• il y a 6 mois
"Léon Blum ou la Fidélité" est un documentaire réalisé en 1973 par Jean-Noël Jeanneney et Claude Fayard, consacré à la vie et l'héritage de Léon Blum, figure majeure du socialisme français. Voici les principaux éléments à retenir sur ce film :

Le documentaire explore les différentes facettes de Léon Blum, notamment :
Son engagement dreyfusard
Son rôle dans le Front Populaire et les conquêtes sociales de juin 1936
Sa position de bouc émissaire sous le régime de Vichy
Son plaidoyer pour l'émancipation sexuelle des femmes
Le film est enrichi de nombreuses images d'archives et de témoignages directs de personnes ayant connu Blum, notamment lors du congrès de Tours et du procès de Riom

.
Le titre "La Fidélité" fait référence à une citation de Blum lui-même : "Rien ne me manquera jamais en tout cas pour ce qui concerne la résolution, la fidélité et le courage"
.
Le documentaire met en lumière la dimension morale et intellectuelle de Blum, ainsi que son héritage politique
.
Il aborde également des aspects moins connus de sa personnalité, comme son côté dandy et libertin, et son goût pour l'esthétique
.
Le film a été rediffusé 50 ans après sa création, notamment sur la chaîne LCP, accompagné d'un débat avec des invités tels que Jean-Noël Jeanneney (historien), Philippe Collin (producteur et journaliste) et Agnès Chauveau (INA)
.
Ce documentaire est considéré comme une plongée dans l'histoire de la France à travers les archives télévisuelles, offrant un regard rétrospectif sur une figure importante de l'histoire politique française

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:22Bienvenue à Rambobina, l'émission des grandes figures
00:00:25de l'histoire qui se consacre aujourd'hui à Léon Blum,
00:00:28le Dreyfusard, l'homme de juin 36 et du Front populaire,
00:00:31des grandes conquêtes sociales,
00:00:33le bouc émissaire de Vichy après la défaite de 1940,
00:00:37mais aussi l'avocat de l'émancipation sexuelle
00:00:40des femmes, un homme de grandes dimensions
00:00:42morales et intellectuelles, mais qui n'a pas,
00:00:45dans la mémoire collective, la place qu'il mérite.
00:00:48C'est ce que pensent en commun nos deux invités.
00:00:51Bonjour, Jean-Noël Jeanneney.
00:00:52Historien, ancien ministre, ancien président de Radio France
00:00:55vous avez signé dans vos jeunes années
00:00:58un documentaire télévisé sur Léon Blum,
00:01:00et comme c'était en 73, il y a 50 ans,
00:01:04votre film est peuplé de témoins directs de Blum
00:01:08au Congrès de Tours, à Narbonne, à Paris,
00:01:10au procès de Rion, etc.
00:01:12Document extraordinaire qu'on va revoir dans quelques minutes.
00:01:15Vous avez aussi signé une pièce de théâtre,
00:01:18l'un de nous deux, Blum-Mandel,
00:01:20qui a été jouée près de 200 fois.
00:01:22A vos côtés, un journaliste,
00:01:24producteur de radio de France Inter,
00:01:26bonjour, Philippe Collin.
00:01:28Auteur d'un podcast à succès sur Blum,
00:01:31avec des archives tirées en partie du doc de Jean-Noël,
00:01:36de votre voisin, série adaptée en livre,
00:01:38Léon Blum, une vie héroïque,
00:01:40chez Albin Michel.
00:01:42Jean-Noël Jeanneney, vous trouvez aussi
00:01:45qu'il a eu une vie héroïque ?
00:01:47Oui, oui, oui.
00:01:48Probablement insuffisamment célébré aujourd'hui,
00:01:51même si, naturellement, je n'en fais pas un saint de vitraille.
00:01:54On peut l'analyser avec subtilité et diversité d'opinion, peut-être.
00:01:58J'imagine que c'est ce que vous souhaitez.
00:02:01Absolument. Héroïque, et puis,
00:02:02une autre dimension, qui est d'ailleurs soulignée aussi
00:02:06dans la quatrième de couverture du livre de Philippe Collin,
00:02:09la fidélité. D'ailleurs, vous avez intitulé
00:02:12votre documentaire Léon Blum ou la fidélité.
00:02:15Pourquoi ce principe-là mis en avant ?
00:02:19Parce qu'il a dit, à un moment donné,
00:02:21c'est un très bel archive, rien ne me manquera jamais,
00:02:24en tout cas, pour ce qui concerne la résolution,
00:02:27la fidélité...
00:02:29Et le courage.
00:02:30Effectivement, cette fidélité, ce courage m'avait frappé.
00:02:34Voici 50 ans, lorsque m'avait été donné de faire ce documentaire,
00:02:38ce qui était un magnifique cadeau qui m'avait été fait.
00:02:41On va voir, évidemment, explorer la dimension politique
00:02:44du personnage, grande figure du socialisme.
00:02:47Philippe Collin, en plus de toutes ces raisons
00:02:49qu'on vient d'évoquer, je suis sûr que vous avez été sensible
00:02:53au personnage de Dandy, de Blum, et de Libertin,
00:02:56qui est assez méconnu.
00:02:57Absolument, que je connaissais assez peu, en vérité,
00:03:00et c'est vrai que ça dit aussi une dimension de Blum
00:03:03dans un rapport à la vie, un rapport esthétique.
00:03:06Ce que j'aime chez lui, d'ailleurs, il a le goût du beau
00:03:09et le goût des autres. J'aime beaucoup ça chez Blum,
00:03:12et c'est aussi une fidélité. Il est fidèle à son image,
00:03:15il est fidèle à ses héros de jeunesse aussi, peut-être.
00:03:18Il est fasciné par les héros de Stendhal,
00:03:21par Julien Sorel, et je pense que toute sa vie,
00:03:23il va quand même s'inspirer de cette dimension héroïque.
00:03:26C'est pour ça qu'on a appelé ça une vie héroïque,
00:03:29parce que je pense qu'il avait le désir, jeune homme,
00:03:32d'être un héros de la littérature, et peut-être qu'il est arrivé
00:03:36dans la vie politique à devenir une sorte de héros.
00:03:38En plus, les Allemands, de façon sinistre,
00:03:42ont donné à Léon Blum l'occasion de se manifester
00:03:45comme, en effet, magnifiquement héroïque,
00:03:47puisqu'ils l'ont mis en prison, de la façon la plus unique possible,
00:03:51et qu'il a été, en cette occasion,
00:03:53magnifique de calme, de détermination et de courage.
00:03:55-...au point de faire machine arrière
00:03:58à ses propres juges et de faire interrompre le procès
00:04:01qu'ils avaient lancé contre lui.
00:04:04Dans une série pour France Culture, l'an dernier,
00:04:06Jean-Noël Jeannet, c'est lui que vous aviez choisi
00:04:09pour... comme prochain entrant au Panthéon.
00:04:13Oui, on avait demandé à chacun, qui maitriez-vous ?
00:04:16Je trouvais, peut-être pour la raison
00:04:18qui nous réunit aujourd'hui, Patrick Cohen,
00:04:21j'ai trouvé qu'il était bienvenu
00:04:25de proposer son nom.
00:04:26J'imagine que nous expliquerons pourquoi.
00:04:28-"Dans ce livre, l'avenir vient de loin",
00:04:31vous faites le constat étrange
00:04:33de l'aura de Léon Blum dans les années 70,
00:04:36quand vous faites votre doc et juste avant
00:04:39que paraisse la très bonne biographie
00:04:41de Jean Lacouture,
00:04:43mais aussi qu'après l'arrivée de la gauche au pouvoir,
00:04:46le Front populaire et son chef sont moins célébrés
00:04:49qu'on aurait pu s'y attendre.
00:04:52C'est le grand mystère passionnant des temporalités de la mémoire,
00:04:55qui font qu'à certains moments, une figure émerge
00:04:59comme s'imposant pour la fidélité de cette mémoire
00:05:02et aussi pour l'action, et qu'à d'autres moments,
00:05:05il faudrait l'analyser de plus près,
00:05:07font qu'ils sont moins célébrés.
00:05:09La mémoire, elle vient aussi parfois d'un choix politique.
00:05:13On a regardé dans les archives de l'INA,
00:05:15pour cette série en podcast,
00:05:17le nombre d'occurrences où François Mitterrand
00:05:19prononce le nom de Léon Blum.
00:05:21C'est assez peu, en vérité.
00:05:23Il ne s'approprie pas du tout de Léon Blum
00:05:25et il le prononce rarement, je crois que c'est cinq ou six fois.
00:05:28C'est aussi un choix de ne pas prononcer
00:05:31le nom de Léon Blum comme un héritier.
00:05:33J'en sais rien.
00:05:34C'est peut-être une explication biographique,
00:05:36dans le cas de François Mitterrand.
00:05:38Ce sera le sujet de la chronique d'Agnès Chauveau, de l'INA,
00:05:42tout à l'heure, après la diffusion du doc,
00:05:44la postérité de Léon Blum.
00:05:46Voici donc Léon Blum ou la fidélité,
00:05:48un document signé Jean-Noël Jeanneney et Claude Fayard,
00:05:51diffusé le vendredi 15 juin 1973
00:05:54sur la première chaîne à 21h40,
00:05:56avec, je le disais, des témoins directs de la vie de Blum.
00:06:00Le premier, qu'on va voir dans quelques secondes,
00:06:02fut son avocat au procès de Rion, maître André Sommes.
00:06:06Ils sont tous morts, ce qui ajoute à l'émotion.
00:06:09Évidemment.
00:06:14Blum.
00:06:19Jacques Aumet.
00:06:24Saladier.
00:06:26Villachamp.
00:06:28Général Gamelin.
00:06:30La cour, bien entendu.
00:06:32Les greffiers.
00:06:34Les journalistes.
00:06:36Le public.
00:06:38Ici, vous aviez les deux défenseurs de Léon Blum.
00:06:44André le Troquet.
00:06:47Spagna.
00:06:49Quant à moi-même, j'étais derrière.
00:06:52Voici ma place.
00:06:53Blum, André, Léon.
00:06:56Né à Paris le 9 avril 1872,
00:06:58député, conseiller d'Etat honoraire.
00:07:01Par la faiblesse injustifiable de son gouvernement,
00:07:04M. Léon Blum, en tant que président du Conseil,
00:07:07a trahi les devoirs de sa charge.
00:07:09J'avais, avant de devenir l'un des défenseurs de ce procès,
00:07:13une sorte de prévention contre Léon Blum.
00:07:15Et puis, j'ai connu l'homme, il m'a séduit.
00:07:18Et puis, je l'ai entendu, il m'a persuadé.
00:07:22Il peut y avoir bien des circonstances,
00:07:24bien des heures où je ne peux pas être
00:07:27bien des heures où je ne suis pas
00:07:30pleinement satisfait de moi-même,
00:07:32où un autre aurait pu faire
00:07:35mieux que je n'ai fait.
00:07:37Il y a deux choses qu'on ne pourrait jamais vous reprocher.
00:07:40Le manque de courage
00:07:42et le manque de fidélité.
00:07:57...
00:08:15...
00:08:42La nuit, l'eau calme des bassins.
00:08:45Au reflet des lumières vagues,
00:08:47forme d'imaginaires vagues et de fantastiques dessins.
00:08:51Ce sont de bizarres coussins brodés de colliers et de bagues,
00:08:54des chevaliers dressant leur dague,
00:08:57des fleurs larges comme des seins.
00:08:59...
00:09:02Un fidèle qui m'oublia,
00:09:04écoute les camélias chanter leur plainte dans les vasques.
00:09:07...
00:09:08Et moi, précieux,
00:09:10cénacle clos, revue fragile,
00:09:12vers à Languy,
00:09:14bouquet qui s'effeuille savamment dans les eaux mortes.
00:09:17...
00:09:19Il est gracieux comme Antigone,
00:09:21dit Jules Renard,
00:09:23et capable de réciter de sa voix de petite-fille
00:09:25pendant deux heures d'horloge des textes de La Brouillère,
00:09:28de Pascal et de Saint-Évremont.
00:09:30Il est trop frêle
00:09:32pour supporter plus d'un an la discipline austère de l'école normale.
00:09:36...
00:09:38J'avais passé les vacances de 1897 à la campagne,
00:09:41très près de Paris.
00:09:42...
00:09:45Pendant le mois de septembre,
00:09:46Lucien R., en fourchant sa bicyclette,
00:09:49venait me voir à peu près chaque après-midi.
00:09:51Il me dit un jour à brûle pour point,
00:09:53« Savez-vous que Dreyfus est innocent ? »
00:09:56...
00:09:58Dreyfus ?
00:10:00Qui, cela, Dreyfus ?
00:10:02Il y avait tantôt trois ans que le capitaine Dreyfus
00:10:04avait été accusé de haute trahison, condamné, dégradé, déporté.
00:10:08Le drame avait secoué l'opinion pendant quelques semaines,
00:10:11mais très vite, il avait été oublié.
00:10:13Personne n'avait plus pensé à Dreyfus.
00:10:16Dans la vie de Léon Blum,
00:10:17l'affaire Dreyfus change et éclaire toute la suite.
00:10:23Un juif moyen, tel que je l'étais,
00:10:25inconsciemment soumis à l'équilibre des fréquentations ordinaires,
00:10:29n'avait pas de vocation plus marquée que toute autre
00:10:31à recevoir la grâce d'un refusarde.
00:10:34Dans les milieux juifs que je fréquentais,
00:10:36il y avait une sorte de prudence égoïste et timorée.
00:10:39Les juifs ne voulaient pas qu'on puisse croire qu'ils déflondaient Dreyfus
00:10:42parce que Dreyfus était juif.
00:10:45Mais Léon Blum, parmi les siens, et depuis son enfance,
00:10:48a reçu d'autres leçons.
00:10:50Ma mère a eu sur moi une influence profonde.
00:10:53C'était l'être le plus juste que j'aie jamais rencontré.
00:10:55Elle poussait le sentiment de la justice jusqu'à la mélancolie.
00:11:00J'ai été élevé avec un frère un peu plus âgé que moi.
00:11:03Lorsque ma mère nous donnait des pommes pour notre goûter,
00:11:06elle ne donnait pas à chacun de nous une pomme entière.
00:11:08Elle coupait deux pommes en deux
00:11:10et remettait à chacun les moitiés de l'un et l'autre fruit.
00:11:13Ainsi seulement, le partage lui semblait égal.
00:11:16Ma révolte contre l'injustice est aussi vieille que ma conscience.
00:11:22Jaurès.
00:11:24C'est au cœur de la longue bataille pour la réhabilitation de Dreyfus innocent
00:11:28que Léon Blum fait cette grande rencontre.
00:11:31Pour toute sa vie,
00:11:32il choisit le socialisme que Jaurès incarne et illustre.
00:11:38Jaurès est optimiste.
00:11:39Il affirme la probité, la générosité naturelle.
00:11:43Il croit que l'homme est juste,
00:11:45que seule la misère et la civilisation faussée l'ont égaré et corrompu.
00:11:49Il veut que la révolution soit pacifique et fraternelle.
00:11:54Il y a eu certainement, dans mon amitié pour Blum,
00:11:59un lien qui a été Jaurès.
00:12:01Nous avions en commun cette admiration profonde,
00:12:04je dirais presque cette religion de Jaurès.
00:12:07Il était le premier à repousser les comparaisons
00:12:10qu'on faisait de lui avec Jaurès.
00:12:12Parce qu'il ne se voulait pas,
00:12:14il ne se considérait pas à la hauteur de Jaurès.
