Anne-Laure Delatte, économiste, chercheuse au CNRS, professeure associée à l'Université Paris Dauphine PSL et Jean Pisani-Ferry, économiste, professeur à Sciences Po, ancien président de France Stratégie, analysent les programmes économiques des principales forces politiques en vue des législatives. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-jeudi-20-juin-2024-2290827
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00:00It's the economy, stupid ! C'est l'économie, crétin ! On connaît l'adage de la campagne
00:05présidentielle de Bill Clinton, un adage devenu quasiment une sorte de règle non-écrite
00:10de toute élection importante.
00:12Un grand entretien ce matin pour passer au crible justement la crédibilité et les programmes
00:18des différentes formations qui présentent des candidats aux élections législatives.
00:23On va mesurer la facture des propositions, mesurer la hauteur du mur de la dette, l'importance
00:29du déficit budgétaire qui a été pointé du doigt par la Commission européenne.
00:36Vos questions, vos réactions, chers auditeurs, au 01.45.24.7000 ou sur l'application France
00:42Inter.
00:43Regards croisés ce matin entre deux fins connaisseurs de la politique économique, Jean
00:48Pisani-Ferry et Anne-Laure Delatte.
00:49Bonjour !
00:50Bonjour !
00:51Et bienvenue Jean Pisani-Ferry, économiste, professeur à Sciences Po, ancien président
00:54de France Stratégie, Anne-Laure Delatte, économiste, chercheuse au CNRS, professeure
01:00associée à l'université de Paris-Dauphine-PSL, on va parler de ces candidats qui doivent
01:06passer une sorte de grand oral devant les patrons de ce matin d'ailleurs pour exposer
01:11leur programme et discuter avec les représentants des organisations patronales.
01:16Mais un mot d'abord sur ce déficit budgétaire excessif, l'alerte lancée par Bruxelles,
01:23les règles budgétaires européennes font leur grand retour, c'est comme si on rappelait
01:28que finalement on ne pouvait pas tout promettre dans le cadre d'une campagne législative.
01:34C'est une alerte économique ou est-ce que c'est une alerte profondément politique ?
01:39Qui veut d'abord répondre ? Jean Pisani-Ferry.
01:41Je vais bien.
01:42D'abord un mot sur ce par quoi vous avez commencé.
01:46« The economy is stupid ». Ce n'est pas le cas cette fois-ci.
01:49Ce n'est pas le cas cette fois-ci ?
01:50Non, je crois que les questions économiques sont évidemment très importantes, on va
01:55en parler.
01:56Il faut se rappeler que l'enjeu de base de cette élection, ce n'est pas celui-là.
02:00L'enjeu de base, c'est est-ce qu'on est pour soutenir l'Ukraine ou est-ce qu'on
02:04est pour la laisser tomber ? Est-ce qu'on est pour l'ouverture ou est-ce qu'on est
02:07pour la fermeture ? La tentation du repli est très forte, le risque qu'arrive au pouvoir
02:15un parti qui est profondément imprégné de cette culture, de ce projet, est très
02:23grand.
02:24Le Rassemblement National, bien sûr, est très grand, donc il ne faut pas oublier que
02:27cette élection, elle n'est pas principalement à propos de l'économie, même si la dimension
02:31économique est importante.
02:32Maintenant, pour répondre à votre question… Oui, parce qu'il y a un effet de contexte.
02:35Oui, il y a un effet de contexte, c'est l'application stricte de la procédure telle
02:42qu'elle avait été prévue.
02:43On avait suspendu les règles budgétaires pendant le Covid, on les a remises en vigueur
02:48à partir du 1er janvier, la Commission fait son travail, elle désigne un certain nombre
02:53de pays qui sont aujourd'hui en situation de déficit excessif.
02:58Je pense que c'est une alerte, mais ce n'est pas un événement en soi et surtout pas d'interprétation
03:04politique.
03:05À l'heure de la tête.
03:06En effet, il n'y a pas d'interprétation politique à avoir puisque cet agenda était
03:09prévu, ça tombe malheureusement pendant la campagne des législatives, mais qui elle-même
03:14n'était pas prévue.
03:15C'est une coïncidence.
03:16Maintenant, qu'est-ce que ça veut nous dire ? Ah bah oui, c'était prévu, c'était
03:20dans le calendrier.
