• il y a 6 mois
Bienvenue dans ce nouvel entretien historique en compagnie de Michel Thévenin, historien et doctorant à l’Université Laval de Québec. Il est spécialiste de la guerre de siège au 18e siècle, dont on va discuter maintenant. Il nous parlera notamment de l’évolution du siège moderne depuis la fin du Moyen Âge jusqu’au siècle des Lumières, mais surtout de son adaptation aux conflits américains. À quoi ressemblait un fort en Amérique du Nord à l’époque de la Guerre de Sept ans ? Quel était le rôle des ingénieurs ? Asseyez vous bien, car nous sommes partis pour deux heures d’entretien passionnant. Bonne écoute !

➤ Retrouvez le blog de Michel, "Tranchées et Tricornes" : https://micheltheveninhistorien.blogspot.com/

➤ Découvrez son livre : ““Changer le système de la guerre” : Le siège en Nouvelle-France, 1755-1760” : https://www.cultura.com/p-changer-le-systeme-de-la-guerre-le-siege-en-nouvelle-france-1755-1760-9782763752440.html

Montage par V pour Valentin : https://www.youtube.com/Salveus

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Transcription
00:00:00Mes chers camarades, bien le bonsoir, j'espère que ça gaze de votre côté, on se retrouve
00:00:06aujourd'hui pour un entretien histoire, ça va être long, ça va être bon, surtout
00:00:11qu'on a un interviewé de qualité aujourd'hui, Michel Thévenin, qui est historien et doctorant
00:00:17à l'université Laval de Québec, il a auparavant réalisé sa maîtrise, dont le
00:00:22mémoire a porté sur la guerre de siège en Amérique du Nord au XVIIIe siècle, et
00:00:26c'est principalement de ça dont on va parler ce soir.
00:00:30Il a d'ailleurs adapté en livre, en ce mémoire, changé le système de la guerre, le siège
00:00:34en Nouvelle-France, 1755-1760, qui a été publié en 2020, le livre a par la suite reçu
00:00:40plusieurs prix, d'abord le prix Vauban de la part de l'association Vauban en 2021,
00:00:44et puis plus récemment il a reçu aussi le prix Michel Brunet de la part de l'IAHAF,
00:00:49l'Institut d'Histoire de l'Amérique Française, il y a tout juste un mois, donc c'est tout
00:00:53récent le moment de cet enregistrement, ça fera un petit peu plus quand vous le verrez
00:00:56sur Youtube ou en podcast parce qu'on est absolument partout.
00:00:59En plus de ses recherches universitaires, Michel est aussi pourvu d'une autre casquette,
00:01:03celle de la vulgarisation historique, il a déjà écrit plusieurs scripts pour Nota
00:01:07Bene, comme les vidéos portant sur la guerre en dentelle ou le siège de Berghobsom, et
00:01:12d'autres sont à venir, petit spoiler.
00:01:13Il a aussi un blog qui s'appelle Tranché et Tricorne, où il parle de ses recherches
00:01:17et d'une manière plus générale de la guerre au XVIIIe siècle.
00:01:20Il poursuit aujourd'hui ses recherches en doctorat avec la thèse intitulée « Lorsque
00:01:24les lumières militaires franchissent l'Atlantique, les ingénieurs militaires en Nouvelle-France
00:01:28pendant la guerre de 100 ans ». Bonsoir Michel.
00:01:32Bonsoir, petite précision, c'est guerre de 7 ans et non de 100 ans.
00:01:37Pardon, guerre de 7 ans, j'étais encore en mode John Dark là, désolé.
00:01:41Michel, merci beaucoup d'avoir accepté ce soir cette invitation, donc on va parler
00:01:45de guerre de siège, de ce que c'est un siège.
00:01:49Avant toute chose, et avant même de rentrer dans le vif du sujet avec ce que c'est un
00:01:56siège, comment ça a évolué, tout ça, j'ai une question que j'aime bien poser
00:02:00aux invités pour que les gens se situent un petit peu.
00:02:03Comment est-ce que tu en es arrivé à t'intéresser à cette guerre de siège ?
00:02:07Vaste question.
00:02:09Aussi loin que je me souvienne, l'histoire c'est vraiment ma passion, c'est ma vocation
00:02:14depuis toujours, l'histoire militaire en particulier, mais dans ma jeunesse, dans
00:02:19mon enfance, adolescence, c'était vraiment plus le Moyen-Âge, c'était les chevaliers
00:02:23en armure, c'était les châteaux forts, déjà un peu de guerre de siège, mais vraiment
00:02:26plus le Moyen-Âge, à tel point que je refusais presque de m'intéresser aux autres périodes.
00:02:30Ça arrivait une fois de temps en temps que je lise un livre ou que je regarde un film
00:02:33sur une autre période, mais inévitablement je revenais sur le Moyen-Âge.
00:02:37Puis arrivé à l'adolescence, peut-être vers 14-15 ans, j'ai commencé un peu à
00:02:43saturer du Moyen-Âge, puis j'ai voulu regarder d'autres périodes.
00:02:47Et il y a un film en particulier qui m'a intéressé sur le XVIIIe siècle, c'est
00:02:52« Le Dernier des Mohicans » qui est en 1992, et c'est vraiment la guerre de sept
00:02:57ans en Amérique du Nord et même un siège d'un fort britannique.
00:03:01Puis que ce soit la musique, les paysages, ou même tout simplement quelque chose d'assez
00:03:08trivial comme les costumes de l'époque, ça m'a donné envie d'en apprendre un
00:03:12peu plus.
00:03:13Puis plus les années passaient, plus je me suis dit pourquoi pas s'intéresser vraiment
00:03:16plus au XVIIIe siècle en général, l'histoire militaire, mais vraiment plus spécifiquement
00:03:21la guerre de sept ans.
00:03:22Puis j'ai fait une licence en histoire à Lyon, une ville dont je suis originaire,
00:03:27et entre ma deuxième et troisième année, c'est à l'été 2013, je me suis dit tu
00:03:32vas faire de toi un adulte responsable, tu vas commencer à penser à la suite.
00:03:35C'est sûr, je veux continuer un deuxième cycle en histoire, mais est-ce que je reste
00:03:39à Lyon chez les parents, est-ce que je vais ailleurs en France ou est-ce que je tente
00:03:42l'étranger.
00:03:43Puis ça m'a pris quelques mois de réflexion, puis finalement je me suis dit avec les sujets
00:03:48qui m'intéressent, la guerre de sept ans, qui est donc une guerre mondiale avant l'heure,
00:03:52mais vraiment plus la partie nord-américaine qui m'intéresse, pourquoi pas tenter l'expérience
00:03:56au Québec, province du Canada que j'ai toujours voulu découvrir.
00:04:02Et les lieux sont ici, les spécialistes sont ici, donc finalement je suis allé m'inscrire
00:04:10à l'université Laval en 2014 et je n'avais pas encore de sujet au début, c'est vraiment
00:04:14en discutant avec mes directeurs de recherche qu'on s'est dit en fonction de ce qui reste
00:04:19à faire sur la guerre de sept ans, il y a plutôt tel avenu qui pourrait être intéressant
00:04:22ou plutôt tel autre sujet, parce qu'en fait ce qu'il faut savoir c'est que pour une maîtrise
00:04:26en histoire, donc l'équivalent d'un master en France, je ne suis pas obligé de faire
00:04:30quelque chose de neuf, on t'apprend le métier d'historien, on t'apprend à maîtriser le
00:04:35métier.
00:04:36Donc si tu peux apporter quelque chose de nouveau c'est très bien, mais c'est pas forcément
00:04:40une condition indispensable, alors que pour un doctorat c'est une condition, il faut que
00:04:45tu apportes une nouvelle pierre à l'édifice historiographique.
00:04:48Puis je ne sais plus lequel des deux de mes directeurs qui m'a dit qu'il n'y a rien qui
00:04:53avait été fait vraiment sur la guerre de sièges en Amérique pendant la guerre de sept
00:04:56ans.
00:04:57Il y avait quelques ouvrages localisés sur des sièges en particulier, mais jamais quelque
00:05:02chose qui avait été fait de manière synthétique et surtout en comparaison avec ce qui se faisait
00:05:07en Europe.
00:05:08Puisque la guerre de sept ans c'est une guerre où c'est des armées européennes qui viennent
00:05:12en Amérique.
00:05:13Donc c'est là que je me suis dit bah oui effectivement la guerre de sièges ça m'a
00:05:15toujours plus ou moins intéressé.
00:05:17Il y a le dernier des Mohicans qui m'a rappelé des bons souvenirs de scènes de sièges en
00:05:21Amérique pendant la guerre de sept ans, et je me suis dit bah c'est parti, c'est parti
00:05:25pour la guerre de sièges.
00:05:26Puis à la fin de ma maîtrise je me suis rendu compte que en restant dans le même domaine
00:05:31de la guerre de sièges, je peux aller explorer beaucoup plus loin avec les acteurs de la
00:05:34guerre de sièges qui sont les ingénieurs, on en reparlera tout à l'heure.
00:05:37Et alors, pour qu'on comprenne bien de quoi on parle, c'est quoi la guerre de sièges ?
00:05:41Et c'est quoi la guerre de sièges moderne ? Parce que le siège, tu vois moi j'ai aussi
00:05:48un peu vagabondé dans l'histoire sur pas mal de sujets, les sièges c'est pas à nouveau,
00:05:52ça date de l'antiquité ?
00:05:53En effet le siège c'est en fait, c'est tout simplement attaquer ou défendre une position
00:05:59fortifiée.
00:06:00Donc il y a vraiment, selon les époques, selon les lieux, puis même au sein d'une
00:06:04époque et d'un lieu, parfois les définitions peuvent être un peu divergentes selon le
00:06:08caractère plus ou moins inclusif dans les termes des auteurs, ça peut aller de la simple
00:06:13maison fortifiée, une maison en pierre avec deux, trois bouts de palissades autour, c'est
00:06:18une fortification, donc la défendre ou l'attaquer ça rentre dans la guerre de sièges.
00:06:22Ou ça peut aller aux très puissantes forteresses européennes du 18e siècle, c'est vraiment
00:06:26très variable, mais c'est vraiment le concept de la guerre de sièges, c'est attaquer ou
00:06:30défendre une position fortifiée pour s'en rendre maître ou empêcher qu'un assiégeant
00:06:34s'en rende remettre.
00:06:35Alors est-ce qu'il y a eu une rupture à un moment donné ? Tu travailles sur le siège
00:06:40dit moderne ?
00:06:41Tout à fait oui.
00:06:42Qu'est-ce que c'est et pourquoi il y a un moderne et c'est quoi avant c'est un ancien
00:06:47?
00:06:48Il y a eu effectivement une sorte, pas une rupture dans le sens c'est arrivé du jour
00:06:52au lendemain, paf on passe à autre chose, c'est un processus comme tous ces phénomènes
00:06:56de rupture en histoire, c'est sur plusieurs décennies que ça s'étend, ça c'est vraiment
00:07:00à la fin du Moyen-Âge et au début de la Renaissance, on a la démocratisation des
00:07:05armes à feu, la poudre explosive qui est utilisée de plus en plus de manière militaire.
00:07:09Donc là on a vraiment une prise de conscience en Europe que l'armement offensif est devenu
00:07:17beaucoup trop puissant pour les systèmes de fortification qu'on a à cette époque,
00:07:21ce sont les châteaux forts, c'est les murailles très hautes, très fines, qui sont prévues
00:07:27pour résister à des catapultes, à de la machinerie de siège qui envoie des pierres
00:07:31et surtout pour résister à une escalade avec des grappins, avec des échelles.
00:07:36Ici, à partir des années 14-150, on se rend compte que les armes à feu qui sont donc
00:07:42de plus en plus nombreuses sur les champs de bataille et les sièges, ils projettent
00:07:46d'abord des projectiles de pierre puis ensuite de fonte, ça rentre comme dans du beurre dans
00:07:52ces fortifications médiévales, donc il y a vraiment besoin de repenser différemment
00:07:57le système de fortification, parce que oui en fait c'est tout un processus de surenchère
00:08:01pendant plusieurs centaines d'années, chaque fois qu'on se protège un petit peu mieux,
00:08:05on va inventer une technique pour attaquer un peu plus efficacement, mais à partir du
00:08:09moment où l'attaque devient plus efficace, les défenseurs font une nouvelle fortification.
00:08:13Donc ça c'est vraiment les années 14-150, 14-20 à peu près que c'est le début de
00:08:17cette réflexion, puis ça s'étend jusqu'à après l'époque napoléonienne.
00:08:21Alors concrètement, c'est quoi ces armes ? On imagine des gros canons ? Est-ce qu'il
00:08:27y a ça ou est-ce qu'il y a autre chose ?
00:08:29On est dans une période 14-150 à 15-100, 15-120 à peu près, ou plus de 15-100, on
00:08:35a une cohabitation des anciennes armes de siège, les catapultes, les trébuchets, les
00:08:41balistes, tout ce que tu veux, et les armes à feu.
00:08:44Donc il y a profusion de termes pour l'époque, selon le calibre, selon la taille, couleuverine,
00:08:50c'est le premier mot qui me vient à la tête, mais il y en a plein, selon le calibre, selon
00:08:55la taille, selon la puissance de feu.
00:08:58Donc c'est vraiment une cohabitation qui fait que oui, on a encore l'usage des armes
00:09:02médiévales, des armes de siège médiévales, les catapultes, les trébuchets, mais on a
00:09:06aussi cette artillerie à poudre qui devient technologiquement beaucoup trop puissante
00:09:14pour ce qu'on a à l'époque pour la contrer.
00:09:16Je ne suis pas un expert des armements, ni au Moyen-Âge, ni par après, ça va à peu
00:09:22près s'arrêter là pour cette question d'armement, mais on a effectivement cette
00:09:25cohabitation pendant quelques décennies d'un armement plus médiéval, mais avec quand
00:09:29même les premières armes à feu, et qui sont très grosses pour les gros canons ottomans
00:09:36par exemple, qui prennent Constantinople en 1453, c'est des monstres, c'est gigantesque,
00:09:42c'est pas transportable, c'est ça.
00:09:45Et du coup, quelle est la première réaction quand un château fort ne suffit plus ? Comment
00:09:52on fait pour s'en protéger ?
00:09:53On prie, on prie, puis je n'aurai pas de réponse magique à donner là dans les faits
00:10:00comment ça se passe quand un château n'est plus efficace, c'est vraiment des experts
00:10:05à l'époque qui vont commencer à réfléchir à une nouvelle méthode de fortification,
00:10:10et ça c'est les experts, c'est les Italiens, parce que l'Italie est un terreau fertile
00:10:15pour les guerres entre les princes italiens, l'Italie est vraiment morcelée entre beaucoup
00:10:19d'états qui se font la guerre quasiment constamment, et l'Italie étant aussi plus avancée technologiquement
00:10:27avec la renaissance italienne qui est plus tôt que le reste de l'Europe, ça rentre
00:10:32aussi dans tout ce contexte-là de foisonnement intellectuel, aussi dans le cadre de la guerre,
00:10:38et donc c'est les ingénieurs, les ingénieurs italiens qui vont réfléchir à une nouvelle
00:10:44méthode de fortifier.
00:10:45Tu en as à quelques-uns des ingénieurs célèbres, parce que faire chez moi, je suis de Touraine
00:10:50bien sûr, vous le savez, pour ceux qui regardent l'émission, et il y a un gars un peu célèbre
00:10:54enterré pas très très loin de chez moi en Boise par exemple, qui pourrait faire partie
00:10:57de cette clique d'ingénieurs ?
00:11:00Il y a effectivement un exemple très peu connu comme ingénieur, mais très connu pour
00:11:06tout le reste, Léonard de Vinci.
00:11:09Léonard de Vinci, c'est avant d'être un artiste, avant d'être un peintre, un sculpteur,
00:11:14tout ce que tu veux dans les domaines de l'art, c'est avant tout un ingénieur parmi…
00:11:19Il commence sa carrière en envoyant, c'est au début des années 1480, il envoie une lettre
00:11:24au duc de Milan, qui est un des principaux princes italiens, pour lui dire « vous êtes
00:11:28en guerre contre vos voisins, moi jeune ingénieur, je peux vous proposer telle machine, telle
00:11:33machine que mes concurrents ne feront pas pour aller embêter vos voisins ».
00:11:37Il y a certains ingénieurs qui sont plus liés à la fortification, Léonard de Vinci
00:11:41lui est plus lié à l'armement, mais c'est vraiment tout un groupe de plusieurs dizaines
00:11:46d'individus, de toutes les principautés, de tous les états italiens, qui ont vraiment
00:11:50cette compétence pour penser des nouveaux systèmes de fortification, ou des nouvelles
00:11:54machines plus efficaces que celles qu'on a déjà, quand on ne touche pas trop à la
00:11:59poudre explosive, on peut essayer d'améliorer les machines qu'on a déjà, les dernières
00:12:04machines médiévales, catapultes et autres, ces ingénieurs sont ceux qui les conçoivent,
00:12:08mais aussi ceux pour plusieurs qui vont concevoir les fortifications à défendre ou à attaquer
00:12:14en fonction.
00:12:15Et alors du coup, on peut imaginer qu'il y a une concurrence, est-ce qu'il y a des
00:12:21tentatives de soudoiement d'ingénieurs, de choses comme ça ?
00:12:25Mais c'est des mercenaires comme des autres, c'est des mercenaires non militaires dans
00:12:29le sens que ce sont apparemment des hommes de guerre, ces ingénieurs, ce sont avant
00:12:33tout des savants, des techniciens, des artisans même parfois, donc c'est du mercenariat
00:12:41intellectuel pour la guerre, donc oui il y a tout à fait tentative de soudoiement de
00:12:46la part des uns et des autres, je n'ai pas d'exemple en particulier d'un ingénieur
00:12:49connu pour avoir passé de tel prince à tel autre, mais quand les nations européennes
00:12:56vont se battre en Italie, donc ça c'est vraiment plus les années 1490 et après,
00:13:01François 1er quand il ramène Léonard de Vinci en France, oui c'est pour ses talents
00:13:05artistiques et autres, mais c'est aussi parce que c'est un ingénieur et donc tous ces
00:13:10ingénieurs italiens vont s'exporter à travers l'Europe au gré des différents monarques
00:13:13européens qui viennent se battre en Italie et qui découvrent cette nouvelle expertise
00:13:17qu'il n'y avait pas dans leur pays.
00:13:18Justement tu nous parles d'ingénieurs qui sont spécialisés sur l'offensif, l'artillerie
00:13:24et d'autres qui sont plus spécialisés sur la protection, l'architecture, à ce moment-là
00:13:29est-ce qu'on voit l'apparition de nouvelles formes de protection architecturale ?
00:13:35Tout à fait, déjà il y a effectivement une concurrence entre les ingénieurs qui
00:13:41créent les machines et ceux qui créent plutôt les fortifications, c'est de plus en plus
00:13:45rare ceux qui réussissent à cumuler les deux fonctions, donc c'est là qu'on a vraiment
00:13:49la distinction qui se fait entre artillerie, artilleurs et ingénieurs.
00:13:52Les artilleurs c'est donc ceux qui vont apprendre à maîtriser l'artillerie à poudre notamment
00:14:00et ça c'est vraiment une distinction qui se fait de plus en plus en Italie et partout
00:14:03en Europe au début du 16e siècle, mais ceux qui vont se spécialiser plus sur la fortification
00:14:08ils vont créer donc un tout nouveau système de fortification, donc les premières occurrences
00:14:12c'est peut-être les années 1480-1990 pour les tout débuts, puis c'est vraiment plus
00:14:17dans les années 1510-1520 que c'est théorisé, que c'est mis à l'échelle de toute l'Italie,
00:14:23c'est ce qu'on appelle au début la trace italienne du nom de ces experts italiens,
00:14:27et en fait la trace italienne qui devient très vite fortification bastionnée, qu'est-ce que c'est ?
00:14:32C'est le principe de, au lieu d'avoir des fortifications très hautes et très fines,
00:14:37on va les épaissir et on va les enterrer, on va les abaisser au maximum pour offrir
00:14:42le moins de prises aux projectiles de l'assiégeant, et surtout on va essayer d'échelonner
00:14:48les différentes fortifications pour faire plusieurs vagues de fortifications on pourrait dire,
00:14:55pour rendre la tâche de plus en plus difficile, mais la grosse différence avec par exemple
00:14:59le Moyen-Âge, oui c'est le fait que les fortifications s'abaissent considérablement
00:15:03et s'épaississent, aussi avec une utilisation de plus en plus de la terre,
00:15:08qui est un matériau extrêmement solide face aux chocs, y compris de l'artillerie à poudre.
00:15:12Cette propagation des nouveaux modèles de fortifications, elle se fait,
00:15:18comme tu l'as dit tout à l'heure, de manière progressive, ça va se répandre dans toute l'Europe
00:15:23et après ailleurs du coup j'imagine, mais sur combien de temps ?
00:15:27C'est variable selon les pays effectivement, la France est un des premiers États à avoir
00:15:35été confronté à ce type de nouvelles fortifications, puisque les monarques français,
00:15:39c'est à partir de 1494 qu'ils vont se battre en Italie, jusqu'à peu près 1560,
00:15:44donc très vite, c'est Charles VIII, puis après Louis XII, puis François Ier,
00:15:49très vite ils vont être confrontés à ce nouveau système de fortification,
00:15:53la trace italienne, la fortification bastionnée, donc ils ramènent des ingénieurs avec eux.
00:15:57Quels sont leurs adversaires à l'époque ? C'est essentiellement les Espagnols,
00:16:01ou les impériaux qui sont avec Charles V, c'est un peu les mêmes on va dire, ou presque,
00:16:06donc c'est l'Espagne, la France, toutes les possessions des Habsbourg,
00:16:11donc aussi un peu de l'Allemagne et les Pays-Bas,
00:16:14donc il y a vraiment une appropriation locale de ces savoirs, de ces expertises,
00:16:21dans des pays, principalement la France, l'Espagne, les Pays-Bas, l'Allemagne,
00:16:25c'est un peu plus tardif pour la Scandinavie, pour l'Angleterre,
00:16:28l'Angleterre étant une île, c'est toujours un petit peu plus, comment dire,
00:16:33ils sont un petit peu en retard, sachant qu'eux ne sont pas vraiment allés se battre en Italie,
00:16:37c'est plus par après, plus au milieu du XVIe siècle,
00:16:42que les Anglais peuvent être confrontés à ce type de nouvelle fortification.
