Réduire les coûts de production
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00:00Bonjour, vous avez été producteur de viande, vous avez acheté une ferme d'un peu près
00:151000 hectares en Uruguay quand vous avez été à votre retraite, donc pendant 15 ans
00:21vous avez plus d'un millier de bovins en Uruguay, 900 bovins en Uruguay, et donc vous avez appliqué
00:29les méthodes de pâturage, en se basant uniquement sur le pâturage, donc un peu les méthodes
00:37d'André Voisin, un médecin d'après-guerre qui a réussi à faire quoi ? Il est arrivé
00:45à faire 1000 kg de bœuf à l'hectare. D'accord, et alors vous, comment vous avez mis en place
00:52cette démarche en Uruguay, c'était quoi l'idée ? L'idée c'était de retrouver
00:58justement les fondamentaux de Voisin, que j'avais trouvés dans une bibliothèque à
01:02l'agro, et de les appliquer d'une manière pratique et facile. J'ai donc retrouvé,
01:11par la lecture de ses écrits et de ses expériences, que l'élevage était basé sur trois
01:17principes fondamentaux, qui semblent avoir été oubliés par les agricultures intensives que l'on
01:24connaît en Europe ou dans d'autres pays. Vous me disiez que l'élevage moderne aujourd'hui est un peu victime
01:31de son amélioration continue, de ses performances ? C'est l'impression que j'ai eue, c'est que
01:36finalement, depuis la libération où l'agriculture française était abandonnée, à l'abandon, très
01:45basse, depuis cette période, on a amélioré les techniques, mais on a tellement amélioré les
01:52techniques, on a tellement surajouté des méthodes et des matériels et des produits, qu'on en a fait
01:58une véritable machine qui avait oublié les raisons pour lesquelles on avait commencé à la mettre en
02:04place, c'est-à-dire produire de la viande avec de l'herbe. Donc c'est comme ça qu'on gagne de l'argent,
02:09c'est en se séparant de son tracteur et de ses machines et de ses bâtiments ? Je ne dirais pas ça parce que ça va
02:16déplaire à certains, mais je crois qu'il vaut mieux prendre le problème plutôt comme la Genèse,
02:22il faut recommencer au paradis terrestre. Au départ, on a de l'herbe et on a un bœuf, on voit ce qu'on
02:28en fait. On n'a pas encore de tracteur, on n'a pas encore des tables, on n'a pas encore de bâtiments,
02:33on n'a rien et c'est à partir de là qu'on peut faire des choses simples. D'accord, alors l'idée de base,
02:41c'est quoi ? L'idée de base, c'est qu'on prend donc un pâturage et qu'on prend un bœuf et un
02:49pâturage. Le bœuf, c'est la machine à faire de la viande et le pâturage, c'est la machine à faire
02:55du bœuf. Donc il faut les relier, alors on les relie par deux critères fondamentaux, indiscutables,
03:03c'est que pour développer, pour nourrir un bœuf, il faut lui donner 40 hectares d'herbes fraîches
03:09par jour. 40 kg d'herbes fraîches par jour. L'autre critère, c'est qu'il faut savoir ce que donne la
03:20prairie. Un hectare de bonne prairie, en période normale, produit en moyenne 8000 kg d'herbes par
03:26jour et pas d'hectares. Ces chiffres ne sont pas rigoureux, ils n'ont aucune importance, c'est des
03:30ordres de grandeur. Il suffit à calculer qu'un hectare de prairie, en divisant l'un par l'autre,
03:39peut nourrir 200 bœufs par jour. C'est la théorie. On met 200 bœufs sur un hectare pendant 24 heures
03:49et le bœuf est heureux. Alors effectivement, c'est peut-être excessif, comme tous les calculs
03:57pratiques. Le deuxième critère, c'est que quand on a mis les 200 bœufs sur un hectare le soir,
04:06il n'y a plus d'herbes. Donc le lendemain matin, il faut faire autre chose. Ça veut dire qu'il faut
04:10raser, il faut faire des périodes de peinturage très court. Le premier, il est évident que si
04:16vous mettez 200 bœufs sur un hectare le soir, vous n'aurez que de la terre. Vous aurez les
04:21racines de la luzerne et la terre, il n'y aura plus rien. Donc le lendemain, il faut donner autre
04:27chose. Alors vous donnez un deuxième hectare d'herbes fraîches, c'est-à-dire de la luzerne,
04:33ou surtout de trèfle, ou des graminées quelconques, mais avec une hauteur de 10 à 12 cm. Donc le
04:42lendemain, vous donnez un deuxième hectare à vos bœufs. Et ce, jusqu'à ce que le premier hectare
04:48est retrouvé, puisque l'herbe pousse toute seule, c'est 12 cm. Et c'est là qu'intervient la durée
04:57de croissance de l'herbe, qui varie, elle, suivant les saisons. C'est-à-dire qu'en été, vous aurez 20
05:03jours, en hiver, pas en hiver, mais disons à l'automne, vous aurez 40 jours. Donc entre 20
05:11jours et 40 jours, vous avez toute une échelle de montées, de descentes, du temps de retour. Le
05:17critère intéressant, c'est le temps de retour pour retrouver l'herbe de 12 cm. Donc vous, vous faites
05:22des parcelles qui ont toutes la même surface ? Il faut que les parcelles aient toutes la même
05:28surface pour qu'il n'y ait pas de complications dans les calculs. Une fois que vous avez fait
05:32votre calcul de principe, vous mettez vos bœufs sur un hectare, vous renouvelez l'hectare pendant 20
05:40jours. Au bout de 20 jours, en parlant de l'été et en bon climat, vous revenez au hectare de départ.