03:21Maintenant, qu'est-ce que ça dit ? Surtout, ça dit que la France, là, est dans une situation
03:27budgétaire compliquée.
03:28On a un déficit public de 5,5% du PIB, pourquoi ? C'est le fruit d'une politique budgétaire
03:34pas sérieuse, qui a manqué, qui n'a pas été consciencieuse.
03:39En fait, il y a eu des baisses de recettes publiques, c'est-à-dire des baisses d'impôts
03:44très importantes, qui n'ont pas été compensées par des baisses de dépenses équivalentes.
03:48Et donc, d'après les études, la moitié du déficit, c'est ça.
03:54C'est des baisses d'impôts qui n'ont pas été compensées par des dépenses.
03:58Mais vous ne savez pas, comme Jean-Pierre Zaniferi, le passage par le Covid, le plan
04:02de relance post-Covid, la crise énergétique ?
04:05Vous avez raison, c'est une des raisons du déficit.
04:09Mais la France est dans les pires élèves de la classe en Europe.
04:14On a le déficit public le plus important depuis 2010.
04:17En fait, une partie de l'histoire, même la moitié de l'histoire, c'est une baisse
04:22continuelle des impôts sous ce gouvernement.
04:26L'idéologie, c'était une politique d'offre qui a consisté à réduire les impôts des
04:32entreprises.
04:33Sauf qu'il y a eu pas mal de baisses de dépenses, mais pas suffisamment.
04:37Et donc, la moitié de l'aggravation du déficit public depuis 2017, pour être précise, c'est ça.
04:45Donc, moi, ce que je retiens, c'est qu'on a une politique budgétaire et fiscale qui
04:50n'a pas été sérieuse, qui n'a pas été consciencieuse.
04:53Alors ça, c'est du point de vue du gouvernement, mais du point de vue de ses opposants, que
04:58ce soit la gauche ou la droite, le nouveau Front Populaire ou le Rassemblement National,
05:02est-ce que ça impose des limites ?
05:04Monsieur Pisaniferi, vous avez dirigé le programme d'Emmanuel Macron, vous avez travaillé
05:10sur le programme présidentiel de 2017, vous avez travaillé pendant deux mois.
05:15Là, en l'occurrence, les candidats ont une campagne qui est très accélérée, pas le
05:20temps de faire des chiffrages, des options qui sont plus ou moins garanties par les différents
05:27camps.
05:28Qu'est-ce qu'on peut leur dire en l'occurrence ?
05:30Est-ce qu'il faut se mettre ces règles budgétaires dans la tête avant même de
05:33présenter un programme ?
05:34Alors d'abord, merci de rappeler le rôle que j'ai joué en 2017.
05:38Avant de prendre vos distances avec Emmanuel Macron.
05:40Avant de prendre mes distances.
05:41Et là, dans la période récente, j'ai quand même eu un certain nombre de désaccords
05:45très publics avec des initiatives majeures d'Emmanuel Macron, la réforme des retraites,
05:50la loi immigration, pour citer les principes.
05:52Et vous l'avez dit au effort à ce micro d'ailleurs.
05:54Voilà.
05:55Donc aujourd'hui, je parle d'un point de vue d'expert, je ne parle plus d'un point
06:00de vue politique.
06:01Donc sur ces sujets, moi, je pense que oui, la situation est sérieuse.
06:09Elle est sérieuse pour les raisons qu'a données Adler Delattre.
06:13Aussi, bien sûr, parce qu'il y a eu des baisses d'impôts sur les ménages, de manière
06:17importante.
06:18Il n'y a pas eu des baisses d'impôts uniquement sur les entreprises.
06:20Et parce qu'il y a eu un pari qui a été pris, qui était de se dire qu'au fond, en
06:26augmentant le taux d'emploi, on allait redresser les comptes.
06:30Oui.
06:31Et ça, c'était un pari qui avait du sens, mais simplement, il a échoué.
06:35Il a échoué parce que le relèvement du taux d'emploi n'a pas produit des recettes
06:41à hauteur de ce qui était anticipé.
06:43Donc l'idée de dire on ne va pas rééquilibrer.
06:47Enfin, Macron était obsédé par ce qu'avait fait Hollande, par l'erreur qu'avait faite
06:53Hollande, c'est-à-dire d'augmenter les prélèvements au moment où l'économie
06:58était dans une situation très mauvaise et du coup, par là, d'aggraver la situation.