00:12:17Et comme ce qui était un des éléments les plus caractéristiques
00:12:22de la pensée de Blum, de la façon d'agir, c'était la vérité,
00:12:25l'exactitude, il ne trouvait pas exact
00:12:29que l'on fit le parallèle entre Jaurès et Blum.
00:12:32Je me rappelais ce qu'il disait, souvent, pendant la guerre.
00:12:39Il disait...
00:12:42Vous pouvez tout me demander,
00:12:44mais vous ne pouvez pas me demander d'être Jaurès.
00:12:49Camarades,
00:12:52vous pouvez tout me demander.
00:12:55Vous pouvez me demander tout ce qu'il y a en moi
00:12:59de force et de courage.
00:13:01Vous pouvez me demander d'être un autre moi-même.
00:13:07Vous ne pouvez pas me demander d'être Jaurès.
00:13:09Léon Blum avait déclaré à Jules Renard
00:13:13qu'il n'avait plus confiance dans Jaurès qu'en lui-même.
00:13:17Je lui avais demandé de donner la réplique pour 1945
00:13:21au grand travail de Jaurès sur l'histoire de l'Histoire.
00:13:25C'était sur la France en 1885.
00:13:28Et comme je ne recevais jamais le manuscrit,
00:13:32je l'ai harcelé et il m'a répondu
00:13:35qu'il avait constaté que Jaurès s'était trompé à plusieurs reprises
00:13:40et qu'il n'arrivait pas à l'écrire.
00:13:42Ainsi conduit par Jaurès au Parti socialiste,
00:13:45Blum pourtant y reste longtemps dans l'ombre.
00:13:48Il offre volontiers sa compétence de juriste,
00:13:50mais il refuse de se présenter aux élections.
00:13:53Jaurès est un fonctionnaire rigoureux et élégant.
00:13:57En juillet 1909, il est présent parmi les officiels
00:14:00qui accueillent Louis Blériot à Paris
00:14:03après la 1re traversée de la Manche.
00:14:24Critique très écoutée des livres et du théâtre,
00:14:27son duel avec Pierre Weber, en octobre 1912,
00:14:31est un événement du tout Paris littéraire.
00:14:54J'organise chacune de mes journées comme si c'était la dernière,
00:14:58en prenant grand soin d'y aménager une place pour mes trésors.
00:15:02L'amour, l'amitié, la lecture, la méditation, la musique.
00:15:09En 1907, son livre sur le mariage cause un petit scandale.
00:15:14Plus sensuel encore et plus passionné que l'homme
00:15:17parce qu'elle est un livre sur le mariage,
00:15:20la femme aussi a sa gourme à jeter.
00:15:23Elle se marie avant de s'en être délivrée.
00:15:26Il apparaît donc nécessaire que la femme, elle aussi,
00:15:29ait mené sa vie de garçon, de passion et d'aventure.
00:15:33Le jour viendra où elle aussi se sentira fatiguée
00:15:36des agitations et des changements,
00:15:38où un besoin de stabilité et de paix,
00:15:40d'abord confus et rejetés,
00:15:42se fortifiera de chaque émotion nouvelle.
00:15:46L'homme et la femme sont d'abord polygames.
00:15:48Puis, parvenus à un certain degré de leur développement et de leur âge,
00:15:52on les voit tendres et s'achever vers la monogamie.
00:15:55Les unions précaires et changeantes correspondent au 1er état.
00:15:59Le mariage est la forme naturelle de l'amour.
00:16:02Le mariage est la forme naturelle de l'amour.
00:16:05Le mariage est la forme naturelle de l'amour.
00:16:08Le mariage est la forme naturelle de l'amour.
00:16:11Les unions précaires et changeantes correspondent au 1er état.
00:16:15Le mariage est la forme naturelle du second.
00:16:18On aperçoit la portée du changement que je propose.
00:16:21Il consiste à ne se marier
00:16:23qu'au moment où on se sent disposé pour le mariage,
00:16:26quand le désir des changements et de l'aventure
00:16:29a fait place par une révolution naturelle
00:16:32au goût de la fixité, de l'unité et du repos sentimental.
00:16:411914. Bonheur des derniers temps calmes.
00:16:51L'assassinat de Jaurès, au moment même où le conflit éclate,
00:16:55décapite son parti. Blum travaille aux côtés de Samba,
00:16:58ministre socialiste dans les gouvernements d'Union sacrée.
00:17:01Il se donne tout entier ensuite à la SFIO,
00:17:04affaiblie par la guerre et déchirée par les conséquences
00:17:07de la révolution russe de 1917.
00:17:09Après la victoire, en 1919, il est élu député de Paris.
00:17:13En décembre 1920, au congrès de Tours,
00:17:16le congrès de la scission qui voit naître le Parti communiste,
00:17:20il mène la minorité qui refuse de se rallier
00:17:23à la 3e internationale de Moscou.
00:17:25Le caractère original de cette intervention,
00:17:28c'est qu'il a posé les problèmes sur le plan rationnel,
00:17:31et non sur le plan passionnel.
00:17:33La plupart des délégués avaient voté en disant
00:17:36qu'on ne fera pas ce qui est réclamé.
00:17:39Par exemple, en Afrique du Nord,
00:17:41j'ai été délégué pour voter la 8e condition
00:17:45qui donnait l'appui à des mouvements d'indépendance.
00:17:49Or, pas un des délégués socialistes,
00:17:52comme pas un des délégués communistes,
00:17:54n'était partisan de cette indépendance,
00:17:56mais ils disaient qu'on se débrouillera
00:17:58une fois que ça sera voté.
00:18:00Or, Blum a pris les exigences les unes après les autres,
00:18:03et il leur a dit,
00:18:05non, vous n'avez pas à ruser avec cette situation.
00:18:08Vous vous engagez à faire cela.
00:18:10Vous vous engagez à faire de la clandestinité de cette façon.
00:18:14Vous vous engagez de telle et telle chose.
00:18:17Et alors, il y avait véritablement un sentiment
00:18:20presque de révolte chez certains
00:18:22d'être obligé de voir une vérité qu'ils ne voulaient pas voir.
00:18:26Et l'autre les contraignait, phrase après phrase,
00:18:29à dire, mais c'est ça ? Non, c'est votre devoir.
00:18:32Alors, quand on se rappelle ce que c'était,
00:18:36on voyait simplement des gens tendus,
00:18:40des gens qui étaient une sorte de viol de leur personnalité,
00:18:45l'obligation d'être ce qu'ils devaient être
00:18:48et les forcer à être comme cela.
00:18:51Pendant que vous irez courir l'aventure,
00:18:54il faut que quelqu'un reste garder la vieille maison.
00:18:57Malgré tout, restons des frères
00:18:59qui aura séparé une querelle de famille
00:19:01et qu'un foyer commun pourra encore réunir.
00:19:04Il vous a dit quelque chose quand vous avez choisi le Parti communiste ?
00:19:08Non, il m'a dit simplement au revoir, Julien,
00:19:11de cette voix à la fois affectueuse
00:19:14et qui tolérait les erreurs des gens.
00:19:19C'est quelque chose d'extraordinaire
00:19:21de l'homme qui ne monopolisait pas la vérité
00:19:24et qui respectait ce qu'il considérait comme une erreur,
00:19:29mais qui respectait l'autonomie de la pensée des autres.
00:19:33Pour Blum, en attendant des jours meilleurs,
00:19:36une première tâche, maintenir en vie,
00:19:38reconstruire le Parti socialiste mutilé,
00:19:40faire entendre haut sa voix dans le pays.
00:19:43Au Parlement domine la majorité des modérés bleu horizon.
00:19:46Face à elle, sur tous les grands sujets de l'heure,
00:19:49il intervient, il blâme, il explique, il propose.
00:19:52L'humanité de Jaurès est restée aux mains des communistes.
00:19:55Blum fonde le Populaire, qui sera désormais sa tribune.
00:19:59Ou bien il faisait l'article chez lui,
00:20:02ou bien il le faisait à son banc de la Chambre des députés,
00:20:06ou bien, très souvent, il venait au journal et le faisait.
00:20:10Et c'est assez curieux de voir la page de l'article de Léon Blum.
00:20:14Il n'y avait pas une seule rature.
00:20:16Et c'est le métier probablement auquel il tenait le plus,
00:20:19puisque vous vous souvenez peut-être
00:20:21que lorsqu'il a témoigné au procès Pétain
00:20:24et qu'on lui a demandé sa profession,
00:20:26lui qui avait été au Conseil d'Etat, président du Conseil,
00:20:29a répondu journaliste.
00:20:31En 1924, revanche des gauches.
00:20:33Léon Blum et ses amis soutiennent les gouvernements
00:20:36des Riaux et de Painlevé,
00:20:38mais refusent d'y entrer à une place subordonnée.
00:20:41Quand le cartel des gauches se brise après quelques mois
00:20:44sur les difficultés financières et que revient Poincaré,
00:20:47Léon Blum retourne à une opposition catégorique.
00:20:50Bête noire déjà pour la droite,
00:20:52il est aussi visé sur sa gauche.
00:20:54Les communistes n'oublient pas le congrès de Tours.
00:20:57Aux élections de 1928, dans le 20e arrondissement de Paris,
00:21:00il lance contre lui un adversaire redoutable.
00:21:04J'ai battu Léon Blum sans faire campagne directement contre lui.
00:21:08J'étais clandestin.
00:21:10J'étais condamné à plusieurs années de prison,
00:21:13plusieurs dizaines d'années de prison pour des délits de presse.
00:21:17Et par conséquent, je ne pouvais pas me présenter
00:21:20au 20e arrondissement.
00:21:21C'est Pierre Semard, qui était à l'époque un des dirigeants de notre parti,
00:21:25qui a mené la campagne à ma place contre Léon Blum.
00:21:28Pierre Semard menait une campagne ardente contre Léon Blum.
00:21:31Et il m'a raconté par la suite comment se déroulait cette campagne.
00:21:35Il lui a porté la contradiction à plusieurs reprises.
00:21:38Et il lui disait son thème, un de ses thèmes,
00:21:41en plus de la politique générale du parti, c'était le suivant.
00:21:45Blum, vous faites une mauvaise action.
00:21:49Et le mouvement ouvrier est là pour nous le rappeler.
00:21:53On ne se présente pas contre un militant
00:21:56qui est persécuté par le gouvernement.
00:21:59Et en vous présentant, vous facilitez la politique
00:22:02de répression du gouvernement.
00:22:04Alors Blum se sentait gêné, évidemment, par cet argument.
00:22:07Et il répondait, mais je prends l'engagement, si je suis élu,
00:22:11de déposer une proposition de loi d'amnistie
00:22:14aussitôt après mon élection.
00:22:17Ne dites pas ça, Léon Blum. Vous aggravez votre cas.
00:22:20Car enfin, en disant que vous allez déposer
00:22:23une proposition de loi d'amnistie, vous reconnaissez
00:22:26que Duclos n'est pas coupable et qu'il est l'objet
00:22:29de la vindicte gouvernementale à cause de ses idées.
00:22:32Alors ça, je dois dire que Blum avait été très sérieusement touché.
00:22:36Et finalement, le résultat des élections fut tel
00:22:39que je devançais Blum de plus de 1 000 voix au 1er tour.
00:22:42Et par conséquent, au 2d tour, je fus élu.
00:22:45En France, Blum est pur parisien.
00:22:47Rue Saint-Denis, lycée Henri IV, rue Dulme, boulevard Montparnasse,
00:22:51les théâtres, le Conseil d'Etat, le palais Bourbon.
00:22:54Mais voici du nouveau.
00:22:56En 1929, un arbonne, vieux fief socialiste,
00:22:59s'offre un siège à pourvoir.
00:23:01Eugène Montel, instituteur, enfant du pays,
00:23:04propose alors à Blum de lui laisser sa place
00:23:07pour qu'il revienne au Parlement à la tête de ses troupes.
00:23:11...
00:23:30Je vous avoue que nous avons été, les jeunes,
00:23:33particulièrement catastrophés par cette arrivée de Léon Blum.
00:23:37Léon Blum, pour nous, c'était l'homme des articles du populaire.
00:23:41C'était l'homme qui avait pris des positions socialistes
00:23:44que nous connaissions, que nous aimions bien,
00:23:46que nous défendions avec acharnement.
00:23:48Mais quand nous avons vu l'homme,
00:23:50un grand bonhomme mince, un visage effilé,
00:23:54un lorgnon toujours branlant qu'il s'efforçait de raccrocher,
00:23:59et puis quand il nous a parlé, une petite voix fluette,
00:24:03largement couverte par la maigre circulation de l'époque,
00:24:07nous nous sommes tous regardés et nous avons dit
00:24:11qu'est-ce que ça va donner dans les réunions publiques ?
00:24:14Jamais nous n'obtiendrons le silence,
00:24:16on va se faire constituer, ça va être des batailles permanentes.
00:24:19Et puis lorsque nous avons vu les premières réunions,
00:24:23nous avons été nous-mêmes complètement incidérés,
00:24:26parce que lorsqu'au début de la réunion,
00:24:29le vacarme normal de réunion couvrait la voix de Léon Blum,
00:24:35dès qu'il commençait à parler,
00:24:37les gens qui étaient autour de lui qui l'entendaient
00:24:40commençaient à se taiser.
00:24:42Et puis ce silence s'étendait, s'étendait, s'étendait
00:24:45jusqu'au fond de la salle,
00:24:47et les démonstrations étaient irréfutables,
00:24:49même pour les adversaires.
00:24:51Ils prévoyaient les objections, ils répondaient à l'avance,
00:24:54et tout d'un coup, quand on avait vraiment l'impression
00:24:58que c'était fini, que c'était irréfutable,
00:25:01eh bien à ce moment-là, il y avait une ovation générale,
00:25:04adversaires, amis, tous réunis,
00:25:06ça croulait sous les applaudissements,
00:25:08et on ne peut pas dire que Léon Blum cherchait l'applaudissement.
00:25:11Il avait déjà commencé sa phrase suivante,
00:25:13il s'arrêtait comme stupéfait
00:25:15qu'on applaudisse ces choses qu'il disait lui,
00:25:18tout simplement, tout banalement,
00:25:20c'était quelque chose de vraiment impressionnant.
00:25:3543 ans après l'arrivée de Léon Blum,
00:25:38Narbonne se souvient encore de ses surprises,
00:25:41de son admiration, et parfois de son désarroi.
00:25:47Ici, c'était le synode
00:25:49où se donnaient toutes les réunions publiques.
00:25:54Ça a un peu changé.
00:25:57Léon Blum est venu un jour à porter la contradiction à cachette,
00:26:01Léon Blum est venu un jour à porter la contradiction à cachette
00:26:04et donner une réunion.
00:26:06La séance était touleuse,
00:26:08et il y a eu des coups échangés.
00:26:11On avait même frappé le maire de la ville de Narbonne,
00:26:14qui était sur la scène, d'un coup de poing dans le dos.
00:26:18Dans la salle, il y avait beaucoup de bruit,
00:26:20alors je me suis dirigé avec quelques amis par là
00:26:23pour faire le silence,
00:26:25et je me suis attrapé avec un futur député
00:26:29et avec Lorient,
00:26:31qui se trouvaient dans la salle.
00:26:34Et je leur ai fait faire le silence.
00:26:36Avec mes amis, nous leur avons fait faire le silence.
00:26:40Jamais je n'avais vu Léon Blum déchaîner pareillement.
