Mardi 2 juillet 2024, SMART TECH reçoit Pierre Musso (philosophe et professeur honoraire, Université Rennes II et École Télécom Paris Tech) , David Lacombled (Président, La villa Numeris) et Héloïse Abraham (directrice, GoMoWorld)
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00:00Bonjour à tous. Aujourd'hui c'est entretien avec Pierre Musso.
00:11Pierre Musso qui est un philosophe et co-auteur d'un livre avec le PDG de Dassault.
00:16Ils ont écrit ensemble La Renaissance de l'Industrie, un dialogue entre un industriel et un philosophe.
00:21Ce sera notre grand entretien.
00:23Aujourd'hui on va voir comment la philosophie, l'imaginaire fait partie du renouveau de l'industrie.
00:28Et puis on parlera aussi du numérique dans la campagne électorale.
00:33Mais d'abord je propose qu'on s'intéresse aux e-SIM qui seront sans doute un best de l'été en matière de numérique.
00:41C'est tout de suite 3 questions A dans Smartech.
00:48On va faire un coup de projecteur sur ces e-SIM qui vont peut-être devenir votre meilleur ami cet été,
00:54peut-être même au quotidien.
00:56Qui sait ? On va voir pourquoi, comment, combien ça coûte avec Héloïse Abraham. Bonjour.
01:01Bonjour.
01:02Vous êtes la directrice de Gomo Word, application d'e-SIM développée par NJJ Télécom de Xavier Niel.
01:08Alors j'ai que 3 questions à vous poser donc je vais aller droit au but déjà.
01:11Quel est l'intérêt ? Rappelez-nous l'intérêt d'avoir une e-SIM ou peut-être même plusieurs e-SIM sur son smartphone.
01:17Alors une e-SIM vous permet de garder le contrôle et la flexibilité sur un forfait mobile que vous pouvez acheter.
01:24Pour rappel une e-SIM c'est finalement comme une carte SIM physique que vous pourriez trouver en magasin
01:29mais qui vient déjà préinstallée dans votre téléphone et qui est configurable à souhait.
01:33C'est-à-dire que vous pouvez décider de charger sur l'e-SIM de votre téléphone un certain nombre de forfaits mobiles
01:39jusqu'à 10 par exemple sur les iPhones.
01:41C'est-à-dire qu'on se limite plus finalement aux offres de notre opérateur ?
01:45Tout à fait. On peut choisir d'aller chercher un fournisseur qui va nous offrir par exemple de la donnée mobile.
01:51C'est ce que propose GOMOWorld pour avoir le choix et l'opportunité d'avoir des offres plus compétitives
01:58car dédiées à un seul pays avec des accords qui peuvent être plus intéressants pour certains.
02:03Et je disais donc que ce sera peut-être notre meilleure amie cet été parce que peut-être c'est surtout intéressant à l'étranger ?
02:08Absolument. En fait donc par exemple GOMOWorld c'est une application qui s'adresse aux voyageurs du monde entier.
02:12Vous pouvez la télécharger sur tous les app stores et qui permet de se connecter partout où vous le souhaitez.
02:18Aujourd'hui on propose plus de 170 pays par exemple avec des offres qui vont de 3,99€ à 19,99€.
02:25Donc en tant que français si par exemple demain vous partez aux Etats-Unis vous allez avoir...
02:29Alors il y a plein d'opérateurs qui proposent les Etats-Unis dans leurs forfaits.
02:33C'est plus rare par exemple en Corée ?
02:37Corée du Sud, Japon, Indonésie.
02:40Tout ça c'est des destinations qui sont souvent oubliées on va dire des opérateurs dans le cadre du forfait que vous détenez vous au quotidien.
02:48Et donc c'est là que nous on rentre en jeu, on vous offre une solution supplémentaire
02:52qui fonctionne en parallèle de votre forfait habituel, votre forfait maison
02:56et qui vous offre justement cette flexibilité de choisir la quantité donnée que vous voulez,
03:00le prix auquel vous voulez payer et puis ne plus avoir à jongler entre ces cartes SIM
03:05parce que je ne sais pas si vous avez déjà vécu ça mais effectivement acheter une carte SIM à l'aéroport
03:10on perd la sienne, on perd en France donc on ne reçoit plus ces appels, c'est plus compliqué.
03:14Oui et puis en plus il faut l'acheter une fois qu'on arrive sur place alors qu'avec l'ISIM on peut la charger en amont
03:19et l'activer uniquement lorsqu'on arrive à destination.