00:16:46Mais là aussi, on y est confronté, mais ça ne veut pas dire qu'on l'adopte tout de suite,
00:16:51y compris en France, qui est un des premiers pays à avoir adopté cette nouvelle fortification,
00:16:56même dans les années 1550-1560, on continue à construire des nouvelles fortifications de ville
00:17:02à la méthode médiévale. Donc il y a vraiment une adaptation très lente,
00:17:06sur peut-être 40-50 ans, avant que ça soit vraiment la fortification bastionnée,
00:17:11qui soit la seule façon de faire en France ou en Espagne, par exemple.
00:17:16Mais parce qu'on n'a pas les moyens ou parce qu'on n'a pas le savoir ?
00:17:19Parce que j'imagine que ça coûte quand même plus cher de faire des murs plus épais ?
00:17:22Ça coûte plus cher, donc on n'a pas les moyens, on n'a pas le savoir,
00:17:25parce que c'est principalement les Italiens qui ont cette expertise.
00:17:28Donc il faut trouver un bon ingénieur italien, il faut le convaincre de venir pour nous.
00:17:33Mais il y a aussi le fait qu'il y a des réticences locales.
00:17:36De plus en plus, le roi essaye d'imposer, notamment en France, sa volonté royale sur tout son territoire,
00:17:44et les fortifications sont vues comme un outil du pouvoir royal.
00:17:48Il y a très souvent des réticences locales, surtout en France, c'est le contexte des guerres de religion,
00:17:53où juste avant, les débuts des tensions,
00:17:56ce qui fait que certaines villes voient la volonté d'imposer de nouvelles fortifications par le roi
00:18:02comme un acte presque de tyrannie.
00:18:05Donc il y a vraiment des réticences locales.
00:18:07On veut continuer à faire à nos méthodes, un, parce que ça nous fait travailler entre nous,
00:18:11donc c'est aussi une question un peu de copinage à droite à gauche,
00:18:14on va privilégier nos architectes à nous qu'on connaît,
00:18:17plutôt que l'ingénieur italien embauché par le roi qui veut nous dire comment faire.
00:18:21Donc il y a vraiment un manque de matériaux, un manque de moyens, un manque de savoir,
00:18:26et aussi des réticences locales, un peu de défiance vis-à-vis du pouvoir du roi.
00:18:30Ce qui me rend un peu curieux, c'est que, par exemple, quand on parle de mode,
00:18:35chaque pays a un petit peu sa mode, propre à ses coutumes, pareil pour les traditions.
00:18:39Est-ce que là aussi, on va avoir des spécificités par pays ?
00:18:43Est-ce que les différents bassins géographiques vont s'approprier justement
00:18:46ces nouvelles méthodes de construction de bastions ?
00:18:52Tout à fait, il y a vraiment des spécificités locales.
00:18:55Les Pays-Bas, par exemple, c'est le meilleur exemple pour montrer les spécificités,
00:19:00puisque les Pays-Bas étant en dessous du niveau de la mer,
00:19:03ils utilisent énormément des fortifications qui permettent d'inonder le pays.
00:19:07C'est-à-dire, oui, il y a toute la fortification bastionnée et autres,
00:19:10mais il y a beaucoup plus de fossés secs dans les Pays-Bas pour qu'on puisse,
00:19:15un peu par surprise, pouvoir les remplir d'eau avec des systèmes d'écluse,
00:19:21de digues et autres, qu'on peut inonder le pays.
00:19:23Puis ça, c'est une stratégie qui marche vraiment très bien aux Pays-Bas,
00:19:26parce que, que ce soit dans leur révolte contre les Espagnols dans les années 1580,
00:19:30ou un siècle plus tard contre les Français, on inonde le pays,
00:19:33ça noie littéralement les efforts des assiégeants.
00:19:37Les Hollandais se spécifient vraiment sur les fortifications plus aquatiques
00:19:42ou qui permettent l'usage de l'eau, alors que les Français resteront plus
00:19:47sur un modèle plus proche du modèle italien.
00:19:50Mais ce qu'il faut savoir, effectivement, c'est que ces ingénieurs italiens
00:19:53vont être un peu victimes de leur succès, dans le sens qu'ils vont former
00:19:58des ingénieurs locaux dans les pays où ils sont embauchés par les différents monarques,
00:20:03en France par exemple, et ce qui fait qu'à terme, dans les années 1560,
00:20:081570, 1580 et après, c'est les ingénieurs locaux qui acquièrent cette expertise,
00:20:13qui la transforment, qui l'adaptent à leur propre terrain,
00:20:16et donc les ingénieurs italiens perdent leur utilité.
00:20:19Ce qui fait qu'il y a des écoles locales de fortification qui se créent.
00:20:22Les Hollandais, justement, qui utilisent énormément les systèmes d'écluse,
00:20:25de digues et autres, ils n'ont pas appris ça des Italiens.
00:20:28Ils l'ont adapté par eux-mêmes en fonction de leur propre réalité.
00:20:32Ce qui fait que jusqu'au milieu du XVIe siècle, c'est vraiment les Italiens
00:20:36qui sont les experts, qui sont ceux recherchés partout en Europe.
00:20:40Après les années 1560-1570, les Italiens ont presque plus d'utilité
00:20:45comme ingénieurs, ce qui fait que c'est plus les Français, les Hollandais,
00:20:49les Allemands qui prennent cette expertise, avec quelques petites spécificités locales.
00:20:53On parle, Gaël, de siège, on parle d'adaptation, on parle de français,
00:20:59on parle de fortification, ça commence à faire tout un tas de mots
00:21:02qui orientent vers un gros bingo qu'on appelle Vauban.
00:21:06Est-ce que tu peux nous en toucher deux mots ?
00:21:09Tout à fait, Vauban, c'est le nom qui vient à l'esprit quand on parle de fortification en France
00:21:13parce qu'il y a énormément de patrimoine militaire français encore debout
00:21:20qui est issu de Vauban.
00:21:22On dit que Vauban a soit créé, soit fortifié des villes.
00:21:26C'est à peu près 200 places fortes sur lesquelles il a travaillé
00:21:29ou que ses disciples ont travaillé, ce qui fait que le poids de Vauban est immense
00:21:33dans le patrimoine militaire français et dans ce qui a survécu jusqu'à aujourd'hui.
00:21:37Ce qui fait qu'effectivement, Vauban, c'est un peu...
00:21:39On parle toujours de fort à la Vauban, de système à la Vauban
00:21:42pour ses fortifications bastionnées, alors que Vauban, c'est une étape
00:21:45dans un processus qui a commencé 150 ans avant lui
00:21:48et qui se termine à peu près 150 ans après.
00:21:51Vauban, ce n'est pas un ingénieur à l'origine.
00:21:54Lui, il est plus dans l'infanterie, la cavalerie, dans les autres armes,
00:21:58mais il s'intéresse effectivement au génie, aux fortifications.
00:22:02Donc, par manque d'hommes sur place, il est appelé à travailler comme ingénieur
00:22:07et finalement, il devient l'autorité morale des ingénieurs de Louis XIV.
00:22:11Vauban, lui, c'est vraiment l'héritier de cette école française de fortification
00:22:14qui voit le jour à peu près pendant les guerres de religion.
00:22:18Donc, aux alentours des années 1570-80, on a des ingénieurs français
00:22:22comme Jean Erard, par exemple, qui va fortifier plusieurs places en Picardie.
00:22:26Lui, il va commencer à théoriser une école française de fortification.
00:22:31On a après ses successeurs, par exemple, Antoine de Ville,
00:22:35plus sous le règne de Louis XIII.
00:22:37Vauban est un peu la troisième génération de cette école française de fortification.
00:22:41Donc, il s'inscrit dans un processus français, lui-même inscrit
00:22:45dans un processus européen issu de l'Italie.
00:22:48Vauban, il va avoir énormément de succès parce que c'est un homme
00:22:52qui sait très bien se vendre, c'est un homme qui sait compter sur des bons réseaux
00:22:56et qui, en plus, a des talents très certains.
00:22:59Donc, il va réussir à gravir les échelons parmi les ingénieurs
00:23:03pour arriver au poste presque de maître des ingénieurs.
00:23:07Il est en concurrence avec un de ses anciens maîtres, justement,
00:23:11mais très vite, il va le supplanter, puis il va acquérir des commandes de chantier,
00:23:15par exemple, la citadelle de Lille en 1667,
00:23:18qui est une des perles de fortification de l'Europe à cette époque.
00:23:22C'est Vauban qui l'a fait, mais il va aussi être mis à contribution
00:23:27pour, non seulement, fortifier le royaume, essayer d'uniformiser les frontières
00:23:31avec ce qu'on appelle le précaré français,
00:23:35mais il va aussi être mis à contribution pour les guerres offensives de Louis XIV.
00:23:39On sait que Louis XIV a des fortes volontés d'expansion.
00:23:43Ça passe nécessairement par attaquer les villes ennemies,
00:23:47notamment dans tous les Pays-Bas, ce qu'on appelait les Pays-Bas espagnols à l'époque,
00:23:50donc c'est l'actuel Belgique, qui est truffé de forteresses de partout.
00:23:54Vauban va acquérir cette expertise, à la fois dans la fortification,
00:23:59mais plus encore dans l'attaque et la défense des places fortes.
00:24:03C'est rigolo, d'ailleurs, parce que c'est sous Louis XIV
00:24:06qu'il y a cette impulsion de construction.
00:24:08En même temps, par exemple, en Alsace, on avait fait un reportage là-dessus.
00:24:12Il y a un nombre de forteresses médiévales absolument incroyables
00:24:15qui a été rasé sous les ordres de Louis XIV.
00:24:19C'est assez fou.
00:24:22Si ces fortifications marchaient si bien,
00:24:28est-ce qu'à un moment donné, on ne les a pas délaissées, elles aussi ?
00:24:32On les a délaissées dans le sens qu'on n'a pas forcément cherché à faire mieux.
00:24:36On a surtout cherché à garder ce qu'on avait de bien.
00:24:39Vauban, c'est aussi quelque chose qui est constant dans ma recherche de thèse
00:24:44sur les ingénieurs, c'est que Vauban aura un tel impact en France,
00:24:49puis par après en Europe, parce que les guerres de Louis XIV
00:24:52ont exporté les modèles militaires français à l'échelle européenne,
00:24:56qu'il y a eu une sorte de vénération pour Vauban en France,
00:25:00qui est d'ailleurs encore un peu présente, plus ou moins dans l'historiographie,
00:25:04mais surtout dans le public.
00:25:06Ce qui fait que les ingénieurs français du XVIIIe siècle,
00:25:08les successeurs de Vauban, ont une sorte de vénération
00:25:11sans contestation possible de Vauban.
00:25:14Ce qui fait que lui a moins théorisé sur la fortification
00:25:18que sur l'attaque des places, parce que lui-même disait
00:25:20que la fortification n'est pas forcément le meilleur moyen.
00:25:24Ce n'est pas là où on peut théoriser le plus facilement,
00:25:27parce qu'il y a beaucoup trop de contraintes et d'adaptations au terrain
00:25:30qui sont à prendre en compte.
00:25:32Par contre, il a pu proposer un modèle théorique d'attaque de ses places.
00:25:36Ce qui fait qu'on n'a pas trop cherché à aller au-delà de ce que lui avait fait.
00:25:41On a surtout cherché, ne serait-ce que par respect un peu pour le grand maître
00:25:45qu'il était, à améliorer juste quelques petits points de détail
00:25:50qui nécessitaient l'amélioration, mais on n'a pas cherché
00:25:53à aller plus loin que ce que faisait Vauban.
00:25:55On n'a plus cherché à améliorer, accélérer ses méthodes d'attaque
00:26:04pour les rendre encore plus efficaces.
00:26:06Mais pour les fortifications en elles-mêmes, elles ont été délaissées, oui,
00:26:09parce qu'elles n'ont pas suivi l'évolution technologique de l'artillerie.
00:26:12Mais elles n'ont pas été délaissées dans le sens que
00:26:16on avait tellement atteint un niveau de perfection, selon eux,
00:26:20qu'il n'y avait pas nécessité d'aller plus loin.
00:26:22– Du coup, après Napoléon ou durant Napoléon,
00:26:26c'est toujours des trucs qui sont un peu utilisés quand même ?
00:26:28– Tout à fait, c'est vraiment la période napoléonienne
00:26:30qui vient sonner le glas de ce système bastionné,
00:26:34tout simplement parce que c'est un peu un retour en arrière de 300 ans.
00:26:37L'artillerie est devenue tellement puissante, tellement forte
00:26:41que les fortifications ne suivent plus.
00:26:44C'est pendant 300 ans un système de surenchère,
00:26:46donc à chaque fois que l'artillerie est plus forte,
00:26:49on va penser à une fortification meilleure.
00:26:51Les Français s'arrêtent à un certain niveau de fortification,
00:26:54les Européens continuent un peu à améliorer localement,
00:26:58mais avec Napoléon, on se rend compte que l'artillerie a définitivement pris le dessus.
00:27:02Donc, on se remet sur la planche de travail
00:27:06et on repense un nouveau système de fortification
00:27:08qui garde certaines caractéristiques de la fortification bastionnée,
00:27:13mais ce sera plus des forts en pentagone.
00:27:16On va aussi de plus en plus utiliser le béton au courant du XIXe siècle
00:27:20et c'est un système qui va durer jusqu'à 1914,
00:27:23où là encore, l'artillerie est trop puissante,
00:27:25donc on va repenser un nouveau système de fortification.
00:27:27Mais le dernier siège à la Vauban,
00:27:30selon ce système sur des fortifications bastionnées,
00:27:33avec les méthodes d'attaque de Vauban,
00:27:35c'est dans les années 1830,
00:27:36pendant la guerre entre la Belgique et les Pays-Bas.
00:27:39Alors, toi, tu es plus spécialisé sur le théâtre américain,
00:27:44donc sur la garde de siège nord-américaine,
00:27:47on va dire 18e.
00:27:50Peut-être qu'avant d'enchaîner là-dessus,
00:27:53en plus, tu nous parlais tout à l'heure du Dernier des Mohicans,
00:27:56c'est un très bon film, franchement, si vous ne l'avez pas vu, foncez,
00:27:58parce que c'est vraiment génial.
00:27:59En plus, il a 30 ans cette année.
00:28:00Peut-être que tu peux nous faire un petit point
00:28:03sur comment justement ces techniques de guerre
00:28:08se sont exportées en Amérique du Nord,
00:28:10quel est le contexte aussi peut-être un peu politique et guerrier
00:28:15au XVIIIe siècle en Amérique du Nord,
00:28:17histoire qu'on y voit un petit peu plus clair
00:28:18avant de rentrer dans le vif du sujet et de parler boum boum.
00:28:21Alors, pour l'Amérique du Nord,
00:28:23on va prendre une définition un peu plus exclusive de l'Amérique du Nord,
00:28:28on va enlever le Mexique.
00:28:29On va garder juste les actuelles États-Unis et Canada.
00:28:33Quelles sont les nations européennes qui sont présentes
00:28:36sur l'équivalent de ces deux pays actuels ?
00:28:38C'est l'Espagne avec l'équivalent du Texas actuel et la Floride.
00:28:44C'est la Grande-Bretagne avec la bande des 13 colonies,
00:28:48ça va en gros de l'actuelle Géorgie à la frontière canadienne.
00:28:52L'État du Maine.
00:28:53Et c'est bien évidemment la France avec la Nouvelle-France
00:28:57qui est un très vaste territoire, dans les faits très peu contrôlé
00:29:01puisque le peuplement français est vraiment infime.
00:29:05C'est peut-être 70 000 Français, des colons français
00:29:08qui sont établis sur l'ensemble du territoire.
00:29:10Donc, c'est plus une zone d'influence française
00:29:12qu'un véritable territoire français.
00:29:14Mais ça va du golfe du Saint-Laurent jusqu'au golfe du Mississippi
00:29:19en passant par les Grands Lacs, la Louisiane.
00:29:22Donc, c'est vraiment un territoire immense à gérer
00:29:25avec énormément de liens, d'alliances avec les nations autochtones
00:29:31présentes sur place.
00:29:32Donc, c'est vraiment le contexte où on a d'un côté la France et l'Espagne
00:29:36puisque depuis le règne de Louis XIV, depuis les années 1700,
00:29:39l'Espagne est alliée à la France puisque c'est le petit-fils de Louis XIV
00:29:43qui est monté sur le trône d'Espagne en 1701.
00:29:45Donc, on a d'un côté l'Espagne et la France contre l'Angleterre,
00:29:50la Grande-Bretagne plus exactement.
00:29:52Donc, ça, c'est pour le contexte géopolitique de base,
00:29:56les puissances européennes sur place.
00:30:00Mais c'est terriblement déséquilibré puisque les 13 colonies britanniques,
00:30:04en 1755, c'est à peu près 1,5 million d'habitants
00:30:08contre 70 000 colons français.
00:30:11Donc, le rapport de force n'est pas du tout le même.
00:30:13Mais pendant très longtemps, pendant à peu près 150 ans,
00:30:15la Nouvelle-France était capable de contrarier très sérieusement les Britanniques
00:30:19du fait des alliances autochtones.
00:30:22C'était une petite guérilla, en fait, des raids très dévastateurs
00:30:28sur les frontières pour empêcher l'expansion des Britanniques.
00:30:31Et donc, ça, ça a mené à la guerre de Sept Ans, du coup ?
00:30:35Tout à fait. C'est vraiment la volonté d'expansion des Britanniques vers l'Ouest.
00:30:39Il y avait un peu la barrière de la chaîne des montagnes des Appalaches
00:30:42qui empêchait les Anglais d'aller vers l'Ouest.
00:30:45Et comme j'ai dit, ils étaient 1,5 million en 1755.
00:30:49Ils étaient à l'étroit sur la côte atlantique.
00:30:52Donc, ils voulaient vraiment aller explorer l'Ouest,
00:30:55aussi commercer avec les nations autochtones plus à l'Ouest.
00:30:58Et évidemment, les Français ne se laissent pas faire.
00:31:01Donc, il y a un temps de paix.
00:31:04C'est une paix armée, en fait, entre 1748 et 1755
00:31:08puisque, après la guerre de succession d'Autriche qui termine en 1748,
00:31:12on décide de créer une commission à Paris,
00:31:16une commission franco-anglaise,
00:31:18pour justement régler les différents territoriaux en Amérique du Nord.
00:31:21La question des frontières n'est pas tout à fait précise.
00:31:24La question des frontières est vraiment extrêmement disputée
00:31:27par les Français et les Anglais,
00:31:29qui chacun revendiquent tel ou tel parti.
00:31:31Donc, on a une commission diplomatique qui se fait pendant à peu près 5 ans,
00:31:34qui ne donne absolument aucun résultat d'ailleurs.
00:31:37C'est argument contre argument.
00:31:39Mais pendant ce temps-là, sur le terrain en Amérique,
00:31:42les tensions restent très présentes.
00:31:44Donc, il y a d'un côté une guerre entre les Britanniques
00:31:47et une nation autochtone.
00:31:49Donc, c'est l'actuel Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse.
00:31:52C'est l'Acadie à l'époque.
00:31:54Donc, c'est les provinces atlantiques du Canada actuel.
00:31:57C'est les Mi'kmaq qui, eux, sont encouragés par les Français
00:32:01pour combattre les Britanniques.
00:32:03La France et l'Angleterre sont en paix.
00:32:05Ils ne veulent pas officiellement se battre contre les Anglais.
00:32:07Mais par contre, eux sont en guerre contre nos alliés autochtones.
00:32:10On va donc les encourager tout naturellement.
00:32:12Évidemment, les Anglais n'aiment pas du tout.
00:32:14Puis, un peu plus à l'ouest, dans l'actuel Pennsylvanie,
00:32:18il y a la région du fleuve Ohio,
00:32:22qui est une région très importante stratégiquement,
00:32:25puisque c'est le point de passage vers l'ouest,
00:32:28vers la Louisiane, depuis le Canada.
00:32:30Donc, ça, c'est une zone qui n'est pas encore très bien contrôlée par la France,
00:32:33notamment du fait qu'il y a des nations autochtones qui sont neutres,
00:32:37voire hostiles à la France dans le coin.
00:32:39Ce qui fait que les Français revendiquent la souveraineté,
00:32:42mais ne l'ont pas officiellement.
00:32:44Donc, au début des années 1750, ils décident de franchir le pas,
00:32:47puis d'aller construire des forts dans la région
00:32:50pour affirmer leur souveraineté.
00:32:52Donc, c'est au niveau du lac Erier,
00:32:54jusqu'à peu près l'actuelle ville de Pittsburgh, en Pennsylvanie.
00:32:58Et là, ils rencontrent des marchands anglais
00:33:01qui sont déjà installés, qui commencent déjà à installer des comptoirs.
00:33:04Puis là, oui, mais vous ne pouvez pas être ici,
00:33:07puisque c'est notre territoire.
00:33:08Oui, mais non, ce n'est absolument pas réglé.
00:33:10On a le droit d'y être tant que la commission à Paris
00:33:12n'a pas réglé ces différents territoriaux.
00:33:15Évidemment, les tensions montent, les tensions montent,
00:33:17jusqu'à ce qu'en 1754, il y a une compagnie qui est créée en Virginie
00:33:23pour l'exploitation de l'Ohio,
00:33:26qui est notamment le frère de George Washington,
00:33:29est un des actionnaires de cette compagnie.
00:33:32Le jeune George Washington, qui a 22 ans à l'époque,
00:33:35est colonel de milice dans la milice virginienne.
00:33:38Il est envoyé en Ohio pour prendre possession
00:33:42et éventuellement virer les Français qui sont là.
00:33:44Les Français réagissent et décident d'envoyer
00:33:47une petite troupe diplomatique,
00:33:50une petite troupe armée avec un message diplomatique
00:33:53pour dire « on vous somme de partir des terres du roi de France ».