00:26:44Il était monté sur la table, là,
00:26:46il regardait Cachin,
00:26:49et à Cachin, vous savez, il lui a cassé quelque chose.
00:26:53J'observe, dans la masse du pays,
00:26:56une profonde sagesse,
00:26:59une prudence
00:27:01et savante clairvoyance.
00:27:05Et hier, avant de gagner cette ville en fête,
00:27:11j'ai traversé un pays en paix.
00:27:17Narbonne a accueilli Léon Blum.
00:27:19Malgré toutes les critiques,
00:27:21malgré que les viticulteurs disent
00:27:23que c'est un buveur d'eau,
00:27:25qu'il est très riche, qu'il a une vaisselle d'or,
00:27:28à Paris, nous avons entendu dire qu'il a des propriétés en Narbonne.
00:27:31Je possède une terre, à Cotnic,
00:27:33qui appartenait au père à Capdeville.
00:27:35C'était un très vieux militant de la section
00:27:38qui a vendu pour un franc symbolique
00:27:40la propriété de Léon Blum,
00:27:42qui est un morceau de garigue situé là.
00:27:44A Paris, ça devenait une propriété extraordinaire.
00:27:47C'était un riche propriétaire terrien.
00:27:49Nous disions que sa vaisselle d'or
00:27:51devait ressembler à la garigue de Capdeville.
00:27:53Ça doit être à peu près la même histoire.
00:27:55Il était très fort. Il a laissé des questions
00:27:58que parfois il ferait réfléchir pour savoir ce qu'il voulait dire.
00:28:01Dans la phrase, on le comprenait,
00:28:03mais c'était plus ferrouleux.
00:28:05Maintenant, j'ai connu ça.
00:28:07De là, comment il s'appelait, qui l'ont tué ?
00:28:10Jaurès. Mais Jaurès, quand il parlait,
00:28:13je l'ai entendu parler, moi, quand j'étais soldat à Castres.
00:28:17Mais lui, il parlait comme...
00:28:19On parle à la classe ouvrière.
00:28:21Il se donnait plus à comprendre que l'homme.
00:28:23Est-ce qu'il buvait du vin ?
00:28:25Non. Jamais.
00:28:27...
00:28:47Dans Narbonne, dominée par les socialistes,
00:28:49l'extrême droite était réduite au baroud d'honneur.
00:28:52Le temps au surplus adoucissant les passions.
00:28:55Nous étions une minorité qui se représentait peut-être 50, 60.
00:29:00Nous faisions du bruit peut-être pour 2 000.
00:29:03Mais en réalité, nous étions pas nombreux et on pouvait rien faire.
00:29:06Je l'ai toujours admiré comme un politique,
00:29:08par son courage, et mon frère Léon Boum représentait quelque chose.
00:29:12Il pensait davantage à exprimer son opinion
00:29:15qu'aux électeurs qui pouvaient voter pour lui ou ne pas voter pour lui.
00:29:19Je me rappelle une réunion au Synode,
00:29:22où il avait été convoqué par M. Salvata.
00:29:25À ce moment-là, on avait voté le 1 % sur le chiffre d'affaires.
00:29:29Les commerçants commençaient à s'énerver.
00:29:32M. Salvata avait convoqué le père Salvata,
00:29:35parce que le fils a été député pour jadis.
00:29:37Le père Salvata avait convoqué Léon Blum
00:29:40pour lui donner l'indoléance des commerçants.
00:29:42Léon Blum se sentait calme, lui a laissé parler.
00:29:45Et à la fin, il dit, M. Salvata,
00:29:48il a fallu que je vienne à Narbonne
00:29:50pour apprendre que les commerçants payent un impôt.
00:29:53M. Salvata lui dit, expliquez-vous.
00:29:56Je lui ai dit, je m'explique.
00:29:58Il lui dit, chaque fois qu'il y a une augmentation,
00:30:01cette augmentation se répercute sur le prix du produit
00:30:04et c'est toujours le dernier qui achète qui paye l'impôt.
00:30:08Il était fort, il avait le courage de l'opinion.
00:30:11Il a terminé en disant, il y a en France trop de petits commerçants
00:30:15et c'est les petits commerçants qui font la vie chère.
00:30:18Mais croyez-moi, pour dire ça, il fallait avoir du courage.
00:30:22La campagne électorale jusqu'au bout est pleine de couleurs.
00:30:25Le dernier soir, le plus beau cinéma de la ville est en flamme.
00:30:29Mais c'est presque un feu de joie car Léon Blum est élu au 1er tour.
00:30:33Et il ne reste plus à Narbonne
00:30:35qu'à s'habituer peu à peu à son nouveau député.
00:30:40Dans le XIIe, quand il a été élu surtout,
00:30:43les types ont manifesté violemment,
00:30:46les partisans, j'entends, de Léon Blum.
00:30:49Des ovations n'ont plus fini et ne se calmaient jamais.
00:30:52Des bousculades pour aller serrer Léon Blum.
00:30:55Je me rappelle au 8e tour.
00:30:57Je ne sais pas s'il avait la légion d'honneur à ce moment-là,
00:31:00mais on aurait pu la lui coller.
00:31:02Il y a une femme,
00:31:04parce que les femmes sont aussi excitées que les hommes ici.
00:31:07Maintenant, ça s'est bien tassé.
00:31:09Cette femme en question, qui était un laideron
00:31:12d'une femme qui devait avoir à ce moment-là
00:31:1560 et quelques années.
00:31:17A ce moment-là, à 60 ans, on était vieux.
00:31:20Tandis qu'on pétule de jeunesse dans 60 ans.
00:31:23J'en suis presque une preuve. J'en ai 80 passés.
00:31:28Elle fend la foule
00:31:30et elle saute littéralement au cou de Léon Blum
00:31:33et tu lui colles de bécaud.
00:31:35Personnellement, moi, comme citoyen,
00:31:38je ne l'aurais pas voulu recevoir.
00:31:40J'ai envie de vous le dire.
00:31:42Je le vois, cette pauvre femme.
00:31:44Enthousiaste, bien entendu.
00:31:46Mais elle ne pouvait pas se contenter
00:31:48seulement d'applaudir et de crier,
00:31:50parce qu'on crie facilement.
00:31:52Il a fallu qu'elle l'embrasse.
00:31:54Vraiment, c'est de l'héroïsme, vous savez.
00:32:08...
00:32:27C'est à propos d'une élection sénatoriale.
00:32:30Léon Blum devait prendre le train via Paris pour rentrer chez lui.
00:32:35Nous arrivons donc à la gare à l'heure voulue.
00:32:38Blum, Montel et quelques Narbonnets,
00:32:41pas mal de Narbonnets qui étaient venus,
00:32:44et même des Carcassonnets, des socialistes,
00:32:47étaient venus faire le cortège à Léon Blum.
00:32:50On pénètre dans la gare, sur le quai.
00:32:53Quand arrive Albert Sarraud, qui était venu également pour voter,
00:32:57Léon Blum, qui causait tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre,
00:33:02aperçoit à quelques mètres de Sarraud qu'il était arrivé.
00:33:05Alors il dit...
00:33:06Excusez-moi, mes amis, je vois Sarraud, je vais lui serrer la main.
00:33:10A ce moment-là, on a noté ce qu'on peut appeler
00:33:13les mouvements divers dans la foule qui a entouré Léon Blum.
00:33:18Parce qu'ici, les socialistes n'étaient pas appelés
00:33:21à aller faire des chatouillettes aux radicaux.
00:33:24C'était les adversaires numéro un, ici.
00:33:27Parce qu'ils tenaient le pouvoir depuis Sarraud,
00:33:30depuis presque un demi-siècle.
00:33:32Ils étaient les patrons du coin.
00:33:34Nous, les socialistes, on commençait à les déloger,
00:33:37à les grignoter.
00:33:38Et ils étaient nos ennemis plus que nos adversaires,
00:33:41si je puis dire.
00:33:42Mais il y a eu pire.
00:33:44Quand le train était sur le point de s'ébranler,
00:33:49Léon Blum, criant du jeune camarade Narbonique qui était là,
00:33:53prit ma valise et la portait dans le compartiment de Sarraud.
00:33:57Je vais faire le voyage avec eux.
00:33:59Là, ça a été le coup de bambou.
00:34:01Les types disent, ça, alors !
00:34:04Ça, alors, on l'a jamais vu.
00:34:06Si Léon Blum vient ici pour faire le reset aux radicaux,
00:34:09c'est plus ça.
00:34:11Néanmoins, bien entendu, Léon Blum est monté
00:34:15dans le même compartiment que Sarraud.
00:34:18Parce que ce brave type, ce brave jeune camarade,
00:34:22ignorait qu'il y a un code de civilité
00:34:25entre les parlementaires et même les partis opposés.
00:34:32En janvier 1933, l'accession d'Hitler au pouvoir
00:34:35charge de menaces l'horizon international
00:34:37et porte un coup dramatique aux espérances des pacifistes.
00:34:40Au Parti Socialiste, la scission dite des Néo,
00:34:43où se laisse entraîner Renaudel,
00:34:45apparaît à Léon Blum comme un signe angoissant des séductions fascistes.
00:34:49Je suis épouvanté.
00:34:52Peu après, la sanglante émeute antiparlementaire du 6 février 1934
00:34:56entraîne la chute du gouvernement centre-gauche de Daladier.
00:35:00Contre Paul Faure, secrétaire général de la SFIO,
00:35:03Léon Blum impose la participation des socialistes
00:35:06à la protestation de la gauche.
00:35:08Pour la première fois, tout entier réuni.
00:35:14Le bureau que j'occupais au Populaire était une sorte de passage.
00:35:19Le hasard a fait que j'ai assisté à ce dialogue étonnant.
00:35:22Paul Faure disait, non, le parti ne peut pas convoquer à cela.
00:35:26Et Léon Blum, très ferme et très calme,
00:35:30lui disant à peu près sur ce ton-là,
00:35:32si le parti ne convoque pas, le Populaire convoquera.
00:35:36Et le Populaire, dont il était le directeur,
00:35:38il n'avait pas de compte à rendre autrement
00:35:40qu'au congrès futur du parti, a convoqué.
00:35:42Et ce fut la grande manifestation du 12 février 1934.
00:35:48...
00:35:59On passe, soulevé tout entier !
00:36:02Paris, rassemblé dans cette manifestation,
00:36:06signifie aux hommes du fascisme et du royalisme
00:36:11qu'ils ne passent pas !
00:36:13...
00:36:16L'unité est désormais en marche,
00:36:18facilitée par Staline, qui s'inquiète de la menace allemande
00:36:21et pousse le Parti communiste à sortir de son isolement.
00:36:25Dans le même temps, la presse de droite se déchaîne contre Léon Blum.
00:36:30...
00:36:49A la veille des élections, en 1936,
00:36:52nous nous trouvions avec une opinion publique partagée.
00:36:57Le Front populaire avait déjà affirmé sa réalité,
00:37:01mais la droite était plus exaspérée que jamais.
00:37:05Et la haine et la violence
00:37:07prêchées par les militants d'extrême droite,
00:37:09et particulièrement par Charles Maurras et Léon Daudet,
00:37:12étaient extrêmes.
00:37:14Comme la guillotine n'est pas à la disposition des bons citoyens
00:37:17ni des citoyens logiques, il reste à dire à ces derniers
00:37:20que vous avez bien un pistolet automatique, un revolver
00:37:22ou même un couteau de cuisine.
00:37:24Cette arme, quelle qu'elle soit, devra servir
00:37:26contre les assassins de la paix dont vous avez la liste.
00:37:29Vous me direz qu'un traître doit être de notre pays.
00:37:32M. Blum en est-il ?
00:37:35C'est un homme à fusiller, mais dans le dos.
00:37:39Un jour, je crois que c'était le 13 février 1936,
00:37:43où j'avais reçu cette mission de Mme Léon Blum
00:37:49de raccompagner son mari à son domicile
00:37:52qui allait se trouver souffrant.
00:37:54Léon Blum avait tenu à s'arrêter au café
00:37:57dans lequel nous sommes actuellement,
00:37:59car il voulait y serrer la main de quelques amis.
00:38:02Et nous étions après partis vers le boulevard Saint-Germain,
00:38:05ce qui était l'itinéraire habituel que nous suivions
00:38:08chaque fois que j'avais en effet l'occasion de le raccompagner.
00:38:12Quand on démarre dans la rue de l'université,
00:38:15on ne voit pas le boulevard Saint-Germain.
00:38:19Et nous nous sommes donc avancés
00:38:21sans avoir l'impression qu'il y aurait
00:38:24quelque encombrement sur cette route que nous suivions souvent.
00:38:29Mais quand nous sommes arrivés à cet angle...
00:38:33De la rue de l'université et du boulevard Saint-Germain,
00:38:37nous aperçûmes les trottoirs qui étaient noirs de monde.
00:38:42Un certain nombre de jeunes gens portaient des brassards.
00:38:46Car, me dis-je, voici les camelots du roi
00:38:50qui attendent l'enterrement de Bainville.
00:38:53S'il m'avait été possible de faire demi-tour,
00:38:56je l'aurais fait sans hésitation.
00:38:59Je sais la haine fanatique que les camelots ont vouée à Léon Blum,
00:39:04et mon seul souci était d'éviter que mon voyageur
00:39:09risquât de tomber sous les coups d'un nouveau vilain.
00:39:13Mais nous avons été bloqués par ces militants
00:39:17qui se sont agglomérés autour de la voiture
00:39:21et qui ont tapé à coups redoublés sur les vitres.
00:39:25Ce qui n'était pas encore bien grave,
00:39:28mais l'un des agresseurs a arraché la rampe de tôle
00:39:33qui servait à l'éclairage de la voiture à l'arrière.
00:39:37Il s'en est servi comme une sorte de piquet
00:39:41et il a cassé la lunette arrière
00:39:44et malheureusement a atteint Léon Blum à l'oreille et à la tendre.
00:39:49Ma femme était devant,
00:39:51et Léon Blum a dit, quelques jours après,
00:39:55Germaine Monet était penchée en avant,
00:39:59les bras étendus comme des ailes,
00:40:02et je pensais à la victoire de Samothrace.
00:40:05C'est merveilleux de voir le détachement de cet homme
00:40:09dans un péril qui n'était pas petit.
00:40:12Il avait tout de même des vues qui le mettaient au-dessus de la foule.
00:40:17Nous avons eu l'impression que nous étions submergés,
00:40:21que rien ne pouvait nous tirer de cette aventure
00:40:25puisque la foule s'était agglomérée autour de nous.
00:40:29Nous nous demandions comment éviter d'être massacrés.
00:40:33Lorsque des ouvriers du bâtiment qui étaient dans la maison voisine
00:40:38nous ont appris qu'il y avait une bagarre.
00:40:41Nous entraînèrent dans la maison où ils travaillaient.
00:40:45La porte se ferma derrière nous, battu par nos agresseurs.
00:40:49Notre pauvre ami Blum était couvert de sang.
00:40:52Tous les ouvriers du chantier étaient là,
00:40:55l'environnant des soins les plus affectueux.
00:40:58Il nous fallut attendre plus de 20 minutes avant que le médecin arrive.
00:41:03Une voiture nous a emmenés jusqu'à l'hôtel-lieu
00:41:06pour faire la ligature dont Léon Blum avait besoin.
00:41:09Ma femme a poursuivi jusqu'au quai Bourbon
00:41:13pour prévenir Léon Blum que nous ne serions que son mari.
00:41:18Evidemment, on est en retard.
00:41:20Mais ne vous inquiétez pas, disait-elle à Thérèse.