03:22Il y a l'histoire des pays qui ne sont pas pris en compte dans nos forfaits,
03:25il y a aussi les limitations en nombre de data, parfois des limitations d'usage.
03:30On a vu pendant la coupe du monde par exemple qu'on avait besoin d'une ISIM
03:35si on voulait pouvoir surfer librement sur tous les services numériques.
03:39C'est ça, en fait les ISIM permettent aussi une flexibilité plus grande,
03:43vous n'êtes pas limité par les quantités de données que vous offre votre opérateur ou même la rapidité
03:49parce qu'il y a aussi beaucoup de choses qui se font autour de la vitesse de données mobiles qu'on vous accorde.
03:56Chez GOM World c'est du full speed si je peux me permettre l'anglicisme sur l'ensemble de nos packages pour le prix qui est indiqué.
04:03Et il y aura une actu particulière pour les Jeux Olympiques ?
04:07On est très fiers d'accueillir les JO à Paris donc on va en tant que fournisseurs français faire une promo musclée.
04:15On va offrir 75 gigas pour 19,99 euros qui je crois est la plus belle offre du marché.
04:22Ça peut aussi intéresser les nationaux ?
04:25Absolument, pourquoi pas, ça peut venir en supplément de ce que vous avez déjà ou de ce que vous pourriez déjà avoir dans votre forfait
04:31mais on s'adresse à tous les voyageurs qui viendraient en France cet été à partir du 15 juillet pour profiter de cette promo.
04:39Bon, je crois que j'ai dépassé mes trois questions mais c'est pas grave.
04:42Est-ce que vous avez des astuces de pro, des petits trucs comme ça à partager pour qu'on apprenne à bien jongler avec plusieurs ISIM ?
04:49Parce que pour en avoir fait l'expérience, c'est pas toujours évident.
04:52Alors en fait, les ISIM, ça va tendre à se développer, à se démocratiser.
04:56Par exemple aux Etats-Unis, maintenant Apple sort même ses téléphones sans le petit encart pour la carte SIM.
05:01Donc on sait que les consommateurs vont devoir apprendre à jongler entre ces ISIM.
05:06Perso, pro, parce que c'est pas forcément uniquement quand on voyage, ça aussi c'est bien pour le quotidien.
05:11Il faut savoir que dans son téléphone, au sein de son menu réglage, vous avez la capacité de dire
05:16je veux que mon téléphone aille pour les appels et les SMS piochés à droite et pour la data à gauche.
05:23Et en fait, c'est juste ce jonglage dans ce menu réglage données cellulaires
05:28qui vous permet de garder tout le contrôle et la flexibilité sur combien vous dépensez, chez qui vous allez piocher.
05:34Et honnêtement, une fois qu'on l'a fait une fois, plus d'inquiétude, c'est assez facile.
05:39Merci beaucoup Héloïse Abraham de nous avoir éclairé sur ce fonctionnement d'ISIM.
05:43Vous disiez un baisse de l'été, c'est parti comme ça aussi ?
05:46Oui, c'est très saisonnier, la famille s'agrandit.
05:50Je rappelle que vous êtes la directrice de Comoworld. Merci encore.
05:53Merci beaucoup.
06:01J'ai le grand plaisir d'être en compagnie de Pierre Musseau, bonjour.
06:04Merci beaucoup d'être avec nous.
06:05Vous êtes philosophe, professeur honoraire de l'université de Rennes 2 et Télécom Paris Tech.
06:10Et puis auteur, avec Bernard Charles, le PDG de Dassault Systèmes, de La Renaissance de l'Industrie,
06:17un dialogue entre un industriel et un philosophe.
06:20Voilà un projet très original qui a suscité et en tout cas éveillé ma curiosité.
06:25Il est préfacé par l'un des plus grands architectes contemporains,
06:29Franck Guéry, qui est le créateur notamment du Guggenheim à Bilbao.
06:34Et il raconte d'ailleurs dans la préface sa découverte d'un outil 3D de Dassault Systèmes, en l'occurrence,
06:41qui a rendu possible ce Guggenheim.
06:43Il dit avec cette technologie, on a construit ce bâtiment où aucune pièce d'acier n'est identique à une autre
06:49pour 100 millions de dollars dans le respect des délais et des budgets.
06:52Ça a été une révélation sur la manière dont la technologie lui a permis de se dépasser en matière d'architecture.
