• il y a 5 mois
Corentin Sellin, professeur agrégé d'histoire CPGE, spécialiste des Etats-Unis, chroniqueur pour Les Jours en politique américaine et Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis à l'IFRI, productrice du podcast New Deal, sont les invités de 8h20.

Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien

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Transcription
00:00France Inter, Marion Lourds, le 6-9.
00:07Grand entretien ce matin autour de l'autre élection qui nous occupe, je vous rappelle,
00:12ce week-end et jusqu'à demain soir, c'est silence radio sur la législative française,
00:16période de réserve oblige avant le second tour demain, mais un autre scrutin à venir
00:20lui en novembre fait carrément converger les regards venus de toute la planète, c'est
00:24l'élection du président des Etats-Unis le 5 novembre prochain, précisément, décisif
00:29pourtant de dossiers cruciaux du monde, la guerre en Ukraine, le commerce avec la Chine,
00:32la protection de l'environnement, et une question qui se pose en ce moment concernant
00:36ce scrutin à fort enjeu, à 81 ans, visiblement fatigué, le président sortant, le démocrate
00:42Joe Biden, peut-il défendre ses chances et celles de son parti ? On en parle ce matin
00:47avec nos deux invités de grands spécialistes des Etats-Unis, Laurence Nardon, responsable
00:52du programme Etats-Unis à l'Institut français des relations internationales et productrice
00:56du podcast New Deal, et Corentin Célin, professeur agrégé d'histoire et auteur
01:01de la série This is America pour le média en ligne Les Jours, bienvenue à tous les
01:06deux.
01:07Le nouvel événement de la nuit c'est cette interview qui a été donnée par le président
01:12des Etats-Unis au célèbre journaliste Georges Stephanopoulos sur ABC News à l'occasion
01:17d'un déplacement dans le Wisconsin, il est en costume sombre, chemise rayée, très
01:22concentré face à son interviewer, je vous donne un petit peu l'image, et il fait allusion
01:28notamment à son adversaire Donald Trump, il dit que c'est lui qui est le meilleur
01:32pour conduire les chances démocrates, qu'est-ce que vous en avez retenu ?
01:35En ce qui concerne cette interview, elle s'inscrivait dans une stratégie de contre-offensive de
01:42la Maison-Blanche après le désastre du débat de jeudi dernier, face à Donald Trump, cette
01:50interview n'a sans doute pas produit les résultats escomptés si on regarde les premières
01:56réactions des parlementaires démocrates, plusieurs médias américains relaient des
02:02réactions assez déçues sur un point précis, c'est le déni absolu de Joe Biden vis-à-vis
02:09de ses difficultés relatives au palot de pathologie de l'âge, il semble ne pas avoir
02:16pris conscience selon ses parlementaires de la gravité de la situation, et par ailleurs
02:21il a peut-être commis une erreur dans cette interview, puisqu'il a refusé de subir
02:27un test cognitif indépendant qui aurait pu mettre fin à tout débat.
02:31Alors en fait effectivement il refuse ce test en disant, être président de la république
02:36c'est subir un test cognitif tous les jours, ce qu'il dit aussi pour s'expliquer sur
02:40l'entretien du 27 juin, l'entretien désastreux, c'est qu'il était malade, il avait un rhume,
02:45France Nardon, vous pensez aussi que cette opération de déminage elle est ratée ?
02:48Je pense qu'il y a en effet deux camps qui s'affrontent aujourd'hui, c'est-à-dire
02:53le camp autour de Biden qui ne veut rien entendre, qui refuse comme a dit Corentin,
02:58qui est dans le déni par rapport non seulement à la situation de Biden qui finalement est
03:02la même depuis 2020, ça fait depuis 2020 qu'on pense qu'il est trop vieux, là manifestement
03:07il y a eu une dégradation assez brusque, enfin il semble qu'il y ait eu une dégradation
03:11assez brusque ces derniers mois dans ses capacités cognitives, mais bon finalement c'est un peu
03:15la même situation avec un effet de déni chez Biden et chez ses conseillers, on pense notamment
03:22à la première dame qui le défend bec et ongles, et puis en face d'eux un camp qui
03:27se pose des questions depuis longtemps, les électeurs notamment, mais qui a osé passer
03:33à l'acte après le débat désastreux de la semaine dernière et qui est conduit par
03:38le New York Times notamment qui a, dès le lendemain de ce débat, a sorti un éditorial
03:44tout à fait clair et net demandant à Joe Biden de se retirer et ça c'était vraiment
03:50un coup de tonnerre parce que le déni du camp Biden s'étendait jusqu'alors à tout
03:56le camp démocrate et maintenant il y a une scission, il y a deux camps qui s'affrontent
04:00sur le fait que ce président va pouvoir ou pas rester en course.