00:41:24Vous êtes couverte de sang.
00:41:37Le 16 février, à Paris,
00:41:39une vaste manifestation exprime l'indignation et la solidarité
00:41:43du Rassemblement populaire des radicaux, socialistes et communistes.
00:41:47L'attentat du boulevard Saint-Germain
00:41:50accentue leur solidarité, puis leur succès.
00:41:56Aux élections du 26 avril et du 3 mai 1936,
00:41:59le Front populaire est vainqueur.
00:42:01Les socialistes sont le 1er groupe de la coalition
00:42:04et le 1er groupe de la Chambre.
00:42:06Léon Blum, pour la 1re fois,
00:42:08accède au pouvoir à la tête du gouvernement.
00:42:19Le gouvernement de Front populaire
00:42:22agira dans le cadre de la société actuelle,
00:42:28mais avec la volonté délibérée
00:42:32d'en extraire tout ce qu'elle peut comporter
00:42:37d'ordre, de sécurité,
00:42:40de bien-être et de justice.
00:42:48Et le 10 mai, devant le Conseil national de son parti,
00:42:52Léon Blum s'explique plus longuement.
00:42:56Il faudra durer.
00:42:59Pour durer longtemps,
00:43:03il faudra donner très vite le sentiment de la réussite.
00:43:08C'est une épreuve que vous ferez sur moi et que je ferai sur moi-même.
00:43:13Mais il y a quelque chose qui ne me manquera jamais.
00:43:18C'est la résolution,
00:43:21c'est le courage et c'est la fidélité.
00:43:26Moi, je ne me présente pas à vous aujourd'hui
00:43:30comme un homme déjà accablé d'avance
00:43:34sous le poids des charges et des responsabilités qu'il attend.
00:43:41Bien que je les connaisse, croyez-moi.
00:43:44Je ne viens pas ici en vous disant
00:43:47ôtez-moi ce calice.
00:43:50Je n'ai pas voulu cela.
00:43:53Je n'ai pas voulu cela.
00:43:55Je n'ai pas demandé cela.
00:43:58Si j'ai demandé cela et j'ai voulu cela,
00:44:03parce que cela...
00:44:15Si j'ai demandé cela et j'ai voulu cela,
00:44:19parce que cela, c'est la victoire de notre parti.
00:44:23On fait une victoire.
00:44:33Le 4 juin, Blum annonce la composition de son gouvernement.
00:44:37Et le 6, il le présente devant la Chambre.
00:44:40Daladier est ministre de la Défense Nationale,
00:44:43Vincent Auriole des Finances, Jean Zay de l'Éducation Nationale.
00:44:47Pour la 1re fois dans l'histoire de France,
00:44:503 femmes siègent au gouvernement.
00:44:53C'est le seul président du Conseil qui se défendait contre les visites.
00:44:57Lui s'isolait chez lui le plus de temps possible.
00:45:00Et surtout, il avait organisé, grâce à Jules Mock,
00:45:0316 personnes compétentes pour chacune des matières d'Etat
00:45:06qui, sur tous les sujets, fournissaient au secrétaire général
00:45:10un travail que le secrétaire général élaborait
00:45:13et qui allait sur la table du président du Conseil.
00:45:16C'était une méthode de travail extrêmement poussée.
00:45:19Il n'avait pas quitté son appartement du Quai Bourbon.
00:45:23Il y restait très souvent le matin,
00:45:26contre rien de le forcer à aller à Matignon.
00:45:29Il y recevait un certain nombre d'amis.
00:45:32Il y fixait des rendez-vous.
00:45:35Et le soir, également, quand il était libre,
00:45:38il revenait.
00:45:40Nous y étions très souvent, ma femme et moi,
00:45:43presque tous les jours.
00:45:45Et il avait l'habitude de retracer, pour nous le raconter,
00:45:48mais aussi pour se le raconter à lui-même,
00:45:51en faire la revue, la critique et l'analyse,
00:45:54ce qu'il avait fait pendant la journée.
00:45:57Et je crois que ces entretiens du soir étaient pour lui
00:46:00une façon assez précieuse de faire le point
00:46:03sur un certain nombre de problèmes qu'il préoccupait.
00:46:16Mais Léon Blum veut aussi et à tout prix
00:46:19ne pas se laisser couper les foules populaires.
00:46:22Nous sommes le gouvernement
00:46:25que vous avez voulu.
00:46:28Il faut, c'est le plus facile, je vous le dis,
00:46:32que vous nous appuyez du témoignage de votre force,
00:46:36comme vous le faites ce soir,
00:46:39et que vous nous souteniez
00:46:43comme vous le faites ce soir.
00:46:46Il faut aussi que vous ne nous marchandiez pas
00:46:50votre confiance,
00:46:53que vous vous fiez à nous,
00:46:56à notre fidélité,
00:46:59même dans des conjonctures peut-être difficiles.
00:47:03Nous avons à gouverner ce pays.
00:47:07Gouverner est une tâche
00:47:10toujours rude.
00:47:13C'est une tâche plus rude que jamais
00:47:16dans les circonstances du temps présent.
00:47:22Si nous ne nous sentions pas à tout moment
00:47:25sûrs de vous,
00:47:28si nous ne sentions pas
00:47:31que dans les cas difficiles,
00:47:34vous vous fiez à nous
00:47:37pour concilier et rapprocher
00:47:40les grands intérêts de la nation
00:47:43dont nous avons simultanément toute la charge,
00:47:47notre tâche serait rendue impossible.
00:47:50Et cela, peuple socialiste de Paris,
00:47:53il faut que tu le comprennes.
00:48:00Les communistes soutiennent le gouvernement
00:48:03sans accepter d'y participer.
00:48:05Nous accorderons au gouvernement socialiste
00:48:08une collaboration étroite,
00:48:11fraternelle et sans éclipse.
00:48:14Nous n'avons pas pu déterminer
00:48:17nos camarades du Parti communiste,
00:48:20nos camarades du Parti frère de la classe ouvrière
00:48:24à collaborer avec nous au gouvernement,
00:48:27mais cependant, c'est pour la première fois
00:48:31que les communistes apportaient leur bulletin
00:48:34à un gouvernement en lui témoignant
00:48:37leur confiance dans les termes
00:48:40que Jacques Duclos apportait à la tribune.
00:48:43Chaque mercredi, Jacques Duclos et Maurice Torres,
00:48:46pour garder le contact, vont voir Léon Blum chez lui,
00:48:49qui est bourbon.
00:48:51Nous parlions et jamais on n'abordait de front
00:48:54la discussion politique.
00:48:56Il y avait toujours des préliminaires.
00:48:59Lui avait l'art d'aborder les préliminaires.
00:49:03Mais quand même, à un moment donné,
00:49:05il fallait en venir aux problèmes.
00:49:07Parce que nous, nous allions là pour parler
00:49:10de ce qui s'était passé durant la semaine
00:49:13et parfois avec un accent très critique
00:49:16et pour envisager certains problèmes
00:49:18qui étaient posés dans le proche avenir
00:49:21ou dans un avenir plus lointain.
00:49:23C'était un homme très courtois.
00:49:25Jamais un mot déplacé,
00:49:27jamais quelque chose de blessant contre qui que ce soit.
00:49:30Il défendait ses idées avec intelligence,
00:49:33avec aprêté, mais il n'essayait pas de blesser les gens.
00:49:37On aurait été tentés,
00:49:39parce qu'il avait dit des choses assez désagréables.
00:49:42Je m'attendais à les voir renouveler, mais jamais.
00:49:45Le drapeau tricolore,
00:49:47symbole glorieux des luttes de nos pères,
00:49:50est désormais réconcilié
00:49:52avec le drapeau rouge,
00:49:54qui symbolise à la fois les sacrifices
00:49:57et les espérances du passé.
00:50:01Léon Blum en a prévenu.
00:50:03L'action ne peut attendre.
00:50:05Depuis la moitié de mai,
00:50:07dans l'élan de la victoire électorale,
00:50:10un vaste mouvement de grèves s'est propagé.
00:50:13Et il culmine au début de juin.
00:50:15Grèves sur le tas.
00:50:17Partout, les ouvriers occupent les usines.
00:50:22Simone Veil écrit...
00:50:31On n'a pas cette énergie farouchement tendue,
00:50:34cette résolution mêlée d'angoisse,
00:50:36si souvent observée dans le passé.
00:50:38On est heureux.
00:50:40Le 7 juin 1936, Léon Blum préside et arbitre
00:50:43une grande rencontre patron-ouvrier.
00:50:45Dans la nuit, les accords Matignon sont signés.
00:50:48Les salaires sont fortement relevés,
00:50:50les contrats collectifs du travail prévus,
00:50:52l'exercice du droit syndical reconnu,
00:50:54en attendant que le gouvernement fasse bientôt voter
00:50:57les congés payés et la semaine de 40 heures.
00:51:00Les conversations ont commencé.
00:51:03Je vous ai dit que je serais franc et je serai franc.
00:51:08Elles se sont poursuivies
00:51:10avec, de la part des représentants du patronat,
00:51:14un esprit de conciliation
00:51:17et avec une intelligence de la situation
00:51:20à laquelle je dois rendre hommage
00:51:23et je commettrai une mauvaise action
00:51:26si je ne le disais pas ici, comme je le pense.
00:51:29Je ne suis pas sorti souvent de mon cabinet de travail,
00:51:32mais chaque fois que j'ai vu des routes couvertes
00:51:35de ces théories de tandem,
00:51:37avec des ouvriers vêtus de pullovers assortis
00:51:40et qui montraient que l'idée de loisir
00:51:42réveillait une coquetterie naturelle,
00:51:44j'ai eu le sentiment que j'avais apporté une embellie
00:51:47dans des vies difficiles et obscures.
00:51:49Premier bilan.
00:51:51Dès cette semaine,
00:51:53l'Assemblée délibérera
00:51:55sur la nationalisation des industries de guerre
00:51:59et sur la refonte complète
00:52:03du statut de la Banque de France.
00:52:11Tandis que seront soumis à la sanction du Sénat
00:52:16l'amnistie,
00:52:18la prolongation de la scolarité,
00:52:21l'institution de l'office du blé,
00:52:24la répression de l'évasion fiscale,
00:52:28quand les chambres se sépareront,
00:52:31elles auront déjà traduit en réalité
00:52:36une large part de ce programme commun
00:52:40qui nous a permis de remporter ensemble
00:52:43la victoire électorale.
00:52:47Au dehors, les menaces venues d'Allemagne
00:52:49posent à Léon Blum, pacifiste,
00:52:51le problème dramatique du réarmement.
00:52:53Monsieur Léon Blum, président du Conseil,
00:52:56va au milieu de l'attention générale
00:52:59prononcer le discours dont voici un extrait.
00:53:02Le 1er juillet, devant la Société des Nations à Genève,
00:53:06il peut dire encore son programme de paix.
00:53:08Et il implore les délégations...
00:53:10...de mettre un terme à ce que Hugo,
00:53:13au lendemain du traité de Francfort,
00:53:16appelait la grande insomnie du monde.
00:53:22Les hommes veulent retrouver le sommeil.
00:53:27Ils veulent poser sur l'oreiller
00:53:30une tête tranquille
00:53:32après leur dure journée de travail.
00:53:35Ils mettent leur espoir en vous.
00:53:38...comme une sorte de douche froide,
00:53:40est tombée, dès le mois de juillet,
00:53:43la nouvelle de nos événements d'espace.
00:53:45L'idée, bien entendu, le souhait de mon père,
00:53:47était d'aider au maximum les républicains espagnols.
00:53:50Mais, en même temps, il a senti très vite
00:53:52qu'il y avait une opposition au sein des radicaux
00:53:55et que, s'il s'engageait trop loin dans cette voie,
00:53:58le ministère se déferait et tomberait,
00:54:00et que, par conséquent, l'œuvre qui était en train de s'accomplir
00:54:03risquait d'être menacée.
00:54:05Je crois qu'il aurait volontiers, il l'a dit souvent,
00:54:08renoncer, mais les Espagnols eux-mêmes,
00:54:10je ne veux pas rentrer dans les détails,
00:54:12on trouvera les documents,
00:54:14ont préféré qu'il adopte cette politique de l'intervention
00:54:18qui lui coûtait tellement, plutôt que de démissionner.
00:54:21Il préférait que ce soit tout de même mon père
00:54:23qui reste au pouvoir.
00:54:25Et pendant toute cette période, je l'ai vu insatisfait,
00:54:29déchiré, ce qui ne lui ressemblait absolument pas.
00:54:32Car, quand il avait décidé de faire quelque chose,
00:54:35que sa conviction était faite,
00:54:37il allait droit devant lui,
00:54:39conscient de faire ce que lui disait son esprit,
00:54:42sa logique, son courage,
00:54:44et s'attardait peu à l'opposition.
00:54:46Mais là, réellement, jusqu'à la fin des derniers péripéties
00:54:50de la guerre d'Espagne, cela a pesé.
00:54:53Un exemple frappant, c'est ce discours de Luna Park,
00:54:56où il est arrivé pour s'expliquer,
00:54:58presque les larmes dans la voix,
00:55:01et où, peu à peu, il a fait comprendre,
00:55:03à l'assistance qui était là, son souci,
00:55:06le drame qui se jouait en lui,
00:55:08et il a, je crois, fait la preuve de sa bonne foi
00:55:10dans ce difficile problème.
00:55:12Est-ce qu'il y a ici un seul homme
00:55:15qui croit que j'ai changé depuis trois mois ?
00:55:20Non !
00:55:25Si, si, si !
00:55:28Je vous assure que ces trois mois
00:55:31me paraissent à moi, en ce moment,
00:55:33aussi long que je ne sais combien d'années,
00:55:39non pas peut-être seulement par l'œuvre accomplie,
00:55:44mais par ce que vous avez,
00:55:47cette suite de jours sans répit
00:55:51et de nuits sans sommeil
00:55:54font trouver la course du temps étrangement lente.
00:55:59Croyez-vous, quand je lisais comme vous,
00:56:03dans les dépêches,
00:56:06le récit de la prise d'Iroun
00:56:09et de l'agonie des derniers miliciens,
00:56:13est-ce que vous croyez, par hasard,
00:56:15que mon corps était moins déchiré que le monde ?
00:56:20Vous ne croyez rien de tout ça, n'est-ce pas ?
00:56:22Alors !
00:56:36L'automne venu, à droite, les attaques redoublent de violence.
00:56:39La dévaluation du franc suscite un flot nouveau de critiques.
00:56:42L'économie stagne.
00:56:44On reproche de plus en plus à Léon Blum, sur sa gauche,
00:56:47sa modération et ses scrupules légalistes.
00:56:52Son juridisme était très fort,
00:56:54et j'en ai souffert, moi, si je puis dire,
00:56:56parce que quand on a fait le projet Blum-Violette,
00:56:59qui admettait un certain nombre d'indigènes
00:57:04dans la citoyenneté française,
00:57:06le jeune capitain est venu le trouver
00:57:08et lui a dit, M. le Président,
00:57:10écoutez, on devrait prendre le projet Blum-Violette par décret.
00:57:13Le Conseil d'État le cassera dans deux ans,
00:57:16mais personne n'osera revenir sur la mesure.
00:57:19Blum, qui était conseiller d'État, malgré tout,
00:57:22a dit, non, je ne peux pas te faire une illégalité.
00:57:25Le projet Blum-Violette n'est pas passé.
00:57:28Et ce jour-là, il nous a fait perdre l'histoire
00:57:32par sens de la légalité.