07:02Donc, il ne voulait surtout pas faire ça et il ne l'a pas fait.
07:06Mais effectivement, il a perdu son pari.
07:08Donc aujourd'hui, je pense que oui, il ne faut pas avoir de tabou sur les prélèvements.
07:13Maintenant, tout est question de proportion.
07:17Tout est question de proportion.
07:18Est-ce qu'on peut dire que tous les partis, tous les programmes doivent présenter quelque
07:23chose comme une politique d'austérité s'ils veulent respecter cette alerte lancée
07:28par la commission de Bruxelles, Anne-Laure Delatte ?
07:30Alors, je crois que ce que Jean vient de dire, c'est justement, il ne vient pas de parler
07:34d'austérité.
07:35C'est moi qui introduis le mot en l'occurrence.
07:38Oui, exactement.
07:39Mais en fait, c'est le contraire de ce que vient de dire Jean, il me semble, parce que
07:41Jean-Pierre Zaniferri vient de nous dire qu'il ne faut pas s'interdire de prélèvements.
07:46En fait, on a un manque à gagner de recettes.
07:48On a baissé trop les impôts et ça n'a pas eu l'effet qu'on pensait qu'il y aurait.
07:55Donc, aujourd'hui, c'est stop ou encore.
07:58Si vous faites stop, ça veut dire qu'il faut s'autoriser à prélever de nouvelles recettes.
08:04Où est-ce qu'on les prélève ? C'est ça la question.
08:07Mais aujourd'hui, un programme économique qui me semble sérieux, c'est un programme
08:11économique qui lève des recettes fiscales, qui lève de nouveaux impôts pour pouvoir
08:17à la fois réduire le déficit public et engager des dépenses publiques d'avenir pour augmenter
08:23la productivité française, pour remettre la France sur une trajectoire de croissance
08:29et aussi pour permettre à la France de faire face aux autres grands pays industriels qui
08:33sont déjà engagés dans la transition écologique.
08:35Aujourd'hui, on n'a pas ces recettes-là pour faire.
08:39Dans le rapport Mahfouz Pizani, vous estimiez qu'il fallait, en dépenses publiques, entre
08:4625 et 34 milliards d'euros par an, donc des dépenses publiques, juste pour la transition
08:53climatique. Ça veut dire qu'aujourd'hui, vous devez réduire votre déficit public.
08:58Donc, une partie de vos recettes sont mobilisées là-dessus et il faut en plus au moins entre
09:0325 et 34 milliards uniquement pour la transition climatique.
09:07Donc, c'est pour ça que je vous prends sur l'austérité.
09:09Non, non, c'est surtout pas de l'austérité aujourd'hui qu'il faut.
09:12Il faut être capable de lever de nouvelles recettes, mais les lever là où il y a de la
09:16marge de manœuvre, surtout pour ne pas étouffer l'économie.
09:19Pour ne pas...
09:21OK, on n'a pas réussi avec la politique d'offre.
09:24Donc, on va arrêter de réduire les impôts.
09:26Mais maintenant, il faut aller les chercher là où ils sont, là où il y a de la marge de
09:29manœuvre.
09:31Réveiller l'économie, ça reste important.
09:33Ce dont on souffre avant tout...
09:35D'un mot avant de passer au programme.
09:36Ce qu'il y a derrière le problème du pouvoir d'achat, c'est la faiblesse des gains de
09:40productivité. Et ça, c'est un problème massif en Europe vis-à-vis des Etats-Unis.
09:46Et c'est particulièrement un problème en France.
09:49Donc, s'il n'y a pas de productivité, il ne peut pas y avoir de pouvoir d'achat.
09:53On est dans un jeu à somme nulle complètement.
09:56Donc, la priorité, c'est vraiment de conduire la transition climatique, mais de le faire
10:03d'une manière qui réveille l'économie, qui crée des gains de productivité et qui
10:11comble ou commence à combler notre retard qui s'accroît vis-à-vis des Etats-Unis.
10:15Alors, juste un point, la productivité, ça va se chercher sur l'éducation, par exemple.
10:19C'est-à-dire que si on a des mauvaises universités, si on a un mauvais
10:26système de santé, on a des capacités productives qui sont détériorées.
10:30Donc, c'est important aussi de se dire qu'il faut engager des dépenses d'avenir.
10:34Alors, voilà le cadre global dans lequel se déroule cette campagne.