04:05C'est ça qui est spectaculaire effectivement Corentin Sellin, c'est que le New York Times
04:08il est plutôt pro-démocrate, il avait jusque-là démenti les accusations qui étaient très
04:12fortes de Donald Trump sur l'âge du capitaine et là tout d'un coup, après le débat, ça change.
04:18Oui ça change après le débat, alors je pense que le New York Times il est aussi prisonnier
04:23de toute l'évolution de la politique américaine depuis 2016, le New York Times il a été
04:27en pointe dans l'exigence vis-à-vis de Trump en pointant ses mensonges, en pointant
04:35ses écarts et aujourd'hui au nom de cette exigence démocratique de la presse, il doit
04:42soumettre Biden au même traitement, sinon apparaître comme un média partisan.
04:47Donc ça c'est le premier point et deuxième point, c'est vrai qu'il y a eu lors de ce
04:52débat comme une sorte de rideau qui se déchirait, c'est-à-dire qu'on a vu ce qu'on entendait,
04:58ce qui était aussi exagéré, il faut bien distinguer, il y a aussi de la désinformation
05:02sur l'état de Biden avec des vidéos truquées, des vidéos tronquées.
05:05C'est clairement martelé par Donald Trump qui pourtant n'a que quelques années de différence
05:09avec lui.
05:10Oui mais ce qu'on a vu au débat, c'est un Donald Trump qui n'était pas souverain sur
05:14le fond, qui a refusé de répondre à toutes les questions des modérateurs mais qui était
05:18plein d'énergie, ça on ne peut pas lui enlever et face à ça, on a un Biden qui
05:23a perdu à cette occasion son argument principal, il dit « je suis le meilleur rempart contre
05:27Trump ». Oui mais justement on a vu pendant le débat que ces fragilités croissantes
05:31dû à l'âge l'empêchent d'être ce meilleur rempart, il manquait de répartie,
05:35il n'arrivait pas à reprendre Donald Trump, donc c'est ça que pose le débat.
05:40Mais Laurence Nardon, c'est vrai que par exemple on avait eu déjà des premières
05:43alertes en dehors évidemment de ces fausses informations mais sur le fait qu'il y avait
05:47quelque chose qui n'allait pas puisque Joe Biden avait dit qu'il avait rencontré
05:51Cole et Mitterrand par exemple, donc il y a eu quelques alertes, qu'est-ce qui fait
05:55qu'aujourd'hui le camp dont vous parlez de ses proches par exemple, de son épouse
05:59continue à dire « il doit y aller, il faut qu'il y aille ».
06:02Alors les arguments qu'ils avancent c'est que d'abord, comme a dit Corentin, il n'y
06:07a que lui qui peut battre Trump, enfin c'est leur argument à lui, parce qu'on en est
06:11sûr, on risque de le voir, mais en tout cas ils avancent cet argument-là.
06:16Le second argument c'est de dire que Joe Biden qui est véritablement un président
06:22transformatif pour le pays, il a remis en route l'intervention de l'État dans l'économie,
06:26il a remis en route une politique environnementale contre la Chine, contre le vol des technologies
06:31américaines par la Chine, enfin pour le retour de l'emploi des classes moyennes,
06:34enfin voilà, c'est un président qui restera dans l'histoire comme un président extrêmement
06:38important, peut-être même plus qu'Obama, pour ses politiques qui ont vraiment fait
06:42prendre un tournant aux États-Unis.
06:44Et c'est son bilan qu'il défend ?
06:45Son bilan mais le fait qu'aussi il n'a pas eu assez de quatre ans pour le mettre
06:50en place, qu'il lui faut quatre ans de plus, donc ça c'est le deuxième argument
06:54de ce camp Biden.
06:55Le troisième c'est de dire que Kamala Harris, on n'a pas encore parlé d'elle
06:59mais il est temps de le faire, qui est la vice-présidente, qui avait été nommée
07:03en 2020 pour prendre la suite tout naturellement de Biden en 2024, on voit bien que ça ne
07:08se produit pas, l'explication c'est qu'elle n'a pas pris toute sa place et elle n'a
07:13pas pris beaucoup de visibilité dans l'opinion publique américaine et donc on pense qu'elle
07:17ne pourrait pas se présenter.
