille encore.
37:25Donc,
37:27je vis mal.
37:29Ce n'est pas facile de perdre
37:31son bien-aimé et de vivre encore des atrocités.
37:33Une femme qui se retrouve
37:35sans domicile fixe
37:37parce que la belle-famille a tout arraché
37:39et a tout pris.
37:41C'est un cri, vraiment.
37:43Bonsoir. Je vous remercie
37:45d'avoir donné la parole.
37:47Votre frère est veuf
37:49et vous avez accompagné votre frère.
37:51Parlez-nous de cela, s'il vous plaît.
37:53Il n'a pas...
37:55Je pense qu'il a perdu son épouse
37:57et on a...
37:59Dans la tradition bétis chez nous,
38:01on a enterré,
38:03on a fait ce qu'on devait faire.
38:05Quoi ?
38:07Les rites dans la tradition, en fait.
38:09Mais chez nous, ça n'a pas été très accentué.
38:11Peut-être parce que...
38:13Je vais dire ça comme ça.
38:15Parce que c'est un homme, peut-être.
38:17Les hommes, ce n'est pas aussi rude que les femmes.
38:19Ce n'est pas très rude comme chez les femmes.
38:21Chez les femmes, c'est vraiment...
38:23Les règlements de compte.
38:25J'ai l'impression qu'il y a des règlements,
38:27surtout en ce qui concerne les belles-familles.
38:29Du veuf.
38:31Du défunt.
38:33Oui, c'est du défunt,
38:35c'est ce que je veux dire.
38:37On a l'impression que c'est un règlement de compte.
38:39On attend que le mari
38:41soit mort. On vient réclamer
38:43sous la maison, la voiture,
38:45les comptes bancaires.
38:47Et pourtant, quand le mari souffre,
38:49ces belles-familles-là,
38:51entre guillemets,
38:53généralement, on ne les voit pas.
38:55C'est toujours la femme et les enfants qui en pâtissent,
38:57et la femme est toujours accusée
38:59à tort et à travers
39:01de ce qu'elle n'a même pas fait.
39:05Déjà,
39:07les faits de se plaindre,
39:09c'est bien, ça nous libère un peu,
39:11mais je pense qu'il faut qu'on trouve
39:13cette piste de solution.
39:15Et vous proposez quoi pour en sortir ?
39:17Je propose que le ministère de la Femme,
39:19par exemple, au Cameroun,
39:21puisse revoir un peu
39:23cette chose-là.
39:25En tant qu'Africain,
39:27ce qui est su,
39:29c'est qu'en termes de
39:31veuvage traditionnel, ça ne va pas finir.
39:33Peut-être qu'il faut légiférer.
39:35C'est le législateur qui peut faire quelque chose.
39:37Peut-être pas le ministère.
39:39Maintenant, il y a deux veuvages.
39:41Ma conception.
39:43Il y a le veuvage traditionnel
39:45et le veuvage moderne.
39:47Moi, je prône
39:49pour le bien des femmes,
39:51le bien de nos filles, le bien de nos mères,
39:53que l'accent du veuvage
39:55soit plutôt...
39:57Donc que ce soit encadré.
39:59Encadré.
40:01D'accord. Merci beaucoup.
40:03Merci.
40:05Est-ce que vous avez des propositions ?
40:07Nous allons d'abord accueillir
40:09le professeur Raymond Bédé sur ce plateau.
40:11C'est notre psychologue.
40:13Avec lui, on va essayer de comprendre
40:15quel est même l'impact
40:17des rites de veuvage
40:19sur déjà la famille,
40:21la femme elle-même
40:23ou le monsieur qui perd son épouse.
40:25Le professeur Raymond Bédé avec nous.
40:37C'est avec beaucoup de plaisir
40:39que nous recevons sur ce plateau le professeur Raymond Bédé
40:41qui était déjà en régie.
40:43Il n'y a pas de secret sur ce plateau pour lui
40:45parce qu'il a tout entendu.
40:47Bonsoir, prof. Merci d'être là.
40:49Bonsoir, Cydonie.
40:51Je suis très content d'être là.
40:53Merci beaucoup. Alors, vous êtes entouré de femmes.
40:55Il y a très peu d'hommes dans ce studio
40:57aujourd'hui. Comme d'habitude,
40:59les femmes sont plus, on va dire,
41:01ouvertes à parler
41:03et à partager leurs expériences.