10:38Il y a les programmes des différents camps qui vont être précisés dans les jours qui
10:44viennent. Mais aujourd'hui, en tout cas, ils seront auditionnés ceux qui portent les
10:48programmes économiques devant les organisations patronales dans un entretien au Figaro, le
10:54président de l'organisation patronale majeure, le MEDEF, dit tout le mal qu'il pense des
10:58propositions à la fois du RN et du Nouveau Front populaire.
11:02Il les qualifie même de dangereux, ces programmes.
11:05Et je le cite, alors que la situation des finances publiques est très tendue, que la
11:09concurrence internationale est forte et la conjoncture molle, c'est le pire moment pour
11:13se lancer dans des aventures périlleuses.
11:16Un mot peut-être d'ailleurs pour comprendre ce grand oral.
11:20Est-ce que c'est au patron de dicter aux différents partis leur programme ?
11:26Ce n'est pas au patron, ce n'est pas au marché.
11:29C'est un choix démocratique.
11:30Il faut que le choix démocratique se fasse, mais il faut qu'il se fasse de manière informée.
11:34C'est-à-dire qu'il ne faut pas non plus qu'il se fasse dans un déni de réalité, dans
11:39l'illusion que tout est possible.
11:41Dans la situation dans laquelle on est, tout n'est pas possible.
11:44On part d'une situation dégradée sur le plan budgétaire.
11:48On part d'une situation dégradée sur le plan économique.
11:51Il faut tenir compte de ça.
11:53C'est simplement un principe de réalité.
11:55Alors, il y a les trois grands blocs.
11:57Jordan Berdella et Éric Sotti vont venir défendre le programme économique du RN.
12:03Est-ce qu'il est donc si dangereux que ça, Anne-Laure Delatte ?
12:07Alors, le programme du RN, c'est difficile de l'analyser parce qu'il y a eu du
12:12rétro-pédalage depuis vendredi.
12:14On nous a parlé d'une réforme des retraites qui, finalement, n'aura pas lieu, d'une
12:20suppression de l'impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans, finalement, qui n'aura
12:25pas lieu. Ce que je retiens, notamment, c'est une baisse de la TVA sur les produits
12:30énergétiques. Or, ça coûte très cher, une baisse de la TVA.
12:35C'est entre 12 et 17 milliards en fonction des estimations qui ont été faites, disons
12:38une moyenne de 15 milliards.
12:40Or, il n'y a pas de recettes en face.
12:42Là, on vient quand même de se dire pendant cinq minutes qu'on était dans une
12:45situation budgétaire compliquée.
12:47Et donc, la seule promesse de pouvoir d'achat que le RN peut faire aux classes
12:52populaires et aux classes moyennes, c'est cette baisse de TVA et qui n'est pas
12:56financée. Ça veut dire quoi, pas financée ?
12:58Ça veut dire que vous creusez encore davantage le déficit public.
13:02Ça peut se traduire, notamment, parce que le déficit public, c'est extrêmement
13:07technique. Ça ne veut rien dire, ça, pour les Français et les Françaises.
13:10Mais le danger, c'est que si vous avez une augmentation des taux d'intérêt, par
13:13exemple, ça veut dire que le crédit immobilier, tout d'un coup, il devient beaucoup
13:15plus cher. En fait, tous les crédits bancaires deviennent beaucoup plus chers.
13:19C'est ça, une situation non financée.
13:21Jean Pisaniféri, le programme du RN, on peut s'attendre à ce que l'audition de
13:26Jordane Bardella et d'Éric Sotti soit houleuse devant les patrons ?
13:32J'aimerais en être sûr, mais je ne suis pas certain.
13:35Je crois que le sujet, c'est plus ou moins...
13:40Qu'est-ce qui vous rend justement incertain ?
13:43Je pense qu'il y a un peu de complaisance des milieux économiques, qui se disent que
13:47peut-être ces gens-là vont gouverner la France demain et qu'ils commencent à
13:50préparer leur dialogue.
13:53Ils ne veulent pas, en tout cas, prendre des positions qui leur seraient reprochées
13:58demain. Voilà.
13:59C'est ce qui a été dit dans le Financial Times, effectivement, il y a deux jours,
14:03dans un article qui était assez clair sur le fait que les patrons français
14:06commençaient à déjeuner et à prendre des marques avec le Rassemblement
14:11National.