00:33:57C'est un petit peu trouble ce qui se passe exactement.
00:34:00Est-ce que c'est les Français qui ont tiré les premiers ?
00:34:02Est-ce que c'est les Anglais qui ont tendu une embuscade ?
00:34:04Ce n'est pas tout à fait réglé.
00:34:05Mais le fait est que le diplomate français est assassiné
00:34:09pendant une attaque par la milice virginienne
00:34:12avec des alliés britanniques.
00:34:15Là, c'est vraiment l'étincelle qui met le feu aux poudres.
00:34:18On arrive quasiment à un point de non-retour.
00:34:20Il y a une mission de représailles qui est faite
00:34:22par un des frères de l'officier tué.
00:34:25Washington, c'est le seul endroit où il capitule
00:34:27de toute sa carrière militaire.
00:34:30Oui et non, mais c'est une petite mission de représailles
00:34:34qui fait qu'on commence à s'armer de plus en plus.
00:34:37On est encore en paix en France.
00:34:39C'est vraiment en 1756 que la guerre est déclarée.
00:34:42Mais par contre, dès 1755, on envoie de la part de la France
00:34:46et de la part de l'Angleterre des armées européennes professionnelles
00:34:49parce qu'on sait que ça va péter à un moment ou à un autre.
00:34:52On sait que la partie diplomatique va échouer, qu'on le veuille ou non.
00:34:58Donc, autant se préparer à l'avance.
00:35:00Là, on envoie plusieurs milliers d'hommes au Canada,
00:35:03à Louisbourg aussi, qui est la principale porte d'entrée
00:35:06du Saint-Laurent sur l'actuelle île du Cap-Breton au Canada.
00:35:09Et les Anglais envoient aussi plusieurs milliers d'hommes
00:35:12pour faire un vaste plan d'offensive sur la Nouvelle-France
00:35:15qui échoue d'ailleurs lamentablement.
00:35:17Mais à partir de 1756, là, on a plus les coups défranches
00:35:20parce qu'on est au fond de guerre.
00:35:22Guerre qui va durer jusqu'en 1763 en Europe,
00:35:25mais les combats vont s'arrêter en 1760 pour l'Amérique continentale.
00:35:29Il y a une expédition sur Terre-Neuve de la part des Français en 1762
00:35:33qui ne va pas marcher, mais sinon, c'est vraiment 1760,
00:35:36la fin des combats en Nouvelle-France.
00:35:38Et alors, quid de la guerre de siège là-dedans ?
00:35:40La guerre de siège prend vraiment une dimension décisive
00:35:43pendant cette guerre de 7 ans.
00:35:45Il y avait déjà quelques occasions de siège
00:35:50pendant les 150 ans précédents,
00:35:52plus début du XVIIIe siècle, fin du XVIIe,
00:35:54il y a eu un ou deux sièges vraiment à l'européenne
00:35:57qui ont été faits, mais avec quelques dizaines,
00:35:59quelques centaines d'hommes à chaque fois,
00:36:01parce que c'est vraiment ça la grosse contrainte première en Amérique,
00:36:05c'est le manque d'effectifs par rapport à l'Europe.
00:36:07Donc, c'est sûr qu'on ne peut pas construire des puissantes forteresses
00:36:10et on ne peut pas assiéger avec des armées très nombreuses.
00:36:14Donc, il y a déjà quelques petites expériences de siège
00:36:17fin des années 1690, début des années 1710.
00:36:20Mais sinon, le vrai premier gros siège européen en Amérique,
00:36:25c'est pendant la guerre de succession d'Autriche.
00:36:27Donc, en 1745, la forteresse de Louisbourg,
00:36:30construite par les Français justement,
00:36:32a été capturée par des miliciens venant de Nouvelle-Angleterre.
00:36:36Mais ils ont vraiment pris une artillerie européenne,
00:36:38ils ont fait des tranchées de siège à l'européenne.
00:36:40C'est vraiment la première fois qu'il y a eu
00:36:42une telle importance d'un siège en Amérique.
00:36:45En 1755, là, on arrive vraiment avec des armées européennes,
00:36:48professionnelles, qui ont une expérience européenne de la guerre.
00:36:51Et, qu'on le veuille ou non, en Europe à cette époque,
00:36:55c'est la guerre de siège qui est la principale façon de faire la guerre.
00:36:58Parce qu'on est sur une sorte de blocage tactique et stratégique
00:37:01où plutôt que de chercher une bataille décisive
00:37:05très aléatoire et très coûteuse en homme,
00:37:07on va aller vers ce qu'on maîtrise le plus.
00:37:09Quelque chose de scientifique, de rationnel,
00:37:11de penser méthodiquement la guerre de siège.
00:37:14Sachant qu'en plus, tous les points principaux,
00:37:16les grandes villes, sont contrôlés par des forts ou des fortifications.
00:37:19Ce qui fait que pour contrôler le territoire,
00:37:21il faut contrôler ses fortifications, donc les attaquer.
00:37:24En Amérique, il y a une présence de fortifications
00:37:27dès les premières arrivées de colons européens, oui.
00:37:31Mais ce n'est pas du tout les mêmes fortifications qu'en Europe.
00:37:34C'est le même système.
00:37:36C'est les mêmes fortifications bastionnées.
00:37:38C'est les mêmes principes.
00:37:39Mais les matériaux ne sont pas les mêmes.
00:37:41La taille n'est pas la même.
00:37:42Et surtout, les objectifs ne sont pas les mêmes.
00:37:44C'est énormément de petits fortins en bois,
00:37:46des palissades de bois avec un peu de terre,
00:37:48un petit peu de maçonnerie une fois de temps en temps,
00:37:50pour les plus importants.
00:37:52Mais on n'a pas forcément besoin de faire...
00:37:54Déjà, on n'a pas les moyens de faire des grosses fortifications
00:37:56parce qu'on manque de tout dans les colonies.
00:37:58Et de deux, on n'a pas besoin d'avoir des fortifications aussi puissantes
00:38:03parce que jusqu'à 1755,
00:38:06c'est essentiellement des autochtones qu'on a à combattre
00:38:09ou des Européens de l'autre nation
00:38:12qui n'ont pas les moyens d'avoir de l'artillerie de siège.
00:38:15Parce que ce qu'il faut savoir,
00:38:17c'est que c'est des terrains encore assez peu défrichés,
00:38:20surtout pour la partie canadienne, la Nouvelle-France.
00:38:24Nouvelle-Angleterre, ça l'est déjà beaucoup plus.
00:38:26Mais ce qui fait que transporter par voie d'eau,
00:38:30que ce soit les lacs, les rivières, les fleuves,
00:38:32de la grosse artillerie de siège,
00:38:34c'est quasiment impossible pour l'époque.
00:38:36Donc la plupart du temps,
00:38:38si les Anglais peuvent aller attaquer un fort français ou inversement,
00:38:41ce sera des petits canons qui, oui, peuvent un peu faire de mal
00:38:43sur des palissades en bois,
00:38:45mais ce ne sera pas de l'artillerie de siège
00:38:47qui va percer des murailles à l'européenne.
00:38:49Donc considérant qu'il n'y a pas de moyens européens
00:38:53du côté des assiégeants en Amérique,
00:38:55on n'a pas besoin d'avoir des moyens européens
00:38:57pour la défense non plus.
00:38:59Et là, 1755 est vraiment la grosse rupture de...
00:39:02Là, on arrive avec des armées européennes
00:39:04qui ont un matériel de siège à l'européenne.
00:39:07Donc tout le système de fortification en Nouvelle-France
00:39:09ou en Nouvelle-Angleterre
00:39:11n'est pas du tout pensé pour résister à ça.
00:39:13C'est assez catastrophique dans les débuts
00:39:15de voir à quel point ils ne savent pas
00:39:17comment réagir sur place au début.
00:39:19Et du coup, il va y avoir une évolution.
00:39:22Est-ce qu'ils vont tenter de bassonner
00:39:24un petit peu plus justement les ouvrages
00:39:26ou ça va être compliqué ?
00:39:28Ça va être un peu de briquet de broc au début,
00:39:30un peu dans le besoin, on fait avec ce qu'on a.
00:39:33C'est sûr que si on peut utiliser de la maçonnerie,
00:39:35on va essayer.
00:39:37Québec, par exemple, est fortifiée en 1745.
00:39:39Elle n'était que très peu jusqu'à 1745.
00:39:42La ville n'était pas fermée.
00:39:44Quand on voit que Louisbourg tombe...
00:39:46Et Louisbourg, pour le coup,
00:39:47c'est vraiment une forteresse à l'européenne,
00:39:49en pierre, en maçonnerie.
00:39:51C'est un peu un ovni, Louisbourg,
00:39:53par rapport aux autres fortifications nord-américaines
00:39:55parce que c'est vraiment pensé
00:39:57pour contrôler le Saint-Laurent.
00:39:59Dans les faits, ça le fait très aléatoirement,
00:40:01on va dire,
00:40:03mais c'est vraiment pensé pour être un verrou,
00:40:05une porte d'entrée du golfe du Saint-Laurent.
00:40:07Là, on met vraiment les moyens du côté de la France
00:40:09pour faire les fortifications
00:40:11les plus à jour technologiquement
00:40:13et très coûteuses avec de la pierre,
00:40:15de la maçonnerie et autres.
00:40:17Quand on voit à Québec qu'en 1745,
00:40:19cette forteresse très puissante
00:40:21est capable de tomber avec...
00:40:23En Amérique, on est capable de faire
00:40:25un siège à l'européenne sur une forteresse à l'européenne,
00:40:27c'est la panique complète à Québec.
00:40:29Donc on décide,
00:40:31sans attendre les ordres du roi ou l'accord du roi à Versailles,
00:40:33de fermer la ville
00:40:35avec des murs en pierre,
00:40:37qui d'ailleurs sont encore plus ou moins
00:40:39les murs qu'on a du vieux Québec actuellement.
00:40:41Ils ont été améliorés
00:40:43et rénovés à des dizaines de reprises par les Britanniques,
00:40:45mais c'est encore le tracé des murs français de 1745.
00:40:47Donc oui, on essaye petit à petit
00:40:49d'intégrer des matériaux plus résistants,
00:40:51mais quand on est
00:40:53sur les rives des Grands Lacs, par exemple,
00:40:55pas loin des chutes du Niagara,
00:40:57les chutes du Niagara,
00:40:59c'est sur la rivière de Niagara,
00:41:01et à l'angle de la rivière Niagara
00:41:03et du lac Ontario,
00:41:05il y a un fort français, le fort Niagara,
00:41:07qui est au début une simple bicoque en pierre,
00:41:09plus un poste de traite qu'autre chose.
00:41:111755, on envoie
00:41:13non pas un ingénieur, mais un officier d'infanterie
00:41:15qui a de très solides connaissances
00:41:17en matière de fortification, pour aller fortifier Niagara.
00:41:19Il ne va pas vraiment utiliser la pierre,
00:41:21mais il va utiliser du bois
00:41:23et surtout de la terre,
00:41:25des remblais, des murailles
00:41:27de terre. Donc oui,
00:41:29on essaye d'intégrer plus ou moins
00:41:31des matériaux plus solides, mais dans les faits,
00:41:33c'est tellement perdu
00:41:35dans des coins presque isolés que
00:41:37ce n'est pas possible de faire,
00:41:39même en ayant conscience
00:41:41qu'on va être attaqué à l'européenne,
00:41:43on n'a pas possibilité de faire des forteresses
00:41:45en pierre à l'européenne.
00:41:47On essaie juste d'améliorer ce qui est déjà là.
00:41:49Alors concrètement,
00:41:51peut-être qu'on peut rentrer
00:41:53le vif du déroulé d'un siège.
00:41:55Comment est-ce que ça se passe
00:41:57un siège, justement,
00:41:59pendant la guerre de Sept Ans ?
00:42:01Il faut faire un rapide retour en arrière
00:42:03jusqu'à Vauban, qui lui,
00:42:05comme je disais tout à l'heure, a donc peu théorisé
00:42:07pour la partie fortification,
00:42:09mais pour ce qui est de l'attaque et de la défense des places,
00:42:11il a vraiment livré un modèle
00:42:13extrêmement précis.
00:42:15En fait, c'est dans les années 1670,
00:42:17au tout début des années 1670,
00:42:19il fait un mémoire manuscrit
00:42:21pour le ministère de la guerre
00:42:23pour proposer une méthode nouvelle
00:42:25d'attaquer les places.
00:42:27En fait, ce qu'il va faire, c'est
00:42:29qu'il ne va pas inventer grand-chose.
00:42:31Il va surtout synthétiser tout ce qui se fait
00:42:33et en livrer un modèle efficace.
00:42:35Par exemple,
00:42:37avant Vauban, il n'y avait quasiment pas
00:42:39de tranchées parallèles pour
00:42:41relier les différentes tranchées d'approche.
00:42:43En fait, comment ça se passe un siège ?
00:42:45Effectivement, on arrive devant la fortification à attaquer,
00:42:47on va creuser la terre
00:42:49pour avancer
00:42:51pas à pas,
00:42:53essayer d'être le plus à couvert possible
00:42:55pour pouvoir, au fur et à mesure, placer
00:42:57des batteries d'artillerie et détruire des pièces
00:42:59de fortification.
00:43:01Ce sont des tranchées d'approche qui existent
00:43:03depuis plusieurs siècles. Au Moyen-Âge,
00:43:05on avait déjà ce genre de tranchées à la fin du Moyen-Âge.
00:43:07Mais par contre, la plupart de ces tranchées
00:43:09n'étaient pas reliées entre elles.
00:43:11Elles étaient indépendantes les unes des autres.
00:43:13Ce qui fait qu'à partir du moment où la garnison
00:43:15veut faire une sortie sur une des tranchées,
00:43:17c'est un massacre parce que les autres ne peuvent pas
00:43:19venir aider. Donc là, Vauban,
00:43:21il va utiliser ce que les Turcs
00:43:23faisaient depuis quelques décennies,
00:43:25depuis peut-être 20 ou 30 ans. Ils avaient commencé
00:43:27à faire des tranchées parallèles
00:43:29pour justement lier ces différentes
00:43:31tranchées d'approche. Lui, il va
00:43:33les améliorer, il va les
00:43:35magnifier un peu, on va dire.
00:43:37Ça, plus quelques autres
00:43:39spécificités locales.
00:43:41Et il va en proposer une immense synthèse
00:43:43extrêmement scientifique, extrêmement
00:43:45rationnelle. On est dans le contexte
00:43:47de la rationalisation.
00:43:49C'est ce qu'on appelle la révolution
00:43:51scientifique au XVIIe siècle.
00:43:53On veut tout savoir maîtriser
00:43:55par des
00:43:57calculs géométriques, des calculs mathématiques
00:43:59pour que ça soit
00:44:01le moins
00:44:03de parts de hasard possible.
00:44:05Donc quelque chose de très méthodique,
00:44:07de très rationnel, de très ordonné.
00:44:09Vauban, il va faire un traité en
00:44:111671-1672, puis
00:44:1330 ans après, avec encore
00:44:15beaucoup d'expérience de sa part, parce que
00:44:17Vauban, à peu près en 50 ans de carrière,
00:44:19il a participé ou dirigé
00:44:21à peu près 50 sièges. C'est 48-49
00:44:23sièges à peu près. Donc c'est vraiment une expérience
00:44:25emmagasinée au long de ses
00:44:27décennies. Et en 1704,
00:44:29il va faire une deuxième version de ce mémoire
00:44:31qu'il avait fait en 1671.
00:44:33C'est à destination du petit-fils
00:44:35de Louis XIV, pour son usage
00:44:37d'apprentissage de roi
00:44:39de guerre, mais c'est bien évidemment
00:44:41à usage de l'armée française.
00:44:43Donc c'est vraiment un modèle très précis,
00:44:45et ce modèle va être
00:44:47piraté,
00:44:49un peu passé sous le manteau
00:44:51à travers l'Europe par
00:44:53des espions, certains disciples de Vauban
00:44:55qui, quand les
00:44:57protestants français sont expulsés du royaume,
00:44:59quand l'édit de Nantes est révoqué
00:45:01en 1685, il y a
00:45:03beaucoup de protestants qui décident de fuir
00:45:05le royaume, et notamment plusieurs ingénieurs
00:45:07qui ont appris leur métier avec Vauban,
00:45:09qui ont été confrontés à
00:45:11cette nouvelle méthode
00:45:13d'attaque des places, et qui vont donc la diffuser
00:45:15partout en Europe, alors que ces écrits
00:45:17seront vraiment officiellement publiés
00:45:19dans les années 1730.
00:45:21Mais dans ce modèle,
00:45:23c'est un modèle très précis en douze
00:45:25étapes, à partir du moment
00:45:27où on arrive devant une fortification
00:45:29ACG, on va procéder de telle manière,
00:45:31étape 1, étape 2, étape 3,
00:45:33je ne vais pas donner les douze étapes
00:45:35précises parce que c'est long, fastidieux,
00:45:37mais il y a trois
00:45:39grandes phases de ces étapes.
00:45:41La première phase, c'est un peu
00:45:43avant le siège,
00:45:45c'est au tout début du siège,
00:45:47on va observer la fortification,
00:45:49on va envoyer les ingénieurs pour observer
00:45:51la fortification ennemie,
00:45:53savoir déceler
00:45:55telle partie est en moins bon état,
00:45:57telle partie est plus puissamment fortifiée,
00:45:59je propose de procéder de telle
00:46:01manière la plus efficace possible.
00:46:03Puis après là, c'est la deuxième étape,
00:46:05la deuxième grande phase où
00:46:07on va creuser les travaux de siège,
00:46:09donc ces tranchées d'approche qui sont reliées par des tranchées
00:46:11parallèles, on installe les batteries d'artillerie,
00:46:13on bombarde la ville
00:46:15ou la fortification, et
00:46:17à partir du moment où il y a brèche
00:46:19dans les fortifications, on entre dans la troisième
00:46:21et dernière grande phase qui est l'assaut d'infanterie.
00:46:23Là, c'est on masse les fantassins
00:46:25dans les tranchées les plus proches de la
00:46:27fortification, puis on charge
00:46:29par les brèches en espérant que ça capitule l'huile
00:46:31de l'autre côté. Et justement,
00:46:33à partir des années 1710,
00:46:35on utilise de moins en moins cet assaut
00:46:37parce que la plupart du temps, on essaye
00:46:39d'éviter un bain de sang, donc on capitule à partir du moment
00:46:41où il y a brèche dans les fortifications.
00:46:43Donc ça, c'est vraiment un modèle qui est
00:46:45théorisé dans le dernier tiers
00:46:47du XVIIe siècle, considérablement
00:46:49amélioré dans les décennies qui suivent
00:46:51et qui se diffuse à l'échelle
00:46:53européenne et donc dans leurs colonies.
00:46:55Donc en Amérique, effectivement,
00:46:57on a présence de ces sièges avec
00:46:59ce modèle de Vauban. Si ce n'est que la
00:47:01grosse différence entre 1750
00:47:03et 1700, par exemple, c'est que
00:47:05les sièges sont beaucoup plus rapides
00:47:07parce que l'artillerie est beaucoup plus puissante que sous Vauban.
00:47:09Donc, on n'a plus besoin
00:47:11d'être aussi méticuleux,
00:47:13aussi long dans les tranchées d'approche.
00:47:15Le modèle de Vauban
00:47:17est pensé pour 48 jours
00:47:19de siège. Dans
00:47:21les faits, même à cette époque,
00:47:23à l'époque de Vauban, c'est rare qu'on atteigne les
00:47:2548 jours parce que généralement,
00:47:27il peut y avoir des généraux qui
00:47:29décident que c'est bien beau ce que
00:47:31Vauban nous propose, mais c'est trop lent, donc on charge
00:47:33dans le tas. Ça fait des massacres pas possibles,
00:47:35mais c'est tout aussi efficace. C'est juste
00:47:37beaucoup plus coûteux en homme. C'est toute une
00:47:39question de calcul. Est-ce qu'on dépense
00:47:41plus d'hommes ou est-ce qu'on dépense
00:47:43plus de matériel, d'équipement ?
00:47:45Vauban, lui, c'est plus
00:47:47une volonté de limiter les pertes
00:47:49humaines, mais donc d'augmenter les coûts
00:47:51de matériaux,
00:47:53les moyens matériels,
00:47:55alors que plusieurs
00:47:57autres généraux, même français,
00:47:59pendant les guerres de 2014,
00:48:01décident qu'on s'en fout de la vie du soldat,
00:48:03on veut juste aller au plus vite à notre objectif.
00:48:0550 ans après,
00:48:07les années 1750,
00:48:09on est toujours dans cette volonté de
00:48:11respecter les systèmes de Vauban parce que ça marche très bien,
00:48:13mais par contre, la durée
00:48:15moyenne d'un siège, c'est entre
00:48:17une et trois semaines à peu près à cette époque, en Europe.
00:48:19C'est extrêmement rare
00:48:21qu'on atteigne des sièges
00:48:23au-delà d'un mois. Au-delà d'un
00:48:25mois, ça commence à être une
00:48:27défense très honorable
00:48:29de la part d'une garnison.
00:48:31Donc on n'est pas dans des cas où on peut espérer
00:48:33affamer l'ennemi ou des choses comme ça, enfin,
00:48:35moins. C'est extrêmement rare, c'est de plus en plus
00:48:37rare, ça l'était encore
00:48:39au XVIIe siècle,
00:48:41après Vauban, c'est quasiment plus faisable.
00:48:43Mais alors du coup, s'il y a des protocoles d'attaque,
00:48:45il y a des protocoles de défense, c'est-à-dire que
00:48:47il y a une théorisation aussi
00:48:49de la défense en disant, bon, les tapins
00:48:51ils font ça, nous, notre étape 1,
00:48:53ça va être ça. Tout à fait, il y a effectivement,
00:48:55mais ça c'est même un peu avant Vauban
00:48:57qu'il y a la deuxième génération
00:48:59de cette école française d'authentification,
00:49:01Antoine Deville, qui est ingénieur,
00:49:03fait
00:49:05un traité pour les gouverneurs de place
00:49:07avec vraiment, c'est un peu
00:49:09l'équivalent du traité de Vauban
00:49:11en un peu moins
00:49:13développé, puis vraiment pour la partie
00:49:15uniquement de défense. Vauban, lui, il va
00:49:17faire aussi un petit traité de la défense des places, mais
00:49:19qui va essentiellement reprendre et améliorer
00:49:21ce qui se faisait avant. Donc c'est effectivement
00:49:23déjà les précautions avant
00:49:25le siège. Il faut qu'un gouverneur
00:49:27en tout temps sache
00:49:29l'état de sa place, l'état
00:49:31d'authentification,
00:49:33un inventaire un peu de tout ce
00:49:35qu'on a, les munitions, les munitions
00:49:37de provision de nourriture
00:49:39et autres.