07:00Pour revenir à vous, avant d'enseigner à l'université, vous avez participé et dirigé des services d'études,
07:06de recherches et de prospectives dans le secteur des télécommunications.
07:09Vous avez été membre du premier conseil d'administration de France Télécom.
07:12Vous avez donc vu grandir Internet en France, mais du côté des tuyaux, j'ai envie de dire.
07:18Vous êtes un passionné de l'industrie et des technologies.
07:23Et vous avez travaillé sur cette question de l'imaginaire dans l'industrie.
07:27Expliquez-nous ce lien entre l'industrie et l'imaginaire.
07:31L'industrie, en général, on la réduit à un phénomène économique et technique.
07:38Et je dirais même, on la réduit souvent à la technique elle-même et aux vieilles techniques, notamment la manufacture.
07:45C'est-à-dire qu'en France, en particulier, dès qu'on dit industrie, on pense au 19e siècle, à la mécanisation germinale, etc.
07:53Or, l'industrie, c'est tout à fait autre chose. C'est à la fois un phénomène social, sociétal.
08:01Par exemple, Bernard Charles dit l'industrie, c'est tout et je le rejoins.
08:05C'est toute la société. C'est la société conceptrice et productrice qui se projette pour réaliser, inventer, réaliser des mondes.
08:14Une vision du monde, vous dites à un moment dans le ouvrage.
08:17Une vision du monde. Moi, dans un bouquin que j'avais fait qui a provoqué notre rencontre et notre dialogue avec Bernard Charles,
08:23qui s'appelle « La religion industrielle », je défends que l'Europe a inventé, sur la très longue durée, je ne peux pas vous le développer en détail,
08:33mais a inventé une conception du monde que j'ai appelée « industriation », même pour la différencier de l'industrialisation.
08:40L'industrialisation du 19e, celle dont on parle toujours, la grande révolution industrielle,
08:46qu'on associe souvent à James Watt, etc. Mais bon, c'est un peu rapide.
08:50En tout cas, ce phénomène historique est un moment de l'industriation.
08:56Qu'est-ce que ça veut dire, l'industriation ?
08:58Ça veut dire se projeter. Qu'est-ce qu'on fait dans l'industrie ?
09:02Il y a un très beau tableau de Véronèse, que j'utilise beaucoup, qui s'appelle « L'industrie » au Palais des Doges à Venise,
09:07qui associe le cerveau et la main.
09:10C'est-à-dire qu'on conçoit un individu ou un collectif.
09:14Aujourd'hui, ce sont des collectifs. On conçoit un modèle, on conçoit une idée et la main la réalise.
09:20C'est l'alliance de la main pensante ou du cerveau agissant.
09:24Et c'est exactement ça. C'est ce que dit aussi Guéry.
09:27Guéry, par exemple, il a fait aussi la fondation Louis Vuitton.
09:31Et Guéry, qu'est-ce qu'il fait ? Il fait un dessin, une création.
09:36Et aussitôt, il dialogue avec les informaticiens, les ingénieurs de Dassault Systèmes, comme vous le rappeliez, avec le logiciel.
09:45Il voit toute la complexité. Il revient sur son dessin, etc.
09:48C'est-à-dire qu'il peut faire la fondation, le Guggenheim, il peut le faire au millimètre près.
09:54Vous savez qu'il y a autant de fer, je crois, dans la fondation Louis Vuitton que dans la Tour Eiffel.
10:00Et vous voyez comment est le bâtiment, ou le Guggenheim à Bibalo.
10:04Donc ça veut dire une capacité de projection et de réalisation.
10:08C'est ça, l'industrie. Et c'est un collectif.
10:10C'est pour ça que je parle de société conceptrice et productrice.
10:16Mais comment est-ce qu'on arrive à avoir une approche philosophique de l'industrie ?
10:21Justement, on aborde l'industrie toujours par un petit bout.
10:26Soit économique, soit historique, soit par le travail, etc.
10:31De multiples facettes, soit par la question environnementale et écologique, etc.
10:35Et on ne voit pas le phénomène dans son ensemble.
10:38C'est-à-dire qu'il est multidimensionnel.
10:40Et tous les grands philosophes, depuis fort longtemps, je ne veux pas remonter à l'Antiquité,
10:45mais on pourrait parler d'Aristote et Platon, mais peu importe.
10:48En remontant, ne serait-ce qu'au XVIIe siècle, les grands penseurs comme Descartes,
10:54comme Francis Bacon en Angleterre, qu'est-ce qu'ils disent ?