14:12Côté Nouveau Front Populaire, ce seront donc Éric Coquerel et Boris Vallaud,
14:16puisque les différentes sensibilités ont du mal à s'accorder sur un chiffrage et
14:20un programme commun, comme on disait à l'époque.
14:23Ce Nouveau Front Populaire qui présente son programme, on le renvoie très
14:28souvent dos à dos avec celui du RN.
14:31Est-ce que vous partagez cette analyse-là, ou en tout cas, cette mise en
14:34regard de ces deux programmes-là ?
14:37Je suis heureuse que vous me posiez la question, parce que je pense qu'en tant
14:40qu'économiste, c'est ça notre rôle, en fait, c'est de faire un éclairage pour
14:42que les électeurs et les électrices se retrouvent face à des urnes en sachant à
14:46peu près ce qu'ils vont faire.
14:48Effectivement, le risque de mettre les programmes dos à dos,
14:52c'est que quelqu'un qui serait au deuxième tour
14:57dans un duel entre le Rassemblement National et le Front Populaire,
15:02un électeur ait l'impression de ne pas avoir le choix.
15:04Or, vraiment, les projets sont absolument différents.
15:07Même sur le plan économique ?
15:08Non, mais surtout sur le plan économique.
15:09C'est-à-dire que le Front Populaire, moi, la façon dont je l'interprète, c'est
15:13qu'on est sur un programme social-démocrate, en fait.
15:15C'est un programme économique social-démocrate.
15:18Il faut des recettes pour un programme social-démocrate.
15:24Il faut des recettes.
15:25Or, on s'est penchés sur le programme du nouveau Front Populaire avec des collègues
15:30cette semaine, de façon complètement indépendante, notamment avec Lucas Chancel et Elise Huillerie.
15:34Et nous, dans notre scénario moyen, on estime qu'on a des recettes qui peuvent arriver
15:40jusqu'à 90 milliards.
15:41En fait, le scénario moyen, c'est 90 milliards d'euros.
15:43Notre fourchette est entre 60 et 122 milliards d'euros.
15:46Vous voyez, quand vous commencez avec 90 milliards d'euros dans les caisses chaque
15:52année, vous pouvez à la fois réduire le déficit et engager des dépenses publiques
15:56d'avenir.
15:57Donc pour moi, c'est ça, la promesse, le projet du nouveau Front Populaire.
16:02D'un mot sur le nouveau Front Populaire, Jean-Denis Ferry.
16:05C'est évident, c'est une coalition qui s'est faite de manière précipitée, ce
16:10qui est normal parce que le calendrier l'imposait.
16:14Et il y a différentes lectures.
16:16Il y a une lecture qui est plutôt social-démocrate, qui est probablement la lecture de Valéry
16:21Rabot, des socialistes, et puis il y a une lecture beaucoup plus radicale qui serait
16:26du côté de la France Insoumise.
16:28Donc on a besoin un peu de clarification sur ce sujet.
16:31Elle arrivera peut-être au cours de ce grand oral qui aura lieu aujourd'hui.
16:35Et puis, avant de rejoindre Marie au Standard Inter, une question quand même sur le camp
16:41présidentiel, la majorité présidentielle qui vient défendre son bilan avec cette nouvelle
16:46étiquette Ensemble.
16:48Il y a Gange qui, sur l'application France Inter, dit la chose suivante.
16:52Bruno Le Maire parlait récemment de « vérité économique ». Est-ce qu'il y a quelque
16:56chose comme une vérité économique ? Puisque, en présentant leur bilan, le Premier ministre,
17:02Bruno Le Maire, présente une action qui semblerait appartenir au choix, au corps de la raison,
17:09comme on disait il y a quelques temps.
17:11Qu'est-ce que vous en pensez ?
17:12Alors, au risque de me répéter, les leçons sérieuses du gouvernement qui est responsable
17:21de la dégradation des finances publiques depuis 2017, c'est compliqué à entendre.
17:26La vérité, là pour le coup, elle est vraiment du côté budgétaire.
17:30Il manque 60 milliards d'euros dans les caisses chaque année.
17:34Donc il faut lever des impôts.
17:36Et c'est ça la vérité budgétaire.
17:38C'est ça la vérité budgétaire ou la vérité économique ?
17:41En revanche, comme le disait Jean-Pi Zaniferri dans son rapport, il faut aller les lever
17:45là où ils sont, c'est-à-dire notamment sur les hauts patrimoines.