00:49:41Il y a effectivement
00:49:43une théorisation de la défense
00:49:45pour, à partir du moment où l'ennemi
00:49:47commence à
00:49:49creuser ses tranchées,
00:49:51on renforce en priorité
00:49:53telle partie de fortification plus exposée
00:49:55selon l'angle d'attaque ou autre.
00:49:57Il y a aussi des pas qui se font dans cette théorisation de la défense
00:49:59pour l'utilisation de l'artillerie par les défenseurs.
00:50:01Est-ce que ça sert à
00:50:03quelque chose de commencer à tirer du canon tout de suite ?
00:50:05Il y en a qui disent que oui
00:50:07parce que ça peut décourager un assiégeant
00:50:09qui est un peu trop timide. Il y en a d'autres
00:50:11comme Vauban qui disent que ça ne sert à rien
00:50:13pour l'instant, ce serait gâcher des munitions.
00:50:15Attendez qu'ils arrivent plutôt à telle étape
00:50:17de la partie attaque
00:50:19parce que sinon la portée est totalement
00:50:21inutile donc
00:50:23économisez votre feu.
00:50:25Même ça, il n'y a pas vraiment
00:50:27consensus parmi les théoriciens de l'époque
00:50:29pour quelle est la meilleure façon de défendre.
00:50:31On est beaucoup plus d'accord sur comment bien
00:50:33attaquer que comment bien défendre
00:50:35parce que comment bien défendre c'est toujours
00:50:37comment bien défendre pour pouvoir
00:50:39se justifier par après.
00:50:41C'est vrai que
00:50:43c'est caricatural mais on aurait presque l'impression
00:50:45que tout est très réglé
00:50:47tout est très codé
00:50:49comme si on était vraiment dans une partie
00:50:51de jeu d'échecs. Or, si
00:50:53on veut en venir aux mains et qu'on décide
00:50:55de jouer aux échecs pour se départager
00:50:57rien ne m'empêche d'envoyer
00:50:59le plateau d'échecs.
00:51:01Est-ce qu'il n'y a pas
00:51:03des types qui à un moment donné se sont dit
00:51:05les étapes c'est cool mais
00:51:07moi je vais faire à ma sauce.
00:51:09Est-ce que justement le modèle était tellement poussé que
00:51:11quand quelqu'un commençait
00:51:13à initier ce modèle on était bloqué
00:51:15dedans, on ne pouvait pas en sortir ?
00:51:17On était effectivement presque bloqué dedans
00:51:19quand on commençait à faire ce modèle mais par contre
00:51:21on pouvait décider d'envoyer
00:51:23tout valser puis de
00:51:25prendre quelques étapes de Vauban
00:51:27mais de garder aussi certaines vieilles
00:51:29méthodes. C'est par exemple le cas
00:51:31de le maréchal de Villars
00:51:33le maréchal de Louis XIV
00:51:35pendant la guerre de succession d'Espagne. Lui il trouvait
00:51:37ça beaucoup trop lent. Donc il décidait
00:51:39oui on va respecter le modèle de Vauban
00:51:41avec l'approche
00:51:43de la place, les tranchées d'approche.
00:51:45Mais par contre on va mettre
00:51:47toutes les fioritures autour, on va les enlever
00:51:49puis
00:51:51si on sent que ça le fait bien
00:51:53on va charger. On préfère un assaut plus
00:51:55brutal et parfois ça marche.
00:51:57Je ne sais plus quelle ville, je pense que c'est Fribourg
00:51:59en Allemagne qui est attaqué
00:52:01par les français 1713.
00:52:03Vauban dit il faut faire plutôt
00:52:051713 Vauban est mort
00:52:07donc non mais c'est plus
00:52:09son modèle dit il faudrait attaquer de telle
00:52:11manière que je prévois
00:52:13tant de
00:52:15semaines. Villars dit
00:52:17non on va faire
00:52:19le modèle selon telle partie
00:52:21et telle étape. Mais par contre
00:52:23il met je pense deux fois
00:52:25moins de temps pour prendre la ville. C'est beaucoup plus
00:52:27sanglant, beaucoup plus brutal. Il y a aussi
00:52:29le fait qu'au début
00:52:31du vivant de Vauban
00:52:33c'est pas très accepté par
00:52:35l'ensemble des nations européennes. Même si
00:52:37je crois que c'est efficace. Il y a les hollandais
00:52:39par exemple, le grand rival
00:52:41de Vauban qui est
00:52:43Menno van Kehoorn. Désolé pour la prononciation
00:52:45néerlandaise.
00:52:47Lui est beaucoup plus partisan
00:52:49de l'attaque en force.
00:52:51L'attaque brutale. C'est à dire lui aussi
00:52:53va essayer de synthétiser, de
00:52:55théoriser un peu ce qui se faisait avant
00:52:57puis de l'améliorer. Mais lui
00:52:59plutôt que d'aller dans un modèle très minutieux
00:53:01très lent, très
00:53:03coûteux en matériel mais moins en
00:53:05force. Il se dit, vaut mieux
00:53:07pour impressionner l'ennemi
00:53:09charger tout de suite en force
00:53:11sur l'endroit le plus puissant
00:53:13de la fortification. Comme ça,
00:53:15une fois que ce point est pris, les autres
00:53:17vont paniquer et capituler. Ça marche aussi
00:53:19c'est juste beaucoup plus sanglant.
00:53:21Donc il y a
00:53:23à la fin du règne de Louis XIV, il y a vraiment un peu
00:53:25l'utilisation hybride de ces deux modèles
00:53:27par les français et par les autres nations européennes.
00:53:29Mais par contre, après Louis XIV
00:53:31déjà on a une grosse période de paix en Europe de l'Ouest
00:53:33pendant à peu près 30 ans
00:53:35ou presque.
00:53:37Et on se rend compte que
00:53:39on essaie de limiter les bains de sang.
00:53:41Donc on va de plus en plus essayer d'intégrer ce modèle
00:53:43de Vauban presque à la lettre. Si ce n'est que
00:53:45la plupart des étapes deviennent
00:53:47presque inutiles parce que
00:53:49trop lentes par rapport au progrès
00:53:51de l'artillerie. Par exemple,
00:53:53je ne sais plus quelle étape en particulier c'est
00:53:55mais Vauban prévoit
00:53:57deux ou trois étapes par rapport à la puissance
00:53:59de l'artillerie. On se rend compte
00:54:01que ça peut être fait en une ou deux maintenant.
00:54:03Donc oui, il y a
00:54:05vraiment cette volonté de respecter le modèle de Vauban
00:54:07à partir des années 1720,
00:54:091730, 1740, presque uniformément.
00:54:11Et en Amérique, ça va se
00:54:13faire comme ça aussi.
00:54:14Tu as quelques sièges dont tu pourrais
00:54:16nous parler un peu plus précisément.
00:54:18Je sais qu'on nous a demandé
00:54:20sur les réseaux sociaux avant que tu interviennes
00:54:22par exemple des précisions, je ne sais pas si tu les as,
00:54:24sur le siège de Yorktown
00:54:26par exemple.
00:54:27Yorktown, c'est un peu après.
00:54:29Ce n'est pas ma période tout à fait.
00:54:31C'est 1781, donc c'est
00:54:33la guerre de l'indépendance américaine.
00:54:35Mais c'est effectivement encore
00:54:37pleinement dans ce modèle-là.
00:54:39Si ce n'est que c'est encore
00:54:41plus rapide, on va dire.
00:54:43Yorktown est quand même assez long parce que les Anglais
00:54:45font une bonne résistance, puis qu'il y a
00:54:47des problèmes de coordination
00:54:49parfois entre les Français et les Américains.
00:54:51Mais Yorktown, c'est vraiment dans ce modèle-là
00:54:53effectivement. Mais par contre, c'est vraiment
00:54:55après ma période.
00:54:57En fait, au début de mon doctorat
00:54:59en 2018, j'aurais voulu intégrer
00:55:01la guerre de Suisse et d'Autriche, la guerre de
00:55:03sept ans et la guerre d'indépendance américaine.
00:55:05Parce qu'il y a au moins un des ingénieurs
00:55:07qui est allé combattre en Nouvelle-France pendant la guerre de sept ans
00:55:09qui est avec les Américains
00:55:1120 ans après. Mais dans les faits,
00:55:13j'ai dû enlever, j'ai dû me concentrer
00:55:15sur la guerre de sept ans parce que c'est déjà très
00:55:17vaste, trop vaste parfois
00:55:19même, ce qui fait que ce sera pour plus
00:55:21tard la guerre d'indépendance américaine. J'en connais
00:55:23un petit peu, mais c'est moins ma période.
00:55:25Yorktown, en l'occurrence, j'aurais pas
00:55:27grand chose de plus à en dire. Mais pour
00:55:29les autres sièges, pour la guerre de sept ans, vraiment
00:55:31oui, en Amérique. Dans mon
00:55:33étude, j'ai recensé 11
00:55:35sièges vraiment menés
00:55:37à l'européenne. Il y a encore
00:55:39persistance d'attaques un peu plus
00:55:41comment dire
00:55:45un peu plus bâtardes.
00:55:47On se présente devant un fortain de bois
00:55:49puis on essaie de mettre des grappins,
00:55:51des échelles, on attaque puis c'est ça.
00:55:53Mais il y a quand même vraiment
00:55:55avec les armées européennes,
00:55:57anglaises et françaises qui viennent,
00:55:59avec du matériel de siège à l'européenne,
00:56:01avec une volonté d'européaniser la guerre,
00:56:03il y a quand même 11 sièges
00:56:05qui ont été menés selon
00:56:07ce modèle européen, ce modèle
00:56:09vaubanien de la guerre.
00:56:11Je ne vous ferai pas la liste là, ça
00:56:13ne servirait à rien, mais
00:56:15sur ces 11 sièges, à trois
00:56:17reprises seulement, c'est les Français qui attaquent.
00:56:19Les huit autres fois, c'est les Anglais
00:56:21qui attaquent et les Français qui défendent.
00:56:23Si je peux parler rapidement
00:56:25d'un ou deux de ces sièges en particulier,
00:56:29on va commencer avec celui chronologiquement
00:56:311757,
00:56:33le dernier des Mohicans,
00:56:35le Fort William Henry
00:56:37qui est construit par les Britanniques en 1755
00:56:39au sud du lac Georges,
00:56:41appelé par les Français lac Saint-Sacremont d'ailleurs.
00:56:43Pour vous montrer rapidement
00:56:45sur une carte, c'est l'axe entre
00:56:47Montréal au nord et New York au sud.
00:56:49C'est
00:56:51les voies d'eau qui permettent
00:56:53un corridor d'invasion de part
00:56:55et d'autre, puisque depuis Montréal,
00:56:57on rejoint la rivière Richelieu
00:56:59qui amène dans le lac Champlain,
00:57:01qui amène dans le lac Georges,
00:57:03qui amène sur le fleuve Hudson.
00:57:05Ce n'est pas en ligne directe
00:57:07parce qu'il peut y avoir besoin
00:57:09sur quelques kilomètres de faire ce qu'on appelle un portage,
00:57:11c'est-à-dire on porte les bateaux
00:57:13à bras d'hommes puis on va
00:57:15de l'autre côté, mais ce qui fait que
00:57:17c'est un couloir d'invasion par excellence
00:57:19parce que le reste du terrain
00:57:21n'est pas défriché, donc c'est des
00:57:23montagnes, c'est des bois, ce qui fait que
00:57:25c'est un axe stratégique extrêmement important.
00:57:27Depuis le XVIIe siècle, les Français
00:57:29ont des positions fortifiées.
00:57:31Les Hollandais qui étaient avant
00:57:33les Anglais dans ces régions-là avaient des postes fortifiés.
00:57:35Les Anglais les ont délogés, ils ont repris
00:57:37les mêmes postes fortifiés, ils en ont rajouté d'autres.
00:57:39Donc en 1755,
00:57:41les Anglais décident d'aller encore un peu plus
00:57:43au nord, donc jusqu'au lac Georges,
00:57:45au lac Saint-Sacrement du côté français
00:57:47et construisent le fort William Henry.
00:57:49Puis là, les Français décident
00:57:51en 1757 d'attaquer.
00:57:53En fait, ils profitent d'une
00:57:55diversion.
00:57:57Les Anglais sont plus occupés
00:57:59à essayer d'attaquer la ville de Louisbourg,
00:58:01dans le golfe du Saint-Laurent.
00:58:03Ça ne marchera d'ailleurs pas.
00:58:05Les Français en profitent pour se dire
00:58:07qu'on ne peut pas aller secourir Louisbourg ici,
00:58:09donc on va essayer, nous, d'attaquer
00:58:11là où les Anglais sont un peu plus faibles,
00:58:13c'est-à-dire la région du lac Champlain.
00:58:15Donc là, c'est la plus grosse armée française
00:58:17jamais réunie jusqu'à cette date
00:58:19en Amérique, c'est à peu près 8000 hommes.
00:58:218000 hommes par rapport à l'Europe,
00:58:23c'est rien.
00:58:258000 hommes, c'est peut-être un dixième
00:58:27d'une armée européenne à cette époque.
00:58:29Pour l'Amérique, c'est immense, c'est gigantesque.
00:58:31Donc c'est à peu près 8000 hommes,
00:58:33dont à peu près 2000 autochtones.
00:58:35Ça aussi, c'est la plus grosse concentration d'autochtones
00:58:37qui viennent se battre aux côtés des Français.
00:58:39Donc c'est, on va dire, à peu près un 6000
00:58:41européens et 2000 autochtones.
00:58:43Les Anglais en face,
00:58:45dans la garnison du fort,
00:58:47en fait, c'est un fort plus un camp retranché.
00:58:49Parce que le fort est trop petit pour l'armée
00:58:51qu'ils ont ici. C'est à peu près 2500 hommes.
00:58:53Donc il y a à peu près 500 hommes
00:58:55dans le fort et
00:58:572000 hommes
00:58:59dans le camp retranché à côté.
00:59:01Ça, c'est un camp retranché où il y a aussi énormément de civils.
00:59:03Des femmes, des enfants, des familles,
00:59:05des soldats et autres.
00:59:07Donc les Français arrivent début août
00:59:091757, commencent à faire le siège
00:59:11à l'européenne.
00:59:13Puis au bout d'à peu près 4, 5,
00:59:156 jours, le fort tombe parce que
00:59:17les Français sont efficaces
00:59:19puis les Anglais ne peuvent pas avoir
00:59:21de renforts.
00:59:23Petite digression rapide.
00:59:25Avec le modèle de Vauban, effectivement,
00:59:27une forteresse ne devient
00:59:29plus imprenable.
00:59:31Avec ce modèle-là, ce n'est plus envisageable
00:59:33qu'une forteresse soit imprenable.
00:59:35Sauf si on l'attaque mal
00:59:37ou que des renforts viennent
00:59:39de l'extérieur.
00:59:41La seule possibilité pour un assiégé
00:59:43de s'en sortir victorieux,
00:59:45c'est d'avoir une armée de secours
00:59:47qui viennent de l'extérieur.
00:59:49Pour le fort William Henry, c'est un petit peu particulier
00:59:51parce que les Anglais ont un autre fort,
00:59:53le fort Edward, à 25 km de là.
00:59:55Même pour l'Amérique,
00:59:5725 km, ce n'est pas une très
00:59:59grosse distance dans le contexte de l'époque
01:00:01parce que c'est vraiment dans l'axe
01:00:03du fleuve Hudson.
01:00:05Évidemment, c'est à deux ou trois jours
01:00:07de voyage,
01:00:09de marche et de canot.
01:00:11C'est assez proche.
01:00:13Sauf que le commandant
01:00:15au fort Edward est complètement tétanisé
01:00:17et se dit
01:00:19« Je n'ai pas les moyens de venir secourir
01:00:21le fort plus au nord. »
01:00:23Quand les Anglais envoient un message
01:00:25du fort William Henry au fort Edward,
01:00:27la réponse est interceptée
01:00:29par les Français, présentée par les Français
01:00:31aux assiégés pour dire « Regardez la réponse
01:00:33que votre ami vous envoie.
01:00:35Débrouillez-vous sans nous.
01:00:37On attend des renforts. Peut-être qu'ils arriveront.
01:00:39Peut-être qu'ils n'arriveront pas.
01:00:41Faites au mieux et faites une capitulation honorable. »
01:00:43La terrible ironie du sort,
01:00:45c'est que le fort capitule
01:00:47le 9 août.
01:00:49Le 10 août, il y a une autre lettre qui arrive
01:00:51du fort Edward pour dire
01:00:53« On a reçu les renforts. Tenez encore deux ou trois jours.
01:00:55On arrive. »
01:00:57Ça se dit qu'il n'y a pas grand-chose.
01:00:59C'est un siège
01:01:01qui est quand même particulier parce que
01:01:03c'est celui où les Autochtones
01:01:05ont eu la plus grande importance.
01:01:07La plupart du temps,
01:01:09dans les autres sièges menés par les Français,
01:01:11les Autochtones étaient là en moins grand
01:01:13nombre, puis ils n'étaient pas
01:01:15vraiment très actifs dans la partie
01:01:17du siège. Ils étaient très actifs
01:01:19pour ce qui est tout autour, c'est-à-dire
01:01:21essayer d'isoler la place,
01:01:23essayer d'empêcher les assiégés d'envoyer des messagers
01:01:25ou d'intercepter
01:01:27des secours éventuels.
01:01:29Dans toute la partie renseignements militaires,
01:01:31les Autochtones, c'était leur domaine
01:01:33à eux. Mais par contre, pour le siège
01:01:35en tant que tel, ce n'est pas eux qui vont creuser
01:01:37les tranchées, ce n'est pas eux qui vont tirer du canon,
01:01:39donc ils n'avaient pas une grande utilité. Là, au fort William & Mary,
01:01:41non seulement les Autochtones
01:01:43s'amusent à imiter
01:01:45les Français, c'est-à-dire qu'ils creusent aussi dans leurs
01:01:47coins des tranchées, tout simplement par
01:01:49mimétisme et par amusement
01:01:51pour tuer le temps. Ce ne sont pas des tranchées qui vont être
01:01:53utiles au siège, mais ils vont quand même essayer.
01:01:55De temps en temps, pour
01:01:57tisser des liens dans l'Alliance, on
01:01:59autorise un Autochtone à venir tirer du canon,
01:02:01parce que ça les impressionne, parce qu'ils n'ont jamais
01:02:03connu ça pour la plupart. Effectivement,
01:02:05ce siège de William & Mary, où il y a
01:02:072000 Autochtones, il y a énormément
01:02:09d'Autochtones qui n'ont jamais
01:02:11connu les guerres européennes
01:02:13auparavant. Pour beaucoup,
01:02:15c'est une première expérience de contact avec les
01:02:17Européens, et c'est une expérience
01:02:19qui va tourner très mal, puisque
01:02:21à la capitulation du fort, on
01:02:23décide de ne pas prendre en compte les Autochtones.
01:02:25C'est-à-dire qu'on fait une capitulation à l'européenne
01:02:27d'officier à officier.
01:02:29Puis ça, les Autochtones ne le comprennent pas.
01:02:31Ils ont leur propre culture militaire, ils ont
01:02:33leur propre mentalité militaire, ils ont leur propre but
01:02:35de guerre, qui est d'avoir
01:02:37des scalpes, des prisonniers, du butin.
01:02:39On les prive de tout ça.
01:02:41Ce qui fait que
01:02:43ils vont se servir
01:02:45d'un massacre. Ce n'est pas le massacre
01:02:47qui est décrit dans le film du dernier
01:02:49des Mohicans avec plusieurs centaines de morts.
01:02:51C'est à peu près entre 50 et 100 tués, côté
01:02:53britannique. Mais ça reste quand même
01:02:55un massacre après la
01:02:57capitulation, et
01:02:59ça choque littéralement les Français et les Anglais.
01:03:01Ça va contribuer aux tensions
01:03:03entre officiers européens par
01:03:05après, parce que
01:03:07vous vous appuyez sur des barbares,
01:03:09vous les encouragez à le faire. Non, on est tout
01:03:11aussi choqués que vous, mais
01:03:13ça va servir d'argument pour une
01:03:15surenchère de la violence de la part des Britanniques.
01:03:17Ce film de William Henry
01:03:19est intéressant pour
01:03:21deux raisons. La première, c'est le siège
01:03:23qui est au cœur du film Le Dernier des Mohicans.
01:03:25Ça peut vous donner un repère visuel pour ceux
01:03:27qui auraient vu ce film.
01:03:29En passant, c'est
01:03:31une excellente présentation d'un siège
01:03:33qu'on a dans le film Le Dernier des Mohicans.
01:03:35Ce n'est pas une bonne représentation du siège
01:03:37de William Henry,
01:03:39parce que pour différents aspects,
01:03:41l'artillerie
01:03:43de siège n'est pas tout à fait appropriée,
01:03:45mais c'est une excellente représentation
01:03:47de ce qu'est un siège à cette époque.
01:03:49Je vous encourage vivement à voir ce film,
01:03:51ne serait-ce que pour avoir un repère visuel
01:03:53sur cet entretien d'aujourd'hui.
01:03:55D'ailleurs, on voit dans le film
01:03:57la partie interception
01:03:59de l'enseignement. Un autre siège dont j'aimerais
01:04:01parler rapidement aussi,
01:04:03je vais essayer d'en parler plus rapidement que William Henry,
01:04:05c'est le siège de Louisbourg en 1758.
