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Le 07 Février 2022, Johan Clarey 41 ans et membre de l'équipe de france de ski alpin s'apprête à s'élancer dans l'épreuve de descente lors des JO de Pékin. Ce jour-là, après avoir participé à 4 jeux olympiques, il sait qu'il disputera sa dernière course dans la compétition...

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Transcription
00:00On m'appelle le papy, on m'appelle le tonton,
00:29tout ça, mais c'est plutôt une fierté et le papy a toujours envie de taper les jeunes quand même.
00:44Les Jeux, il faut se rendre compte que c'est un énorme événement, des médias,
00:48on est sous les feux des projecteurs qu'on n'est pas d'habitude. Il faut savoir le maîtriser ça,
00:53et moi sur les Jeux d'avant, je ne savais pas le maîtriser, j'étais mangé par l'événement,
00:56par les médias, par des idées négatives. Je savais que c'était important d'avoir le
01:00bon état d'esprit pour être performant. On est parti sur le 28 janvier à Pékin pour
01:10préparer la descente olympique, on avait dix jours sur place. Installation au village,
01:14prise des marques, prise des marques sur la neige, prise des marques sur les entraînements.
01:19Personne ne connaissait la piste. Il y avait beaucoup de monde qui était très tendu je
01:22pense. Moi aussi un petit peu, parce qu'on découvre une piste de descente, on ne connaît
01:28pas la longueur des sauts, on ne connaît pas la vitesse, la qualité de la neige, comment
01:31les nosquilles vont réagir. Il y a tellement de paramètres qui sont nouveaux, c'est dur à gérer.
01:40On avait trois entraînements officiels prévus, on n'en a eu que deux, parce qu'il y a eu pas
01:44mal de polémiques sur le troisième entraînement avec du vent, beaucoup de vent. Il y a trois des
01:48favoris qui ont pu s'élancer, après ils ont interrompu l'entraînement et ils l'ont arrêté.
01:52Il y a eu un peu une rébellion des athlètes, moi j'étais représentant des athlètes en plus,
01:55c'est-à-dire que j'étais la porte-voix des athlètes auprès de la direction de course,
01:59et j'ai dû faire un peu l'aller-retour entre les deux. Ça a été une journée un peu compliquée à
02:02gérer, mais je l'ai plutôt bien gérée avec beaucoup de calme et de sérénité, donc ça s'est plutôt
02:08bien déroulé. Après ce troisième entraînement officiel, on avait la course le lendemain qui a
02:13dû être reportée, parce qu'il y a eu de l'irrégulière, trop de vent. C'était prévu le 6,
02:18on a attendu toute la journée. C'était de premier report à 11 heures le moment de la course jusqu'à
02:2514 heures, donc c'était trois heures d'attente. Ce n'est pas trois heures d'attente où on est
02:28relax et on va dormir, c'est super, c'est trois heures d'attente avec la boule au ventre et
02:32beaucoup de pression, parce que c'est la descente olympique et il faut être prêt si ça court.
02:35Ça peut courir à 14 heures, donc il faut se tenir prêt pendant trois heures et ne pas bouffer
02:39beaucoup d'énergie. Et mine de rien, tout le monde en bouffait un petit peu et on finit la journée,
02:42on n'a pas couru et il faut repartir le lendemain pour faire la même chose. C'était pas facile à
02:46gérer quand même. Ce jour-là, nous sommes sur la piste de Yankin aux Jeux olympiques de Pékin.
02:58Il fait grand beau, il fait plutôt chaud par rapport à la température qu'on a eu sur les
03:07entraînements. Il fait moins 10°C et pour nous il fait chaud là-bas parce qu'on a eu du moins 25°C,
03:10c'était un peu des conditions plutôt parfaites. Il n'y avait pas beaucoup de vent, des conditions
03:16presque idéales pour faire une descente olympique, contrairement à ce que tout le monde pensait,
03:19même nous les premiers. On pensait qu'on allait avoir une descente un peu tronquée, mais non.
03:23Bizarrement, j'ai plutôt bien dormi. Je me suis endormi tôt, je me suis réveillé très tôt aussi,
03:28mais j'avais fait mon taf de sommeil. Mais en me réveillant, je ne suis pas super bien. Je suis
03:32fatigué de toute la semaine, de tout ce qu'on a vécu, de la pression qui monte de plus en plus.
03:3841 ans, il y a des avantages, mais il y a beaucoup d'inconvénients aussi. Heureusement
03:42que j'avais l'expérience qu'il faut pour savoir que même si j'ai une mauvaise journée, je peux
03:47faire une bonne course. Mais 5 minutes avant le départ, c'est le seul moment où je me sentais
03:50bien dans la journée. Je pars 19. En gros, les 20 meilleurs mondiaux partent dans les 20 premiers
04:01dossards. Je préfère partir derrière, voir un peu ce qui se passe. J'ai pu regarder 4-5 dossards,
04:04les premiers dossards. J'ai vu qu'il y avait quelques pièges, que la piste allait un peu
04:08plus vite, qu'il y avait des pièges à éviter. J'ai pu me concentrer sur les deux portions à ce
04:12niveau-là. Et puis tous les favoris sont passés. Je sais que quoi qu'il arrive, au moment où je
04:17passe la ligne, je vais savoir mon résultat. Je me concentre sur des points très techniques,
04:24très simples. Et puis à un moment donné, je me dis, tu n'as pas le droit de lâcher là. C'est tes
04:28derniers Jeux olympiques. Vraiment, je me le dis. C'est tes derniers Jeux olympiques. Tu n'as pas
04:32le droit de lâcher, de faire une course avec des regrets. Donc à un moment donné, tu vas attaquer
04:35la piste et on verra bien ce qui va se passer. Et je me suis mis dans un mode un peu, le mode
04:39qu'il faut avoir en descente. Il faut beaucoup de calme et de l'agressivité. Ça mélange un petit
04:42peu des deux. Je me dis, si tu fais ça, ça va bien se passer, mon gars, et croisi. Quand j'ai
04:48mes skis au pied, quand je suis les crochets serrés, que je suis prêt à partir, vraiment,
04:53je me sens bien là. Là, je sais qu'il n'y a plus que moi et la piste et que ça peut bien se passer.