41:05Aujourd'hui, on parle quand même des expériences assez tristes
41:07qui sont les expériences
41:09des rites de veuvage que les femmes vivent.
41:11Les hommes, apparemment, c'est beaucoup plus...
41:13c'est modéré, c'est vraiment juste
41:15symbolique. Mais chez les femmes, c'est beaucoup
41:17plus rude. Vous avez suivi leurs témoignages,
41:19leurs expériences. Qu'est-ce qui se dégage
41:21de cela? Qu'est-ce que ça peut avoir
41:23comme impact dans leur
41:25évolution en tant qu'êtres
41:27humains dans la société de demain?
41:29Il faut d'abord dire que j'ai suivi
41:31avec beaucoup de peine
41:33tous les discours
41:35qui étaient prononcés par ces veuves,
41:37par ces dames,
41:39et c'était pénible.
41:41C'est situant dans ce contexte-là
41:43parce que je sais ce qu'on appelle perdre
41:45notre chair. Il y a d'abord
41:47la tristesse,
41:49le désarroi,
41:51l'amertume, et donc
41:53vous êtes fragilisés.
41:55Et si en plus à cette fragilité
41:57on ajoute des sanctions,
41:59vous pouvez, comme la
42:01dame a dit tout à l'heure, sa maman est tombée
42:03malade. Donc on ne se rend
42:05pas compte de tous ces
42:07problèmes qui pesent
42:09sur les veuves ou les veufs
42:11parce que les deux sont concernés.
42:13Et donc il y a la fragilité
42:15et malheureusement
42:17on abuse de cette
42:19fragilité pour qu'elle puisse
42:21vraiment être à la merci
42:23de tout le monde, notamment
42:25la belle famille. Et cette belle famille
42:27c'est qui? C'est les frères, c'est les soeurs.
42:29Vous savez que la vie
42:31en commun laisse des traces
42:33et ces traces sont
42:35ravivées au moment où
42:37le monsieur meurt. Vous n'étiez
42:39pas en bons termes avec la belle-mère,
42:41avec les belles-soeurs, avec les oncles
42:43et tout ça. C'est ça qui va ressortir
42:45ce
42:47traitement qui sera
42:49parfois cruel parce que
42:51ce sont des revanches.
42:53Maintenant que tu es libre, tu es seul,
42:55on peut marcher sur toi.
42:57Il y a d'abord ça. Ensuite
42:59il faut quand même dire qu'est-ce que c'est qu'un rite
43:01avant de continuer.
43:03Le rite en fait c'est un phénomène
43:05qui dans une société
43:07a un rôle à jouer
43:09et ce rôle-là est
43:11déterminé par les acteurs,
43:13par ceux qui jouent ce rôle-là.
43:15Or ici il s'agit de la belle-famille
43:17qui joue le rôle. Tout à l'heure on a
43:19parlé du rite
43:21religieux mais c'est aussi un rite.
43:23Mais ce rite-là
43:25moi je ne sais pas si
43:27on n'est pas prêtre,
43:29on peut aller à la messe sans être prêtre.
43:31Il faut être initié à mon avis.
43:33On ne peut pas être
43:35professeur sans avoir suivi
43:37un processus. Donc au départ
43:39chacun doit rester à sa place.
43:41Maintenant les conditions
43:43religieuses peuvent se mêler
43:45à ce rite-là.
43:47Mais par contre je crois qu'au début
43:49au départ il ne faut pas
43:51les condamner en tant que tels. Il faut
43:53les étudier et voir
43:55qu'est-ce qu'on peut élargir
43:57parce que chaque rite a sa fonction.
43:59Parce que vous étiez
44:01avec quelqu'un, il s'en va,
44:03vous restez avec des souvenirs
44:05qui sont denses,
44:07des souvenirs qui sont joyeux,
44:09des souvenirs qui sont aussi
44:11parfois pénibles.
44:13Et c'est tout cet ensemble-là
44:15qui pèse sur vous et sur vos enfants.
44:17Il n'est donc pas question
44:19et les sociétés prévoient
44:21que quand vous passez de ce temps-là
44:23pour entrer dans un autre
44:25temps, il vous faut
44:27une transition.
44:29Le rite c'est pour jouer le rôle
44:31de la transition.
44:33Et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle
44:35quand le veuve ou la veuve
44:37a fait un certain temps
44:39on dit que le rite
44:41il n'est plus veuve en termes de souffrance.
44:43Il change d'habit.
44:45Les femmes sont bien habillées, les hommes, etc.