05:46Donc après, il faut regarder ce qu'a fait le bœuf. Or, tout le monde sait qu'un bœuf en bonne
05:54saison et en pleine croissance, c'est-à-dire un bœuf de 400 kg, un bouvillon, produit en gros un
06:03kilo de viande par jour. Ça varie de 800 grammes à un kilo de brande par jour. Donc les calculs,
06:12si vous faites ça pendant 7 mois de bonne saison, c'est-à-dire du mois d'avril au mois d'octobre,
06:19novembre, ça vous fait 18 000 kg. Divisé par les 30 hectares que l'on a calculés, ça vous fait 600
06:27kg d'herbes par hectare et par an. 600 kg de viande ? De viande sur pied. 600 kg de viande
06:34avant au marché. C'est bien plus que ce qu'on fait aujourd'hui ? Je crois qu'on fait difficilement
06:41plus de 200 dans les meilleurs élevages. Et ceux qui font 300 sont des experts. Et les 600 kg,
06:49là, c'est une certitude. Et donc comment on organise un pâturage pour faire ça ? Alors,
06:58il faut organiser le pâturage de la manière la plus simple qui soit, justement, pour éviter
07:02tout travail et toutes dépenses. D'abord, on prend un hectare de bonne prairie, un bon mélange de
07:10luzerne, de trèfle et de graminée. Et on le laisse pousser à la hauteur idéale pour le pâturage
07:19d'un bovin, c'est-à-dire 10 à 12 cm de hauteur. Donc, il faut calculer... A partir du moment où
07:29on sait la quantité de bœufs que l'on veut nourrir et la surface du champ que l'on a,
07:34il faut calculer, vous diviser pour avoir la surface à pêtre par jour. Mais comment on fait
07:40pour qu'ils ne piétinent pas ? Ils ne peuvent pas piétiner pour une raison très simple, c'est que
07:46vous leur avez donné exactement la quantité d'herbe qu'il peut manger, donc il n'a pas le
07:51temps de marcher dessus. C'est là la différence par rapport à l'élevage traditionnel. Donc,
07:55vous divisez votre champ en deux rectangles parallèles divisés par un chemin central.
08:02Et vous leur donnez à pâturer la moitié de leur nourriture par jour à gauche le matin et la
08:14moitié à droite le soir. Et avec ces deux moitiés, ils ont leur hectare de... Enfin, leur hectare,
08:21ça dépend du nombre de bêtes, la surface que vous avez calculée par bête. Et le bœuf de lui-même,
08:27vous lui levez la clôture, il ira boire entre les deux pâturages. La nuit, il soulève la clôture,
08:35il passe en dessous, il va boire, il va se balader, ruminer et il reviendra quand il aura faim,
08:40manger la deuxième partie. Et le lendemain matin, vous vous déplacez votre clôture de 20 mètres,
08:46c'est-à-dire que vous prenez un petit rouleau et vous roulez vos 50 mètres de fil de fer jusqu'au
08:54bout. Et puis, vous les reposez 20 mètres plus loin, vous déroulez vos 50 mètres de fil de fer,
08:59pas de fil de fer, de fil électrique de l'autre côté. C'est-à-dire que ça vous prend au maximum,
09:04pour 30 hectares, ça vous prendra au maximum une heure de travail. Je dis simplement que moi,
09:12je préfère plutôt que de parler d'amélioration des élevages qui existent et en cours de
09:19fonctionnement avec les méthodes que l'on connaît, je préférerais commencer de zéro à partir d'un
09:24champ, d'un troupeau et de supprimer tout ce qu'il y avait autour. Supprimer les machines,
09:32il n'y a pas besoin de machines, il n'y a pas besoin de tracteurs, puisqu'il n'y a pas d'aliments,
09:36de bétail à transporter. Alors l'hiver, on fait des rouleaux et là, vous avez des machines qui
09:42viennent faire les rouleaux sur les espaces qui, pendant l'été, ne sont pas pâturés,
09:46puisque en été, on a dit qu'il n'y avait que 20 jours de rotation. Donc, vous avez des espaces
09:52qui ne seront pas pâturés. Si vous faites 40 jours en automne, entre les 40 jours et les 20 jours,
09:58vous avez des espaces de pâturage, plutôt de fourrage. Vous les mettez aux rouleaux,
10:04vous faites des rouleaux et vous faites dans un coin quelques hectares de maïs ou de sorgho que
10:10vous broyez et que vous mettez tout simplement dans un boudin où les bêtes viendront le manger
10:16l'hiver. Le foin, on n'a jamais rentré du foin. On a inventé des machines qui compactent les
10:24rouleaux à un degré de pression telle qu'ils ne rentrent pas une goutte d'eau dans un rouleau.