01:04:07Quand les Français
01:04:09attaquent William Henry, ils profitent du
01:04:11fait que les Anglais essayent d'attaquer
01:04:13Louisbourg, mais ça ne marche pas,
01:04:15parce qu'il y a une présence d'une flotte
01:04:17française très importante qui dissuade les Britanniques
01:04:19parce qu'il y a une tempête qui coule
01:04:21une partie des bateaux britanniques,
01:04:23donc ils repartent.
01:04:25C'est un immense gâchis d'argent de la part
01:04:27des Britanniques d'avoir monté une expédition
01:04:29gigantesque
01:04:31pour rien. Mais ils décident de retenter
01:04:33la même chose en 1758,
01:04:35et là, ça va marcher.
01:04:37Louisbourg, c'est un siège qui va durer
01:04:39très longtemps. C'est à peu près six semaines
01:04:41de siège.
01:04:43Même six semaines en Europe,
01:04:45c'est exceptionnel pour l'époque.
01:04:47Et c'est
01:04:49une ville qui est puissamment fortifiée
01:04:51par les Français, qui a quand même
01:04:53à peu près 2 500 à 3 000
01:04:55défenseurs, qui a aussi une population
01:04:57civile assez importante,
01:04:59entre 2 et 4 000
01:05:01personnes civiles dans la ville.
01:05:03Donc ça a aussi son impact
01:05:05tout au long du siège.
01:05:07Presque chacun de ces 11 sièges
01:05:09présente des situations différentes, que ce soit
01:05:11pour la taille des armées
01:05:13en jeu, on passe vraiment
01:05:15de quelques centaines à plusieurs milliers,
01:05:17la présence de civils ou non,
01:05:19et les impacts qu'il peut y avoir sur le déroulement
01:05:21du siège. À Louisbourg, il y a vraiment
01:05:23un impact pour la capitulation
01:05:25de la part des Français,
01:05:27puisque les Britanniques
01:05:29débarquent le 8 juin 1758
01:05:31à côté de
01:05:33Louisbourg pour
01:05:35commencer leur attaque. Ils commencent
01:05:37le siège officiellement le 12 juin,
01:05:39parce que c'est ce que j'ai
01:05:41adopté comme définition
01:05:43dans ma recherche de maîtrise,
01:05:45et qui est donc devenu mon livre,
01:05:47une définition du siège selon les sources
01:05:49de l'époque qui est, à partir du moment
01:05:51où on fait les premiers travaux de siège,
01:05:53là c'est le premier jour de siège. Que ce soit
01:05:55pour faire un petit retranchement,
01:05:57que ce soit pour faire une première
01:05:59batterie d'artillerie, ou une première tranchée d'approche,
01:06:01c'est le premier moment du siège.
01:06:03Ça peut faire plusieurs jours
01:06:05qu'on est présent, mais c'est pas encore
01:06:07le moment du siège.
01:06:09Là, par exemple à Louisbourg,
01:06:11les Britanniques arrivent le 8 juin,
01:06:13les premiers travaux sont le 12,
01:06:15ce qui fait que le siège commence véritablement le 12,
01:06:17et il se termine le 26 juillet
01:06:19de la même année.
01:06:21Les fortifications
01:06:23sont plus ou moins en bon état côté français,
01:06:25par manque de moyens
01:06:27on les a un peu négligées, malgré
01:06:29la présence d'ingénieurs sur place,
01:06:31c'est juste qu'il n'y avait jamais les autorisations
01:06:33et les fonds nécessaires pour faire
01:06:35tous les projets qu'on voulait, donc ça restait quand même
01:06:37la plus puissante des forteresses en Amérique,
01:06:39mais qui était du très bas de gamme
01:06:41par rapport aux fortifications européennes
01:06:43en Europe.
01:06:45La forteresse est un peu chancelante par moment,
01:06:47il y a énormément
01:06:49de tensions dans la garnison de la part
01:06:51des vaisseaux, des navires qui viennent
01:06:53aider dans le port de Louisbourg,
01:06:55et la garnison terrestre,
01:06:57et chacun tire un peu de son côté,
01:06:59parfois même littéralement,
01:07:01donc il y a énormément de tensions,
01:07:03et à partir du moment où
01:07:05le 25,
01:07:07le 26 juillet,
01:07:09les britanniques ont
01:07:11coulé les derniers navires
01:07:13dans le port,
01:07:15les derniers navires français dans le port de Louisbourg,
01:07:17ce qui fait qu'à partir de ce moment-là,
01:07:19ils peuvent menacer la ville par terre
01:07:21et par mer, donc là la situation
01:07:23devient intenable, il y a des brèches dans la
01:07:25fortification,
01:07:27conseil de guerre sur conseil de guerre,
01:07:29qu'est-ce qu'on fait, est-ce qu'on fait une capsulation honorable,
01:07:31est-ce qu'on continue de se battre
01:07:33parce qu'on a encore les moyens de se battre,
01:07:35et quand les anglais disent
01:07:37on veut une capsulation sans condition,
01:07:39ça c'est humiliant,
01:07:41ça c'est ne pas accorder ce qu'on appelle
01:07:43les honneurs de la guerre à l'époque pour reconnaître
01:07:45une défense valeureuse, Louisbourg s'est
01:07:47bien défendu, Louisbourg s'est défendu
01:07:49beaucoup plus longtemps que la normale,
01:07:51ils auraient dû avoir
01:07:53une capsulation honorable,
01:07:55les anglais refusent, entre autres en
01:07:57représailles de William Henry un an plus tôt,
01:07:59et
01:08:01les français sont complètement outrés,
01:08:03donc ils décident,
01:08:05on va faire
01:08:07une défense,
01:08:09on va se faire massacrer mais au moins on aura sauvé
01:08:11l'honneur des armes de Louis XV,
01:08:13et là l'intendant,
01:08:15l'équivalent de l'intendant civil,
01:08:17c'est ce qu'on appelle le commissaire ordonnateur à Louisbourg,
01:08:19entre en scène et dit
01:08:21oui mais il y a
01:08:23plusieurs milliers de civils dans la ville,
01:08:25si vous faites ça,
01:08:27vous les exposez à un massacre,
01:08:29eux c'est des dommages collatéraux
01:08:31qu'il faut essayer d'éviter au maximum,
01:08:33et donc là effectivement, après discussion,
01:08:35on décide de prendre en compte
01:08:37plutôt la situation de la population civile
01:08:39qui a subi un siège de près de deux mois,
01:08:41beaucoup de privations,
01:08:43beaucoup de maisons détruites,
01:08:45oui, on n'est plus à une époque
01:08:47où on peut massacrer
01:08:49les populations, mais
01:08:51on l'a vu dans la capsule,
01:08:53la première capsule que j'ai faite pour toi,
01:08:55sur le siège de Berghobsaume en 1747,
01:08:57ça arrive encore une fois de temps en temps,
01:08:59c'est choquant, c'est inacceptable,
01:09:01mais il y a encore le risque que ça arrive,
01:09:03là rien ne dit que les Anglais ne le feront pas,
01:09:05donc autant ne pas prendre le risque,
01:09:07donc les officiers reprennent un peu
01:09:09de leur orgueil, puis décident
01:09:11finalement de capituler, ils vont être
01:09:13d'ailleurs très critiqués en France
01:09:15pour ça, le roi va les
01:09:17critiquer personnellement
01:09:19d'avoir accepté
01:09:21une capsulation déshonorante,
01:09:23parce qu'une capsulation humiliante
01:09:25comme ça, c'est l'armée française qui est humiliée,
01:09:27et le chef de l'armée c'est le roi,
01:09:29donc c'est juste une question d'honneur et autre,
01:09:31donc c'est ça,
01:09:33le siège de Loubourg est aussi intéressant parce que
01:09:35c'est un siège où il y a énormément
01:09:37d'ingénieurs côté français,
01:09:39il y en a à peu près 5 dans la place,
01:09:41ça c'est plus que partout ailleurs
01:09:43dans les colonies,
01:09:45malgré ça, ça ne suffit pas pour
01:09:47faire une défense victorieuse
01:09:49parce que justement ça manque de secours,
01:09:51parce qu'il y a des dissensions
01:09:53à l'interne, mais il y a un journal
01:09:55extrêmement intéressant d'un ingénieur français,
01:09:57François-Claude-Victor
01:09:59Griot de Poyy,
01:10:01qui est un peu, on va dire,
01:10:03le deuxième ingénieur
01:10:05de la place, le premier en fait,
01:10:07Louis Franquet est complètement
01:10:09malade, ça fait des années
01:10:11qu'il est dans la colonie, le climat lui a vraiment
01:10:13pas réussi, ce qui fait qu'il est très malade,
01:10:15donc pendant le siège, il laisse un peu
01:10:17la direction de la
01:10:19défense dans les faits à ce
01:10:21deuxième ingénieur, monsieur Griot de Poyy,
01:10:23et lui son journal est extrêmement intéressant parce que
01:10:25il présente la défense
01:10:27en première ligne, au jour le jour,
01:10:29c'est vraiment, ah, telle
01:10:31partie de fortification commence à être un peu affectée,
01:10:33donc on a mobilisé tant de
01:10:35travailleurs pour aller
01:10:37défendre ou réparer telle partie,
01:10:39ah tiens, moi là je vais aller faire une petite mission
01:10:41d'espionnage dehors pour essayer de reconnaître
01:10:43un peu les travaux ennemis et autres, ça fait que c'est vraiment
01:10:45un regard inédit, c'est vraiment
01:10:47le regard d'un expert de la défense,
01:10:49de la fortification, mais
01:10:51au plus proche des combats. Il mentionne
01:10:53notamment, dans le port de Louisbourg,
01:10:55il y avait en fait plusieurs
01:10:57petits îlots qui fermaient un peu le port,
01:10:59et il y a notamment la principale
01:11:01de ces îlots sur laquelle les Français avaient une grosse batterie
01:11:03d'artillerie, sauf qu'elle est
01:11:05dès les premiers jours du siège bombardée
01:11:07à revers par les Britanniques depuis
01:11:09un point plus élevé, ce qui fait
01:11:11que les 200 à 300 hommes
01:11:13qui sont sur la batterie de cette île d'entrée,
01:11:15pendant plusieurs semaines, c'est un
01:11:17fer qu'ils vivent. Ils sont bombardés nuit
01:11:19et jour à tel point que les
01:11:21bâtiments, il n'y a même plus de
01:11:23gravats possibles pour s'abriter ou quoi que ce soit.
01:11:25C'est vrai qu'on voit avec les yeux de ces ingénieurs
01:11:27la misère que peut
01:11:29représenter la souffrance
01:11:31physique d'un siège.
01:11:33Lui n'était pas sur cette île, mais il le
01:11:35voyait à quelques centaines de mètres, et il l'entendait
01:11:37surtout. C'est un peu les
01:11:39deux sièges
01:11:41phares dont j'ai envie de parler aujourd'hui.
01:11:43William Henry, avec la présence autochtone,
01:11:45le lien avec le dernier
01:11:47de Mohican, et Louisbourg, qui est
01:11:49la principale fortification européenne,
01:11:51le siège le plus long,
01:11:53le plus difficile, on va dire.
01:11:55Pas nécessairement le plus coûteux en
01:11:57homme, puisque ce n'est pas forcément des sièges très
01:11:59sanglants,
01:12:01mais assez
01:12:03éreintants psychologiquement pour la garnison,
01:12:05pour la population. Il y a donc l'argument
01:12:07de la population civile qui rentre en ligne de compte aussi.
01:12:09Avant peut-être de détailler
01:12:11un peu ce rôle d'ingénieur,
01:12:13et puis d'ailleurs les autres rôles,
01:12:15parce qu'on imagine qu'il y a
01:12:19un nombre assez foisonnant.
01:12:23Sur ces assauts-là,
01:12:25de quel type,
01:12:27on a déjà évoqué un peu le sujet tout à l'heure, mais
01:12:29de quel type d'armes on disposait exactement ?
01:12:31Tout à l'heure tu nous parlais
01:12:33qu'il y avait des petits canons, après potentiellement
01:12:35qu'il y avait des canons un peu plus puissants,
01:12:37typiquement sur Henry
01:12:39ou sur justement
01:12:41ce fort de Louisbourg,
01:12:43qu'est-ce qu'on avait en fait
01:12:45pour attaquer et pour se défendre ?
01:12:47On a donc de l'artillerie lourde, de l'artillerie de siège
01:12:49effectivement amenée d'Europe directement.
01:12:51L'artillerie, on a principalement
01:12:53trois types
01:12:55de
01:12:57bouches à feu.
01:12:59On a donc les canons,
01:13:01en fait on distingue surtout
01:13:03selon la trajectoire
01:13:05du projectile et l'utilisation
01:13:07qu'on en fait. Un canon,
01:13:09c'est une trajectoire très rectiligne,
01:13:11donc ça peut
01:13:13percer de plein fouet un obstacle
01:13:15par exemple. Des canons,
01:13:17pour le côté français, puisque
01:13:19vraiment selon les nations européennes,
01:13:21les calibres diffèrent, se ressemblent
01:13:23beaucoup mais ne sont pas tout à fait les mêmes calibres.
01:13:25Pour le côté français,
01:13:27on entre dans l'artillerie de siège
01:13:29à partir d'un canon de 18 livres.
01:13:31Le calibre
01:13:33d'un canon est en fait mesuré
01:13:35selon le poids de son projectile.
01:13:37Un canon de 18 livres
01:13:39va envoyer des boulets
01:13:41de métal de 18 livres.
01:13:43C'est à peu près
01:13:45une dizaine de kilos.
01:13:47Là, c'est vraiment du gros canon
01:13:49de siège fait pour percer des murs.
01:13:51On a du canon
01:13:53de 18 livres, de 24 livres,
01:13:55ça c'est vraiment l'artillerie de siège. En dessous,
01:13:57c'est plus de l'artillerie qu'on utilise sur les champs de bataille
01:13:59que par défaut
01:14:01on utilisait en Amérique pour les rares
01:14:03sièges qu'on faisait parce qu'on n'avait pas de canon
01:14:05plus puissant, mais ce n'était pas
01:14:07de l'artillerie de siège, on faisait un peu avec ce qu'on a.
01:14:09On a aussi les obusiers
01:14:11qui sont un peu à mi-chemin entre
01:14:13le canon et le troisième type qui est le mortier
01:14:15qui peut utiliser des
01:14:17boulets ou aussi des bombes
01:14:19explosives, une trajectoire un peu plus
01:14:21parabolique. Ça, c'est un peu
01:14:23l'artillerie
01:14:25hybride, on va dire. Et enfin, on a
01:14:27les mortiers qui sont généralement beaucoup plus gros,
01:14:29beaucoup plus lourds, beaucoup moins facilement
01:14:31transportables, qui eux sont vraiment des armes de siège
01:14:33par excellence. Ils ont
01:14:35une trajectoire vraiment extrêmement parabolique
01:14:37et qui permet de franchir
01:14:39des obstacles plutôt que de les
01:14:41détruire.
01:14:43Un mortier, il va
01:14:45envoyer non pas des boulets
01:14:47mais des bombes. Donc c'est des
01:14:49projectiles creux qu'on remplit
01:14:51de poudre, on allume avec une mèche
01:14:53calculée vraiment presque
01:14:55au millimètre près pour
01:14:57tant de mèches, ça donne tant de temps en l'air
01:14:59pour voir avec la
01:15:01trajectoire pour que ça arrive à tel endroit et autre.
01:15:03Et le but, c'est que ça explose en l'air
01:15:05pour détruire ou
01:15:07blesser, mutiler avec des éclats.
01:15:09Ça peut détruire les toits
01:15:11par exemple, ça peut difficilement
01:15:13détruire des murs. C'est plus fait pour
01:15:15percer des toits et
01:15:17exploser et mutiler
01:15:19les personnes qui vont avec.
01:15:21Donc ça, c'est vraiment les trois types d'artillerie
01:15:23qu'on a.
01:15:25Les mortiers, c'est pas en
01:15:27livre que ça se calcule,
01:15:29c'est plus les calibres en pouces,
01:15:31c'est-à-dire c'est le diamètre d'une bombe
01:15:33qui est projetée par un mortier.
01:15:35Là on a effectivement, dans le dernier des Mohicans,
01:15:37dans le conseil de guerre
01:15:39qui est fait par la garnison britannique, il mentionne
01:15:41un moment que le Marquis de Montcalm,
01:15:43le général français, a des mortiers de 15 pouces.
01:15:45Donc c'est des bombes
01:15:47de 15 pouces de diamètre.
01:15:49C'est très gros.
01:15:51Dans les faits,
01:15:53les français n'avaient pas à William Henry
01:15:55des mortiers de 15 pouces. Ils avaient un ou deux
01:15:57mortiers de
01:15:5910 pouces, de 9 pouces, de 13 pouces.
01:16:01Mais ils n'avaient pas de l'artillerie aussi
01:16:03lourde que ce qui est montré
01:16:05dans le film. Mais par contre,
01:16:07au début de mon doctorat,
01:16:09en fait au début de ma maîtrise,
01:16:11je me demandais si
01:16:13il y avait effectivement de l'artillerie de siège,
01:16:15de l'artillerie lourde en Amérique, ou est-ce qu'ils avaient
01:16:17juste tout laissé en Europe puis pris un peu ce qui se faisait.
01:16:19Il y a effectivement de l'artillerie
01:16:21très lourde en
01:16:23Amérique. L'équivalent d'un
01:16:25mortier français de 15 pouces, à peu de choses
01:16:27près, c'est un mortier britannique de 13 pouces,
01:16:29selon les mesures françaises et anglaises qui ne sont pas
01:16:31tout à fait les mêmes. Au musée du
01:16:33fort Ticonderoga, dans le nord
01:16:35de l'État de New York, quasiment au niveau de la frontière
01:16:37entre les États-Unis et le Canada,
01:16:39il y avait le fort Carillon,
01:16:41qui a été construit par les français en 1755,
01:16:43qui a été pris
01:16:45par les Britanniques, occupé par les Américains
01:16:47par après, et qui est un très joli musée actuellement.
01:16:49Ils ont conservé la
01:16:51moitié d'un mortier de
01:16:5313 pouces,
01:16:55qui a en fait explosé
01:16:57plus tard, au cours des preuves
01:16:59de tir et autres. C'est
01:17:01impressionnant de voir la taille de ces objets
01:17:03et de se dire qu'ils les ont
01:17:05fait venir par bateau de l'Atlantique.
01:17:07C'est des mortiers qu'ils utilisaient pour les sièges
01:17:09des puissantes forteresses en France.
01:17:11Ils en avaient des plus gros aussi, mais c'est
01:17:13quand même de l'artillerie lourde, de l'artillerie de siège,
01:17:15qu'ils ont pris le temps de faire venir de
01:17:17l'Atlantique, et puis qu'après il faut transporter
01:17:19en Amérique, dans des conditions
01:17:21où il n'y a pas de route.
01:17:23C'est du canotage
01:17:25sur les lacs, sur les fleuves.
01:17:27C'est assez impressionnant.
01:17:29Après, il y a effectivement
01:17:31toutes les armes individuelles,
01:17:33les armes à feu, fusils,
01:17:35pistolets ou autres, mais
01:17:37comme je disais, je ne suis pas un expert de l'armement,
01:17:39je pense que je vais m'arrêter là pour cette question.
01:17:41Je ne saurais pas en dire plus.
01:17:43Quand une ville est assiégée, tu nous as
01:17:45mentionné que c'était des armées
01:17:47qui s'affrontaient, mais qu'il y avait des civils aussi.
01:17:49Les civils n'y prennent
01:17:51jamais part à
01:17:53cette guerre, justement ?
01:17:55Ça dépend du contexte. Est-ce qu'on est
01:17:57dans un endroit où,
01:17:59par exemple en Europe,
01:18:01est-ce qu'on est dans une zone frontière
01:18:03qui vient d'être annexée, auquel cas
01:18:05on essaye de ne pas faire confiance
01:18:07à la population civile, parce qu'ils
01:18:09ne sont pas suffisamment bien intégrés au royaume,
01:18:11donc on va essayer de ne pas trop les faire contribuer
01:18:13au siège. Ils vont plus être
01:18:15« Vous vivez le siège comme nous,
01:18:17essayez de vous faire petits,
01:18:19ça se passera bien ». Dans d'autres
01:18:21cas, la ville se défend
01:18:23elle-même, la population va
01:18:25prêter main forte à la garnison.
01:18:27En Amérique,
01:18:29pas vraiment.
01:18:31À Louisbourg, par exemple, qui est donc une ville
01:18:33véritablement, ce n'est pas juste une fortification,
01:18:35c'est vraiment une ville avec plusieurs milliers d'habitants.
01:18:37Les habitants
01:18:39ne combattent pas, mais ils vont participer
01:18:43à la défense,
01:18:45dans le sens qu'ils vont
01:18:47coudre des sacs de terre, par exemple.
01:18:49La terre, comme je l'ai dit, c'est un matériau
01:18:51qui résiste très bien aux chocs.
01:18:53Par exemple, quand on est à cours de pierre
01:18:55ou qu'on n'a pas le temps de construire
01:18:57vraiment quelque chose en pierre, on va faire
01:18:59des retranchements un peu de briquet
01:19:01de broc avec des sacs de terre,
01:19:03avec des morceaux de bois un peu à droite, à gauche
01:19:05et tout. Tout ce qui peut
01:19:07empêcher le passage dans une brèche, par exemple,
01:19:09on va remplir de sacs de terre,
01:19:11on va mettre des
01:19:13madriers de bois à droite, à gauche.
01:19:15La population de la ville va
01:19:17être mobilisée pour préparer ces matériaux.
01:19:19C'est coudre des sacs,
01:19:21c'est les remplir, c'est aider
01:19:23au transport jusqu'aux fortifications.
01:19:25Après, c'est les soldats qui s'en occupent qui les
01:19:27placent, qui les manipulent.
01:19:29Oui, à Louisbourg, la population
01:19:31ne combat pas,
01:19:33mais elle participe à l'entretien
01:19:35pendant le siège
01:19:37des fortifications.
01:19:39À Québec, c'est un peu la même chose.