17:48En fait, on a de la marge de manœuvre.
17:50Comme on est dans une campagne éclair, c'est vrai que la répétition, c'est bon pour
17:53la pédagogie.
17:54D'un mot, Jean-Pi Zaniferri, sur cette question de vérité économique et du camp de la raison.
17:57Il y a une vérité économique.
18:00Il n'y a pas une vérité absolue, mais il y a des faits.
18:05L'économie, c'est une science expérimentale, empirique.
18:09On parle des faits et donc on n'est pas dans des fantasmes.
18:14Je pense que c'est très important de rappeler ça parce qu'on est un peu déconnectés
18:19de la réalité dans toute cette discussion autour de la campagne.
18:22Et justement, la réalité, elle se rappelle Marie.
18:25Bonjour.
18:26Bonjour.
18:27Bonjour Marie et bienvenue sur France Inter.
18:31Bonjour, je suis une grande fan de Anne-Laure Delattre, donc je lui fais un compliment.
18:35Ma question, c'est est-ce que les économistes ont chiffré les économiques représentées
18:41pour la puissance publique, la lutte radicale que propose le Nouveau Front Populaire contre
18:46la pauvreté.
18:47Comme l'a dit quelqu'un dont on entend beaucoup parler, la pauvreté, ça coûte
18:52un fric de dingue en fait.
18:54C'est ma question.
18:55C'est une question évidemment qui fait référence à l'expression du président
19:00de la République.
19:01Il y a une question évidemment sur l'appli à propos d'Esther Duflo, la prix Nobel
19:03de l'économie, qui a soutenu le programme du Nouveau Front Populaire.
19:06Qu'est-ce que vous en pensez, Jean-Puisani Ferry ? La lutte contre la pauvreté.
19:11Oui, mais sur le principe, je suis d'accord.
19:14C'est-à-dire si on fait sortir des gens d'une situation de pauvreté, on leur trouve
19:22un emploi, on les forme, on les fait rentrer dans le marché du travail et ils finissent
19:29par être en situation de vivre non pas par des prestations, mais sur la base de
19:37ce qu'ils gagnent, effectivement, ça rapporte.
19:39Mais ceci dit, ça coûte avant de rapporter et d'une certaine manière, c'est un peu
19:46la politique qui a été suivie toutes ces dernières années, puisqu'on a augmenté
19:50le taux d'emploi.
19:51C'était cette idée que critiquait tout à l'heure Anne Lordelat sur le fait de
19:55dire qu'on va s'en sortir en augmentant le taux d'emploi.
19:58Je pense que le taux d'emploi a beaucoup augmenté, la partie de la population qui
20:02est en emploi a beaucoup augmenté.
20:04Manifestement, ça ne suffit pas.
20:06Ça ne suffit pas cette trajectoire vers le plein emploi.
20:09On va prendre Françoise, bonjour au téléphone.
20:13Françoise, bienvenue sur France Inter.
20:14Vous avez une question pour nos invités.
20:16Oui, bonjour, bonjour.
20:17Donc moi, ce que je me demande, l'État donne beaucoup d'argent aux entreprises
20:23avec crédit d'impôt et compagnie.
20:25Et on voit sans arrêt les entreprises délocalisées dans les pays étrangers.
20:30Est-ce que cet argent, l'État le récupère pour les Français ?
20:33C'est ça que je voudrais savoir.
20:35Merci pour votre question.
20:36Françoise, réponse Anne Lordelat.
20:38Alors c'est en effet un vrai sujet.
20:40Ce dont Françoise parle, c'est essentiellement ce qu'on appelle des niches fiscales.
20:43C'est-à-dire, c'est du manque à gagner fiscal, du manque à gagner de recettes pour
20:48l'État.
20:49Parce que l'État permet aux entreprises et aux ménages, mais là vous parlez des entreprises,
20:54de réduire ses impôts via des crédits d'impôt, des exemptions, des exonérations, etc.
20:58Rien que pour les entreprises, ça représente un manque à gagner de 100 milliards par
21:04an.
21:05100 milliards d'euros, c'est beaucoup sur le budget de l'État.
21:08Comment est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer cette situation-là ?
21:13En fait, il faudrait réduire progressivement ces niches fiscales, mais avec des conditionnalités.
21:20C'est ce qui me semble le plus intelligent.