07:18Ce qui est un peu sournois de la part de l'équipe Biden, c'est qu'en fait c'est
07:23quand même la Maison-Blanche qui ne lui a pas laissé prendre sa place et prendre
07:26son envol pendant les quatre dernières années.
07:29Donc ça c'est le troisième argument et puis pour terminer, je m'arrêterai là,
07:33il y a manifestement un effet de bulle, un effet de déni autour du président avec des
07:38équipes qui ne se parlent qu'entre elles et une équipe très rapprochée qui ne veut
07:43pas voir la réalité.
07:45Corentin Sélin, Laurence Nardon parlaient de la vice-présidente Kamala Harris qui serait
07:49éventuellement une alternative possible.
07:52Il y en a vraiment des alternatives à Joe Biden alors que l'élection est le 5 novembre
07:56prochain, ce n'est pas si loin ?
07:57Oui, il y a des alternatives, il faut bien retenir que la date butoir c'est vraiment
08:03la convention qui doit se tenir à Chicago, la convention démocrate durant laquelle est
08:06désigné officiellement le candidat et qui aura lieu entre le 19 et le 22 août et il
08:12faut pour les démocrates vraiment se déterminer avant cette date parce qu'après ce serait
08:18beaucoup plus compliqué de pouvoir changer le ticket.
08:21C'est impossible quand même !
08:22Ça resterait possible mais ce serait beaucoup plus compliqué.
08:26Donc voilà, il y a une sorte de fenêtre d'environ un mois pendant lequel les démocrates
08:31peuvent encore éventuellement changer de ticket et oui, il y a des alternatives.
08:36La meilleure preuve, c'est qu'on a vu un peu ce paysage surréaliste de candidats
08:41pour 2028, c'est-à-dire qu'on a beaucoup de gens qui se sont positionnés pour 2028
08:45en disant je soutiens Biden parce que je ne veux pas faire gagner Trump mais je veux bien
08:49y aller en 2028.
08:50Donc on peut penser par exemple à la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer ou la gouverneure
08:55de Californie Newsom mais eux, ils sont très embarrassés parce qu'en même temps, ils
08:59doivent être dans la loyauté absolue envers Biden pour ne pas paraître faire gagner Trump
09:04et donc en même temps, ils font vraiment campagne pour Biden tout en disant mais pour
09:092028, c'est possible.
09:10Donc est-ce qu'il serait capable une fois Biden retiré d'y aller ?
09:14Possible.
09:15Néanmoins, il ne faut pas se cacher, si jamais Biden se retirait, il y aurait quand
09:20même un mouvement derrière Kamala Harris qui incarne la légitimité, j'allais dire,
09:25institutionnelle.
09:26Donc ce serait compliqué pour d'autres d'y aller mais ils existent, ils sont là.
09:29Laurence Nardon, cette nuit, Joe Biden, il a dit qu'il attendait en gros un message
09:33divin pour un message du Seigneur pour partir et que ça serait la seule chose qui ferait
09:38que non, il n'irait pas, il ne prendrait pas part à cette course à la présidence.
09:43Il y a quand même des pressions des milieux financiers aussi.
09:46Oui, ce qu'on voit dans ce fameux camp mené ou en tout cas déclenché par le New York
09:51Times la semaine dernière, c'est un certain nombre de médias qui commencent à enclencher.
09:55Quand on lit le Washington Post, on voit aussi des articles, alors non pas réclamant le
10:00départ de Biden comme le fait le New York Times, mais enfin questionnant sa capacité.
10:05Je ne sais pas si vous avez vu la une de The Economist cette semaine avec un déambulateur
10:10marqué « Is this the way ? », est-ce que c'est comme ça qu'on mène un pays ?
10:14Bref, ça c'est pour la presse et vous avez raison, un certain nombre de financeurs du
10:19Parti démocrate commencent eux aussi à se poser des questions.
10:21Donc ce à quoi on va assister dans le mois, dans les semaines qui viennent d'ici à
10:25la convention, c'est vraiment une bataille rangée entre tous ces démocrates qui commencent
10:30à se poser des questions et à proposer de nouveaux candidats, donc Gretchen Whitmer.