04:57Mélange fait une super poussée, vraiment dans le tempo. Et tout de suite, il y a un piège à la
05:01deuxième porte avec un gros virage en dévers et une bosse à la sortie qui secouait beaucoup,
05:07qui tapait. Et j'avais vu un ou deux favoris qui étaient sortis. J'avais vu que c'était compliqué,
05:13mais j'avais ma tactique en tête. J'allais prendre un petit peu de marche sur ce passage-là.
05:17Puis après, j'allais changer de switcher pour passer un peu en mode attaque. Je n'ai pas vu
05:20les deux favoris skier non plus parce qu'ils partaient juste devant moi. Je n'ai pas pu les
05:23voir skier, mais ce jour-là, je sens que je fais une belle course. Je n'ai pas le tempo dans la
05:29tête. Je passe toutes les portions difficiles. Il me reste le dernier plat final à passer. Là,
05:34j'ai une sensation de vitesse qui est très faible. Je pense qu'aux entraînements, on avait du vent un
05:38petit peu dans le dos. On allait un peu plus vite à ce moment-là. Et là, ce jour-là, il n'y a pas
05:41de vent dans le dos et j'ai l'impression de ne pas avancer. Et je me dis qu'on a tout fait bien.
05:45On ne sait jamais. C'est sûrement pour tout le monde pareil. Accroche-toi. C'est à peu près le
05:50seul moment où on a le temps de réfléchir parce que la portion est vraiment facile à la fin. Avant,
05:54ça s'enchaîne trop vite. On est vraiment dans le moment présent. Et là, je me dis bon, tu as tout
05:57fait ce qu'il faut. Ne lâche pas maintenant. Je pense aux gens devant la télé. Et c'est bizarre
06:00parce que je pense aux gens, mes proches devant la télé et me dire ne faites pas de conneries
06:04maintenant. C'est trop con. Tu as fait le plus dur. Surtout, ne fais pas de bêtises maintenant.
06:08Donc, je me dis... C'est bizarre parce que je les imagine presque en train de m'encourager. À ce
06:15moment-là, je ne devrais pas penser à ça, mais comme c'est le moment où on a le temps un peu de
06:20réfléchir, je pense un peu à ça et je me dis ne fais pas de conneries maintenant parce que ça se
06:25trouve, tu es bien. Et je passe le dernier virage, le dernier saut en passant la ligne. Et là, je me
06:30dis tu as fait le boulot. Ça, c'était le plus important pour moi. Je n'avais pas de regret au
06:34niveau de l'engagement que j'avais mis. J'avais tout mis. J'avais mis toutes mes tripes et ça,
06:37c'était le plus important. Après, le résultat, on ne sait pas. Je passe la ligne d'arrivée,
06:48le temps de freiner et la première chose qu'on essaie de faire, c'est regarder le tableau,
06:51le tableau d'affichage avec le classement et notre nom, à savoir où il est situé. Et le
06:57truc marrant, c'est que comme on était en Chine, c'était écrit en chinois, les noms. Donc,
07:00c'était compliqué de savoir où on était. J'ai vu un drapeau français à numéro 2 et j'ai pris
07:07peut-être une seconde ou deux à comprendre que c'était mon nom qui était là. Là, j'ai un cri
07:11qui est sorti du fond de mon âme. Je pense qu'on m'a entendu jusqu'à Pékin parce que j'ai hurlé.
07:18C'est tout le soulagement qui sortait à ce moment-là. Je finis la course, j'ai à peine le
07:27temps de voir mes entraîneurs. J'en vois qui pleurent, ce qui m'a fait rendre compte du truc
07:31parce que mes entraîneurs qui pleurent, je n'ai jamais vu. Super grosse fierté, mais personnelle.
07:42Je vais être un peu égoïste pour le coup, par contre, c'est ce que je vais dire. J'ai pensé
07:46beaucoup à mes proches grâce à qui je suis là et grâce à leur soutien. Mais la fierté personnelle
07:51d'avoir accompli un truc, je suis allé chercher. Ça ne m'est pas tombé tout cru dans la bouche.
07:58J'ai eu la patience, j'ai eu l'abnégation pour aller le chercher. C'est le travail accompli.
08:06J'ai eu comme une espèce de sérénité qui arrivait derrière, un apaisement qui m'a fait vraiment du
08:11bien. C'était difficile à avoir, il y a eu beaucoup de moments difficiles, mais les 90% de moments
08:21difficiles d'une carrière, c'est ce qui se passe en ski, c'est 90% de mauvais moments et 10% de bons,
08:25mais les 10% de bons valent vraiment le coup d'être vécu. J'ai comme un sentiment d'accomplissement
08:31et si on me disait que je devais arrêter ma carrière demain, là pour le coup, c'est une des
08:37premières fois de ma vie où je pourrais dire ouais, ok, on s'arrête demain, pas de souci,
08:41j'ai fait le tour, j'ai eu à peu près ce que je voulais, c'est cool.
09:07Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org

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