44:47Et puis on vous fait un repas
44:49pour que vous puissiez reprendre
44:51normalement votre vie.
44:53Mais vous avez fait un an, deux ans
44:55étant veuve, étant veuve
44:57en termes de pénibilité
44:59maintenant vous avez le champ libre pour vivre.
45:01Pour refaire éventuellement
45:03votre vie. Donc avant de les condamner
45:05il faut d'abord étudier
45:07qu'est-ce qu'il y a là-dedans.
45:09Après on voit qu'est-ce qu'on peut prendre
45:11qu'est-ce qu'on ne peut pas prendre.
45:13Troisièmement,
45:15à l'heure actuelle
45:17beaucoup d'hommes
45:19disent à leur famille
45:21s'ils mourraient les premiers
45:23qu'est-ce qu'il faut faire pour la femme.
45:25Ils aident ces consignes.
45:27Moi j'ai vu plusieurs fois les consignes respectées.
45:29Par exemple,
45:31ma femme ne doit plus se coucher par terre.
45:33Elle peut porter ses chaussures.
45:35Elle peut s'occuper des problèmes
45:37des obsèques.
45:39Si elle reste cloîtrée
45:41dans la maison, dans la chambre
45:43qui va s'occuper
45:45effectivement de cet énorme problème.
45:47Donc il faut qu'elle soit mobile
45:49pour qu'elle puisse s'occuper de ces problèmes-là.
45:51Donc il faut moderniser
45:53ces choses-là.
45:55Mais la modernité ne se joue pas sur la substitution.
45:57De ceux qui ne sont pas qualifiés
45:59pour le faire.
46:01S'ils veulent être qualifiés,
46:03ils n'ont qu'à acquérir la qualification.
46:05Parce que là aussi, si donner une assiste
46:07parfois a des détournements.
46:09C'est-à-dire que c'est religieux
46:11parfois détourner les veuves.
46:13C'est-à-dire, je vais t'assister
46:15mais à un moment donné ça devient mariage aussi.
46:17Ah bon?
46:19Il faut faire attention.
46:21Ça devient mariage.
46:23Il faut faire attention.
46:25C'est comme ça en allant dans ce sens-là.
46:27La spiritualité, oui.
46:29Mais elle a aussi des limites
46:31d'accompagnement.
46:33Est-ce que finalement ces rites-là
46:35ne participent pas à traumatiser
46:37ces veuves?
46:39Parce que la veuve
46:41qui a parlé tout à l'heure, celle qui est
46:43sans domicile fixe aujourd'hui,
46:45elle dort dans des hôpitaux
46:47ou alors sur les verandas
46:49des gens.
46:51Est-ce qu'elle n'est pas visiblement traumatisée?
46:53Même si on l'a dépouillée, c'est vrai.
46:55Ce sont des traumatismes qui restent.
46:57Mais comment est-ce qu'elle peut se reconstruire?
46:59Se reconstruire,
47:01par exemple,
47:03par des gens qui sont susceptibles
47:05de l'aider.
47:07Des gens qu'elle-même choisit.
47:09Parce que malgré tout, on a des amis dans la vie
47:11qui peuvent vous accompagner,
47:13qui ont été dans le même cas, dans la même situation
47:15et qui vous comprennent mieux
47:17que quelqu'un d'autre.
47:19Et qui peuvent vous aider
47:21par des conseils, par l'accompagnement.
47:23Vous assister à certaines activités.
47:25Vous dire comment
47:27rester avec les enfants.
47:29Parce qu'il y a des enfants. Parfois, il y a des enfants
47:31comme madame tout à l'heure.
47:33Donc, je crois
47:35que la première personne
47:37à aider
47:39la veuve,
47:41c'est surtout son entourage immédiat.
47:43Et cet entourage,
47:45la famille et les gens qui l'aiment.
47:47C'est pourquoi maintenant, à l'heure actuelle,
47:49certaines veuves choisissent
47:51comme accompagnatrice
47:53des personnes qu'elles connaissent.
47:55Et qui peuvent
47:57ne pas lui faire du mal, comme on dit.
47:59Pourquoi elle est même protégée?
48:01C'est parce qu'elle est fébrile. Elle est fragile.
48:03Donc, on la soutient.
48:05Mais si à côté d'elle, on met encore des gens méchants,
48:07vous voyez ce que ça peut donner.
48:09Donc, il faut faire très attention.
48:11Ce sont des traumatismes qui, après, ne partent plus.