00:57:35Au mois de novembre, un drame personnel.
00:57:38Roger Salangreau, maire socialiste de Lille
00:57:41et ministre de l'Intérieur,
00:57:43que les calomnies frénétiques de la presse d'extrême droite,
00:57:47gringoire en tête, ont pris pour cible favorite,
00:57:50se donne la mort.
00:58:02Vous avez désiré que je parle seul.
00:58:08Au nom de tous ceux qui pleurent avec vous,
00:58:12Roger Salangreau.
00:58:15Nous l'avons perdu,
00:58:18comme vous,
00:58:20votre Roger.
00:58:23Et cependant,
00:58:25nous sentons qu'il vous appartenait
00:58:28Nous sentons qu'il vous appartenait
00:58:31plus qu'à nous.
00:58:35En ce moment même, à Paris,
00:58:39un immense cortège se forme
00:58:42sur le trajet déjà légendaire
00:58:45de la Bastille à la Nation
00:58:48pour prolonger
00:58:50celui qui va se dérouler ici tout à l'heure.
00:58:55Le peuple français ne livrera pas plus longtemps les siens
00:58:59à la presse infâme.
00:59:01Il ne supportera pas plus longtemps
00:59:04que pour satisfaire à leur passion,
00:59:07à leur vengeance
00:59:09ou même à leurs plus vils intérêts,
00:59:12les chefs de bande et leurs mercenaires
00:59:15attendent à son honneur
00:59:17ou même à sa sécurité.
00:59:20Le désenchantement s'accentue.
00:59:22Une application trop rigide de la loi de 40 heures
00:59:26freine la reprise des affaires.
00:59:35En février 1937, Léon Blum visite Saint-Nazaire.
00:59:42Il annonce à Penoëte un nouveau chapitre.
00:59:45Pourquoi un temps de modération dans l'effort ?
00:59:49Pourquoi une pause ?
00:59:53Pour une raison bien simple, bien vulgaire,
00:59:57c'est que depuis 8 mois passés,
01:00:00nous sommes allés très vite
01:00:03et qu'après une course si rapide,
01:00:06eh bien, il peut être naturel
01:00:09de souffler un peu.
01:00:13Couleur du crépuscule.
01:00:15Le 16 mars 1937,
01:00:17un nouveau drame ajoute encore au désenchantement.
01:00:20À Clichy, une réunion de droite
01:00:22organisée par le PSF du colonel de La Roque
01:00:25et que Blum n'a pas voulu interdire
01:00:27provoque une contre-manifestation et des bagarres.
01:00:30La police tire et fait six morts.
01:00:37En juin 1937, Léon Blum
01:00:39est renversé par le Sénat
01:00:41et il quitte Matignon aux applaudissements de la droite.
01:00:44Bien qu'il participe au cabinet de son successeur,
01:00:47le radical Chautemps,
01:00:49l'élan du Front populaire est brisé.
01:00:55En mars 1938,
01:00:56quand Hitler envahit l'Autriche,
01:00:58Blum propose en vain au modéré
01:01:00d'entrer sous sa présidence
01:01:02dans un gouvernement d'union nationale.
01:01:05Le 2e cabinet de Blum
01:01:07ne sera donc qu'une pâle,
01:01:09brève et vaine réincarnation du 1er.
01:01:12Puis, tandis que la guerre s'approche,
01:01:14Blum quitte le devant de la Seine.
01:01:16Dans son propre parti,
01:01:18un puissant courant pacifiste
01:01:20qui lui reproche le réarmement
01:01:22affaiblit son autorité.
01:01:27Septembre 1939.
01:01:29La guerre.
01:01:31Les rancunes et les haines
01:01:33accumulées contre Blum
01:01:35le maintiennent loin du pouvoir.
01:01:37Et il assiste, impuissant,
01:01:39aux atterroiements de la drôle de guerre
01:01:42et au drame de la débâcle.
01:01:56Lorsqu'à Vichy, le 10 juillet 1940,
01:01:58il vote contre l'octroi des pleins pouvoirs
01:02:01au maréchal Pétain,
01:02:03il n'a autour de lui
01:02:05qu'une poignée de ses camarades,
01:02:07Vincent Auriol, Marx Dormoy,
01:02:09Jules Mock et quelques autres.
01:02:11Deux socialistes sont ministres du maréchal.
01:02:15Le vide se fait autour de nous,
01:02:17écrit Jules Mock,
01:02:19et cette tendance centrifuge des amis de la veille
01:02:22est un témoignage frappant
01:02:24de la propagation de la peur.
01:02:26Narbonne montre un faible enthousiasme
01:02:29à accueillir celui qui est déjà improscrit.
01:02:32La fille de Jeanne Montel.
01:02:35Et le dimanche 15 septembre 1940...
01:02:38Le jour de l'arrestation de Léon, je m'en rappelle très bien,
01:02:42ils sont venus le matin de bonne heure.
01:02:45Il y est venu deux voitures.
01:02:47Une est rentrée dans la cour
01:02:49et puis une autre avec des officiels devant.
01:02:52Et Léon a entendu tout ce bruit de voitures.
01:02:55Il s'est préparé avec beaucoup de calme.
01:02:58Il a reçu ses messieurs dans le salon.
01:03:00Il a dit qu'il était prêt à les suivre.
01:03:02En novembre, Léon Blum est enfermé au château de Bourrassol.
01:03:23À Vincent Auriol, il écrit le 19 novembre 1940...
01:03:27L'avantage, c'est que je suis tout près des présences qui me sont chères.
01:03:31Pour le surplus, n'en parlons pas.
01:03:33Mon gîte s'arrange peu à peu.
01:03:35Je m'y loge et m'y accoutume.
01:03:37Je vais bien.
01:03:38Il me semble que je continue à me rapprocher de ma ligne de jeune homme.
01:03:42Mais comme l'a dit le médecin qui est venu m'examiner,
01:03:45que peut-on souhaiter de mieux à mon âge ?
01:03:57Quand on nous a pris Bourrassol,
01:03:59il n'était pas question de faire un répertoire de tous ses livres.
01:04:03Et j'avais obtenu qu'on cloue une toile bitumée sur les montants.
01:04:08Et c'était tout noir.
01:04:10Et quand je suis rentré,
01:04:12la première chose que j'ai vue et qui m'a estomaquée,
01:04:16il y avait là un serpent de petite femme,
01:04:21découpée sur papier blanc,
01:04:23mais dans un style charmant.
01:04:25Le style de Carpeau.
01:04:27Vous savez, les statues de l'opéra.
01:04:29Mais alors, les petits tutus, les seins très bien faits,
01:04:33les bras et les mouvements très déliés.
01:04:36Et le président Blum, soir en soir,
01:04:40ajoutait une image après une image
01:04:43et il avait fait un serpent.
01:04:45Il avait fait un serpent.
01:04:47Il avait ajouté une image après une image
01:04:50et il avait fait un serpent qui partait d'ici,
01:04:54qui allait jusque là-bas, qui revenait ici
01:04:57et qui montait là et qui était arrêté là.
01:05:00A Rion, tout près de Bourrassol,
01:05:02le régime nouveau institue une cour suprême
01:05:05chargée de juger plusieurs hommes politiques d'avant-guerre.
01:05:08En tête, Edouard Daladier et Léon Blum.
01:05:11Et tandis que se prolonge une dure détention,
01:05:14je traîne de longs mois jusqu'au printemps 1942.
01:05:18Au fond, ce qu'on poursuit en moi, c'est une conception politique.
01:05:22J'accepte.
01:05:26Je me sens rajeuni de 30 ans.
01:05:28J'étais exactement à cette place.
01:05:31Nous étions 150 journalistes.
01:05:33À côté de moi, j'avais un Japonais.
01:05:44Rion, l'occupée de la France.
01:05:4619 mois après l'armistice avec Hitler,
01:05:48Vichy choisit des juges pour ouvrir des réunions
01:05:51qui offrent des charges incroyables.
01:05:54Au fond, ce procès est un procès de dupe.
01:05:58Un procès de dupe pour tout le monde.
01:06:00Hitler réclame que les accusés soient condamnés
01:06:03pour avoir déclenché la guerre.
01:06:05Vichy cherche des boucs émissaires coupables de l'avoir perdu.
01:06:10Contradiction originelle,
01:06:12faite pour miner toute l'entreprise.
01:06:17La salle n'a pas changé.
01:06:19Ça ressemble toujours à une salle de musique de chambre.
01:06:23Elle s'est un peu appauvrie.
01:06:25Il y avait autrefois plus de tapisseries.
01:06:28Mais il y en avait sur les côtés qui représentaient les amours d'Ulysse.
01:06:32Et puis il y avait, ce qu'on ne voit pas, mais ce qu'on peut deviner,
01:06:36c'est cette cour où il y avait de l'hermine, des cimars,
01:06:41des uniformes d'admiral, des uniformes de général.
01:06:44Et il y avait même aussi des civils.
01:06:47M. Léon Blum, en tant que président du Conseil des ministres,
01:06:51a trahi les devoirs de sa charge.
01:06:53Évidemment, c'était une accusation extrêmement vague
01:06:57et qui était faite pour les besoins de la cause.
01:07:00Le procès, on l'avait fait commencer à 36,
01:07:03ce qui était un peu arbitraire.
01:07:05La préparation à la guerre commençait à 36.
01:07:08Ça avait été fait parce qu'en 34,
01:07:10le maréchal Pétain était ministre de la guerre.
01:07:13On ne pouvait pas mettre en cause un maréchal Pétain.
01:07:16Et là, voyez-vous, il m'a beaucoup surpris et beaucoup conquis.
01:07:21Moi aussi, j'avais une certaine prévention
01:07:24contre la politique qu'il avait menée.
01:07:27J'avais été un peu choqué par tous les désordres de 36.
01:07:31Et quand ils s'en expliquaient, on s'apercevait qu'au fond,
01:07:34ces désordres avaient été un moindre mal.
01:07:37Je disais, j'ai fait un contrat avec la classe ouvrière
01:07:40puisque c'est elle qui m'a porté au pouvoir.
01:07:43Mais en même temps, j'ai un contrat
01:07:46envers la collectivité nationale.
01:07:48Chaque fois que j'ai pris la parole devant un auditoire populaire,
01:07:51je lui ai dit, j'ai une catégorie de devoirs envers vous,
01:07:54mais j'ai d'autres devoirs vis-à-vis de la communauté nationale.
01:07:57Le jour où je ne vous aurai pas persuadé des devoirs
01:08:00qui m'incombent comme chef de gouvernement responsable,
01:08:03je ne resterai pas un instant de plus au pouvoir.
01:08:06Et quand on lui reprochait les occupations d'usines, il a dit...
01:08:09Mon devoir était clair.
01:08:11Il était d'épargner à la France la guerre civile.
01:08:14Mon parti était pris. Je n'aurais pas employé la force.
01:08:17Si je n'avais pas pu, par la conciliation entre patrons et ouvriers,
01:08:20ramener l'ordre républicain, j'aurais renoncé à mon mandat
01:08:24et peut-être à ma vie d'homme politique.
01:08:27Quand il était dans une réunion électorale,
01:08:30quand il était dans un meeting,
01:08:32il souffrait un petit peu de la grossièreté, des interpellations,
01:08:36des bruits de salles. Ça le gênait énormément.
01:08:39Tandis qu'ici,
01:08:41alors il se trouvait en présence d'un public qui était exactement le sien.
01:08:45Alors il était parfaitement sainsonnaise.
01:08:48Et on peut dire que ça paraît curieux de dire ça
01:08:51de quelqu'un qui passe en haut de cour ou devant une cour suprême.
01:08:54Il n'avait jamais été à pareille fête.
01:08:56Je le revois d'abord lorsqu'il se levait.
01:08:59Sa stature était haute.
01:09:01Et un petit détail m'avait frappé.
01:09:03Il avait toujours une pochette blanche.
01:09:06Et lorsqu'il se levait, presque automatiquement,
01:09:09il enlevait, il prenait de sa main droite sa pochette blanche.
01:09:13Et puis cette pochette blanche,
01:09:16ce mouchoir blanc passait alternativement
01:09:19de sa main droite à sa main gauche.
01:09:21Compte tenu de sa forme d'éloquence,
01:09:25l'attention qu'il exigeait était extrême.
01:09:29Je me souviens de sa voix.
01:09:32C'était une voix très douce.
01:09:35Messieurs, vous pourrez naturellement nous condamner.
01:09:38Vous ne pourrez pas nous chasser de l'histoire de France.
01:09:41Car nous avons dans un temps bien périlleux personnifié
01:09:44et vivifié la tradition authentique de notre pays,
01:09:47qui est la tradition démocratique et républicaine.
01:09:50Ce dont je me souviens maintenant à merveille,
01:09:53c'est la fin de ce qu'il nous a dit.
01:09:55Voyez-vous, messieurs les juges,
01:09:57on a voulu faire le procès de la République.
01:10:03Eh bien, ce procès
01:10:05ne portera pas atteinte, certes, à la République.
01:10:09Elle ne pourra dans les jours prochains,
01:10:12il a utilisé cette expression,
01:10:15qu'en sortir fortifiée.
01:10:18François Mauriac écrira
01:10:20On comprend pourquoi le procès fut interrompu
01:10:24quand on imagine un accusé de cette taille
01:10:27oubliant sa défense, inspiré.
01:10:30L'accusé devenait juge
01:10:32et les juges baissaient la tête.
01:10:35Réintégré dans sa prison de Bourrassol,
01:10:38Léon Blum retrouve d'autres tâches tournées, elle, vers l'avenir.
01:10:42Je suis allé à Rion 14 fois
01:10:45et en particulier à Bourrassol même,
01:10:48pour voir Léon Blum deux fois.
01:10:50Léon Blum a été l'inspirateur
01:10:53de tout ce que nous avons écrit dans Le Populaire Clandestin,
01:10:57l'inspirateur de la plupart de nos décisions essentielles,
01:11:01à savoir les relations avec le Parti communiste,
01:11:04avec la Résistance, avec De Gaulle à Londres,
01:11:07avec les mouvements, les réseaux, etc.
01:11:10Ancré en l'unité de la Résistance,
01:11:12il est évident que ce ne pouvait être qu'autour du général De Gaulle,
01:11:16qui était à la fois le symbole, le leader, la grande image.
01:11:21Solicité par une lettre clandestine du général De Gaulle,
01:11:24Léon Blum écrit pour Roosevelt et Churchill...
01:11:28Le général De Gaulle a rallumé et entretenu la flamme.
01:11:31Seul, donc, il peut incarner dans sa volonté commune
01:11:34la France délivrée.
01:11:36Il faut seulement que le caractère intérimaire du gouvernement De Gaulle
01:11:40soit expressément signifié.
01:11:44Dans une certaine mesure,
01:11:46nous avons servi de caution au gaullisme.
01:11:51Et peut-être à De Gaulle lui-même, auprès des partis socialistes,
01:11:55des pays envahis, auprès des réfugiés de Londres,
01:11:58auprès de Roosevelt, auprès des travaillistes britanniques.
01:12:02À la fin de mars 1943,
01:12:04Léon Blum est arraché de Bourrasol par les Allemands
01:12:07et déporté au camp de Buchenwald,
01:12:09dans le quartier spécial des personnalités politiques.
01:12:12Soutenu par la présence de sa femme,
01:12:14il y passe deux longues années jusqu'à l'effondrement du IIIe Reich.
01:12:18Le 14 mai 1945, il est de retour à Paris.
01:12:26Il était revenu.