10:57Il faut maîtriser ou devenir comme maître et possesseur de la nature,
11:00notamment grâce aux sciences, puisque c'est l'année des sciences modernes.
11:04Et donc, on va appliquer les sciences dans la manufacture.
11:09Et donc, on associe dès le XVIIe, à Londres et à Paris, l'académie et la manufacture,
11:15la science appliquée dans le travail.
11:18Et ça, c'est un moment majeur de développement de l'industrie.
11:21C'est pas le seul. Et qu'est-ce qu'on fait au XIXe ?
11:24Toujours dans ce qu'on appelle à tort la révolution industrielle.
11:28Parce que ce mot révolution est un récit, je dirais.
11:32Un récit inventé au XIXe et répété jusqu'à aujourd'hui.
11:36C'est-à-dire, dès qu'il y a une innovation technique, on pense que c'est une révolution.
11:41Maintenant, on est dans la révolution de l'intelligence artificielle.
11:43Permanente. C'est une révolution permanente.
11:46Il n'y a même pas deux ans, c'était le métavers.
11:49Si je remonte quatre ans avant, c'était la robotique, etc.
11:52Les NFT, les cryptos...
11:54Voilà, bon, ça n'arrête pas.
11:55En fait, c'est une mauvaise compréhension de ce qui se passe.
11:58Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a une rupture scientifique et technique majeure
12:02qui remonte, en fait, il y a déjà presque 80 années,
12:06qui remonte à la Seconde Guerre mondiale.
12:08C'est l'invention de l'informatique.
12:10Nous sommes dans ce qu'un grand historien, Bertrand Gilles, appelle un nouveau système technique.
12:15Par exemple, le XIXe siècle, le système technique, c'est la mécanisation.
12:21Le début du XXe, c'est l'électrification.
12:25Donc, ça bouleverse tout le système de production.
12:28Ça bouleverse la société.
12:30Aujourd'hui, c'est l'informatisation et sa rencontre avec l'informatique, avec les télécoms.
12:36Ce sont des ordinateurs en réseau, la téléinformatique,
12:40qui a produit Internet, qui a produit les réseaux sociaux
12:43et qui a produit dans le monde de l'entreprise et dans le monde économique en général,
12:48une révolution majeure, qui n'est pas l'IA ou la robotique,
12:52qui est le fait que le système de production, c'est le système d'information.
12:56Quelle que soit l'entreprise dans laquelle vous rentrez,
12:59quelle que soit son activité, tout le monde est connecté à un système de production.
13:04D'où, par exemple, le modèle de l'entreprise plateforme,
13:07puisque vous pouvez, à l'échelle mondiale,
13:09connecter des savoirs, des savoir-faire autour d'un objet,
13:14par exemple, si vous voulez créer un objet, un avion ou n'importe quel objet,
13:18et mobiliser toutes les compétences dans leur diversité à l'échelle internationale.
13:24Et l'univers virtuel est particulièrement adapté, si je puis dire à ça.
13:28Alors, pourquoi l'imaginaire ? Parce que l'imaginaire, c'est la projection.
13:33Et l'industrie, c'est d'abord le fait de se projeter individuellement,
13:37mais surtout collectivement pour inventer quelque chose qui est complexe en général
13:42et ensuite qu'on va expérimenter, fabriquer.
13:46Et l'univers virtuel, c'est le meilleur exemple.
13:49Pourquoi l'hybride ? Le réel et le virtuel.
13:53Et aujourd'hui, on est constamment dans deux mondes à la fois.
13:56Y compris avec le smartphone, il n'y a qu'à se balader dans la rue ou le métro.
14:00Tout le monde est dans deux mondes, à tel point qu'on ne voit même pas la personne
14:03qui est en face de soi parce qu'on est branché.
14:05Mais dans l'entreprise, c'est pareil partout.
14:07On est constamment dans un monde en double et on évolue dans un monde en double.
14:12Or, cette industrie, elle fait appel.
14:15Le moteur de l'industrie, ce n'est pas simplement l'énergie.
14:19C'est un des éléments. C'est l'imaginaire.
14:22C'est l'imaginaire et les connaissances.
14:24L'industrie contemporaine, ses deux moteurs, ce sont les connaissances scientifiques
14:28ou les savoir-faire et les métiers, bien sûr.
14:31Les connaissances dans toutes leurs complexités et les imaginaires,
14:35c'est-à-dire la capacité collective de projection.