10:31Et le sorgho ou le maïs broyé se projette par compression dans un tube qui fait à peu près
10:441,20 m de diamètre et qui peut faire 100 m de long dans lequel vous avez la totalité du grain qui
10:51est nécessaire pour nourrir une bête en hiver. Vous ouvrez tout simplement le boudin et vous
11:00faites sortir la quantité, à l'appel de l'orato, la quantité de grain qui est nécessaire pour
11:06alimenter un bœuf pendant l'hiver, c'est-à-dire entre 5 et 7 kg par bête, c'est-à-dire si vous
11:12avez 30 bêtes ça fait 150 kg, ce n'est pas un gros travail de les faire tomber par terre sur
11:17une bâche et vous les étalez et les bœufs viendront gentiment les manger. En même temps
11:23qu'ils iront manger directement le rouleau que vous avez mis à plat sur le champ et où la bête
11:32ira prendre les fibres dont il a besoin. On ne rentre jamais sous nos climats des bêtes dans
11:45des hangars, on n'a aucune raison de les alimenter avec du fourrage ni avec des grains aliment
11:51concentré. Tout ça me paraît assez superflu et je dirais que ça serait une vue de l'esprit s'il n'y
11:59a pas des gens qui le font ailleurs. Je ne suis pas en train de professer une théorie universitaire.
12:06Vous produisiez de la viande à combien le kilo? A l'époque où je travaillais en Uruguay, je vendais
12:12ma viande à un dollar le kilo sur pied et c'était rentable. 70 centimes d'euro quoi? Et c'était
12:22rentable. A l'époque oui ça faisait ça. Avec combien de salariés? Un. Un seul pour 900 bêtes? Pour 900 bêtes.
12:30On n'est pas dans les mêmes ordres d'idées en France. Et contrairement à ce que l'on prétend, il était bien payé.
12:38Oui mais on dira le climat sud-américain n'est pas le même que le français non? Alors le climat sud-américain,
12:45l'Argentine fait 5000 km de long, elle commence à la Terre de Feu et dans les glaces de l'Antarctique
12:54et termine au nord sous les tropiques du Paraguay. Alors entre les deux, vous avez un endroit où il y a
13:01le même climat que la France parce que en France on est aussi entre le pôle nord et le Maroc.
13:06Et la Normandie est à peu près à la hauteur de l'Uruguay. Donc en théorie, on pourrait faire autant d'herbes à l'hectare que...
13:15Pas en théorie, en pratique. Alors ça, j'insiste, c'est la pratique. Je ne comprends pas.
13:22Et puis en plus, je dirais que je n'ai rien inventé. J'ai utilisé et exploité la méthode de Voisin
13:30qui est dans toutes les bonnes bibliothèques des universités d'agronomie. Donc je ne fais vraiment que ressortir
13:38quelque chose que l'on n'aurait jamais dû perdre.
13:41Très bien. Merci Jean-Henri de Asden-Tetrelle.
13:44Écoutez, merci. Si ça peut vous être utile, j'en serais très heureux.
13:48Et donc ça peut être utile aux agriculteurs français ? Vous aimeriez bien tester cette méthode ?
13:53Alors je souhaiterais faire une expérience puisque personne ne me croit. Donnez-moi 10 hectares de prairies
14:01pendant 7 mois et je vous ferai 600 kilos de viande à l'hectare et par an.
14:06Bon, et bien s'il y a des agriculteurs volontaires, nous nous contacterons.
14:10Je les attends. Merci. A bientôt.