01:12:28Comme ces vieux cabiles qu'on connaît dans les villages,
01:12:31ils se dégagent de la société et ils siègent au plafond.
01:12:34À un moment donné, ils n'ont plus d'attache.
01:12:37Ils se dégagent même de la famille, des partis,
01:12:40et ils apportent le jugement serein
01:12:42de quelqu'un qui vit simplement dans le monde des idées.
01:12:47Il y avait, en juin 1940, un pays qui, sous le coup de sa défaite
01:12:51et de ce qu'elle avait de brutal, de démesuré, d'incompréhensible,
01:12:55restait comme stupide et abasourdi.
01:12:58Et on a dit à ce pays, eh bien, non.
01:13:01Non, l'armistice que nous te proposons,
01:13:03qui te dégrade et qui te livre, ce n'est pas un acte déshonorant,
01:13:07c'est un acte conforme aux intérêts de la patrie.
01:13:10Et un peuple qui ne le comprenait pas a cru ce qu'on lui disait,
01:13:14parce que l'homme qui lui tenait ce langage
01:13:16parlait au nom de son passé de vainqueur,
01:13:18au nom de la gloire et de la victoire,
01:13:21au nom de l'armée, au nom de l'honneur.
01:13:24Eh bien, cette espèce d'énorme abus de confiance morale,
01:13:27cela, oui, je pense, c'est la trahison.
01:13:35En rentrant d'Allemagne, nous avons pensé
01:13:37que c'était mieux qu'il vienne ici.
01:13:39Il était moins près de tous les importeurs
01:13:42et même des gens qu'il aimait beaucoup.
01:13:44On a pensé que c'était mieux pour lui.
01:14:13Au Parti socialiste, Léon Blum prend, un peu malgré lui, du recul,
01:14:17doucement rejeté dans le rôle du grand ancien.
01:14:20Derrière lui, un homme nouveau apparaît,
01:14:24entraînant ceux qui craignent que la doctrine ne sédule corps,
01:14:28qui veulent la ramener dans la ligne du socialisme dit scientifique.
01:14:32Guy Mollet, au 38e congrès du Parti,
01:14:35pendant l'été 1946,
01:14:37remplace au secrétariat général Daniel Maillère
01:14:40que Léon Blum a vainement défendu.
01:14:46Dans ce second après-guerre,
01:14:47les tâches réservées à Léon Blum seront donc à un autre niveau.
01:14:51Le gouvernement provisoire de son ami Félix Gouin,
01:14:54qui sait sa popularité aux Etats-Unis,
01:14:56lui demande d'aller y négocier avec le secrétaire d'Etat Burns
01:14:59les accords financiers nécessaires au redressement de la France.
01:15:03L'accueil chaleureux de New York et celui du président Truman
01:15:07est le climat le plus favorable au succès de la mission.
01:15:10C'est pour moi un grand honneur et une grande joie
01:15:16qu'avoir été choisi par le gouvernement de la République
01:15:21pour présider à une négociation
01:15:26qui vient de trouver un si heureux résultat.
01:15:31Le monde d'après-guerre est un monde difficile.
01:15:36Nous ne devons ni nous en étonner
01:15:40ni y trouver un sujet de découragement.
01:15:52La France a salué avec reconnaissance
01:15:54l'arrivée de M. Léon Blum, qui revient des Etats-Unis,
01:15:57où il a remarquablement réussi la mission
01:16:00dont l'avait investie le gouvernement français.
01:16:02Accueilli avec une joie fraternelle
01:16:04par M. Deferre, secrétaire d'Etat,
01:16:06M. Blum rapporte au pays l'accord économique et financier
01:16:09que la France attend pour relever la production
01:16:12à son niveau d'avant-guerre et ensuite ajuster cette production
01:16:16au niveau de la technique moderne.
01:16:18C'est là la 1re étape d'une coopération économique internationale
01:16:22et un pas décisif vers la pacification de l'Europe et du monde.
01:16:26Vous voulez que je vous résume en 1 minute
01:16:28les résultats de notre négociation ?
01:16:30Bien. Nous avons liquidé cette question des dettes de guerre
01:16:35dont l'expérience du passé nous avait appris toute la gravité.
01:16:40Nous avons non pas assuré la couverture complète et définitive
01:16:45du plan de reconstruction,
01:16:47mais permis au peuple français de l'entreprendre
01:16:51avec un sentiment légitime de confiance.
01:16:55Nous avons resserré l'amitié de la France
01:17:00et de la République américaine
01:17:02dans un esprit d'intelligence et d'amitié réciproques
01:17:07et avec une foi égale et profonde
01:17:10dans la solidarité nécessaire de tous les peuples.
01:17:14Décembre 1946, nouvel hommage.
01:17:16Au moment où vont enfin s'installer les institutions
01:17:19de la 4e République, c'est Léon Blum qui est chargé,
01:17:22à la tête d'un gouvernement d'un mois,
01:17:24d'assurer la transition.
01:17:26C'est donc moi qui ferai le métier de reporter aujourd'hui ?
01:17:30Tout à fait, M. le président.
01:17:32Eh bien, soit.
01:17:34Ce sera d'ailleurs une tâche assez vite remplie pour aujourd'hui.
01:17:40J'ai achevé ce matin...
01:17:46J'ai achevé ce matin de recevoir
01:17:49les représentants des groupes politiques.
01:17:54J'estime que ces consultations étendues et précises
01:17:59avec les représentants des groupes et des partis politiques
01:18:05sont quelque chose de...
01:18:09tout autre qu'une formalité.
01:18:11Je comprends que la lenteur un peu majestueuse de ce rythme
01:18:17puisse peut-être impatienter
01:18:21l'attente du public.
01:18:24Son gouvernement est tout entier socialiste
01:18:26et les tendances diverses du parti s'y retrouvent autour de lui.
01:18:29Guy Mollet, ministre d'Etat à ses côtés,
01:18:31en représente la majorité nouvelle.
01:18:33A l'Assemblée, le cabinet est accueilli
01:18:35par un vote d'approbation presque unanime.
01:18:37La tâche, pourtant, n'est pas aisée.
01:18:39Il travaille à ralentir une inflation galopante,
01:18:41à resserrer l'amitié franco-britannique distendue.
01:18:44Le bref intermède est marqué cruellement
01:18:46par les débuts de l'insurrection en Indochine.
01:18:50Au début de janvier 1947,
01:18:52il revient à Léon Blum, achevant sa mission
01:18:55d'introniser le premier président de la 4e République.
01:18:58Vincent Auriol est son ami de toujours
01:19:01et sera jusqu'au bout attentif à ses conseils.
01:19:10Et tandis que le nouveau régime fait ses premiers pas chancelants,
01:19:13Léon Blum, président de la 4e République,
01:19:16engage tout son prestige pour le renforcer
01:19:18contre le double assaut des communistes et du général de Gaulle.
01:19:21Ce sera son dernier combat.
01:19:23Depuis 1947, notre attitude a répondu à la conviction puissante
01:19:27que les libertés démocratiques étaient mises en péril sur deux fronts
01:19:31par le stalinisme et le césarisme,
01:19:33et que le parti socialiste
01:19:35devait tout subordonner au devoir de les défendre.
01:19:46...
01:20:07Ici, Léon Blum est mort.
01:20:10On l'a transporté. Il était de l'autre côté de la pièce.
01:20:13On l'a transporté ici. Il n'a presque rien dit.
01:20:16Il est mort tout doucement. Il m'a dit simplement,
01:20:19ce n'est rien. N'ayez pas peur pour moi.
01:20:22...
01:20:53Pour moi, je ne toucherai pas la terre promise.
01:20:56Je ne verrai pas l'union parfaite des peuples
01:20:59dans la justice et dans la paix.
01:21:01Je ne verrai pas, selon l'image du poète,
01:21:04les nations assises autour de leurs foyers communs
01:21:07comme des sœurs autour de l'âtre.
01:21:09Mais ce qui fait la noblesse de l'homme,
01:21:12c'est de prévoir, c'est d'espérer,
01:21:14c'est de travailler à une œuvre qu'il ne contemplera pas achevée
01:21:18et dont il ne profitera pas lui-même.
01:21:21...
01:21:51...
01:22:21...
01:22:31-"Léon Blum ou la fidélité", un documentaire de 73,
01:22:34signé Claude Fayard et Jean-Noël Jeanneney,
01:22:37avec nous sur ce plateau,
01:22:39aux côtés du producteur de France Inter, Philippe Colin,
01:22:42auteur d'un podcast et d'un livre sur Blum.
01:22:45Je m'extasiais tout à l'heure, Jean-Noël Jeanneney,
01:22:49d'avoir pu rencontrer des témoins directs de la vie de Blum,
01:22:52mais il faut songer que 50 ans nous séparent de ce film,
01:22:56alors que 23 ans seulement séparent ce film de la mort de Blum
01:23:01et moins de 40 des débuts du Front populaire.
01:23:04Quel souvenir marquant avez-vous gardé de ces rencontres ?
01:23:08Peut-être au premier chef, celle de Charles-André Julien,
01:23:12magnifique historien de l'Afrique du Nord,
01:23:15qui était un militant socialiste.
01:23:17Il avait dans un premier temps choisi le camp communiste,
01:23:20puis il s'est ravisé et il a pu nous raconter le congrès de Tours.
01:23:24Aujourd'hui, cela paraît très loin,
01:23:26mais il a suivi ensuite l'action de Blum.
01:23:29Il le montre au travail, comme vous l'avez vu,
01:23:32à la présidence du Conseil, organisant différemment son travail.
01:23:36Il insiste sur un point qui compte, c'est Léon Blum comme juriste.
01:23:40Le fait qu'il restait un homme du Conseil d'État
01:23:43et que, par conséquent, il avait, dans ses décisions politiques,
01:23:47le souci constant d'être fidèle aux règles imposées.
01:23:50Il l'évoque à la fin, vous avez vu,
01:23:52il l'évoque dans cette sorte de sérénité finale
01:23:55où il siège au plafond et où il devient
01:23:58une personnalité reconnue et, d'une certaine façon, souveraine.
01:24:02Et puis, il y a cet homme
01:24:05qui était dans la voiture de Léon Blum
01:24:08au moment où il se fait agresser, boulevard Saint-Germain,
01:24:12lors des obsèques de Jacques Bainville.
01:24:15Ne l'oubliez pas, c'est Georges Monnet,
01:24:17ministre de l'Agriculture,
01:24:19responsable de la création de l'Office du blé,
01:24:22une des réalisations importantes du Fonds populaire.
01:24:25Vous avez vu cette émotion
01:24:27qu'il envahit à cette distance de temps.
01:24:30Ce sont les miracles de la télévision.
01:24:32Philippe Colin, si vous aviez à choisir une archive,
01:24:35un discours, un témoignage en particulier...
01:24:38Dans tout le matériel abondant
01:24:40qui vous a servi pour construire votre série.
01:24:43Je vais prendre un extrait du film,
01:24:45mais il y a un moment extraordinaire dans ce film.
01:24:48C'est un militant de la SFIO de Narbonne
01:24:50qui raconte le souvenir de l'arrivée de Léon Blum
01:24:53comme candidat à la députation de Narbonne.
01:24:56C'est un monsieur, un paysan, en 29, absolument,
01:24:59et qui raconte son inquiétude de voir arriver
01:25:02ce dandy parisien à la voix un peu fluette...
01:25:05Et parmi ses moutons.
01:25:07Il raconte comment Blum va prendre la main
01:25:10sur l'assistance des meetings.
01:25:12C'est extrêmement touchant, car Blum, c'est ça aussi.
01:25:15Blum, c'est le Parisien, le dandy du quai Bourbon,
01:25:18mais c'est aussi l'élu de Narbonne,
01:25:21région viticole, agricole, paysanne,
01:25:24où cet homme-là va réussir
01:25:26à fédérer les suffrages autour de lui.
01:25:29Suffrage provincial, populaire, élu en 29,
01:25:32en 32, en 36, à chaque fois au premier tour.
01:25:35Voilà un homme qui incarne Paris
01:25:37et la France à sa manière.
01:25:39Le communiste Jacques Duclos raconte comment il l'a battu,
01:25:43à Paris, et il en est toujours fier, des années après.
01:25:46Je crois que c'est toujours utile
01:25:48de déplacer un peu la tension, pas de côté.
01:25:51C'est pourquoi nous avions insisté sur Blum à Narbonne,
01:25:54car cela mettait en valeur des traits de caractère
01:25:57qui pouvaient surprendre davantage
01:25:59par rapport aux fidèles de la vie parisienne,
01:26:02des théâtres, du quai de Bourbon.
01:26:04Comment on le regarde d'ici là ?
01:26:06C'était vraiment émouvant.
01:26:08Le vieux huiticulteur qui dit...
01:26:10Il parlait bien, Blum.
01:26:12Enfin, il parlait pas comme Jaurès,
01:26:14comme on parle à la classe ouvrière.
01:26:16Garder aujourd'hui trace de quelqu'un
01:26:18qui avait entendu Jaurès parler en 1910, c'est formidable.
01:26:22On reviendra avec Agnès Chauveau
01:26:24sur la postérité de Léon Blum et cette question,
01:26:27pourquoi n'est-il pas considéré
01:26:29comme l'une des plus hautes figures symboliques de la gauche
01:26:33au niveau de Pyrmenès France, par exemple, aujourd'hui ?
01:26:36Mais avant cela, quelques extraits du procès de Rion,
01:26:39ce châtiment que le maréchal Pétain a voulu infliger
01:26:43aux prétendus responsables de la défaite,
01:26:46Blum et Daladier au premier chef,
01:26:48mais qui va se retourner contre Vichy
01:26:51parce que Blum y prend la main,
01:26:53il prononce le 10 mars 1942,
01:26:55une plaidoirie de plusieurs heures
01:26:57qui est un véritable acte d'accusation du régime de Vichy.
01:27:00C'est le comédien Henri Virlejeux
01:27:02qui incarne Blum dans cette reconstitution télévisée
01:27:05de 78 à partir des authentiques minutes du procès.
01:27:10Puis-je, monsieur le président,
01:27:12vous exprimer une certaine surprise
01:27:15de ne nous voir que deux pour parler du Front populaire,
01:27:19monsieur Daladier et moi.
01:27:22Nous étions trois,
01:27:24car il y eut trois gouvernements de Front populaire,
01:27:28dix de Front populaire.
01:27:31Le mien, celui de monsieur Camille Chautan,
01:27:34qui dura de 1937 à 1938,
01:27:37où j'étais vice-président,
01:27:39et celui de monsieur Daladier.
01:27:42Monsieur Daladier est là, moi aussi,
01:27:46et monsieur Camille Chautan, à l'étranger,
01:27:49chargé de mission par le gouvernement de Vichy.
01:27:53Il n'a jamais été proposé de mettre en question
01:27:56le fait même d'un moment politique de la France
01:27:59qui suivit les élections de 1936,
01:28:02mais seulement de certaines décisions,
01:28:05de certains faits, comme les grèves avec occupation des usines,
01:28:09qui ont gravement compromis le rythme des livraisons d'armes,
01:28:13entre autres.
01:28:15Quand je suis arrivé au pouvoir,
01:28:18les usines étaient déjà occupées
01:28:21par un million de grévistes.
01:28:24Dans les sphères dirigeantes,
01:28:26régnaient l'affolement et la terreur.
01:28:30Quand j'ai présenté mon gouvernement au président Lebrun,
01:28:34ce dernier m'a demandé d'activer la passation des pouvoirs,
01:28:38étant donné la gravité de la situation.