48:13Certainement,
48:15beaucoup d'entre elles ont des cauchemars.
48:17Elles vivent des cauchemars. Moi, je suis sûr.
48:19Vous faites des cauchemars la nuit?
48:21Avec ces traumatismes-là.
48:23C'est-à-dire que
48:25vous vivez toutes ces pénibilités.
48:27Moi, je...
48:29Je suis trop léguise.
48:31Je ne fais pas des cauchemars.
48:33Si j'ai un peu peur, je prends mon chapelet.
48:35Je mets sur le cou. Je dors avec.
48:37On appelle ça, en psychologie,
48:39de rationalisation.
48:41Vous déplacez la peine sur des objets
48:43avec lesquels vous avez confiance.
48:45Pour amortir cette peine-là.
48:47J'ai l'obligation de souffrir aussi.
48:51Alors, moi, je voudrais...
48:55Je voudrais quand même comprendre
48:57quand on est veuve et qu'on a vécu
48:59ou qu'on vit tout ce que vous vivez,
49:01tout ce que vous avez vécu ou tout ce que vous vivez
49:03jusqu'à présent,
49:05comment est-ce qu'on se sent?
49:11Moi, personnellement, je me sens
49:13comme si
49:15je suis une personne
49:17maudite que Dieu a créée.
49:19Parce que moi,
49:21je n'ai jamais vu ça.
49:23Que vous partiez prendre une fille d'autrui.
49:25Elle vient vous donner les enfants.
49:27Elle vous met à l'aise.
49:29Tout ce qu'elle a même, elle vous donne.
49:31Mais vous la haïssez à ce niveau.
49:33Donc, je parle
49:35de mon côté.
49:37Moi, je donne l'erreur
49:39à mon mari.
49:41Je voudrais dire à la fin...
49:43Vous l'accusez alors même étant morte.
49:45Non, je ne l'accuse, ça ne finit pas.
49:47Ça va finir peut-être quand elle va mourir.
49:49Même les enfants sont dramatisés.
49:51Les enfants sont lésés dans la famille.
49:53Ils ne sont pas trop considérés.
49:55Madame, j'ai suivi quand même votre histoire.
49:57Je ne dis pas que vous êtes
49:59un peu responsable.
50:01Vous avez vous-même mis la corde au cou.
50:03Je vous ai suivi.
50:05Ça a commencé d'une certaine façon
50:07et puis ça s'est terminé d'une certaine façon
50:09avec des événements assez graves.
50:11Exact.
50:13Et vous-même, vous n'avez plus de responsabilité.
50:15Votre famille n'est pas là quand vous vous mariez.
50:17Je ne dis que l'amour.
50:19Non, non, attendez.
50:21L'amour aussi, c'est la torture.
50:23Exact.
50:25Vous vous faites esclave de l'amour,
50:27de ces sentiments-là.
50:29Et cet esclavagisme vous poursuit.
50:31Parce que vous avez opté délibérément
50:33pour ce mariage-là.
50:35Vous avez eu des enfants.
50:37De son côté, je ne sais pas
50:39qu'est-ce que ça a donné.
50:41Mais est-il qu'il y a eu beaucoup d'enfants,
50:43c'est qu'il y avait l'amour.
50:45Donc, je dis qu'on ne doit pas être esclave.
50:47Qui avait l'amour, mais la famille
50:49tirait l'oreille. C'est une vieille femme.
50:51Cherche la femme de ton âge.
50:53C'est une vieille femme.
50:55C'est ça qu'ils voulaient dire à la fin.
50:57Madame, j'ai compris.
50:59La tyrannie de l'amour
51:01est aussi tyrannique
51:03que les mauvais comportements.
51:05Je veux dire par là quoi.
51:07Vous laissez votre famille
51:09de côté,
51:11qu'elle voit déjà comment vous souffrez.
51:13Elle veut vous soustraire
51:15à ces tortures-là.
51:17Vous résistez.
51:19Mais il faut aller jusqu'au bout.
51:21Ensuite,
51:23ce n'est pas votre mari en tant que tel
51:25qui vous a torturé. Vous êtes entré
51:27vous-même dans la torture.
51:29Le monsieur vous a aimé, certainement.
51:31Mais vous avez été jusqu'au bout.
51:33Et peut-être qu'il n'a pas été jusqu'au bout.