14:38Ça, c'est valable pour toutes les industries ?
14:40Oui, oui, oui, pour toutes les industries contemporaines.
14:44Pourquoi ? Parce qu'on réduit, toujours y compris,
14:46regardez, dans tous les débats sur réindustrialisation, désindustrialisation,
14:50et dès qu'on veut chercher des chiffres,
14:52oui, on n'est plus qu'à 10% du PIB, etc.
14:55Je parle de la France par rapport à l'Allemagne ou d'autres pays.
14:58Eh bien, on parle en fait de l'industrie manufacturière,
15:02mais même l'industrie manufacturière.
15:04Prenez une automobile, c'est autant de services que de produits.
15:08C'est du service après-vente, c'est...
15:10Par exemple, si vous me parlez de l'automobile,
15:13de l'industrie automobile et de l'imaginaire,
15:15moi, je vais plutôt me projeter dans les discours très futuristes,
15:20presque idéologiques d'un Elon Musk,
15:23pas dans la manufacture de Renault, par exemple.
15:27Mais Elon Musk, qu'est-ce qu'il fait ?
15:29Et toute la Silicon Valley fait ça.
15:31Il fait une projection qui part de la science-fiction.
15:34Le fondateur de ça, en fait, c'est Steve Jobs,
15:36qui a été le père, et Musk ne fait que marcher dans les pas de Steve Jobs.
15:40Et qu'est-ce qu'ils ont compris ?
15:42Ils ont compris que le moteur de l'industrie,
15:44c'est justement la fiction, l'imaginaire, la création, l'invention,
15:48l'œil de l'industrie tel que le représente Véronèse
15:53dans le tableau que j'évoquais.
15:55Eh bien, ça veut dire la capacité à se projeter,
15:57comme a su faire la Renaissance,
15:59c'est pour ça qu'on parle de la Renaissance,
16:01ou comme on sait le faire aujourd'hui dans l'industrie.
16:03Donc, Musk, qu'est-ce qu'il fait ?
16:05Il fait tout ce que fait la Silicon Valley,
16:08c'est-à-dire prendre tout ce qui est technologiquement possible,
16:13doit être réalisé.
16:14Nous n'avons pas tout à fait la même vision en Europe.
16:16C'est ce que j'allais dire, parce que, est-ce que nous,
16:18nos industriels sont dans cette projection ?
16:20Alors, ils sont dans le mimétisme, malheureusement,
16:23pour beaucoup, d'où les...
16:25Là, on va au CES de Las Vegas s'agenouiller tous les ans
16:31où on va à la Silicon Valley ou à MIT, à Boston,
16:34mais parce qu'on réduit l'industrie à la tech
16:37et à l'innovation technologique, c'est une erreur monumentale,
16:41y compris au plus haut de l'État, voire de la Commission européenne,
16:44parce qu'on n'a pas compris que l'industrie,
16:46c'est un phénomène beaucoup plus global,
16:48industriation et industrialisation,
16:51projection, expérience, modélisation.
16:54Et donc, on réduit à la tech et on réduit finalement aux start-up,
16:59voire aux licornes, etc.
17:01Enfin, c'est le discours dominant.
17:03Alors que ce qui est important, c'est une politique industrielle
17:06ou des politiques industrielles, au sens noble du terme,
17:09d'ensemble.
17:10On commence à s'en apercevoir,
17:12parce qu'on s'aperçoit évidemment que la Chine, d'un côté,
17:15qui a cette vision globale,
17:17et de l'autre, les États-Unis de Biden,
17:20qui ont aussi cette vision globale,
17:22sont en train de prendre en sandwich, si je puis dire, l'Europe,
17:25qui a perdu toute référence aux politiques industrielles depuis 20 ans.
17:28Donc, vous me dites que ce n'est pas juste une question
17:30de politique d'autonomie technologique,
17:33c'est vraiment une question de vision du monde,
17:36presque de transmission culturelle.
17:38Absolument, c'est pour ça que mon approche est philosophique.
17:41Il faut la prendre dans son ensemble,
17:43et pas par un petit bout économique, technique, etc.
17:45Et justement, on réduit trop vite l'industrie,
17:48d'une part à la manufacture, donc au 19e siècle,
17:50ce qui est une erreur monumentale, évidemment.
17:52Et donc, on a Germinal qui revient en permanence,
17:55au cinéma, partout.
17:57La pollution, l'exploitation, etc.