01:28:43Cela peut sembler singulier, aujourd'hui,
01:28:47de la place où je suis,
01:28:50de rappeler qu'à ce moment-là,
01:28:52dans la bourgeoisie et dans le monde patronal,
01:28:55on m'espérait comme un sauveur.
01:29:00On était très près d'une chose
01:29:03qui ressemblait à une guerre civile.
01:29:06On n'espérait plus
01:29:08que dans une sorte d'intervention providentielle
01:29:12d'un homme auquel on attribuait
01:29:15un pouvoir suffisant de persuasion sur la classe ouvrière
01:29:19pour qu'il lui fît entendre raison
01:29:22et qu'il la décida à ne pas abuser de sa force.
01:29:26À ce moment-là,
01:29:28personne ne m'a demandé d'user de la force.
01:29:32Si je l'avais fait,
01:29:34j'aurais jeté la France dans une guerre civile.
01:29:37Et qu'est-ce que ça donnait pour l'armement de la France,
01:29:41une guerre civile ?
01:29:43Des bagarres ouvrières,
01:29:45inévitablement des incendies, des vrilles de machines ?
01:29:49Et la guerre civile, pour la France,
01:29:52n'était-ce pas la plus redoutable des circonstances
01:29:56qui puissent amener un danger de guerre étrangère ?
01:30:02Que devais-je faire ?
01:30:06Des promesses pour décider les ouvriers à quitter les usines,
01:30:10quitte à biaiser, différer,
01:30:13lanterner, mentir ?
01:30:18Au point de vue de l'ordre,
01:30:20cette forme de grève
01:30:22a d'incontestables avantages.
01:30:26Les ouvriers occupent l'usine,
01:30:28mais il est exact que l'usine occupait les ouvriers,
01:30:32à entretenir et maintenir en état de marche
01:30:35leurs outils de travail.
01:30:37Et ils n'étaient pas dans la rue.
01:30:42Le lendemain de ma visite au président de la République,
01:30:46et avant même d'avoir été investi par les assemblées,
01:30:51je me suis adressé aux ouvriers à la radio.
01:30:55Je leur ai dit,
01:30:56« Celles de vos revendications, qui sont du fait du législateur,
01:31:00seront présentées au Parlement et votées dans le plus bref délai. »
01:31:04Le samedi suivant,
01:31:07ma déclaration ministérielle devant les chambres a été simple.
01:31:13Je suis l'expression de la volonté populaire
01:31:17exprimée par un programme.
01:31:20Je n'ai pas d'autre programme que celui-là.
01:31:26Dans ma première série de lois,
01:31:28il y avait les 40 heures,
01:31:30les congés payés et les contrats collectifs.
01:31:34Le reste ne concernait que le patronat,
01:31:38pas le gouvernement.
01:31:40Et ce patronat a de lui-même
01:31:45établi des contacts
01:31:48après l'initiative des relations avec les syndicats
01:31:52qui ont abouti aux accords Matignon.
01:31:57Je me prive volontiers pour le service de la vérité
01:32:01de cette petite gloriole.
01:32:04Je souhaitais ces accords.
01:32:06Le grand patronat m'a devancé.
01:32:10Le nombre des grévistes qui était en juin de un million
01:32:13tomba en juillet à 100 000.
01:32:16Les ouvriers ne parlaient plus de révolte.
01:32:19Ils me faisaient confiance.
01:32:22Je vous demande pardon.
01:32:26Je parle de moi.
01:32:29Mais c'est bien de moi qu'il s'agit.
01:32:34Je ne suis pas un homme politique.
01:32:39Ma vie personnelle s'est formée et fixée
01:32:42en dehors de toute vie politique
01:32:45où l'on m'a fait entrer assez tard.
01:32:51Dès mon âge d'homme,
01:32:54j'ai été un socialiste.
01:32:59Ce sont les circonstances
01:33:01qui m'ont jeté dans la vie publique.
01:33:07Dès mes premiers succès au Parlement,
01:33:11il y a eu autour de moi
01:33:13une longue entreprise de séduction et de corruption.
01:33:19On me disait, ce n'est pas sérieux, un homme comme vous,
01:33:23un homme de votre valeur,
01:33:26de votre mérite,
01:33:29on ajoutait aussi de votre richesse,
01:33:33car la légende n'est pas d'hier
01:33:36qui représente comme un dilettante fastueux
01:33:40un homme qui ne vit que du produit de son travail.
01:33:48Il aurait suffi
01:33:52de peu de temps
01:33:55pour que je devienne
01:33:57un véritable homme d'État.
01:34:03Pour recevoir même
01:34:05la suprême consécration d'une académie,
01:34:10il aurait suffi de quelques minutes,
01:34:15le temps d'une trahison.
01:34:19Voilà, messieurs de la Cour,
01:34:22ce qui fut avant ce fameux vote
01:34:26de la loi de 40 heures
01:34:29qui, aujourd'hui, me met devant vous
01:34:33en accusation.
01:34:39Vous avez affirmé que la loi de 40 heures hebdomadaires
01:34:42n'avait pas ralenti le rythme d'une production
01:34:45déjà compromise par les grèves.
01:34:48La simple arithmétique s'inscrit en faux.
01:34:51En 40 heures, un ouvrier a moins de rendement qu'en 48.
01:34:55Et pourtant, toute l'histoire de l'industrie,
01:34:59c'est la diminution continue du temps de travail
01:35:03associé à l'élévation constante de la production,
01:35:07de même que la diminution des prix de revient
01:35:10est associée à l'augmentation des salaires.
01:35:13Vous affirmez des choses logiquement impossibles.
01:35:18Je sais.
01:35:20Ces deux phénomènes contradictoires
01:35:23ont déjà couvert le ministère public de stupéfaction.
01:35:28On disait déjà autrefois, en Angleterre,
01:35:31que l'on attendait à la liberté des patrons
01:35:34en les empêchant de faire travailler des enfants de 10 ans
01:35:38pendant 12 heures dans des mines ou des filatules.
01:35:42Il existe au dossier un rapport d'experts sur ce sujet.
01:35:45Deux, mais l'expert universel,
01:35:48consulté par l'accusation,
01:35:51a constaté qu'il y avait eu effectivement
01:35:54élévation de la production.
01:35:56On a alors nommé un surexpert
01:35:59qui a déclaré que c'était exact,
01:36:02mais que ça n'était pas imputable à ma politique.
01:36:07Ceci tendrait à prouver que vous escamotez d'autres éléments.
01:36:11Savez-vous quelle était la moyenne
01:36:14des heures de travail avant 36 ?
01:36:17Un rapport du Bureau international du travail
01:36:20donne justement cette précision.
01:36:2244 heures, 6 en moyenne.
01:36:25Et le chômage ? Le chômage partiel ? Le chômage total ?
01:36:30On me citait récemment à un mot de M. Louis Renault
01:36:33qui disait au moment du vote de la loi
01:36:36si j'étais certain de pouvoir donner à mes ouvriers
01:36:39au moins 30 heures de travail par semaine.
01:36:43Mais je pense que vous avez hâte
01:36:47que je parle des nationalisations.
01:36:51Ce mot de nationalisation
01:36:55semble avoir par moment une vertu horrifique.
01:37:00Pour beaucoup, nationalisation
01:37:03se confond avec collectivisation.
01:37:06Par conséquent, spoliation.
01:37:09Cette idée de nationalisation
01:37:12n'est pas une idée socialiste.
01:37:15Elle était dans l'ancien programme du Parti radical
01:37:19à l'époque de Camille Peltan.
01:37:22Le tabac est une nationalisation.
01:37:25On aurait dû en faire beaucoup plus
01:37:28pour capter, pour prendre à la source
01:37:31des richesses qui se créent
01:37:33pour que les bénéfices aillent à la collectivité
01:37:36et non pas à des particuliers.
01:37:38Cette idée est née pendant la guerre de 14-18
01:37:42devant les profits démesurés,
01:37:46les profits honteux de certains
01:37:48au milieu de la détresse universelle.
01:37:52Rappelez-vous,
01:37:54l'action Hotchkiss
01:37:57a été dédoublée trois fois.
01:38:01Le titre, qui était de 250 francs,
01:38:04valait plus de 1 000 francs à la fin de la guerre.
01:38:08Et le matériel Brandt ?
01:38:11Vous pouvez consulter le rapport
01:38:14du contrôleur Millot.
01:38:17Il dit que M. Brandt et son genre
01:38:21M. Renault
01:38:23touchaient chaque année
01:38:2630 % de dividendes
01:38:29en plus de leurs salaires,
01:38:33leurs appointements,
01:38:36de leurs droits de licence,
01:38:39en plus de leurs frais de représentation.
01:38:43Comment est-il possible
01:38:46qu'en face de tels faits,
01:38:50le monopole de la fabrication des armes
01:38:53ne soit pas donné à l'État ?
01:38:57En 1914,
01:38:59la Bulgarie était notre ennemi.
01:39:02Les canons bulgares étaient,
01:39:05si je ne m'abuse,
01:39:07des canons français.
01:39:11Avant cette guerre,
01:39:14nous avons livré à l'Italie
01:39:17du matériel de guerre
01:39:19fabriqué chez nous.
01:39:21Ne pensez-vous pas qu'il est demain
01:39:24pour des soldats français
01:39:26d'être les victimes
01:39:28de la guerre ?
01:39:30Extrait de Rion,
01:39:31où le procès boomerange
01:39:33avec Henri Virlejeu dans le rôle de Blum,
01:39:36avec les mots de Blum au procès de Rion en 1942.
01:39:39Agnès Chauveau de l'INA nous a rejoints.
01:39:42Bonjour.
01:39:43A quoi correspondent ces panneaux
01:39:45qui interrompent les propos de Blum ?
01:39:47Il y a eu une censure d'une partie du procès par Vichy ?
01:39:51C'est lié à la nature même du procès,
01:39:54d'un malentendu fondamental.
01:39:56Vichy voulait faire un procès
01:39:58pour montrer que le Front populaire avait perdu la guerre.
01:40:02Les Allemands voulaient que ce procès ait lieu
01:40:05pour qu'on accuse les hommes politiques
01:40:07d'avoir déclenché la guerre.
01:40:09C'est la dernière fois
01:40:11où les journalistes français et étrangers
01:40:14pouvaient assister.
01:40:15Donc, ces propos étaient si efficaces,
01:40:18si déterminés et si clairs
01:40:20quant à ce que voulait démontrer Léon Blum,
01:40:23que ça a été insupportable au gouvernement de Vichy.
01:40:26On a censuré dans la presse française seulement.
01:40:29Les journalistes étrangers étaient là aussi.
01:40:32On avait accès à la presse étrangère,
01:40:34qui, elle, n'était pas censurée,
01:40:36à telle enseigne que...
01:40:38On s'est dit que c'était plus possible du côté de Vichy.
01:40:41On a chose absolument unique,
01:40:43on ne manquait pas de comportement unique à l'époque.
01:40:46On a arrêté le procès, tout simplement,
01:40:49et on a envoyé Blum dans cette prison allemande
01:40:52où il a passé ces longs mois.
01:40:55C'est extraordinaire.
01:40:57Le procès ne se déroule pas comme on aurait voulu,
01:41:00donc on l'arrête et on efface.
01:41:02L'efficacité d'Alaidier était très bonne pour expliquer
01:41:05qu'on n'avait pas perdu la guerre
01:41:07du côté des gouvernements.
01:41:09On a rappelé aussi, ça a été censuré,
01:41:11vous le pensez bien, que le maréchal Pétain,
01:41:14en 1932, ministre de la Guerre,
01:41:16quand on l'interrogeait sur le risque
01:41:18que les armées allemandes passent par les Ardennes,
01:41:21avait dit qu'il n'y avait pas de véritable danger.
01:41:24S'il le faisait, on les repincera à la sortie.
01:41:27Il y a des photos de ce procès de Rion
01:41:30et quelques photos qui sont assez extraordinaires.
01:41:33C'est dans votre livre, Philippe Colin,
01:41:36les magistrats du procès qui posent, assez fiers,
01:41:39ils sont avec toutes les...
01:41:41Tout termine dehors, comme on pourrait dire.
01:41:44Ce sera la déconfiture, évidemment,
01:41:46quelques semaines plus tard.
01:41:48Ca, c'est parmi les choses qu'il faut avoir vues.
01:41:51Le procès est interrompu.
01:41:53Il y a une note de Maurice Barthélémy,
01:41:55garde des Sceaux de Vichy...
01:41:57Joseph Barthélémy, pardon,
01:41:59qui est interrompu sur volonté d'Hitler.
01:42:02Hitler est agacé de cette situation.
01:42:04Pétain répond aussi à un ordre donné par Hitler.
01:42:07Il voulait qu'on prouve que c'est le Front populaire
01:42:10qui avait déclenché la guerre.
01:42:12Au départ, il y avait un verre dans le fruit.
01:42:15Il avait mal préparé militairement la France,
01:42:18sauf que deux ans avant le Front populaire,
01:42:21qui était ministre de la Guerre ? Pétain.
01:42:24Il fallait remonter en arrière, mais pas trop.
01:42:27Agnès, vous allez nous parler de la postérité
01:42:30de Léon Blum, qui demeure dans notre mémoire collective
01:42:33une personnalité controversée.
01:42:35Oui, ce qui frappe les historiens,
01:42:37c'est qu'effectivement, la figure de Léon Blum
01:42:40peine à s'imposer comme une figure consensuelle
01:42:43et peine tout court à s'imposer
01:42:45comme une figure de premier plan.
01:42:47Nous l'avons vérifié à Alina.
01:42:49Effectivement, sa postérité
01:42:51dans les médias audiovisuels
01:42:53demeure assez modeste
01:42:55au regard du rôle qu'il a joué
01:42:57dans notre histoire nationale.
01:42:59Si on prend le simple exemple des journaux télévisés,
01:43:02la création du journal télévisé,
01:43:04quand on tape le mot-clé Léon Blum,
01:43:06on n'obtient que une cinquantaine de références.
01:43:09Quand on tape Jaurès, on en obtient 350.
01:43:12Dans les documentaires, bien sûr,
01:43:14on voit apparaître la figure de Léon Blum
01:43:17quand un documentaire est consacré à 36,
01:43:20à Vichy ou à l'histoire du socialisme,
01:43:23mais au fond, votre documentaire,
01:43:25Jean-Noël Jeanneney, de 1973,
01:43:27est le premier portrait que la télévision consacre
01:43:30à Léon Blum.
01:43:31On est quand même 23 ans après sa mort
01:43:34et il va rester unique jusqu'en 2016,
01:43:37où il y aura un autre documentaire,
01:43:39effectivement, diffusé par France Télé
01:43:42et bien sûr le podcast dont on parle aussi,
01:43:45mais c'est quand même...
01:43:47C'est un constat qui est quand même assez frappant.
01:43:50Et donc ?
01:43:51Et donc, rappelez-vous les funérailles...
01:43:54Tout le peuple l'acclame quand même
01:43:56pendant ces funérailles.
01:43:58-"Place de la Concorde".
01:44:00On a des images encore.
01:44:02On voit le monde rassemblé, c'est tout à fait frappant.
01:44:05Pourquoi Blum peine à s'imposer comme ça
01:44:08dans notre mémoire collective ?
01:44:10On a cherché un peu dans les archives
01:44:13des éléments d'explication.
01:44:15La première explication, elle est donnée à apostrophe
01:44:18par son biographe, Jean Lacouture,
01:44:21qui, en 1977, avance une hypothèse.