01:19:41Mais sinon, il y a plusieurs cas aussi
01:19:43où, quand les Français
01:19:45attaquent, c'est généralement dans des endroits
01:19:47où il y a peu de civils, hormis
01:19:49William & Mary, où là, ils sont
01:19:51dommages collatéraux
01:19:53pour la plupart. Mais quand les
01:19:55Anglais attaquent, c'est beaucoup
01:19:57dans des endroits assez isolés
01:19:59où il y a peu, voire pas,
01:20:01de population civile.
01:20:03C'est ça.
01:20:05Hormis Québec, Louisbourg,
01:20:07certains forts, plus
01:20:09dans des axes passants, on va dire,
01:20:11avec des établissements civils.
01:20:13Niagara, par exemple, il y a quelques
01:20:15civils.
01:20:17La plupart du temps, quand les civils sont présents,
01:20:19ils sont mobilisés pour les tâches annexes de l'armée.
01:20:21C'est-à-dire, aide à creuser
01:20:23un trou, aide à entretenir
01:20:25telle partie de mur ou autre.
01:20:27D'ailleurs, il y a un truc qu'on n'a pas
01:20:29abordé. C'est que
01:20:31sur ces forts,
01:20:33est-ce qu'on retrouve
01:20:35une organisation
01:20:37qui peut être
01:20:39similaire ? Je veux dire, ces forts,
01:20:41il y a différentes parties, j'imagine.
01:20:43C'est très standardisé,
01:20:45ça aussi ? Ou des fois, on se dit,
01:20:47on peut se passer d'un bâtiment ou d'un autre ?
01:20:49Tout à fait, c'est très variable.
01:20:51On peut se passer de tel ou tel bâtiment
01:20:53puisque, comme je le disais tout à l'heure,
01:20:55ce n'est pas des forts pensés vraiment pour la guerre
01:20:57ou du moins pas pour une guerre de siège
01:20:59à l'européenne.
01:21:01On va garder l'architecture typique
01:21:03des forts avec bastions
01:21:05à l'européenne, oui.
01:21:07Parce que ça, c'est vraiment dans les techniques de tir,
01:21:09le flanquement et autres, essayer de faire en sorte
01:21:11qu'aucun point
01:21:13ne soit isolé par rapport à un autre.
01:21:15Oui, il y a ce système général.
01:21:17Mais par contre, le modèle type
01:21:19d'un fort en Amérique,
01:21:21c'est un simple carré avec quatre bastions
01:21:23au coin. Pas nécessairement
01:21:25d'ouvrage avancé, de
01:21:27retranchement de terre ou de bois avant.
01:21:29Ça, c'est plus pour les forts un peu plus
01:21:31élaborés, plus aux frontières
01:21:33et plus tardifs aussi.
01:21:35Le fort Niagara dont je parlais tout à l'heure,
01:21:37qui était une simple bicoque avec une
01:21:39palissade de bois autour, ça devient
01:21:41un fort extrêmement complexe
01:21:43en termes d'architecture
01:21:45avec vraiment
01:21:47des remparts de terre, des palissades
01:21:49de bois et des ouvrages avancés
01:21:51très
01:21:53pensés à l'européenne
01:21:55pour le coup.
01:21:57C'est vraiment très variable
01:21:59selon tel ou tel fort.
01:22:01C'est l'actuel frontière
01:22:03entre la province du Nouveau-Brunswick
01:22:05et la province de Nouvelle-Écosse au Canada.
01:22:07C'était la frontière à l'époque
01:22:09entre les possessions françaises et anglaises.
01:22:11Il est attaqué et pris par les Britanniques
01:22:13en 1755, en juin
01:22:151855, donc encore en temps de paix.
01:22:17Ça, c'est vraiment un petit fort
01:22:19en terre avec un petit peu de
01:22:21palissade de bois, pas vraiment
01:22:23d'ouvrage extérieur ou quoi que ce soit.
01:22:25C'est un fort moderne
01:22:27mais qui n'est pas non plus pensé pour une
01:22:29guerre à l'européenne.
01:22:31On a fait
01:22:33ce dont on avait besoin.
01:22:35Selon les contextes locaux,
01:22:37est-ce que c'est un fort qui va être destiné pour
01:22:3910 soldats ou pour 90 ?
01:22:41Est-ce qu'il y a besoin
01:22:43d'assurer plus de défense extérieure ou pas ?
01:22:45Est-ce qu'on est dans une zone où c'est
01:22:47que des nations alliées autochtones
01:22:49ou est-ce que c'est la frontière
01:22:51avec des nations plus neutres ou hostiles ?
01:22:53Oui, il y a des caractéristiques globales.
01:22:55La fortification bastionnée
01:22:57à l'européenne,
01:22:59mais l'élaboration
01:23:01est différente en termes
01:23:03d'échelle et de puissance
01:23:05de défense selon le contexte local.
01:23:07Quel est le rôle de chacun
01:23:09au sein de ces
01:23:11fortifications ?
01:23:13Là aussi, ça dépend un peu du contexte local
01:23:15selon
01:23:17la force de la garnison
01:23:19et la diversité des profils
01:23:21dans la garnison.
01:23:23Niagara par exemple, il n'y a pas d'ingénieur.
01:23:25Donc, qui est-ce qui va faire office d'ingénieur ?
01:23:27Ce sera souvent les autres scientifiques
01:23:29de la guerre que sont les artilleurs.
01:23:31En l'occurrence, à Niagara, ça va être
01:23:33le commandant du fort qui lui est
01:23:35un officier d'infanterie, mais qui a
01:23:37beaucoup de connaissances en matière
01:23:39de fortification et d'ingénierie militaire.
01:23:41Donc, il va faire un peu office de tout.
01:23:43Au fort Beau Séjour dont je viens de parler,
01:23:45c'est un artilleur qui fait office d'ingénieur
01:23:47parce qu'il n'y a pas d'ingénieur.
01:23:49Contrairement à l'Europe où les artilleurs
01:23:51sont vraiment en constante
01:23:53rivalité avec les ingénieurs
01:23:55parce que c'est les deux armes scientifiques,
01:23:57donc les deux essayent d'être...
01:23:59On est meilleur que vous parce que notre apprentissage
01:24:01est plus difficile, on a plus de sciences
01:24:03que vous,
01:24:05mais de l'autre côté, les artilleurs sont plus
01:24:07intégrés à l'armée que les ingénieurs.
01:24:09C'est des rivalités de corps, on va dire.
01:24:11En Amérique, c'est quasiment absent.
01:24:13La nécessité fait qu'il y a
01:24:15tellement peu de ces experts que
01:24:17bon, t'es artilleur,
01:24:19t'as 2-3 connaissances en génie, bon, tu vas faire
01:24:21office d'ingénieur. L'inverse ne sera
01:24:23pas vrai. Un ingénieur ne fera pas office
01:24:25d'artilleur, mais un artilleur
01:24:27pourra faire office d'ingénieur, ça arrive très souvent
01:24:29pendant la guerre de Sept Ans, tout simplement parce que même si
01:24:31on envoie beaucoup d'ingénieurs par rapport à ce qu'il y avait,
01:24:33c'est jamais assez par rapport à l'étendue
01:24:35du territoire et par rapport aux attaques
01:24:37des britanniques. Donc, il y a
01:24:39les ingénieurs, il y a les artilleurs qui, eux,
01:24:41sont en charge des canons
01:24:43ou à l'occasion de l'ensemble de la
01:24:45défense du côté
01:24:47de l'ingénierie.
01:24:49Il y a donc l'état-major qui sont
01:24:51les principaux officiers qui, eux,
01:24:53transmettent les ordres à droite et à gauche.
01:24:55Il y a donc les soldats qui, eux,
01:24:57sont la force
01:24:59de frappe, mais aussi la force
01:25:01d'entretien. S'il n'y a pas de
01:25:03population civile à mobiliser,
01:25:05on va essayer d'utiliser, justement,
01:25:07des ouvriers qui sont les soldats.
01:25:09En Europe, il y a des ouvriers spécialisés.
01:25:11Il y a des sapeurs, il y a des mineurs.
01:25:13En Amérique, il n'y en a pas du tout.
01:25:15Donc, on mobilise
01:25:17la population civile quand il y en a,
01:25:19ou les soldats, ou la dernière catégorie
01:25:21qui est les miliciens qui, eux, sont
01:25:23des civils sans être des civils.
01:25:25Dans le sens, c'est le service
01:25:27militaire un peu avant l'heure.
01:25:29Il y a d'ailleurs
01:25:31un mythe encore très tenace de la glorieuse
01:25:33milice canadienne qui était
01:25:35des guerriers super
01:25:37entraînés, super bons tireurs,
01:25:39des tireurs d'élite qui allaient tous à la chasse
01:25:41et qui savaient tous viser entre
01:25:43les arbres de l'Amérique et autres. Non.
01:25:45Ça, c'est un tout petit noyau.
01:25:47C'est plusieurs milliers d'hommes, la milice
01:25:49au Canada. C'est quelques centaines
01:25:51d'hommes qui sont
01:25:53effectivement des bons combattants en 1755.
01:25:55Pourquoi ? Parce que la colonie a
01:25:57connu plus d'une trentaine
01:25:59d'années de paix. Ce qui fait que tout
01:26:01l'entraînement que les grands-pères ont eu,
01:26:03il s'est perdu. L'expertise
01:26:05de tir qu'avaient les Canadiens au début du
01:26:07XVIIIe n'existe plus ou presque
01:26:09en 1755. Ce qui fait qu'au début,
01:26:11en 1755,
01:26:13déjà, non seulement il y a une armée professionnelle
01:26:15qui vient, ce qui fait que vous êtes
01:26:17des amateurs, laissez-nous passer, mais c'est
01:26:19aussi le fait que vous, la milice, vous allez vous battre pour
01:26:21votre pays. Vous battre pour votre pays, c'est quoi ?
01:26:23C'est tracer les chemins, c'est transporter
01:26:25le matériel, puis si on a besoin
01:26:27de vous, vous tirez du fusil. Ce qui arrive
01:26:29à partir de 1758-59 où
01:26:31le poids
01:26:33des forces britanniques est tel
01:26:35qu'on a besoin de tout ce qui est en âge
01:26:37de se battre et ce qui est capable de se battre. Mais jusqu'à
01:26:391758-59, la
01:26:41milice, c'est une main d'oeuvre pour
01:26:43l'armée. Hormis un petit
01:26:45noyau dur de combattants, c'est eux
01:26:47qui transportent le matériel, qui
01:26:49réparent les fortifications ou qui construisent de
01:26:51nouvelles fortifications. Donc c'est ça.
01:26:53On a les officiers qui sont
01:26:55répartis selon leur expertise, ingénieurs,
01:26:57artilleurs, états-majors pour
01:26:59chapeauter le tout. On a les soldats
01:27:01qui sont la force combattante par excellence,
01:27:03qui peut aussi faire les tâches annexes.
01:27:05Et on a éventuellement la population civile
01:27:07ou la milice. Ça reste un peu flou
01:27:09dans mon souci. Pourtant, je l'ai vu il n'y a pas très longtemps,
01:27:11le dernier Mohican. Mais justement,
01:27:13il ne joue pas un peu sur ce cliché dans le film
01:27:15« Milicien ». Tout à fait, oui.
01:27:17Même si le cliché est moins présent
01:27:19côté américain,
01:27:21ils essayent de l'avoir un peu,
01:27:23mais
01:27:25dans les faits, à l'époque,
01:27:27les milices anglaises étaient encore
01:27:29moins bonnes que les milices canadiennes.
01:27:31C'était encore plus
01:27:33des civils qui n'avaient jamais mis la main
01:27:35sur un fusil, ou presque. Théoriquement,
01:27:37en Nouvelle-France, au Canada,
01:27:39il y avait un entraînement une fois par semaine.
01:27:41Dans les faits,
01:27:43à partir des années 1740,
01:27:47on fait tout pour ne pas aller à l'entraînement
01:27:49parce que ça ne nous intéresse pas,
01:27:51parce qu'on n'en a pas besoin, parce qu'on est en temps de paix.
01:27:53C'est ça. Mais côté américain, effectivement,
01:27:55c'est encore plus
01:27:57catastrophique, on va dire, au début du conflit.
01:27:59Mais les Britanniques vont justement, à force
01:28:01d'être confrontés au souvenir
01:28:03des Canadiens qui,
01:28:0560 ans avant, étaient des bons guerriers,
01:28:07des bons combattants, vont
01:28:09créer des nouvelles
01:28:11unités de harcèlement,
01:28:13de petites guerres,
01:28:15de tireurs d'élite et autres,
01:28:17qui vont être confrontés aux troupes de la marine
01:28:19française qui, eux, sont véritablement des militaires
01:28:21beaucoup plus entraînés,
01:28:23justement, beaucoup plus...
01:28:25Ce n'est pas tous des tireurs d'élite exceptionnels
01:28:27comme on voit dans le film, justement, non.
01:28:29Il y a justement tout le côté cliché
01:28:31qui est dans le film, mais il y a une
01:28:33petite part de vérité.
01:28:35Très petite. Ça reste un excellent film.
01:28:37On dira pas de mal du film ici, t'inquiète pas.
01:28:39Et alors,
01:28:41les ingénieurs, du coup, on peut considérer...
01:28:43Tout à l'heure, tu nous disais qu'il y avait un siège où il y avait jusqu'à
01:28:455 ingénieurs. En gros, plus t'as d'ingénieurs,
01:28:47plus tu peux être en capacité de
01:28:49gérer différents fonds
01:28:51ou différentes brèches, du coup. Tout à fait.
01:28:53Comme c'est eux qui ont
01:28:55théoriquement
01:28:57l'expertise scientifique, l'expertise
01:28:59de l'entraînement, la formation
01:29:01pour gérer tout ça,
01:29:03c'est sûr que plus on en a, mieux c'est.
01:29:05Louisbourg, c'est exceptionnel qu'il y en ait
01:29:07autant. 5 ingénieurs présents au
01:29:09même endroit, au même moment en Amérique,
01:29:11c'est unique, ou presque.
01:29:13La seule autre occurrence,
01:29:15c'est quand les Français perdent Québec
01:29:17en 1759, qu'ils essayent de reprendre
01:29:19Québec en 60. Là, il y a
01:29:215 ingénieurs au Canada.
01:29:23On les fait venir tous au même endroit
01:29:25à Québec. Le siège va d'ailleurs échouer.
01:29:27C'est le seul des 11 sièges à l'européenne
01:29:29qui va échouer, parce qu'il n'y avait plus
01:29:31d'artillerie de siège côté français, parce que
01:29:33les Anglais l'avaient toutes capturée.
01:29:35Mais on fait carrément revenir
01:29:37de tous les postes éloignés
01:29:39où il y avait les ingénieurs qui avaient hiverné
01:29:41dans les différents forts, on les fait revenir tous
01:29:43pour l'attaque sur Québec. Mais hormis ça,
01:29:45s'il y a 2 ingénieurs au même endroit
01:29:47au même moment, c'est déjà le bout du monde.
01:29:49Parce qu'on manque cruellement de personnel.
01:29:51Et pourtant, le Canada
01:29:53est la colonie qui a reçu le plus
01:29:55d'ingénieurs pendant la guerre de Sept Ans.
01:29:57Il n'y a que les Antilles
01:29:59à partir de 1762 qui peuvent
01:30:01rivaliser. Mais sinon,
01:30:03les Indes,
01:30:05les côtes de l'Afrique, les Antilles,
01:30:07la Louisiane. La Louisiane, c'est
01:30:09un seul ingénieur qui est envoyé.
01:30:13Au Canada et à Louisbourg,
01:30:15c'est à peu près une douzaine.
01:30:1712-13 qui sont envoyés
01:30:19entre 1755 et 1760.
01:30:21Mais pareil, ils ne sont jamais tous au même endroit au même moment.
01:30:23Il y en a qui peuvent être mutés d'une colonie
01:30:25d'une autre parfois. Il y en a un qui meurt
01:30:27au combat, très vite.
01:30:29Il arrive en 1756, en mai,
01:30:31puis en août, il est tué au combat.
01:30:33Tué au combat, oui et non.
01:30:35C'est un accident.
01:30:39Monsieur Jean-Claude Henri de Lombard
01:30:41de Comble, petite noblesse
01:30:43française, ingénieur depuis
01:30:45une grosse douzaine d'années,
01:30:47bien expérimenté,
01:30:49bien compétent et autre,
01:30:51est envoyé au Canada en 1756.
01:30:53On décide d'attaquer les forts britanniques.
01:30:55Il y a trois forts à l'embouchure
01:30:57de la rivière d'Oswego.
01:30:59C'est dans l'actuelle ville d'Oswego, dans le nord de l'état de New York.
01:31:01C'est sur la rive sud du lac Ontario,
01:31:03qui est le plus à l'est des grands lacs.
01:31:05On décide d'aller attaquer
01:31:07ces forts britanniques.
01:31:09La première étape, c'est d'observer
01:31:11les forts, de faire une reconnaissance
01:31:13pour déceler les points faibles
01:31:15et les points forts.
01:31:17Au matin du 11 août, l'armée française
01:31:19est arrivée la veille, quelques kilomètres plus loin.
01:31:21Monsieur de Comble est envoyé
01:31:23avec son autre collègue, Jean-Nicolas Desandroins.
01:31:25Ils sont deux ingénieurs dans l'armée à ce moment-là.
01:31:27Deux fraîchement arrivés au Canada.
01:31:29Ils arrivent et font leur reconnaissance.
01:31:31Ils décident de se séparer
01:31:33pour aller prendre des angles différents.
01:31:35Ils ont une escorte, évidemment,
01:31:37parce qu'on est quand même en temps de guerre.
01:31:39On s'apprête à assiéger une garnison,
01:31:41donc il faut se protéger un minimum.
01:31:43Parmi les membres de l'escorte,
01:31:45il y a différents autochtones.
01:31:47Il fait très chaud ce jour-là,
01:31:49le 11 août 1756,
01:31:51sur le lac Ontario.
01:31:53Monsieur de Comble décide
01:31:55d'enlever son justocorps,
01:31:57qui est le manteau à peu près actuel,
01:31:59qui était de couleur bleue.
01:32:01Il se retrouve avec un uniforme complètement rouge
01:32:03parce que l'autre partie de l'habit était rouge.
01:32:05Ce qui fait que sur le chemin du retour,
01:32:07un autochtone, allié au français,
01:32:09décide de voir un anglais
01:32:11et de le tuer.
01:32:13C'est un peu l'accident bête.
01:32:15Les sources sont assez amusantes
01:32:17sur ce point-là.
01:32:19Il y a plusieurs officiers français
01:32:21qui mentionnent que cet autochtone
01:32:23s'en veut terriblement.
01:32:25Pendant un an, chaque fois qu'il le voit,
01:32:27il encourage ses camarades autochtones
01:32:29à tuer le plus d'anglais possible
01:32:31pour se venger et pour réparer son erreur.
01:32:33Lui-même se vante d'avoir tué 33 anglais
01:32:35en l'espace d'un an pour avoir
01:32:37réparé l'erreur de la mort
01:32:39de cet ingénieur.
01:32:41Lui, c'est le seul qui meurt au combat,
01:32:43qui meurt en Amérique,
01:32:45parce qu'il ne meurt pas au combat,
01:32:47il meurt de manière accidentelle.
01:32:49Mais...
01:32:51Tu peux répéter la question ?
01:32:53On parlait juste des ingénieurs
01:32:55en général
01:32:57et de leur rôle
01:32:59et du fait que
01:33:01c'était relativement rare
01:33:03qu'il y ait plusieurs ingénieurs
01:33:05qui se retrouvent au même endroit.
01:33:07On pouvait partir du principe
01:33:09que si tu te retrouvais
01:33:11derrière des murs et qu'à côté de toi
01:33:13il y avait trois ou quatre ingénieurs,
01:33:15tu pouvais dire
01:33:17ça sent le siège qui va durer un peu.
01:33:19Oui, c'est ça.
01:33:21On peut sentir qu'effectivement
01:33:23s'il y a besoin d'autant d'ingénieurs
01:33:25dans une position fortifiée,
01:33:27c'est qu'on s'attend à ce qu'elle soit attaquée
01:33:29avec des moyens très importants.
01:33:31Donc, si ça se confirme,
01:33:33ça ne va pas être une partie rigolade.
01:33:35Et effectivement, à Louisbourg,
01:33:37c'est assez saisissant
01:33:39les récits du siège de voir à quel point
01:33:41on parle souvent de la guerre de siège
01:33:43comme quelque chose de peu terrible,
01:33:47de peu sanglant, de peu difficile à vivre.
01:33:49Je ne suis pas d'accord du tout
01:33:51avec cette affirmation.
01:33:53Au contraire, quand tu es enfermé
01:33:55dans une place, que ton seul espoir
01:33:57de t'en sortir, c'est que quelqu'un
01:33:59vienne t'aider de l'extérieur
01:34:01ou que la siégeante se lasse
01:34:03ou qu'il y ait des maladies dans son armée et autres,
01:34:05que tu es bombardé nuit et jour,
01:34:07que le repos est quasiment impossible,
01:34:09les munitions s'épuisent,
01:34:11les provisions s'épuisent.
01:34:13Les récits de siège
01:34:15qu'on peut lire à l'époque,
01:34:17c'est souvent saisissant
01:34:19de voir à quel point ce n'est pas
01:34:21du tout une partie.
01:34:23On voit souvent dans les beaux tableaux
01:34:25du règne de Louis XIV ou de Louis XV
01:34:27un siège très ordonné, très théâtral,
01:34:29c'est codifié,
01:34:31c'est presque minuté en théorie,
01:34:33mais dans les faits,
01:34:35c'est l'enfer.
01:34:37C'est l'enfer terrible.
01:34:39Les tranchées de Verdun en 1916,
01:34:41c'est l'équivalent
01:34:43au XXe siècle
01:34:45de sièges du XVIIIe,
01:34:47avec des échelles beaucoup plus grandes
01:34:49parce qu'il y a beaucoup plus d'hommes
01:34:51et l'artillerie plus puissante,
01:34:53mais le principe est le même.
01:34:55Est-ce que dans certains récits,
01:34:57l'ingénieur on le voit
01:34:59comme un sauveur
01:35:01ou comme un oiseau de mauvaise augure ?