21:22Vous dites aux entreprises, on arrête, on supprime les cadeaux fiscaux de façon progressive,
21:29par exemple 10% par an, 20% par an, sauf si vous respectez votre plan de transition.
21:35Et là, on récupère de l'argent.
21:36Dans le sens où on met l'argent public sur une vraie transition écologique, sur des
21:43efforts et on donne des incitations aux entreprises.
21:45On leur dit, ok, on vous baisse vos impôts si vous faites des efforts, si vous allez
21:49investir dans la recherche et le développement pour la transition climatique.
21:53Il nous reste très peu de temps, Jean-Pyzani-Ferry, il y a la question du commerce extérieur
21:56et du protectionnisme qui est pointé du doigt à la fois dans le programme du Nouveau Front
22:00Populaire et chez le Rassemblement National, c'est une préoccupation qui est absente
22:05de leur programme ?
22:06Le protectionnisme ? Non, c'est central dans le programme du Rassemblement National.
22:12Non, la lutte pour alléger le déficit de la balance commerciale.
22:17Il croit, le Rassemblement National croit que par une espèce de miracle, le fait de
22:26produire français, le fait de réserver les marchés à des entreprises françaises, ça
22:35va réduire le déficit extérieur.
22:36Le déficit extérieur, on n'en a pas parlé, il est abyssal.
22:39C'est une caractéristique de l'économie française qui est de très longue date, ça
22:44ne s'est pas arrangé.
22:45Je pense que c'est tout à fait important de mettre de l'accent dessus, mais ce n'est
22:49pas avec les mesures du Rassemblement National qu'on y arrivera.
22:53Si on parle du camp présidentiel, Gabriel Atta les graine ces derniers jours des mesures
22:57en faveur du pouvoir d'achat.
22:58Est-ce que c'est aussi une manière de répondre à cette préoccupation sociale qui était
23:03exprimée tout à l'heure par plusieurs auditeurs ?
23:05En fait, le gouvernement est coincé.
23:10Baisse des factures d'électricité de 15% dès l'hiver prochain, exonération de frais
23:14de notaire jusqu'à 250.000 euros, augmentation du montant de la prime Macron, bref, on ne
23:19va pas faire toute la liste.
23:20Certes, mais le 17 avril, le gouvernement s'est engagé vis-à-vis de la Commission
23:24Européenne dans ce qu'on appelle un plan de stabilité.
23:26C'est-à-dire qu'il a dit voilà mon budget pour les prochaines années et je vais couper
23:30des dépenses.
23:31Je m'engage à couper 60 milliards de dépenses d'ici 2027.
23:36Donc, soit il respecte son engagement vis-à-vis de la Commission Européenne et ce que raconte
23:43le programme aujourd'hui ne sera pas appliqué, soit il veut appliquer le programme et il
23:48ne respecte pas sa messe vis-à-vis de la Commission Européenne.
23:50Donc en fait, là, le gouvernement me semble dans une situation assez coincée.
23:55Et comme on disait tout à l'heure, c'est du stop ou encore.
23:58En fait, c'est de la continuité ce que promet le gouvernement.
24:01Il n'y aura pas grand-chose de nouveau, c'est impossible en fait.
24:03C'est un paradoxe de rappeler les règles européennes alors qu'on vient de sortir
24:06d'élections, précisément européennes.
24:09Jean-Pizani-Ferry, un mot pour conclure ?
24:12Oui, alors, ce n'est pas le gouvernement qui s'est engagé, c'est la France.
24:18Donc, c'est l'application des règles communes.
24:21Les règles ont été un peu modifiées, pas assez à mon goût.
24:25Je pense qu'elles ne font pas assez de place à l'endettement pour de bonnes raisons et
24:29en particulier l'endettement pour la transition climatique.
24:32Mais elles sont là et donc la commission va avoir à cœur de les faire respecter.
24:38Oui, ce que je voulais dire, c'est que comme il n'y a pas de nouvelles recettes...
24:40C'est la fin de l'entretien, malheureusement.
24:41Mais comme il n'y a pas de nouvelles recettes, de toute façon, ils sont coincés.
24:44C'est ça que je voulais dire.
24:45Si vous avez des nouvelles recettes, vous pouvez en effet réduire petit à petit votre
24:49déficit avec ces nouvelles recettes dans les cases.
24:52On verra donc ce que donnent les programmes dans cette campagne accélérée.
24:55Merci à tous les deux d'être venus nous éclairer.