01:44:24Regardez.
01:44:25Tout à l'heure, on a parlé des noms de rues
01:44:27qu'avaient les hommes politiques.
01:44:29Jaurès en a beaucoup, Blum en a très peu.
01:44:32C'est intéressant de noter pourquoi Blum a si peu de noms de rues.
01:44:35Si les Camelots du Roi avaient achevé de le tuer ce jour-là,
01:44:38si les Camelots avaient achevé de le lyncher le 13 février 36,
01:44:41il y aurait beaucoup de rues.
01:44:43Blum a échappé au sort de Jaurès.
01:44:45C'est une explication, évidemment,
01:44:47qui n'épuise pas le sujet.
01:44:49Évidemment, elle n'épuise pas le sujet.
01:44:52On en a une autre,
01:44:53qui est un peu plus lourde, celle-là,
01:44:56qui est liée à l'antisémitisme latin
01:44:59dans la société française.
01:45:01C'est vrai que Blum, en tant que juif,
01:45:03en tant que premier chef du gouvernement socialiste
01:45:06et juif, on le sait,
01:45:09a subi des attaques antisémites
01:45:12d'une violence absolument inouïe, même physique.
01:45:16Et au fond de la calomnie,
01:45:19il reste toujours quelque chose.
01:45:21Là, c'est une archive que Philippe Collin connaît bien,
01:45:24puisqu'il l'a exhumée dans son podcast,
01:45:26que Jean-Noël Jeanneney connaît bien,
01:45:28car son père était sur le plateau des dossiers de l'écran.
01:45:31On est en 1970.
01:45:33Il s'agit des 20 ans de la mort de Blum.
01:45:37Les dossiers de l'écran lui consacrent un film et un débat.
01:45:40Et là, moment absolument incroyable,
01:45:43le standard de l'SVP Guy Darbois
01:45:46se dit complètement débordé
01:45:48de questions favorables,
01:45:50surtout de questions très hostiles et très violentes,
01:45:53et regardez la gêne qu'il a
01:45:55à transmettre certaines questions des téléspectateurs.
01:45:59Pourquoi, dit un expert aux affaires étrangères,
01:46:02ne parle-t-on pas de Léon Blum en tant que juif ?
01:46:05Je poursuis.
01:46:07Renseignements sur la fortune de Léon Blum
01:46:10et surtout la fameuse vaisselle d'or.
01:46:12Comment se fait-il que Blum soit revenu
01:46:15du plus terrible des camps de la mort ?
01:46:18La baignoire d'or, c'est Maurice Thorez,
01:46:20et la vaisselle d'argent, c'est Léon Blum.
01:46:22Il est venu à Lausanne aussi.
01:46:24Vous en avez beaucoup comme ça ?
01:46:26C'est Jules Moch qui dit
01:46:28que vous en avez beaucoup comme ça.
01:46:31Avec le temps, est-ce que la figure
01:46:33de Léon Blum est devenue plus consensuelle ?
01:46:35Pas vraiment, parce qu'au mi-temps des années 80,
01:46:38on voit que Léon Blum est encore une figure clivante.
01:46:41C'est à propos d'une polémique
01:46:44en 1985 à propos d'une statue,
01:46:47un bronze qui lui a été consacré,
01:46:50qui est fait par Philippe Garrel.
01:46:52On se pose la question de savoir
01:46:54où doit être mise cette statue.
01:46:56Elle devait prendre place, place Léon Blum, justement,
01:46:59ce qui paraissait dans le 11e arrondissement...
01:47:02Relativement logique.
01:47:04La mairie RPR, qui n'est pas très favorable,
01:47:07qui prétexte des travaux, fait que pendant six ans,
01:47:10cette statue va être totalement exilée
01:47:13aux Tuileries, un peu cachée, sans même une plaque,
01:47:17ce qui est quand même incroyable.
01:47:19Pendant six ans, elle va rester.
01:47:21Chez les socialistes, il reste une référence majeure ?
01:47:24Quand même.
01:47:25Philippe Collin, vous disiez,
01:47:27François Mitterrand aussi.
01:47:29François Mitterrand en parle un peu.
01:47:31Il en parle en particulier en 1979.
01:47:33C'est une façon, pour lui,
01:47:36de faire le lien entre l'histoire du socialisme
01:47:39et le nouveau Parti socialiste.
01:47:42Écoutez-le, il est au musée Léon Blum.
01:47:45-"Léon Blum, pour nous,
01:47:47fait partie des quelques grands hommes
01:47:50qui ont fondé à la fois l'idée
01:47:53et les premières réalités
01:47:56du socialisme moderne.
01:47:58Je crois même qu'au-delà du socialisme,
01:48:01Léon Blum a, pendant un moment
01:48:03fort important dans notre histoire,
01:48:05incarné les grandes vertus nationales."
01:48:09Sur les campagnes présidentielles plus récentes,
01:48:12est-ce qu'il est invoqué ou convoqué
01:48:15par les candidats socialistes ?
01:48:17On peut se demander s'il est devenu tendance,
01:48:20puisqu'en 2007, c'est Nicolas Sarkozy,
01:48:23ça paraît un peu étrange,
01:48:25qui revendique l'héritage de Blum.
01:48:27A l'époque, ça fait couler pas mal d'engrais.
01:48:30Jaurès aussi, il avait invoqué la grande figure de Jaurès.
01:48:33On l'écoute, il y a Blum et Jaurès.
01:48:36Alors j'ai vu qu'il y en avait qui étaient gênés
01:48:39que je m'adresse à l'électeur de gauche.
01:48:42Mais pour moi, avant d'être de gauche,
01:48:45il est de France et mon devoir, c'est de lui parler.
01:48:48Parce que la vraie gauche,
01:48:50la gauche de Blum, la gauche de Jaurès,
01:48:53elle parlait des travailleurs
01:48:55parce qu'elle respecte le travail.
01:48:57Voilà, ça vaut.
01:48:59Et autres extraits ?
01:49:01Plus naturellement, François Hollande, en 2012.
01:49:04La grandeur de l'histoire,
01:49:06c'est Léon Blum qui, avec le Front populaire,
01:49:09a permis à tous les travailleurs de France
01:49:12de relever la tête et de partir enfin en congé.
01:49:16Voilà, pour les évocations de Léon Blum
01:49:20dans les discours politiques français.
01:49:23Jean-Noël Jeanneney, on a parlé de la résurgence
01:49:26d'une forme d'antisémitisme à l'égard de Blum.
01:49:29Est-ce que ce qui n'est pas resté aussi,
01:49:32d'une certaine façon,
01:49:34c'est la campagne de Vichy,
01:49:36en disant que le Front populaire et Léon Blum
01:49:39étaient responsables de la défaite de 1940 ?
01:49:42C'est ce que nous disions. Il en reste peut-être quelque chose.
01:49:46On retrouve dans les débats de l'Assemblée,
01:49:49encore dans les années 60, 70, 80, l'idée,
01:49:52vous avez perdu la guerre, taisez-vous.
01:49:55D'autre part, à l'intérieur même, il est notable de le dire,
01:49:59du Parti socialiste et de la gauche,
01:50:01il y a eu des reproches à Blum
01:50:03pour n'être pas intervenu dans la guerre d'Espagne.
01:50:06Il y a tout un courant historiographique,
01:50:09Colette Aubry, etc., qui dit qu'il a trahi,
01:50:12puisqu'il n'est pas intervenu.
01:50:14C'est un débat qu'on peut avoir,
01:50:16mais c'était impossible pour Blum d'intervenir.
01:50:19S'il était intervenu, il serait tombé.
01:50:21L'Angleterre n'en voulait pas, les radicaux non plus.
01:50:24Les réformes se seraient aussitôt arrêtées.
01:50:27Il aurait eu les mains blanches,
01:50:29mais il n'aurait plus d'activité.
01:50:31Philippe Colin, le podcast est un grand succès.
01:50:34C'est plus de...
01:50:35On est à 2,2 millions de téléchargements.
01:50:38Oui, c'est ce qui est beaucoup.
01:50:40Avec quel retour d'auditeurs ?
01:50:43Est-ce que vous avez eu des témoignages,
01:50:46des lettres ? On n'adresse plus les lettres.
01:50:49Oui, ça arrive encore.
01:50:51On a eu un militant socialiste de 94 ans,
01:50:54de Clermont-Ferrand, qui nous a écrit
01:50:56des lettres extrêmement touchantes.
01:50:58Ca arrive encore.
01:51:00Dans la plus jeune génération ?
01:51:01On a eu beaucoup de réactions de l'ordre de la découverte.
01:51:04Tout d'un coup, on ne connaissait pas Léon Blum.
01:51:07On le connaissait parce qu'au collège et au lycée,
01:51:10les congés payés, 36, et c'était tout.
01:51:12On ignorait tout du reste.
01:51:14Evidemment, son goût pour la littérature,
01:51:16pour le théâtre, mais on parlait de Rillon et de Vichy,
01:51:19mais il y a Pourrenvalde aussi.
01:51:21Il y a la découverte d'un homme
01:51:23qu'on connaît de loin
01:51:25et qu'on avait perdu de vue.
01:51:27Il y a aussi des manifestations très minoritaires.
01:51:30On en parlait, notamment les gens de gauche,
01:51:33qui parlent de 36 et de la guerre d'Espagne.
01:51:36Il y a encore cette fracture-là,
01:51:38où on nous a un peu reproché de ne pas avoir suffisamment dit
01:51:41à quel point il était responsable
01:51:43de ne pas avoir engagé la République
01:51:45aux côtés des républicains espagnols.
01:51:47Et il y a aussi une contre-mémoire communiste.
01:51:50Il y a aussi une extrême-gauche
01:51:52qui verra toujours en lui celui qui a dit non à Tour.
01:51:55Et ça, dans les réactions, on l'a aussi un peu quand même.
01:51:58C'est très divers. C'est intéressant d'avoir ces réactions.
01:52:01On en a eu un écho, ici même, récent,
01:52:03avec Lionel Jospin, à propos d'une émission
01:52:06sur le congrès de Tour.
01:52:08Et on a revu aussi ce débat-marché Jospin
01:52:13de 1980,
01:52:15où Jospin prend appui sur Léon Blum,
01:52:20sur le discours de Léon Blum au congrès de Tour,
01:52:22pour mettre en difficulté Georges Marchais.
01:52:25Il y a un autre élément, je crois,
01:52:27qui peut servir une explication,
01:52:29je discrédite, ce serait excessif,
01:52:31mais sur ce sort de glissement vers une forme de demi-oubli,
01:52:34c'est son relation avec le général de Gaulle,
01:52:37qui mérite attention. De Gaulle va le voir dans les années 30
01:52:40pour défendre l'idée d'une armée de métiers,
01:52:43des chars, etc., et il ne réussit pas à le convaincre.
01:52:46Il y a un très beau passage dans les mémoires.
01:52:49Le président du Conseil a été interrompu dix fois au téléphone.
01:52:52Il était difficile de suivre une pensée.
01:52:54Ensuite, il lui reproche, en 1945,
01:52:56alors qu'il lui propose de rentrer au gouvernement
01:52:58pour incarner une continuité républicaine,
01:53:00de dire qu'il préfère s'occuper du Parti socialiste.
01:53:03Il a cette phrase, tout de même très frappante,
01:53:06après coup, à propos de De Gaulle,
01:53:08qu'il avait soutenue depuis sa prison.
01:53:10Là, nous devons revendiquer le droit à l'ingratitude.
01:53:13De Gaulle n'en était pas très content.
01:53:15Bien sûr, évidemment, et ils ne se sont pas rencontrés,
01:53:18stricto sensu, pendant la période de la guerre.
01:53:21Il était en prison, mais il lui a envoyé son soutien,
01:53:24comme Georges Mandel, avec qui il était prisonnier.
01:53:27Alors, Georges Mandel, justement,
01:53:29l'un de nous deux, c'est votre pièce de théâtre,
01:53:34je le disais, jouée près de 200 fois.
01:53:36Expliquez-nous le titre et le point de départ
01:53:39de cette situation dramatique et absolument déchirante
01:53:43qui explique, voilà, l'un de nous deux, l'un de nous deux va mourir.
01:53:47C'est Christophe Barbier qui a interprété Mandel
01:53:50et Emmanuel Dechartes qui a interprété Blum.
01:53:53Unité de lieu, unité de temps.
01:53:55On est au moment où ils sont emprisonnés
01:53:58depuis plusieurs mois, ensemble,
01:54:00alors que l'un se rattache plutôt à la droite
01:54:03où la gauche l'a précipité.
01:54:05En tout cas, centre droit, et Blum, ce que nous savons,
01:54:09et à un moment donné, on apprend
01:54:11que le ministre de la propagande de Vichy, Philippe Henriot,
01:54:14a été assassiné et que par conséquent,
01:54:17alors qu'il figure comme des otages,
01:54:19l'un d'entre eux va à coup sûr être livré à la France
01:54:22et très probablement assassiné.
01:54:24J'ai essayé de ramasser un dialogue imaginaire
01:54:27qui se passe en réalité à quatre
01:54:29parce que chacun a son grand homme.
01:54:31Pour Mandel, c'est Clémenceau,
01:54:33et pour Blum, c'est évidemment Jean Jaurès.
01:54:35Du coup, il réévoque les grands débats entre eux dans les années 1906.
01:54:39Il y a encore un essai à la fois ramassé dans le temps,
01:54:42c'est ce que j'ai essayé de faire,
01:54:44et la profondeur de champ de la longue durée.
01:54:46Après, c'est Mandel qui est parti,
01:54:48l'un de nous deux, c'est lui qui est parti.
01:54:50On peut imaginer que c'était, dans leur esprit,
01:54:53dans leur dialogue, une simple figure rhétorique.
01:54:56L'un de nous deux ne survivra pas,
01:54:58mais c'est réellement arrivé
01:55:01dans les jours ou les semaines qui ont suivi.
01:55:04J'ai essayé de faire surgir des traditions politiques différentes
01:55:08et des tempéraments, naturellement,
01:55:10qui n'étaient pas les mêmes.
01:55:12C'est ce que cette pièce s'était forcée de ramasser.
01:55:15Philippe Collin, une série de podcasts à écouter,
01:55:18toujours disponible sur le site de France Inter.
01:55:21Un livre chez Albain Michel,
01:55:23Une vie héroïque, qui reprend le contenu de vos podcasts,
01:55:26mais j'en ai montré une tout à l'heure
01:55:29avec plein d'illustrations.
01:55:31On peut mettre des visages, des photos,
01:55:34des situations sur ce que vous décrivez.
01:55:37Jean-Noël Janet, votre pièce de théâtre,
01:55:39L'un de nous deux, a été publiée aux éditions Porte-parole.
01:55:42Je signale aussi ces chansons pour mémoire
01:55:45avec l'excellent Antoine Saler,
01:55:47Aux Équateurs.
01:55:48C'est une escapade.
01:55:49Et sur Bloom, il y a beaucoup de choses
01:55:52qui ont paru, évidemment, mais je recommande vivement
01:55:55cette très éclairante biographie de Pierre Birnbaum,
01:55:58au seuil paru en 2016, parmi les historiens
01:56:01qu'on peut entendre dans votre podcast.
01:56:04Merci à vous tous.
01:56:06Merci, Agnès Chauveau.
01:56:08Je vous dis à très bientôt pour de nouvelles aventures
01:56:11dans les archives de l'INA.
01:56:13SOUS-TITRAGE ST' 501
01:56:36Sous-titrage ST' 501

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