01:35:03Comme un oiseau de mauvaise augure, non,
01:35:05mais comme un sauveur,
01:35:07très rarement, trop rarement selon eux.
01:35:09Ça, c'est aussi le grand drame
01:35:11des ingénieurs au XVIIIe siècle.
01:35:13La France, c'est le pays
01:35:15où les ingénieurs ont eu le plus de succès,
01:35:17le plus d'aura
01:35:19du fait de Vauban.
01:35:21Les autres pays,
01:35:23les ingénieurs sont beaucoup moins intégrés
01:35:25et beaucoup moins respectés dans les armées.
01:35:27Et pourtant, en France,
01:35:29c'est une constante lutte de légitimité
01:35:31des ingénieurs au sein de l'armée
01:35:33parce que c'est des officiers sans commandement,
01:35:35c'est-à-dire que sur le terrain,
01:35:37ils ne commandent pas aux hommes.
01:35:39En fait, c'est des conseillers
01:35:41techniques et scientifiques militaires.
01:35:43Ce qui fait qu'il y a un peu toujours le côté
01:35:45au siècle dernier,
01:35:47vous étiez des civils
01:35:49qu'on venait emprunter en temps de guerre.
01:35:51Maintenant, vous êtes des militaires, mais vous n'êtes pas vraiment
01:35:53des militaires à nos yeux. Donc, il y a vraiment
01:35:55toute cette question de légitimité constante
01:35:57de cette quête de légitimité
01:35:59de la part des ingénieurs.
01:36:01Beaucoup d'officiers d'infanterie
01:36:03prétendent que c'est facile
01:36:05d'être ingénieur, donc pourquoi pas
01:36:07m'occuper d'ingénierie moi aussi,
01:36:09avec plus ou moins de succès d'ailleurs.
01:36:11Ce qui fait que c'est vraiment
01:36:13une constante lutte de légitimité.
01:36:15En Amérique, par contre,
01:36:17ça se passe globalement bien pour les ingénieurs.
01:36:19Ils sont assez bien intégrés,
01:36:21assez reconnus dans l'armée française,
01:36:23leur importance, leur expertise.
01:36:25En 1755, on est quand même
01:36:27à un moment où ils sont un peu plus affirmés
01:36:29que ceux de l'armée française.
01:36:31Mais malgré ça, il y a quand même toujours
01:36:33des tensions personnelles, des tensions individuelles,
01:36:35l'ingérence d'officiers d'infanterie
01:36:37qui viennent prétendre
01:36:39« je peux tout aussi bien faire ton travail à ta place,
01:36:41donc viens pas me faire la leçon ».
01:36:43Parfois c'est efficace,
01:36:45parfois non.
01:36:47Celui qui a fortifié Niagara,
01:36:49Pierre Pouchot,
01:36:51le siège des forts d'Oswego
01:36:53où M. de Comble se fait tuer
01:36:55par un autochtone,
01:36:57c'est intéressant à ce sujet-là
01:36:59parce que son jeune collègue, M. Desandroins,
01:37:01qui a 27 ans,
01:37:03qui est très inexpérimenté,
01:37:05il a une expérience militaire
01:37:07parce qu'il a combattu dans l'infanterie
01:37:09dix ans plus tôt, dans la guerre de Suisse en Autriche,
01:37:11mais comme ingénieur, ça ne fait que cinq ans
01:37:13qu'il est ingénieur. Il n'a jamais connu la guerre
01:37:15comme ingénieur. Il a déjà participé
01:37:17à des sièges comme fantassin, mais jamais comme ingénieur.
01:37:19Donc il est un peu regardé de haut
01:37:21par les officiers de l'armée parce que
01:37:23c'est qui ce blanc-bec qui sort de l'école,
01:37:25qui a deux ou trois ans d'expérience,
01:37:27puis qui, bon, on vient de perdre notre principal ingénieur
01:37:29de manière totalement stupide.
01:37:31Bon, ça augure pas très bien.
01:37:33Donc on va décider de mettre
01:37:35à ses côtés, pour l'épauler,
01:37:37M. Pierre Pouchot, qui est un officier d'infanterie
01:37:39qui est reconnu pour ses compétences
01:37:41en ingénierie, sauf que ça ne se passe pas
01:37:43très bien entre les deux hommes parce que justement,
01:37:45Pouchot est un peu plus âgé, plus expérimenté,
01:37:47fait qu'il se dit, bon, on va procéder
01:37:49de telle manière.
01:37:51Desandroins se dit plutôt, moi, avec ma formation,
01:37:53mon apprentissage me dit, ça serait mieux de faire
01:37:55plutôt de telle manière, ce à quoi
01:37:57il se fait réprimander parce que, oh,
01:37:59vous êtes trop scolaire, vous vénérez
01:38:01trop vos bancs. Ça, c'est vraiment
01:38:03la critique principale qui est
01:38:05adressée au corps du génie en France au XVIIIe siècle,
01:38:07c'est le fait qu'ils sont dogmatiques
01:38:09envers vos bancs, et c'est assez
01:38:11vrai, d'ailleurs. Mais
01:38:13ça se passe pas très bien, il y a quelques petits accrochages
01:38:15entre les deux, donc, bon,
01:38:17Desandroins décide de
01:38:19mettre son orgueil de côté puis de suivre un peu,
01:38:21mais par contre, il se plaint aux autorités en France,
01:38:23les autorités du corps du génie,
01:38:25où, à plusieurs reprises,
01:38:27il mentionne, il faut à tout prix que vous
01:38:29envoyez des ingénieurs pour remplacer mon
01:38:31pauvre monsieur de comble, et surtout des ingénieurs
01:38:33qui ont de l'expérience et qui ont une autorité
01:38:35naturelle qui fait qu'on viendra
01:38:37pas les embêter dans leur travail.
01:38:39Ça l'a vraiment traumatisé.
01:38:41Bon, finalement, l'accrochage est assez
01:38:43mineur parce que le siège se passe très bien,
01:38:45mais il y a
01:38:47quelques petits accrochages entre l'infanterie
01:38:49et les ingénieurs. Avec les artilleurs,
01:38:51non. Ça, c'est assez étonnant
01:38:53de voir à quel point
01:38:55la rivalité très forte en France entre les artilleurs
01:38:57et les ingénieurs est quasi complètement
01:38:59absente en Nouvelle-France.
01:39:01Tant mieux, on va dire, pour le mieux du service.
01:39:03Mais dans l'ensemble, ça se passe pas
01:39:05trop mal. Dans l'ensemble,
01:39:07ils sont globalement écoutés.
01:39:09À Québec, en 1760, justement, quand les Français
01:39:11décident de reprendre la ville,
01:39:13d'essayer de reprendre la ville,
01:39:15les officiers de l'armée, les officiers
01:39:17de l'infanterie, proposent un plan d'attaque
01:39:19pour se dire, bon, on va attaquer plutôt
01:39:21sur telle porte parce que le terrain
01:39:23est plus malléable,
01:39:25plus facilement travaillable,
01:39:27même si la fortification est plus puissante.
01:39:29Les ingénieurs se disent,
01:39:31nous, au contraire, on veut plutôt viser telle porte
01:39:33parce que, oui, le terrain
01:39:35est un peu plus difficile à travailler,
01:39:37mais la fortification est en moins bon état.
01:39:39Et au vu du manque d'artillerie
01:39:41qu'on a, c'est peut-être
01:39:43mieux d'attaquer à l'endroit le plus faible.
01:39:45Il y a quelques débats
01:39:47parmi l'armée et tout, puis finalement,
01:39:49le général français décide de suivre
01:39:51l'avis des ingénieurs.
01:39:53Le siège va quand même échouer parce qu'il n'y a pas
01:39:55assez d'artillerie. Côté français,
01:39:57l'artillerie de siège est quasiment inexistante,
01:39:59puis les rares pièces d'artillerie lourdes
01:40:01qu'ils ont réussi à ramener un peu partout
01:40:03crèvent ou explosent pendant le siège.
01:40:05La poudre est mauvaise.
01:40:07Il n'y a vraiment aucune condition favorable
01:40:09pour reprendre Québec, donc c'est le seul des sièges
01:40:11qui échoue, mais on a décidé
01:40:13quand même de suivre l'avis des ingénieurs.
01:40:15Dans l'ensemble,
01:40:17ils ne sont pas vus comme des sauveurs, mais on leur fait confiance.
01:40:19Généralement,
01:40:21on reconnaît que vous êtes ceux
01:40:23qui ont l'expertise, donc
01:40:25on va suivre vos avis,
01:40:27en notant que c'est argumenté, puis que
01:40:29ce n'est pas insensé, évidemment.
01:40:31Vu qu'ils ont une expertise
01:40:33et qu'ils sont relativement peu nombreux,
01:40:35est-ce que ça ne peut pas être
01:40:37un enjeu
01:40:39stratégique que d'aller, par exemple,
01:40:41capturer un ingénieur ennemi ?
01:40:43Tout à fait. Du côté britannique,
01:40:45des assiégeants britanniques à Louisbourg, par exemple,
01:40:47au cours d'une sortie
01:40:49d'une partie de la garnison française,
01:40:51on se vante d'avoir
01:40:53réussi à capturer un ingénieur britannique.
01:40:55Alors certes, les ingénieurs britanniques
01:40:57n'ont pas l'aura
01:40:59et le respect européen des ingénieurs français,
01:41:01parce que les ingénieurs
01:41:03britanniques, autant la France,
01:41:05c'est le pays
01:41:07qui a le plus développé
01:41:09son corps d'ingénieur à la suite de Vauban,
01:41:11autant l'Angleterre est un des pays
01:41:13le plus à la traîne.
01:41:15Ça fait suite à un contexte politique où les Anglais
01:41:17sont très méfiants vis-à-vis des fortifications
01:41:19depuis le XVIIe siècle,
01:41:21parce qu'il y a eu des révolutions,
01:41:23des guerres civiles, et donc les fortifications
01:41:25sont vues en Angleterre comme
01:41:27plus de points de rébellion
01:41:29possibles que
01:41:31véritablement une défense du territoire.
01:41:33Hormis les fortifications des grandes villes
01:41:35ou des côtes, on fait plus
01:41:37à la marine, ce qui fait qu'on a
01:41:39moins besoin d'ingénieurs, on développe
01:41:41moins les corps d'ingénieurs. Donc oui, les ingénieurs
01:41:43britanniques n'ont pas l'aura
01:41:45des ingénieurs français, mais par contre,
01:41:47les Français sont quand même bien contents de pouvoir en capturer un
01:41:49à Louisbourg, parce que ça veut dire que ça en fait un de moins
01:41:51côté britannique, un expert de moins,
01:41:53donc moins de chances que l'attaque soit bien menée.
01:41:55À l'inverse,
01:41:57en 1755, donc en temps de paix,
01:41:59quand on envoie les premiers renforts
01:42:01au Canada côté français,
01:42:03ces quelques milliers d'hommes, on envoie
01:42:05trois ingénieurs.
01:42:07Ces trois ingénieurs n'arriveront jamais en Amérique,
01:42:09parce qu'ils sont capturés en mer par les
01:42:11britanniques, qui en fait se livrent en temps
01:42:13de paix à des actes de piraterie,
01:42:15piraterie pure et dure,
01:42:17on essaie d'intercepter les renforts,
01:42:19ils réussissent à n'intercepter finalement
01:42:21que deux ou trois navires, 400 hommes,
01:42:23manque de peau sur les deux navires
01:42:25capturés, il y avait les trois ingénieurs,
01:42:27donc ça c'est une belle prise côté
01:42:29britannique, c'est un désastre côté
01:42:31des autorités françaises, parce que c'est
01:42:33on n'a que deux ou trois ingénieurs dans
01:42:35les colonies,
01:42:37qui ne sont pas forcément formés très bien
01:42:39à l'européenne, parce que c'est des canadiens nés au
01:42:41Canada, mal formés et tout,
01:42:43s'il vous plaît, envoyez-en d'autres, ce qui fait
01:42:45qu'en 1756, on en envoie deux autres,
01:42:47il y en a un qui meurt tout de suite, un qui fait ses preuves
01:42:49très rapidement, ça se passe bien,
01:42:51on en envoie encore un ou deux autres,
01:42:53en 1759, on en envoie encore trois autres,
01:42:55mais ce qui fait qu'effectivement, il y a un enjeu
01:42:57de priver l'ennemi de cette
01:42:59expertise,
01:43:01en 1755, on est conscient que
01:43:03la prochaine guerre en Amérique sera
01:43:05différente de celle
01:43:07qu'on a connue jusqu'à présent, parce que là,
01:43:09c'est des envois massifs d'armées européennes,
01:43:11donc ce qui veut dire qu'on va se battre
01:43:13à l'européenne, et se battre à l'européenne, à cette
01:43:15époque, c'est quoi ? C'est principalement
01:43:17des sièges, et qui sont les
01:43:19experts de ces sièges ? C'est les ingénieurs.
01:43:21Le titre de mon livre
01:43:23« Changer le système de la guerre », c'est exactement
01:43:25ça, c'est une citation,
01:43:27c'est un extrait d'une citation
01:43:29d'un des ingénieurs français qui
01:43:31décrit le système de fortification
01:43:33du Canada, et qui mentionne
01:43:35que jusqu'à présent, les petits
01:43:37forts de bois, droite à gauche, étaient très efficaces
01:43:39pour contrer les
01:43:41autochtones, ou pour contrer
01:43:43des petits troupes britanniques avec
01:43:45peu d'artillerie. Mais maintenant,
01:43:47on arrive avec une artillerie de sièges,
01:43:49donc ça va changer
01:43:51le système de la guerre qui, elle,
01:43:53va devenir plus européenne,
01:43:55des sièges, des batailles, de l'artillerie,
01:43:57tout ça. Juste pour en finir
01:43:59avec cet aspect un peu tactique
01:44:01de capturer
01:44:03un ingénieur, est-ce que
01:44:05l'ingénieur peut du coup
01:44:07avoir peut-être
01:44:09de part une correspondance
01:44:11des plans préalables
01:44:13des différents bastions,
01:44:15et est-ce que du coup,
01:44:17dans une logique de renseignement pour pouvoir
01:44:19attaquer des places,
01:44:21ça peut être intéressant aussi de faire
01:44:23parler un ingénieur par exemple
01:44:25sur différentes places ?
01:44:27J'ai pas d'exemple d'interrogatoire
01:44:29d'ingénieur qui permettrait de
01:44:31divulguer des renseignements ou autre, mais par contre,
01:44:33c'est vrai que oui, ça fait partie du travail
01:44:35de préparation d'un siège.
01:44:37Tout ce qu'on peut réunir comme documentation
01:44:39sur la place à assiéger,
01:44:41on va l'utiliser.
01:44:43L'effort d'Oswego, justement,
01:44:45fait par les britanniques,
01:44:47le premier effort est fait dans les
01:44:49années 1720, puis dans les
01:44:51années 1750, ils en font un deuxième,
01:44:53et au tout début de 1755,
01:44:55ils en font un troisième.
01:44:57Il y a eu des plans
01:44:59faits par un ingénieur français
01:45:01présent au Canada dans les années 1720,
01:45:03un plan assez vieux,
01:45:05assez daté, puisque c'est quand même
01:45:0730 ans auparavant.
01:45:09Les Français
01:45:11l'utilisent, ce plan. Ils utilisent toute la
01:45:13documentation qu'ils peuvent avoir. Mais par contre,
01:45:15Monsieur de Comble, qui va mourir
01:45:17tragiquement dans les phases préparatoires
01:45:19du siège, avant le siège,
01:45:21il va d'abord faire une première reconnaissance.
01:45:23C'est en fonction de
01:45:25tout ce que j'ai pu lire sur
01:45:27ces trois forts britanniques,
01:45:29le plan de Monsieur Chausse-Groglerie
01:45:31qui a été fait 30 ans auparavant,
01:45:33il va l'utiliser, il va aller sur place.
01:45:35Donc ça, c'est mi-juillet.
01:45:37Mi-juillet 1756, en préparation
01:45:39du siège, on envoie cet ingénieur
01:45:41dans l'actuelle ville de Kingston
01:45:43en Ontario, donc c'est au Canada,
01:45:45c'est vraiment à l'opposé
01:45:47sur l'autre rive du lac. Oswego,
01:45:49c'est au sud du lac Ontario.
01:45:51C'est presque en ligne droite sur la
01:45:53rive nord du lac qu'il y a le Fort Frontenac,
01:45:55l'actuelle ville de Kingston, qui est
01:45:57un gros fort français à cet endroit-là.
01:45:59On envoie l'ingénieur là-bas
01:46:01pour aller préparer le siège.
01:46:03Il traverse le lac,
01:46:05puis il va faire une première
01:46:07reconnaissance
01:46:09des fortifications
01:46:11et il va en faire des documents vraiment
01:46:13exceptionnels. Un très beau
01:46:15plan
01:46:17fait vraiment sur le terrain.
01:46:19Il fait une ébauche de plans, puis il revient
01:46:21au Fort Frontenac, puis il trace
01:46:23un plan fin juillet. Il fait
01:46:25un mémoire d'une dizaine de pages qui
01:46:27accompagne ce plan pour dire
01:46:29ici on voit de côté en A
01:46:31tel bastion de tel fort,
01:46:33la nature du terrain c'est ci et ça
01:46:35et tout, et il va en proposer un
01:46:37projet d'attaque. Le plan qu'il fait,
01:46:39qu'on a encore dans les archives, qui est d'ailleurs
01:46:41unique pour l'Amérique du Nord à cette
01:46:43époque,
01:46:45c'est pas un plan
01:46:47de projet de fortification,
01:46:49c'est un plan d'un projet d'une attaque.
01:46:51En fonction de ce que j'ai vu,
01:46:53de ma formation, de mon expérience,
01:46:55j'ai pu voir que le terrain ressemble à
01:46:57des collines boisées, à peu près
01:46:59telle distance.
01:47:01Les fortifications ressemblent
01:47:03à ça. La garnison est
01:47:05estimée selon les interrogatoires des prisonniers
01:47:07à tant d'hommes. Donc moi,
01:47:09ingénieur, je propose de procéder de
01:47:11telle manière. Et ça c'est un document vraiment
01:47:13unique. On a un mémoire
01:47:15avec un plan. Il y en a beaucoup
01:47:17en Europe, il y en a quasiment pas en Amérique.
01:47:19C'est le seul où on a le plan
01:47:21et le mémoire.
01:47:23Pour Québec, en 1760, on a des mémoires
01:47:25préparatives d'attaque,
01:47:27mais c'est ça. Donc oui, effectivement,
01:47:29les ingénieurs vont
01:47:31avoir...
01:47:33En fait, c'est des missions de renseignement,
01:47:35les reconnaissances. Pour faire un peu
01:47:37le lien avec l'entretien de Stéphane Jeunet sur l'espionnage,
01:47:39les ingénieurs sont pas des espions,
01:47:41mais contribuent au renseignement
01:47:43militaire. Si ce n'est que c'est pour un but
01:47:45très précis, c'est pour préparer
01:47:47une attaque sur un point.
01:47:49Bien évidemment aussi, un ingénieur
01:47:51à l'inverse qui est affecté
01:47:53dans une nouvelle place,
01:47:55il va recevoir toute la documentation
01:47:57sur la place, en l'occurrence,
01:47:59les plans de ses prédécesseurs. Parce qu'il faut
01:48:01qu'un ingénieur qui défend une fortification
01:48:03connaisse parfaitement
01:48:05l'état de la fortification.
01:48:07Donc c'est l'architecture globale, mais c'est aussi...
01:48:09On est en 1758
01:48:11à Louisbourg, on sait que tel bastion
01:48:13a été renforcé trois ans auparavant,
01:48:15alors que celui-là vient d'être renforcé
01:48:17deux mois plus tôt.
01:48:19C'est un peu toute l'évaluation de
01:48:21l'état global des fortifications.
01:48:23Les ingénieurs, quand il y a un siège, sont souvent
01:48:25appelés sur le conseil de guerre pour dire
01:48:27« Aujourd'hui, ça fait tant de jours qu'on est assiégé,
01:48:29l'état des fortifications, c'est ça. »
01:48:31Je vais faire un parallèle peut-être un peu
01:48:33foireux, mais je trouve ça
01:48:35rigolo. Aujourd'hui, en France,
01:48:37on a un gros
01:48:39problème, c'est les déserts médicaux.
01:48:41Et du coup,
01:48:43là, les solutions
01:48:45qui sont un petit peu avancées, c'est de dire
01:48:47« Bah tiens, on va prendre des jeunes
01:48:49docteurs, et en fait
01:48:51le but du jeu, c'est qu'on va pas
01:48:53trop leur laisser le choix d'aller
01:48:55où ils veulent s'installer, on va les
01:48:57foutre dans des déserts médicaux
01:48:59parce qu'on en a besoin, puis comme ça ils vont se former
01:49:01là-bas, là on en aura le plus besoin.
01:49:03Est-ce que c'était pareil pour
01:49:05les ingénieurs à l'époque ? Est-ce que du coup
01:49:07les ingénieurs qui étaient envoyés
01:49:09en Amérique du Nord,
01:49:11c'était des types qui étaient
01:49:13volontaires ? Ou alors on leur disait
01:49:15« Eh Coco, tu viens de sortir de l'école,
01:49:17allez hop, tu vas aller te former là-bas. »
01:49:19La réponse, c'est oui et non.
01:49:21Avant la guerre de sept ans,
01:49:23les affectations dans les colonies sont
01:49:25juste assez mal vues, parce qu'on manque
01:49:27de tout dans les colonies. On est souvent dans des
01:49:29contextes où, au niveau climat,
01:49:31c'est soit trop froid, soit trop chaud
01:49:33avec plein de maladies.
01:49:35La vie coloniale est chère,
01:49:37les salaires ne sont pas bons,
01:49:39on est loin des yeux de la cour,
01:49:41donc loin des possibilités d'avancement rapide.
01:49:43Souvent, l'affectation
01:49:45dans les colonies,
01:49:47ce n'est pas
01:49:49très apprécié.
01:49:51De plus en plus, il y a une sorte
01:49:53de blocage
01:49:55en France où les opportunités
01:49:57de carrière sont de moins en moins grandes
01:49:59parmi les jeunes ingénieurs qui sortent de l'école.