51:35Vous avez été
51:37vraiment jusqu'au bout
51:39de telle façon que tout ce que vous avez été
51:41pour lui, maintenant,
51:43pourquoi il a pris d'autres femmes ?
51:45Voilà la question.
51:47Si vraiment il tenait seulement
51:49à vous, mais il a pris d'autres femmes,
51:51ça veut dire que son amour était
51:53partagé, divisé,
51:55limité.
51:57Il fallait aussi comprendre ces événements-là.
51:59C'est ça.
52:01Il y avait beaucoup
52:03de points d'interrogation sur son amour.
52:05Dans votre discours-là.
52:07Parce qu'en même temps, quand même,
52:09vous avez accepté d'aller l'épouser 12 ans
52:11après une vie commune alors
52:13qu'il ne vous avait pas légalisé.
52:15Mais il fallait
52:17qu'une autre femme signe le même jour
52:19que vous. Vous aurez quand même pu
52:21vous séparer de lui
52:23avant, mais vous dites que vous l'aimiez trop.
52:25Et surtout le même jour.
52:27Ça s'est fait en série.
52:29Il y avait six enfants, ma fille.
52:31Six.
52:33Bon.
52:35Oui.
52:37Merci une fois de plus.
52:39Ce que ma soeur venait de dire
52:41tout à l'heure,
52:43elle se voit comme une personne
52:45maudite.
52:47Vous vous sentez comment ?
52:49En ce qui me concerne,
52:51je dis parfois que si
52:53je pouvais renaître, je devais mourir
52:55vieille fille, que de me marier
52:57et rester veuve. Vous comprenez ?
52:59C'est la pire des choses.
53:01Le veuvage,
53:03cette stigmatisation.
53:05La belle famille commence d'abord à dire
53:07que c'est vous qui avez tué.
53:09Vous imaginez un peu ? C'est une tâche
53:11qui ne quitte pas
53:13dans votre esprit.
53:15C'est vous
53:17qui avez tué. Et partout
53:19où vous passez,
53:21il m'avait dit un jour que je ne savais pas
53:23que vous étiez veuve.
53:25Je sais que c'est écrit aussi sur mon visage
53:27parce que le Congo, c'est du quartier.
53:29Je ne savais pas que vous étiez
53:31veuve.
53:33Vous comprenez un peu ?
53:35Donc, c'est une chose
53:37qui m'a traumatisée.
53:39Parce que si on prend les impressions
53:41pour me demander que
53:43quelles sont vos impressions
53:45en ce qui concerne
53:47le veuvage,
53:49je disais seulement que je devais mourir
53:51vieille fille, que
53:53Madame, comme vous n'êtes
53:55pas vieille fille, vous ne pouvez pas savoir
53:57ce que les vieilles filles
53:59subissent. Elles ont aussi leurs problèmes.
54:01Il faut faire attention.
54:03Parce que avant de se mettre
54:05dans leur peau, je ne sais pas
54:07si vous avez vécu
54:09leurs expériences.
54:11Il faut faire attention, peut-être rester
54:13célibataire, pas vieille fille.
54:15Quant à moi.
54:17D'accord, et vous ?
54:19On va sortir. Quant à moi, la situation
54:21comme vous l'avez dit, qu'on se sent,
54:23qu'est-ce qu'on ressent.
54:25Quand vous faites toutes ces rites-là.
54:27Oui, alors, tu es là.
54:29Mais je vais vous dire une chose.
54:31Une femme appelée
54:33à se marier,
54:35bon, on n'appelle pas le veuvage.
54:37Mais quand le veuvage vient de mon
54:39côté, je suis courageuse.
54:41Et je ne peux pas accepter quelqu'un
54:43vienne piétiner mon autorité.
54:45Parce que quand tu es
54:47veuve et que tu sais que
54:49l'enfant compte que c'est toi,
54:51en dehors de toi, il n'y a personne.
54:53Même si ta soeur t'aide.
54:55La belle famille, mais même d'abord
54:57la belle famille de côté. La personne
54:59qui peut te donner un mot,
55:01qui peut te donner la paix, ce n'est que
55:03la famille.
55:05Ta famille. De temps en temps,
55:07ils peuvent venir te dire, assieds-toi.
55:09Peut-être en te donnant un peu.
55:11Mais en ce temps-là, ils ne vont pas te donner
55:13toujours toute une vie.
55:15Là, la veuve doit, moi,
55:17je suis courageuse. Là, tu viens
55:19m'attaquer, tu vas recevoir.