17:59Et d'autre part, on la réduit à la technique.
18:02Regardez, quand on parle de la grande révolution industrielle du 19e,
18:06qu'est-ce qu'on dit James Watt ?
18:07Je vous donne un seul exemple,
18:09et c'est ce qui m'a inspiré pour faire cette conversation
18:11avec Bernard Charless,
18:13c'est que James Watt, c'était le laborantin
18:15de l'Université de Glasgow.
18:17Et qui, en Écosse,
18:19douait partie de la fameuse révolution.
18:21James Watt, après, il va travailler avec Boulton
18:23pour lancer son entreprise.
18:25Mais James Watt,
18:27il travaille dans un collectif
18:29où les leaders s'appellent Adam Smith,
18:32philosophe, avant d'être économiste,
18:34David Hume, Ferguson, etc.
18:37C'est-à-dire, c'est un collectif
18:39de philosophes, d'artistes, d'ingénieurs,
18:42de politiques, d'industriels, etc.
18:45Qui ont fait, qui ont transformé la vision
18:48du monde à l'époque,
18:50et qui ont pu transformer la manufacture,
18:52faire que la manufacture devienne usine.
18:55Aujourd'hui, on est passé à une autre étape,
18:57on n'est plus simplement dans l'usine,
18:59on est dans la très grande entreprise mondialisée
19:01en plateforme.
19:03Donc, ce passage n'est pas pensé,
19:05l'industrie est sous-pensée.
19:07C'est pour ça que vous avez choisi
19:09ce titre de Renaissance,
19:11c'est un parallèle aussi avec le mouvement artistique,
19:13intellectuel.
19:14Oui, bien sûr.
19:15Mais vous avez raison de citer le monde artistique,
19:17parce que regardez l'Allemagne,
19:19le Bauhaus, dont on commence à se dire
19:21tiens, c'est important.
19:231919, le Bauhaus,
19:25c'est la rencontre d'artistes,
19:27d'intellectuels.
19:29Ils donnent naissance, entre autres,
19:31au design,
19:33qui est aujourd'hui diffusé complètement
19:35dans l'industrie.
19:37Donc, c'est toujours ces rencontres,
19:39ces moments, qui ont fait toutes
19:41les grandes bifurcations de l'histoire de l'industrie
19:43sur quasiment un millénaire.
19:45Pour ma part, je remonte au monastère.
19:47Ça peut faire rire, mais le monastère,
19:49c'est l'endroit où, non seulement,
19:51on a réhabilité le travail par rapport à l'Antiquité,
19:53mais c'est surtout là
19:55où on a introduit la communauté de travail organisée.
19:57Et le père du management,
19:59c'est pas simplement Drucker,
20:01c'est Saint-Benoît.
20:03Les monastères bénédictins,
20:05on divise le temps,
20:07et en fonction de ça, on fait du travail de la prière,
20:09de la lecture.
20:11Et aujourd'hui, qu'est-ce que c'est que l'industrie ?
20:13C'est l'organisation d'une communauté
20:15de compétences
20:17avec des rythmes et des cadences.
20:19Tout est mesuré
20:21à la temporalité, pas simplement les médias,
20:23mais toute l'entreprise.
20:25Et le chronomètre, si je puis dire,
20:27c'est le smartphone et l'ordinateur.
20:29Et si vous allez sur les marchés financiers,
20:31ça va encore plus bas dans la décomposition
20:33de la temporalité.
20:35Donc, on voit bien que toute l'histoire de l'industrie
20:37s'applique à l'histoire de l'horloge
20:39devenue ordinateur
20:41et à l'organisation
20:43d'un collectif de travail
20:45organisé en fonction
20:47de compétences multiples,
20:49mais orienté.
20:51Et la force de l'industrie,
20:53c'est justement cette capacité
20:55à rassembler cette communauté
20:57et à l'orienter.
20:59Et ça, c'est très complexe à faire.
21:01Et c'est pour ça que j'ai voulu avoir ce dialogue avec un industriel.
21:03Alors, je dois dire que
21:05vous êtes très vivant.
21:07Il y a aussi un narrateur.
21:09On est vraiment dans votre relation.
21:11On vous entend réfléchir ensemble.
21:13Avant le dernier chapitre,
21:15il y a eu une interruption d'un an
21:17dans ce dialogue.
21:19On reprend l'histoire.
21:21Il y a eu une pandémie qui est passée par là.