10:35Il y a aussi quelqu'un qui pourrait être un candidat VP, parce que quand on parle de
10:39candidat pour la convention d'août prochain, il y a le candidat pour la présidence et
10:45puis il y a le candidat pour la vice-présidence et donc on peut faire un ticket assez séduisant.
10:51On pourrait ajouter par exemple Raphaël Warnock qui est ce pasteur noir de Géorgie qui ferait
10:56très bien pour remplacer Kamala Harris sur un ticket vice-présidentiel par exemple.
11:01Mais bref, on va voir comment cette bataille se poursuit avec les contres et puis de l'autre
11:08côté, à la présidence, je ne sais pas si j'ose le samedi matin, mais on a quand même
11:11Papy fait de la résistance à la Maison-Blanche.
11:14Et Corentin Sellin, mettez-vous un peu un moment dans la tête de Joe Biden, pourquoi
11:19lui ? Pourquoi est-ce qu'il reste ? Et pour les démocrates, pourquoi que lui ?
11:22Alors pourquoi il reste ? Parce que comme l'a dit Laurence, et il l'a redit lors de
11:28son interview cette nuit avec Stefano Poulos, il considère avoir un bilan exceptionnel
11:34et c'est vrai qu'il a un bilan, en tout cas économique, sur la réindustrialisation,
11:39sur le passage aux énergies propres, il a un bilan tout à fait considérable et des
11:44résultats économiques, en particulier en ce qui concerne le chômage, qui seraient
11:49considérés tout à fait satisfaisants pour n'importe quel président sortant.
11:52Mais Stefano Poulos, il le reconnaît, il lui dit qu'il s'agit de parler d'avenir
11:55et pas de passé.
11:56C'est tout le problème.
11:57C'est qu'effectivement, il a un excellent bilan, mais c'est pour ça que Biden veut
12:01rester et surtout, Biden, c'est un peu un homme qui est devenu aussi président sur
12:07le tard.
12:08C'est le dernier d'une génération dorée qu'avait déjà donné Bill Clinton.
12:12Lui, il a toujours eu la sensation d'être un peu le mal aimé.
12:16Il avait fait deux campagnes présidentielles complètement ratées, etc.
12:20Il est arrivé enfin au poste dont il avait toujours rêvé.
12:24Il estime ne pas avoir démérité et lui et son clan pensent qu'en 2020, ils ont
12:31réussi ce que beaucoup pensaient impossible, c'est-à-dire à sortir Trump de la Maison-Blanche.
12:35Tout ça fait qu'ils se sont fortifiés dans la conviction que seuls eux pouvaient y arriver.
12:41Mais c'est un raisonnement circulaire parce qu'en disant « il n'y a que nous qui
12:44pouvons y arriver, rangez-vous derrière nous », ils ont annulé toute alternative.
12:48Et on en arrive à cette situation actuelle où il est rattrapé par les fragilités de
12:52l'âge et où il continue à s'accrocher en disant « mais il n'y a que moi qui
12:56peux battre Trump ».
12:57Mais on n'a pas testé les alternatives parce que justement, Joe Biden avait demandé
13:01à ce qu'elles se rangent toutes derrière lui.
13:03Donc on est un peu dans un raisonnement un petit peu circulaire.
13:06Laurence Nardon, c'est d'autant plus compliqué cette situation qu'il y a le facteur Trump
13:12et la Cour suprême qui a validé lundi la demande d'immunité de l'ex-président
13:17pour les actes commis durant son mandat.
13:19Et ça, ça le renforce Donald Trump.
13:22Mais oui, le maintien et le retour de Donald Trump depuis 2020 restent quand même… comment
13:30dirais-je ?
13:31Une remontada !
13:32Oui, enfin, un événement politique totalement incroyable sur la politique américaine.
13:37Il tient toujours sa base, il tient toujours les élites du parti républicain, un parti
13:42qu'il a totalement transformé, ce n'est plus du tout le parti de Reagan, c'est aujourd'hui
13:46un parti très populiste avec un projet pour si jamais il est réélu et qu'il revient
13:51à la Maison-Blanche en 2025.
13:53Un projet qui est à la fois autoritaire, conservateur, qui voudrait mettre en place
13:58un président extrêmement fort, avec en même temps des courants libertariens qui veulent
14:06déréguler et détruire un certain nombre d'administrations.
14:09Donc oui, il y a quelque chose d'absolument fascinant.
