• il y a 6 mois

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Transcription
00:00Quand j'ai dit que j'allais avoir une fille, on m'a particulièrement félicité.
00:04Et on m'a beaucoup dit, tu vas voir, c'est facile.
00:06Et on m'a aussi beaucoup dit, une fille, ça te va bien.
00:09Comme si c'était un vêtement ou un bijou et qu'il m'allait bien au teint.
00:14On s'inquiète davantage quand on élève une fille que quand on a un garçon.
00:17Pour une raison très simple, c'est qu'on s'inquiète deux fois.
00:19On s'inquiète pour son enfant, parce qu'on a peur pour son enfant quand on est parent.
00:22Et on s'inquiète pour sa fille parce qu'elle est une fille et parce qu'être une fille,
00:26et ça, on le sait dans notre chair en tant que mère,
00:28c'est être soumise, être victime à la brutalité masculine.
00:33On ne sait pas toujours quels mots il faut employer.
00:35Et puis surtout, on a ce défi-là de transmettre, non pas des peurs,
00:39parce qu'on n'a pas envie de transmettre nos peurs et nos névroses à nous de mère à nos filles,
00:43mais une manière de se protéger.
00:45Son première seulement de rue, en tout cas celui qu'elle m'a raconté, elle avait à peine 11 ans.
00:50Et donc, ça a déclenché des discussions à la maison sur la manière dont elle devait se comporter,
00:56elle, en tant que fille, et c'est malheureux parce que c'est évidemment aux hommes de changer leur comportement,
01:00mais comment est-ce qu'elle, elle pouvait se protéger quand elle rentre tard, par exemple.
01:04Il a fallu très tôt que je lui explique comment tenir sa clé très serrée dans la main,
01:09avec la clé qui sort, pour pouvoir éventuellement se défendre en cas d'agression.
01:14Il a fallu que je la prévienne, que je lui explique quelles sont les précautions à adopter
01:18quand on est une jeune femme et qu'on se déplace dans la rue le soir,
01:21mais pas seulement le soir, en pleine journée.
01:23On a eu aussi des discussions houleuses, mais intéressantes,
01:26sur la manière dont on se vêtit quand on est une jeune femme.
01:31Et c'est vrai que moi, j'ai beaucoup eu tendance à lui dire, en tout cas au début,
01:34attention la mini-jupe, attention le mini-short, c'est un appôt harceleur.
01:38Et c'est elle-même qui m'a fait remarquer que non, en fait, qu'elle s'était déjà fait harceler,
01:43à la limite même de l'agression dans la rue, quand elle revenait du sport au lycée en survêtement.
01:48Quand on élève une fille et qu'on est féministe, qu'on se dit féministe comme c'est mon cas,
01:53ce qui est certain, c'est qu'on va devoir confronter nos principes, nos valeurs au réel.
01:58Et c'est vrai qu'il y a des moments où je me suis dit,
02:00en fait, je ne suis pas totalement cachère dans mon féminisme,
02:03c'est-à-dire que je n'avais pas prévu, moi, de dire à ma fille,
02:07peut-être faut-il mettre un pull plus long ou ce genre de choses.
02:10C'est un instant de protection de son enfant.
02:13Et on va, oui, peut-être parfois prendre de mauvaises décisions
02:15ou dire des choses qui ne devraient pas être dites à une enfant, à une jeune fille.
02:19Un truc qui me fascine, dont je parle beaucoup dans le livre,
02:21c'est les relations entre jeunes femmes, entre amis dans la génération d'aujourd'hui.
02:26Il me semble qu'elles ont un rapport beaucoup plus sain et beaucoup plus simple aux autres femmes
02:33par rapport à comment moi, j'ai vécu l'adolescence et mes années de jeunes adultes
02:38avec cette idée qu'il n'y avait pas de place pour toutes les femmes,
02:41qu'il n'y avait pas de place pour tout le monde
02:42et qu'il fallait, à un moment, pour trouver sa place dans la société,
02:46trouver sa place dans le milieu professionnel, trouver sa place aussi en amour,
02:50qu'il allait falloir jeter les autres femmes sous le bus.
02:53Elles, à l'inverse, elles se font plutôt la courte échelle entre femmes.
02:57Je pense que l'adolescence, de manière générale,
02:59et effectivement peut-être cette tranche d'âge-là, 16-18 ans,
03:02elle est éprouvante pour le parent.
03:04La grande différence, c'est que dans les premières années de vie de son enfant,
03:08on l'aide à grandir, on l'accompagne quand il grandit.
03:11Et quand ils sont adolescents, avec les tourments qui sont propres à l'adolescence,
03:15on les accompagne, on les aide à vivre,
03:19ce qui n'est pas exactement la même chose.
03:20On les aide presque à survivre à certains moments et à certains endroits.
03:24L'adolescence, ceci quand même de particulier par rapport aux autres âges de l'enfance de nos enfants,
03:29c'est que c'est la seule période qui nous pousse à convoquer nos propres souvenirs d'adolescence.
03:36C'est-à-dire que quand ils sont enfants,
03:37on ne se rappelle pas tellement de comment on était, nous, à leur âge,
03:40quand ils avaient 5, 6 ou 7 ans, peu importe.
03:43Alors que quand ils ont 15 ans, 16 ans, 17 ans,
03:46on commence à se souvenir de la personne que nous, on était à cet âge-là.
03:50Et c'est généralement à ce moment-là qu'on commence toutes nos phrases par « moi, à ton âge ».
03:55Et évidemment que c'est un réflexe assez naturel de la part du parent.
03:58Et en même temps, je pense qu'il faut aussi qu'on réfrène cette tendance naturelle
04:02à comparer l'adolescence de nos enfants à notre propre adolescence,
04:07pour la simple et bonne raison que l'époque n'est pas la même
04:09et qu'on n'est pas la même personne et que les attendus ne doivent pas être les mêmes.

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