01:50:01Au contraire, plus on avance
01:50:03vers le milieu du XIXe siècle
01:50:05et notamment pendant
01:50:07la guerre de sept ans, plus on a la volonté
01:50:09de jeunes ingénieurs
01:50:11d'aller se faire une expérience
01:50:13dans les colonies, de demander
01:50:15une affectation coloniale pour
01:50:17retourner l'argument.
01:50:19Oui, je suis loin de la cour,
01:50:21mais j'ai fait mes preuves dans un contexte
01:50:23très difficile. Ça veut dire que maintenant que je suis
01:50:25de retour en France, vous pouvez me donner des bonnes responsabilités.
01:50:27Il y en a plusieurs pour qui ça marche
01:50:29très bien d'ailleurs.
01:50:31La plupart des ingénieurs envoyés
01:50:33dans les colonies
01:50:35en Nouvelle-France pendant la guerre de sept ans
01:50:37sont volontaires.
01:50:39Ça peut être à n'importe
01:50:41quel moment de leur carrière.
01:50:43Ce n'est pas nécessairement des jeunes
01:50:45blancs-becs fraîchement sortis de l'école
01:50:47qui ont deux ou trois
01:50:49ans de service. Ça peut être des
01:50:51individus qui ont déjà 10, 15, 20 ans
01:50:53de service.
01:50:55Le seul,
01:50:57c'est un peu l'exception qui vient
01:50:59confirmer la règle, c'est Louis Franquet
01:51:01qui lui est le principal ingénieur à
01:51:03Louisbourg, qui est malade pendant le siège.
01:51:05Lui, c'est un peu le dinosaure
01:51:07du groupe, dans le sens qu'il
01:51:09est né en 1697,
01:51:11donc il a déjà plus de 50 ans quand
01:51:13il est envoyé en Nouvelle-France. Il est envoyé
01:51:15en 1750 une première fois.
01:51:17Pendant le temps de paix, juste à la
01:51:19fin de la guerre d'instruction d'Autriche, on
01:51:21commence à préparer le conflit suivant.
01:51:23On vient de récupérer Louisbourg qui a été capturé
01:51:25par l'armée britannique. On va
01:51:27refaire les fortifications, les renforcer
01:51:29et les préparer au conflit suivant.
01:51:31On va demander à Louis Franquet,
01:51:33ça fait 30 ans qu'il est ingénieur,
01:51:35il est bien établi en France, il a des bonnes
01:51:37responsabilités, il est reconnu dans le corps
01:51:39comme étant très compétent. On va lui demander
01:51:41d'aller faire une tournée d'inspection
01:51:43des fortifications en Nouvelle-France,
01:51:45puis d'essayer de les améliorer un peu.
01:51:47Officiellement, c'est une mission de quelques mois.
01:51:49Très vite, c'est
01:51:51reste sur place, puis
01:51:53le principal ingénieur sur place.
01:51:55Tout le temps dans les années 1750, Franquet
01:51:57n'arrête pas de dire « la vie
01:51:59est pourrie ici, il fait froid,
01:52:01il pleut, je suis malade,
01:52:03c'est fait de briques et de brocs,
01:52:05c'est pas possible, renvoyez-moi en France. »
01:52:07Il est renvoyé une première fois en France en 1753,
01:52:09il est tout de suite renvoyé en 54
01:52:11en Nouvelle-France, puis là il y reste jusqu'au
01:52:13siège de Louisbourg en 58.
01:52:15Il est un peu
01:52:17critiqué par
01:52:19certains officiers de l'armée pendant le siège
01:52:21de son retour en France. Il est gentiment
01:52:23mis à la retraite en 1760
01:52:25quand il revient. Deux ans
01:52:27après son retour en France, puis il meurt
01:52:29quelques années après.
01:52:31On lui a demandé
01:52:33une affectation dans
01:52:35les colonies, il a dit non.
01:52:37Il a fallu le convaincre,
01:52:39il s'est laissé convaincre,
01:52:41puis ça s'est plus ou moins bien passé.
01:52:43La plupart des autres, c'est au contraire
01:52:45« j'ai pas forcément d'opportunité de carrière
01:52:49parce que je viens de sortir de l'école, puis tous les bons postes
01:52:51sont pris, ou ça fait
01:52:53plusieurs années que j'ai une carrière, mais que ça avance
01:52:55pas aussi vite que je pourrais l'espérer.
01:52:57Donc s'il vous plaît, envoyez-moi dans les colonies. »
01:52:59Ça va être terrible,
01:53:01ça va être ennuyant, ça va être
01:53:03très difficile, mais à long
01:53:05terme ça peut aider.
01:53:07Jean-Nicolas Desandroins, qui est
01:53:09envoyé en 56 avec
01:53:11deux combles, lui c'est une demande
01:53:13d'être envoyé au Canada.
01:53:15Et ça va très bien payer, parce que
01:53:17il va faire ses preuves.
01:53:19En 56, ça se passe difficilement
01:53:21parce qu'il y a cet accrochage
01:53:23avec Pierre Pouchot, mais après
01:53:25très vite, il apprend de ses leçons,
01:53:27puis en 57, 58,
01:53:2959, 60,
01:53:31il est reconnu par les autorités coloniales
01:53:33et par l'armée comme très compétent,
01:53:35très bien. Il va avoir une carrière
01:53:37en France très intéressante,
01:53:39avec des postes à haute responsabilité,
01:53:41et surtout, il va être envoyé
01:53:43en Amérique en 1780
01:53:45pendant la guerre d'indépendance américaine.
01:53:47Comme il a connu le contexte américain,
01:53:49oui, c'est pas tout à fait le même
01:53:51contexte, parce que c'est pas les
01:53:53colonies britanniques, c'est plus le climat canadien et autre,
01:53:55mais il a une expérience du terrain en Amérique.
01:53:57Donc on va faire appel à son expertise
01:53:59pour diriger les ingénieurs qui sont envoyés
01:54:01avec l'armée française en Amérique.
01:54:03Il va pas
01:54:05participer au siège de Yorktown en 1780,
01:54:07parce que c'est la principale action
01:54:09de la guerre avec l'armée française, mais il est malade à ce moment-là.
01:54:11C'est un petit peu dommage pour lui,
01:54:13parce qu'il va récolter les lauriers de cette belle action,
01:54:15mais par contre, il va être reconnu tout le
01:54:17long des campagnes 1780-82
01:54:19pour justement
01:54:21son expertise, et il va terminer
01:54:23avec des postes à très haute
01:54:25responsabilité en France dans les années
01:54:271780. Il va finir dans
01:54:29les grands échelons des
01:54:31ingénieurs. Il y a en fait,
01:54:33l'échelon de base, c'est l'ingénieur ordinaire,
01:54:35il y a l'ingénieur en chef qui commande
01:54:37à plusieurs ingénieurs ordinaires,
01:54:39et il y a le directeur des fortifications
01:54:41qui commande à plusieurs ingénieurs en chef.
01:54:43Et à la fin des années 1780,
01:54:45il y a douze directions de
01:54:47fortification en France, des endroits
01:54:49en a une, puis il navigue entre
01:54:51plusieurs directions. Il fait partie des principaux
01:54:53ingénieurs du pays. Il fait que lui, pour le coup,
01:54:55sa carrière coloniale a été
01:54:57très utile et très pertinente.
01:54:59Il y en a pour qui ça se passe plus ou moins
01:55:01bien. Bon,
01:55:03il navigue de colonie en colonie.
01:55:05Il y en a un, par exemple, qui est envoyé en
01:55:0759 au Canada
01:55:09qui se fait
01:55:11bien remarquer, puis il va être envoyé
01:55:13aux Antilles dans les années 1760-70,
01:55:15puis il va combattre en Inde
01:55:17en 1777, il va être fait prisonnier
01:55:19en 78 par les Anglais,
01:55:21puis il va quand même bien terminer aussi en France
01:55:23avec des postes pas aussi
01:55:25élevés que des endroits, mais quand même,
01:55:27c'est rare que des ingénieurs
01:55:29qui ont le statut
01:55:31d'ingénieur ordinaire quand ils vont dans les colonies,
01:55:33c'est rare qu'ils terminent leur carrière
01:55:35avec ce même statut. Généralement, il y a toujours un peu
01:55:37d'avancement
01:55:39dans la carrière. Généralement,
01:55:41c'est assez bien vu. C'est des
01:55:43moments difficiles sur place. Ils
01:55:45n'arrêtent pas de s'en plaindre tout le temps, mais ça paye
01:55:47au final pour eux. Est-ce que pour clôturer
01:55:49cette émission, tu aurais une
01:55:51petite liste de bouquins
01:55:53recommandés aux gens qui nous regardent, qui nous écoutent
01:55:55pour mieux comprendre
01:55:57cette guerre de siège ?
01:55:59Tout à fait, tout à fait. J'ai fait une petite liste
01:56:01de livres à côté de moi. Alors déjà,
01:56:03on va commencer par un petit peu d'auto-promotion
01:56:05Pour des sujets spécifiques
01:56:07comme ça, guerre de siège,
01:56:09en Nouvelle-France, ingénierie militaire
01:56:11en Nouvelle-France pendant la guerre de 7 ans,
01:56:13je suis le seul qui fait ça.
01:56:15Il y a plusieurs livres
01:56:17qui ont été faits ou des articles, des études
01:56:19sur certains sièges localisés.
01:56:21Le siège de Louisbourg, par exemple,
01:56:23il y a toute une bibliographie intéressante dessus.
01:56:25Mais là où j'ai apporté
01:56:27quelque chose de nouveau, c'est que j'ai fait un regard synthétique
01:56:29sur l'ensemble de ces sièges
01:56:31et surtout les comparer à la situation européenne.
01:56:33Effectivement, il y a
01:56:35mon petit livre,
01:56:37à peu près 200 pages,
01:56:39200 pages à peu près
01:56:41en 2020. C'est une version
01:56:43très retravaillée de mon mémoire de maîtrise.
01:56:45Pour la partie ingénierie militaire,
01:56:47c'est une dizaine de pages là-dedans
01:56:49parce que c'est en faisant mon mémoire
01:56:51que j'ai vu qu'il y aurait potentiel à beaucoup plus.
01:56:53Donc, attendez 2024
01:56:55ou 2025 que j'ai terminé ma thèse.
01:56:57Puis là, vous aurez une thèse sur les ingénieurs militaires.
01:56:59En attendant, il y a mon blog Trancher et Tricorne
01:57:01sur lequel je partage certains éléments
01:57:03de ma recherche. Pour la guerre
01:57:05de sept ans en général,
01:57:07j'aurai une référence en particulier
01:57:09qui est une excellente synthèse
01:57:11de la guerre de sept ans par Helmut Zembowski
01:57:13qui est prof, ou qui du moins
01:57:15en 2015 au moment de la publication
01:57:17était prof à l'université de Besançon.
01:57:19C'est une excellente
01:57:21synthèse pour avoir le contexte global
01:57:23géopolitique,
01:57:25le déroulement
01:57:27du conflit et autres.
01:57:29Il y a quelques petites erreurs à droite à gauche
01:57:31comme dans à peu près tous les bouquins qui existent sur Terre.
01:57:33Mais c'est une excellente synthèse,
01:57:35ça se lit comme un roman.
01:57:37C'est une bonne brique, mais qui se lit très bien.
01:57:39Il y a une édition, moi j'ai édition au Québec
01:57:41mais elle a été édité en même temps en France.
01:57:43Donc, très facilement trouvable en France.
01:57:45Mon livre est un petit peu moins
01:57:47facilement trouvable en France puisque
01:57:49c'est édité au Québec.
01:57:51Mais je sais qu'il y a beaucoup de librairies locales
01:57:53qui peuvent le faire venir par commande.
01:57:55Donc, vous pouvez le trouver sans trop de difficulté.
01:57:57Pour les ingénieurs
01:57:59et Vauban, il y a
01:58:01une historienne qui
01:58:03dans les années 80 et 90 a
01:58:05beaucoup travaillé sur les ingénieurs.
01:58:07C'est Anne Blanchard qui est décédée
01:58:09fin des années 90, au début des années 2000,
01:58:11je ne sais plus. Elle avait fait
01:58:13une très bonne biographie de Vauban.
01:58:15Donc là aussi, c'est une brique,
01:58:17mais qui donne un
01:58:19bon aperçu du personnage Vauban
01:58:21et de l'évolution des ingénieurs
01:58:23sous sa houlette,
01:58:25on va dire.
01:58:27L'actuel grand spécialiste de
01:58:29Vauban, c'est Madame Michèle Virole,
01:58:31qui est professeure d'université
01:58:33à Rouen, je crois.
01:58:35Professeure d'université en France.
01:58:37Il y a plusieurs de ses travaux
01:58:39que je recommande aussi.
01:58:41Lui, par exemple, c'est Vauban
01:58:43de la gloire du roi au service de l'État.
01:58:45Ce n'est pas une biographie, c'est plus une
01:58:47biographie thématique
01:58:49que vraiment une biographie linéaire comme
01:58:51Anne Blanchard.
01:58:53Pour les ingénieurs, il y a vraiment la Bible
01:58:55dont je me sers tout le temps, c'est Anne Blanchard,
01:58:57c'est les ingénieurs du roi.
01:59:01De Louis XIV à Louis XVI.
01:59:03C'est vraiment une étude sur
01:59:05les ingénieurs français entre
01:59:071690 et la Révolution,
01:59:09donc un siècle d'ingénierie française.
01:59:11C'est un bouquin qui date de 1979.
01:59:13Il a quelques petites
01:59:15lacunes, il ne parle pas du tout des colonies, par exemple.
01:59:17Justement, ça me laisse plus de place
01:59:19pour parler de la Nouvelle France.
01:59:21Il y a quelques petites
01:59:23approximations à droite à gauche, ça reste quand même
01:59:25une Bible incontournable pour l'étude
01:59:27sur le génie. Il y a un dictionnaire des ingénieurs
01:59:29qui vient avec ça, où elle a fait
01:59:31un travail de moine à chercher
01:59:33tous les ingénieurs français,
01:59:35puis de les regrouper en un dictionnaire.
01:59:37Il n'est pas complet là non plus,
01:59:39il y a quelques erreurs sur certains ingénieurs
01:59:41en Nouvelle France, mais c'est deux outils
01:59:43très intéressants. Et pour terminer,
01:59:45plus sur la guerre de siège,
01:59:47j'aurais...
01:59:49Les ouvrages français
01:59:51sont plus sur vos bancs
01:59:53ou sur quelques aspects français
01:59:55de la guerre de siège. Il faudra plus aller chercher
01:59:57des ouvrages en anglais pour un regard
01:59:59global sur l'Europe.
02:00:01Donc j'aurai deux volumes
02:00:03à vous proposer.
02:00:05Christopher Duffy, qui est un universitaire
02:00:07anglais, je crois,
02:00:09qui a fait deux
02:00:11très beaux volumes dans les années 80
02:00:13sur la guerre de siège,
02:00:15si je vous refais. Et pareil,
02:00:17c'est deux très bons livres, donc c'est pas mal
02:00:19ce que je pourrais vous proposer.
02:00:21C'est ça.
02:00:23Merci pour cette biblio.
02:00:25Un petit mot de la fin, peut-être, pour conclure ?
02:00:27Est-ce qu'il y a quelque chose que tu voulais rajouter ?
02:00:29Ou peut-être un appel
02:00:31que tu veux lancer à des futurs collègues sur des terrains
02:00:33qui n'ont pas encore été défrichés,
02:00:35s'il y en a qui veulent se lancer ?
02:00:37C'est sûr que je suis conscient
02:00:39des limites de ma recherche
02:00:41de maîtrise et qui est devenue livre.
02:00:43Mon livre, je l'ai beaucoup retravaillé,
02:00:45je l'ai beaucoup retravaillé pour en faire un livre,
02:00:47mais j'avais quand même des contraintes éditoriales
02:00:49qui faisaient que je n'ai pas pu faire
02:00:51tous les sujets que je voulais sur la guerre de siège.
02:00:53Par exemple, il y a un point qui pourrait être
02:00:55un appel à une recherche,
02:00:57c'est toute la partie logistique,
02:00:59l'armement, le transport de l'armement
02:01:01et autres. Moi, je me suis vraiment intéressé
02:01:03au modèle théorique,
02:01:05à son application
02:01:07en Europe et en Amérique.
02:01:09Maintenant, je m'intéresse aux acteurs
02:01:11derrière tout ça, donc il y aurait encore
02:01:13quelque chose à faire sur la guerre de siège
02:01:15plus la partie logistique.
02:01:17L'implication des civils
02:01:19serait une autre
02:01:21possibilité de recherche très intéressante.
02:01:23N'allez pas croire que
02:01:25j'ai traité du sujet, il n'y a plus rien
02:01:27à faire, tout est fait. Déjà, un,
02:01:29je n'ai pas fait tous les sièges en détail parce que je ne voulais
02:01:31pas me faire juste une liste d'études
02:01:33de cas. Déjà, il y a plusieurs de ces
02:01:35sièges qui ont été traités individuellement.
02:01:37Moi, je vous ai proposé un regard global.
02:01:39Il y a certains sièges qui restent encore à traiter
02:01:41plus ponctuellement.
02:01:43Pour des étudiants
02:01:45qui voudraient se lancer dans des sièges supérieurs
02:01:47et qui voudraient des sujets comme ça, il y a
02:01:49encore du travail à faire.
02:01:51C'est pas mal le seul appel que
02:01:53j'aurais. Sinon, allez suivre
02:01:55mon blog une fois de temps en temps.
02:01:57Je partage des articles.
02:01:59En fait, j'ai commencé
02:02:01mon blog à l'automne 2018
02:02:03en même temps que mon doctorat.
02:02:05Au début, c'était beaucoup d'articles
02:02:07issus de ma maîtrise et
02:02:09un peu de mes premières bribes de recherche
02:02:11de doctorat. Maintenant,
02:02:13c'est plus
02:02:15une anecdote sur un ingénieur,
02:02:17une petite trouvaille de sources ou une réflexion
02:02:19plus globale sur un mythe
02:02:21de la guerre au XVIIIe ou quoi que ce soit.
02:02:23Là, il y a quelques jours, j'ai fait mon dernier article
02:02:25sur l'iconographie
02:02:27sur les ingénieurs au XVIIIe siècle
02:02:29qui est terriblement faible
02:02:31en termes de nombre.
02:02:33Une des rares, en fait la seule
02:02:35iconographie d'époque que je connais
02:02:37sur les ingénieurs français de la guerre
02:02:39de sept ans, c'est une tabatière
02:02:41qui a appartenu à un ministre de l'eau
02:02:43le duc de Choiseul.
02:02:45Cette tabatière, collection privée,
02:02:47il y a une campagne de financement
02:02:49actuellement par le musée du Louvre
02:02:51pour acquérir cette tabatière.
02:02:53J'ai fait un petit article dessus pour dire
02:02:55je vous encourage à aller donner quelques euros
02:02:57pour aider le musée du Louvre
02:02:59à acheter cette tabatière parce que moi, c'est un objet
02:03:01déjà que je trouve magnifique.
02:03:03C'est plusieurs miniatures,
02:03:05c'est quelques centimètres de peinture
02:03:07mais c'est avec une précision
02:03:09et un détail assez incroyable.
02:03:11C'est un bel objet, surtout moi,
02:03:13ça a un lien avec mon sujet
02:03:15parce que c'est la seule image
02:03:17d'ingénieur de la guerre de sept ans, d'époque, que je peux utiliser.
02:03:19Donc, c'est ça.
02:03:21Et si vous avez des questions, bien évidemment,
02:03:23sur quoi que ce soit,
02:03:25il y a un formulaire de contact via mon blog
02:03:27Tranché et Tricorne.
02:03:29T'as un Twitter peut-être aussi ?
02:03:31Twitter, je l'utilise très peu, mais par contre, il y a la page Facebook
02:03:33Tranché et Tricorne qui est associée à mon blog.
02:03:35Donc, que ce soit via Facebook
02:03:37Tranché et Tricorne ou directement
02:03:39sur le blog avec un formulaire
02:03:41de contact, je reçois le courriel et je réponds
02:03:43sans problème. Merci en tout cas, Michel,
02:03:45de nous avoir accompagné ce soir pour cet
02:03:47entretien. Il y aura sur la chaîne
02:03:49Nota Bonus ou Nota Bene
02:03:51des épisodes encore avec
02:03:53Michel parce qu'il y a
02:03:55plein de choses passionnantes à faire et je vous invite
02:03:57déjà à aller voir l'épisode
02:03:59sur la guerre en dentelle
02:04:01disponible sur la chaîne YouTube Nota Bonus
02:04:03et également celui du
02:04:05siège de Berghobsom
02:04:07qui est vraiment tip top
02:04:09aussi. Prochain entretien
02:04:11ce sera le lundi
02:04:1321
02:04:15à 10h
02:04:17du matin. On aura un petit entretien, ça va durer
02:04:19une heure seulement, un peu plus rapide que d'habitude.
02:04:21Ce sera avec Laurent DiFilippo
02:04:23que vous connaissez, qui est déjà intervenu dans l'émission
02:04:25pour la sortie de son bouquin Viking.
02:04:27Nous, on a
02:04:29sorti notre bouquin il n'y a pas très longtemps, Les Vikings
02:04:31et bien Laurent DiFilippo
02:04:33a dirigé son ouvrage collectif qui s'appelle Viking
02:04:35mais qui est plus sur la réception
02:04:37contemporaine des Vikings et sur
02:04:39les interprétations qu'on peut en faire sur l'image
02:04:41contemporaine du Viking. C'est
02:04:43un livre qui est vraiment très complémentaire
02:04:45avec celui qu'on a sorti
02:04:47en octobre et donc
02:04:49on reviendra avec lui lundi prochain
02:04:51à 10h sur la sortie de cet
02:04:53ouvrage et ce qu'on peut y trouver. Merci
02:04:55encore Michel, merci à tous d'avoir
02:04:57suivi cette émission
02:04:59et merci à La Pastèque Masquée
02:05:01comme d'habitude pour la modération et la
02:05:03préparation de l'émission.
02:05:05Salut tout le monde !

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