14:12En tant que chercheur, on n'est pas censé prendre parti, mais quand on est non pas démocrate
14:18et indémocrate, attaché au principe de la démocratie, c'est quand même très préoccupant
14:22le projet de Trump s'il revient.
14:23Et il a, comme vous le savez, nommé trois juges à la Cour suprême pendant son mandat
14:29qui ont transformé cette cour à neuf juges en une cour extrêmement conservatrice.
14:34Et donc les nombreux arrêts qu'elle a rendus en fin d'année, tous les ans au mois de
14:39juin les arrêts de la cour sont rendus publics, ont emmené le pays sur une trajectoire très
14:46conservatrice.
14:48On l'avait vu il y a deux ans sur l'avortement.
14:49Et donc cette année, vous en parliez, il y a eu cet arrêt absolument incroyable, faisant
14:56du président américain une sorte de despote, puisqu'on ne pourra plus rien lui refuser.
15:02Aujourd'hui, on ne pourra plus le poursuivre.
15:04Ou alors très difficilement pour des actes qu'il aurait commis en tant que président.
15:09Donc, en théorie, ça ouvre la porte à la tyrannie.
15:12C'est extrêmement grave pour la démocratie américaine.
15:15Corentin Sellin, Donald Trump, c'est vrai qu'il a été reconnu coupable de 34 chefs
15:20d'accusation.
15:21L'adversaire de Biden, qui avait l'air affaibli par ça, en fait, là, il sort effectivement
15:27renforcé et il va sans doute être adoubé, lui, lors de la convention de son parti ?
15:31Oui, il va être adoubé à un parti qu'il a entièrement pris en main.
15:36Il faut rappeler que la co-directrice, la co-présidente désormais du Parti républicain,
15:40c'est sa propre belle-fille.
15:41C'est la belle-fille de Trump, donc c'est quand même assez impressionnant.
15:45Donald Trump, effectivement, il a depuis quelques semaines le vent dans le dos.
15:50Premièrement, ses démêlées judiciaires et sa condamnation ont amené vraiment une
15:57coalition des donateurs financiers derrière lui.
16:00Beaucoup de milliardaires conservateurs qui refusaient de l'aider se sont remis derrière
16:06lui.
16:07Après sa condamnation ?
16:08Après sa condamnation, essentiellement, et résultat, alors qu'il avait encore au début
16:11du printemps un fort déficit en termes d'argent pour mener campagne, il a rattrapé complètement
16:17ce déficit et donc ça a participé à l'élaboration d'une dynamique.
16:21Il a écarté tous ses rivaux internes qui ont fini par se rallier, même quelqu'un
16:27comme Nikki Haley, on s'en souvient, qui avait été très critique en primaire, a annoncé
16:30qu'elle voterait pour lui.
16:31Et aujourd'hui, grâce à l'arrêt de la Cour suprême, ça c'est très important,
16:37il a déjà réussi à faire décaler la sentence de sa condamnation.
16:41Cette sentence devait être rendue le 11 juillet et les démocrates pouvaient se dire « tiens,
16:45ça donnera un répit à Biden si jamais Trump est condamné à la prison ». Cette sentence
16:50n'arrivera pas avant mi-septembre parce que le juge doit étudier l'arrêt de la
16:54Cour suprême pour voir si la condamnation ne pourrait pas être remise en cause par
16:58l'arrêt de la Cour suprême sur l'immunité de Trump.
17:01Donc on voit que toutes les planètes s'alignent pour Trump et qu'en face, au contraire pour
17:04Biden, le débat entraîne sa campagne dans une forme de chaos.
17:10Paradoxalement, Trump a besoin aussi un petit peu de Biden, non ?
17:14Absolument, c'est ça.
17:15Alors ça, c'est vraiment le grand paradoxe de la situation actuelle, c'est que pour
17:20Joe Biden, le meilleur argument, on l'a encore entendu chez Stefano Polo, c'est « je suis
17:24le seul qui peut battre Donald Trump ». Et en face, Donald Trump et sa campagne, il y
17:29a eu un article du Washington Post très intéressant là-dessus, il y a eu des fuites sur la campagne
17:32Trump.
17:33Et bien eux, ils se disent « non, nous on aimerait bien garder Biden en face parce qu'il
17:37faut bien réfléchir que demain, Trump face à un démocrate beaucoup plus jeune, incarnant
17:42mieux la diversité, il aurait beaucoup de mal Trump parce qu'encore une fois, lors
17:46du débat, si Biden s'est complètement loupé, lui n'était vraiment pas du tout
17:50souverain.