55:21Parce qu'on dit que une veuve
55:23n'a pas les yeux pour voir,
55:25ni les oreilles pour entendre.
55:27Donc je suis déjà folle.
55:31Puisque la veuve est à la merci
55:33de tout. Tu n'as pas
55:35d'honneur, tu n'as rien.
55:37Mais la seule chose
55:39qui fait le bonheur d'une veuve, ce n'est que son
55:41enfant.
55:43Et celles qui n'ont pas eu d'enfant.
55:45Rappelez-vous qu'il y a des veuves.
55:47Il y a des veuves qui n'ont pas eu d'enfant.
55:49Moi, j'ai eu d'enfant.
55:51Et fais l'honneur de ce monsieur
55:53que j'ai eu à sacrifier ma jeunesse.
55:55Parce que je ne veux pas
55:57que ces enfants, après sa mort, deviennent n'importe quoi.
55:59Et entre-temps,
56:01je suis en train de regarder ces enfants-là.
56:03La belle-sœur qui se tient devant moi.
56:05Peut-être que, comme je n'ai pas
56:07le sang de tuer, je peux tuer.
56:11Merci beaucoup.
56:13On espère que
56:15vous n'allez pas en arriver là.
56:17Et que vos belles-sœurs, elles ont bien suivi.
56:19Elles n'ont qu'à se tenir à carreau.
56:21Professeur, on va sortir.
56:23Vous avez peut-être un conseil
56:25à donner.
56:27Première chose,
56:29savoir qu'on est fragile
56:31quand on perd quelqu'un de cher.
56:33La veuve elle-même le sait. Elle sent
56:35dans sa chair, son esprit.
56:37Et donc,
56:39choisir ses
56:41accompagnatrices.
56:43Toutes les femmes ne sont pas mauvaises
56:45dans l'entourage.
56:47Il y en a qui sont quand même bonnes avec vous.
56:49Qu'elles vous accompagnent.
56:51Troisièmement,
56:53voir comment organiser
56:55les obsèques. Parce que ça aussi,
56:57ça commence par là.
56:59C'est vrai qu'il y a des coups à gauche et à droite,
57:01mais je crois que de plus en plus,
57:03les femmes se libèrent de ces veuvages-là.
57:05Nous ne sommes pas encore
57:07au Moyen Âge.
57:09Il faut donc prendre aussi ses responsabilités.
57:11Comme dit ma mariée à moi.
57:13C'est-à-dire, peut-être pas aller jusqu'à donner
57:15un coup de poing, mais il faut quand même
57:17dire que je suis là.
57:19C'est mon mari qui est décédé. J'ai mes enfants.
57:21Ensuite, il y a souvent des améliorations.
57:23Quand vous avez des enfants qui sont déjà
57:25grands, qui peuvent aussi vous protéger,
57:27c'est dangereux
57:29quand ils sont encore petits.
57:31Effectivement, ces travers existent.
57:33Elles ont oublié notre travers.
57:35C'est l'accaparement sexuel.
57:37La veuve reste.
57:39Elle est la part de tout le monde.
57:41Notamment de la belle famille.
57:43Les frères et les cousins
57:45qui se signalent.
57:47J'ai une petite histoire.
57:49Une veuve est venue me voir. On a discuté.
57:51Elle m'a dit, mes professeurs, il y a une semaine,
57:53le frère de mon mari m'a dit,
57:55à partir de ce soir, je dors chez toi.
57:57Sans discussion.
57:59Demandez son amie.
58:01Sans négociation.
58:03Elle m'a dit, elle a barricadé sa porte.
58:05Le monsieur n'a pas pu casser la porte.
58:07Elle s'est défendue.
58:09Elle s'est fait les choses.
58:11Il faut se défendre aussi.
58:13Merci beaucoup, professeur.
58:15C'est donc sur ce mot
58:17plein de sagesse que nous allons nous quitter.
58:19Tout en vous remerciant.
58:21Très chère veuve d'être venue
58:23sur ce plateau. Merci à notre
58:25très cher public d'être venu si nombreux.
58:27Merci à nos très chers
58:29téléspectateurs de rester fidèles
58:31à ce programme. Merci professeur.
58:33On se dit à très prochainement
58:35pour une autre édition de notre programme.
58:37D'ici à ce qu'on se retrouve,
58:39prions Dieu de bénir
58:41très abondamment
58:43notre très cher et beau pays, le Cameroun.
58:45Au revoir et à très vite.
59:03Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org