• il y a 6 mois
C’est la mesure du programme du Nouveau Front populaire qui fait le plus réagir : porter le smic à 1 600 euros net. Jean Pisani-Ferry, professeur d’économie à Sciences-Po et responsable du programme de la campagne d’Emmanuel Macron en 2017, et Michaël Zemmour, chercheur en économie à l’université Lumière-Lyon 2, en débattent devant les caméras du "Nouvel Obs".

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00:00Je pense qu'il faut être très précautionneux et de ce point de vue-là, le fait de dire le SMIC, on le porte tout de suite à 1600 euros net, c'est-à-dire quand même pas loin de 15% d'augmentation, sans indication de calendrier, je trouve que c'est assez imprudent.
00:16Je trouve que le SMIC à 1600 euros, c'est une vraie bonne question. Qu'est-ce que ça veut dire ? Comment on le met en œuvre ? Alors plusieurs éléments.
00:22D'abord, je pense que c'est effectivement plus réaliste de le voir avec un calendrier. Probablement, je ne sais pas, la moitié, par exemple, au départ, et avec un calendrier pour une deuxième moitié,
00:33voire en trois tranches sur, je ne sais pas, 18 mois, quelque chose comme ça. Pourquoi est-ce que c'est plus réaliste ? Pas d'abord pour une question de choc de coût, mais d'abord pour une raison
00:44que ce qui est envisagé, c'est quand même une redynamisation de l'ensemble des salaires. Il faut laisser le temps aux salaires au-dessus du SMIC d'être renégociés.
00:53Ça, c'est aussi une rupture avec toute la politique des années précédentes qui a visé à ce que les salaires n'augmentent pas. On met la prime Macron pour que les salaires n'augmentent pas, on gèle les points d'indice, etc.
01:02Donc, je pense effectivement qu'il faut un calendrier et que ça se passe suffisamment précis dans le problème du Nouveau Front populaire. En termes de coûts, il y a un paradoxe qui est presque amusant,
01:10parce que moi, je suis très critique des exonérations de cotisations sociales. Mais il se trouve qu'elles donnent un levier pour augmenter le SMIC parce que, en fait,
01:19quand on augmente le SMIC, le coût du travail au-dessus du SMIC baisse par un mécanisme un peu bizarre. C'est que les exonérations sur les salaires au-dessus du SMIC augmentent mécaniquement.
01:28Durablement, il ne faut pas faire ça parce que ça coûte.
01:32Si on augmente le SMIC, effectivement, on va rattraper, comme on a des exonérations qui sont en fonction du SMIC, on va rattraper des salaires qui ne bénéficient pas des allégements de cotisation.
01:48Donc, concrètement, ça veut dire que quelqu'un qui a 1,5 SMIC aujourd'hui sera un petit peu moins demain et que donc, en termes de coûts pour l'entreprise, ce qu'elle paye un peu plus d'un côté,
01:58elle le paye un peu moins de l'autre. Donc, ce n'est pas le seul mécanisme. Mais ça veut dire qu'en fait, pour les entreprises, ce n'est pas une hausse de 7% ou de 14%.
02:07En fait, c'est une hausse moindre qui est en partie amortie par les finances publiques. Dans les débats sur la hausse du SMIC, il y avait aussi les idées de caisse de péréquation pour certaines entreprises, etc.
02:17Mais ce que je veux dire, c'est que la question du coût du travail pour les entreprises, qu'il ne faut pas prendre à la légère, peut être pilotée.
02:23Et alors après, on peut regarder dans le passé. Au moment où on a baissé le coût du travail de 6% d'un coup en 2 ans, en fait, on n'a quasiment rien vu sur l'emploi.
02:31On n'a quasiment rien vu sur l'emploi à bas salaire. Donc ça, ça rend quand même assez confiant sur le fait que ce ne sont pas des chocs qui sont complètement surdimensionnés.
02:39Mais je vous rejoins sur le fait que moi, je ne crois pas à la version d'une augmentation du SMIC qui ne serait pas accompagnée d'un calendrier et accompagnée de mesures pour piloter ça dans l'ensemble de l'économie.
02:50La contrepartie de ce que vous dites sur le fait que les salaires au-dessus du SMIC, le coût du travail baisse, c'est quand même qu'il y a de plus en plus de gens qui sont au SMIC.
03:03Aujourd'hui, déjà, on a 17% des salariés qui sont au SMIC. On a un tassement de toute la hiérarchie des salaires.
03:13Et donc la mesure qui est inscrite dans le programme, c'est une mesure qui va encore une fois tasser la hiérarchie des salaires.
03:21Donc il faut accompagner ça de mesures, effectivement, pour stimuler des hausses de salaire au-dessus. Parce que sinon, c'est socialement une catastrophe parce que les gens ont le sentiment,
03:35même s'ils gagnent plus, ils ont le sentiment qu'en fait, ils sont déclassés parce qu'ils sont rattrapés par le SMIC.
03:42Donc l'incitation, par exemple, à la formation et toutes ces choses-là est très directement affectée.
03:49Je suis tout à fait d'accord. Pour moi, c'est un instrument de pilotage ou d'ambiance de la politique salariale.
03:55On a vraiment une politique de dépression salariale parce que c'est une stratégie économique.
04:00C'est-à-dire qu'on voulait non seulement baisser le coût du travail, mais on ne voulait pas que le rythme d'augmentation des salaires soit rapide.
04:05Et donc on a déployé tout un tas d'outils pour déprimer les salaires. Et le fait est que ça a marché parce que le SMIC a indexé.
04:11Les autres salaires ne sont pas. Ils se sont rapprochés. Et donc je suis d'accord avec vous.
04:15Que ça soit du côté du point d'indice qui concerne 20% des salariés quand même, que ça soit du côté du SMIC, que ça soit à mon avis du côté de la fiscalisation
04:23et la socialisation de la prime Macron, par exemple, des choses comme ça. Il faut mettre en œuvre tout un tas de mesures et mettre en œuvre des négociations salariales rapides
04:31pour qu'il y ait une vraie dynamique des salaires. Et donc le SMIC, c'est un outil dans cette direction-là.
04:38Si c'était le SMIC pour le SMIC, ce ne serait pas intéressant.

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