17:51Donc on a ce paradoxe que l'un et l'autre fonctionnent ensemble et ont besoin l'un
17:55de l'autre pour prospérer politiquement.
17:58Et c'est quand même un grand paradoxe.
17:59Laurence Nardon disait que les conventions des différents partis, qui doivent désigner
18:03à doublé les candidats à la présidentielle, elles ont lieu cet été.
18:06Comment ça peut se passer ? Si vous regardez dans votre boule de cristal un petit peu,
18:10c'est quoi les scénarios possibles ?
18:11Je n'ai pas de boule de cristal, mais je vais essayer quand même.
18:13Comme on a dit, la convention républicaine, à priori, il n'y aura pas de surprise,
18:19Trump sera adoubé dans le délire et l'enthousiasme de la foule.
18:23Pour la convention démocrate, alors on va voir, si jamais, il n'y a que Biden qui
18:29peut décider de se retirer, on ne peut pas le forcer à se retirer, c'est bien la
18:35difficulté depuis le début.
18:36Est-ce qu'un autre peut se présenter par exemple ?
18:38C'est un peu tard, parce que les primaires sont finies.
18:41Et il les a gagnées, il a remporté une majorité des 4000 délégués, donc ces délégués
18:47qui doivent maintenant se rendre à la convention démocrate à Chicago en août et voter pour
18:53le candidat.
18:54Donc normalement, ils vont voter comme un seul homme, parce qu'ils sont pledged, c'est-à-dire
18:57qu'ils ont promis de voter Biden, donc normalement, ils vont le faire.
19:02On pourrait imaginer, scénario, que Biden finisse par se retirer, compte tenu de la
19:09campagne contre lui qui se déroule aujourd'hui, et à ce moment-là, c'est totalement inconnu.
19:14Les délégués, probablement, seraient libérés de leurs promesses et pourraient choisir
19:19ce qu'ils veulent.
19:20Alors, on verrait tous ces fameux candidats qui sont prêts pour 2028, on en verrait un
19:25certain nombre monter au créneau pour se dire « je veux bien y aller maintenant ».
19:29Et on verrait une véritable convention ouverte, je pense, puisqu'on verrait les gens voter
19:35les uns contre les autres.
19:36Ce qu'il faut savoir, et ça c'est pas mal, c'est que le parti démocrate a déjà
19:42acheté énormément d'encarts publicitaires télévisés pour septembre-octobre, et donc
19:47la personne qui serait investie, président et puis vice-président, aurait beaucoup de
19:53possibilités de se faire connaître nationalement à la rentrée.
19:56Corentin Sellar, en un mot, parce qu'on est à la fin de l'entretien, je vous voyais
19:58acquiescer, vous êtes d'accord avec Laurence Nardon sur ce scénario ?
20:01Oui, si Biden se retire, vraiment, ce qu'on doit retenir ce matin, c'est que la décision
20:06ne dépend que de lui, et on voit bien qu'on tend vers une impasse.
20:09On a appris hier soir qu'un sénateur démocrate extrêmement respectable, Sénateur Warner,
20:14était en train de réunir un certain nombre de sénateurs pour aller voir Joe Biden et
20:18sans doute lui demander de se retirer.
20:20Et on voit bien que face à ça, il y a un homme qui est enfermé, muré dans ses certitudes.
20:25Et donc, on voit bien qu'il y a une impasse qui se décide, mais si cette impasse est
20:29surmontée, si Joe Biden se retirait, oui, on irait vers une convention ouverte, avec
20:34néanmoins juste une petite limite, c'est que Kamala Harris, en tant que, j'allais
20:40dire, colistière, vice-présidente, aurait a priori le premier mot à dire.
20:47Mais ça n'empêcherait pas d'autres, effectivement, de pouvoir se présenter et là, tout redeviendrait
20:50ouvert.
20:51On verra ça.
20:52On va avoir un peu de temps avant cette élection présidentielle du 5 novembre prochain.
20:56On est amené à se revoir.
20:57Merci Corentin Sellin, professeur d'histoire, chroniqueur pour le site Les Jours en politique
21:02américaine et Laurence Nardon, responsable du programme Etats-Unis, Alifri et productrice
21:06du podcast New Deal.
21:08Grand merci à tous les deux d'être venus ce matin sur France Inter.

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