21:23Ça a été quand même une secousse
21:25importante pour l'industrie,
21:27notamment du côté de la santé, du médicament.
21:29Est-ce que vous avez l'impression que ça a permis
21:31justement de déclencher
21:33un mouvement positif pour l'industrie ?
21:35On a entendu même des discours politiques
21:37pour la réindustrialisation
21:39de la France et de l'Europe.
21:41Est-ce qu'on est sur le bon chemin ?
21:43Pas assez.
21:45C'est-à-dire, oui, le Covid
21:47a été un électrochoc
21:49évidemment pour tout le monde
21:51et a fait qu'on a
21:53dit qu'on avait peut-être
21:55trop fait de faiblesse,
21:57de délocalisation d'entreprises
21:59sans usines, etc.
22:01On a délocalisé
22:03notamment en Asie du Sud-Est ou ailleurs
22:05et on s'est dit, tiens, peut-être qu'il faut ramener.
22:07Mais ça ne suffit pas
22:09de délocaliser, de relocaliser.
22:11Maintenant, il y a une nouvelle industrie qui se développe.
22:13Donc, il faut inventer cette industrie.
22:15Il faut à la fois transformer
22:17et c'est ça la bifurcation
22:19qu'il faut faire actuellement.
22:21Ce n'est pas simplement prolonger les innovations
22:23techniques, c'est créer
22:25cette nouvelle industrie.
22:27Par exemple, avec les univers virtuels,
22:29c'est un des grands chantiers.
22:31Ce n'est pas le seul.
22:33Regardez,
22:35ça a servi de déclencheur, le Covid.
22:37C'est pour ça qu'on avait fait cette interruption
22:39dans nos échanges.
22:41Mais
22:43le mot politique industrielle est revenu
22:45dans les débats publics.
22:47Tout d'un coup, après avoir critiqué
22:49le colbertisme high-tech.
22:51Mais la politique industrielle n'est pas là.
22:53Elle n'est pas encore là.
22:55Quand je vois ce que met Joe Biden,
22:57des centaines de milliards.
22:59Quand je vois ce que fait la Chine.
23:01Et quand je vois les difficultés
23:03que l'Europe a à faire
23:05une politique industrielle coordonnée.
23:07Par exemple, à créer des champions
23:09européens.
23:11J'ai une horloge, malheureusement.
23:13Je vais arrêter, mais juste la concurrence interne
23:15à l'intérieur de l'Europe,
23:17entre industries, c'est suicidaire.
23:19Ce qu'il faut, c'est des coopérations
23:21industrielles puissantes.
23:23Absolument, on est d'accord.
23:25On en parle beaucoup dans Smartech.
23:27On espère qu'on y arrivera.
23:29J'espère que vous enverrez votre livre
23:31à tous les décideurs politiques français et européens.
23:33C'est en train de changer, en plus.
23:35Pierre Musso, merci d'avoir été mon grand invité.
23:37Vous êtes le co-auteur, avec Bernard Chalès,
23:39de la renaissance de l'industrie.
23:41Dialogue entre un industriel et un philosophe.
23:51David Lacomblede, le président du Think Tank,
23:53c'est dans Smartech. Bonjour, David.
23:55Bonjour, Delphine.
23:57Vous aviez regretté que la technologie
23:59soit absente de l'élection européenne.
24:01On ne peut pas dire qu'elle soit davantage présente
24:03pendant cette campagne
24:05de législative anticipée.
24:07Pourquoi, selon vous ?
24:09La technologie est un sujet
24:11grand public qui n'intéresse pas
24:13le grand public. Les candidats
24:15n'en parlent pas. Il n'y a pas beaucoup de presse
24:17sur le sujet. Vous êtes une des rares émissions
24:19à traiter du numérique
24:21et de toutes ses facettes économiques,
24:23technologiques, sociétales
24:25et politiques.
24:27Je me souviens d'une candidate
24:29à l'élection présidentielle
24:31réputée et reconnue pour sa maîtrise
24:33des sujets numériques.
24:35Je lui avais demandé pourquoi
24:37elle ne mettait pas plus en avant cette compétence.
24:39Elle m'a répondu
24:41du tac au tac qu'elle avait peur de se faire
24:43enfermer dans ce sujet
24:45et donc d'être
24:47un peu placardisée.
24:49Une affaire de geek, me direz-vous.
24:51Pourtant, les candidats sont virtuoses
24:53dans l'art de manipuler
24:55les outils du numérique, comme tout citoyen.
24:57Ils savent écrire cours,
24:59se photographier, se filmer.
25:01Les selfies ont remplacé depuis Belle-Lurette
25:03les autographes,
25:05avec d'ailleurs des petites différences
25:07générationnelles.
25:09A Jean-Luc Mélenchon,
25:11les films
25:13à rallonge sur Youtube.
25:15Les hologrammes, même.
25:17Les hologrammes.
25:19A Gabriel Attal, Instagram.
25:21Et à Jordane Bardella, TikTok.
25:23D'ailleurs, on se demande
25:25quand il y aura un candidat sur Discord.
25:27Mais dès qu'il s'agit de passer
25:29aux idées ou au programme,
25:31il n'y a plus personne.
25:33Ça veut dire qu'on dit que le numérique est partout
25:35et qu'on n'en parle pas.
25:37C'est un sujet vital, central
25:39pour l'attractivité de notre pays,
25:41pour son développement,
25:43ne serait-ce que pour éviter le déclassement
25:45grâce à deux superpuissances.
25:47Je les rappelle, les Etats-Unis et la Chine,
25:49de l'autre côté, qui ne vont pas nous attendre
25:51dans ce match.
25:53Et c'est aussi
25:55vital pour le respect
25:57des citoyens, central,
25:59le respect de leur liberté
26:01fondamentale en particulier.
26:05On pourrait presque se réjouir.
26:07On n'en parle pas, finalement, pour ceux
26:09qui sont au cœur du business.
26:11Ils se disent, ni vu ni connu,
26:13on va prospérer.
26:15Mais on le sait bien,
26:17l'intelligence artificielle, demain,
26:19le quantique, sont
26:21très consommatrices en ressources
26:23et en cash.
26:25Il faut bien une puissance publique
26:27pour initier
26:29le mouvement, pour coordonner
26:31les actions.
26:33Sans cela, on peut avoir
26:35des conséquences qui, malheureusement,
26:37peuvent nous faire prendre du retard.
26:39Sans compter le fait que
26:41le numérique a des répercussions
26:43sur tous les pans de notre vie.
26:45Les mobilités, l'aménagement
26:47du territoire, demain, la santé,
26:49les nouvelles formes de travail
26:51et l'économie, autant de choses
26:53dont les responsables politiques
26:55doivent s'emparer.
26:57Il faut une réflexion globale
26:59et stratégique.
27:01Si le numérique ne reste qu'un repoussoir
27:03pour aller chercher
27:05quelques voies supplémentaires,
27:07ce sera peine perdue.
27:09C'est simple de pointer du doigt
27:11Parcoursup, parce que c'est le calvaire des familles,
27:13ou les écrans, parce que
27:15ça abrutirait les enfants.
27:17Il faut être
27:19un peu plus ambitieux.
27:21Rien ne semble trouver grâce à vos yeux, David.
27:23Je reste un peu
27:25sur ma faim, alors qu'il y a
27:27des très grands textes européens
27:29qui arrivent en droit national.
27:31Je pense au Digital Service Act
27:33qui vise à mieux réglementer
27:35et respecter la concurrence
27:37entre les grands groupes.
27:39L'IA Act qui rentrera en vigueur
27:41dans deux ans. Autant de choses
27:43sur lesquelles il faut qu'on soit
27:45présent dans le débat européen
27:47et dans leur transposition au niveau
27:49national pour assurer
27:51à notre pays son dynamisme,
27:53sa place, et finalement
27:55maintenir le souffle
27:57qui est celui pour lequel nous sommes
27:59reconnus aujourd'hui. Alors oui, il faut
28:01partager les bonnes pratiques en matière
28:03entrepreneuriale, les créations de startups,
28:05les tiers lieux dans tous les territoires
28:07de notre pays, en matière
28:09d'ingénierie, d'intelligence
28:11artificielle. On n'est pas dans un match
28:13de la France irréelle
28:15contre la France séculaire,
28:17de la France virtuelle
28:19contre la France réelle.
28:21Le virtuel fait partie
28:23du réel, de notre vie. C'est
28:25une chance que de pouvoir l'exprimer.
28:27Tâchons de la faire fructifier.
28:29Merci. Bon vote à tous.
28:31Merci beaucoup, David Lacombelle
28:33de la Villa Numeris. Puis merci à vous
28:35de nous suivre. À très vite sur la chaîne
28:37BeSmart, en podcast, en replay, sur les réseaux
28:39sociaux. C'était Smartech.