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Face à la montée de l’antisémitisme en France, le professeur des universités, Gilles Kepel, explique un conflit culturel au sein des universités : «L’idéologie est en train de remplacer le savoir».

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Transcription
00:00 Français, donc laïcs, laïcité = antisémitisme et islamophobie.
00:05 C'est-à-dire, la France est assimilationniste,
00:09 donc les juifs sont des cemsièges.
00:11 Et il est ce qui est frappant, c'est que depuis...
00:14 - La laïcité, pardon, était un alibi ?
00:16 - Laïcité, non, apparaissait comme quelque chose qui était assimilationniste.
00:20 Donc, on s'assimile, du coup, on est obligé de renoncer
00:24 à une partie de son identité, juif, musulman, etc.
00:27 Et c'était perçu...
00:27 - Donc c'est une laïcité punitive, que vous attendez, non ?
00:29 - C'était perçu assez négativement dans le monde anglo-saxon, si vous voulez.
00:33 Or, depuis le 7 octobre, et peut-être parce que ce qu'on a évoqué tout à l'heure,
00:36 c'est-à-dire l'identification spontanée d'un grand nombre de Français
00:40 du fait du Bataclan aux victimes du 7 octobre,
00:45 j'étais il y a quelques semaines au Royaume-Uni,
00:47 où on m'a dit "mais c'est formidable, en France,
00:50 les juifs ont l'air d'être beaucoup moins peur que ça n'est le cas en Angleterre".
00:55 Où la société multiculturelle, finalement, qui juxtapose des identités,
01:01 n'a pas eu la même fonction protectrice que la société française
01:06 pour l'ensemble de ses composantes.
01:08 Et ça, c'est quelque chose qui me semble très frappant,
01:10 c'est-à-dire qu'en France, quelle que soit votre religion ou votre identité,
01:15 si vous voulez, le pacte laïc fait que vous êtes Français.
01:19 Après, vous êtes résident sur le territoire aussi, et vous êtes défendu.
01:22 Donc quand ici, un juif est attaqué en France,
01:26 il est perçu comme un Français qui est attaqué, d'abord et avant tout,
01:30 par l'ensemble de ses concitoyens, aussi comme un juif, si vous voulez.
01:34 Mais le sentiment d'appartenance à la nation est très important en France,
01:39 quel que soit votre...
01:40 - Mais pourtant, dans la communauté juive en France,
01:42 il y a un sentiment d'inquiétude très vif qui s'est développé
01:45 depuis bien avant le 7 octobre,
01:46 on fait Vandalia, le centre de Sarcelles...
01:49 - Oui, mais notamment avec Daesh.
01:52 Mais Daesh n'a pas seulement attaqué des Juifs.
01:55 Moi, j'ai été condamné à mort aussi,
01:57 même si certains croyaient que j'étais juif, je ne le suis pas.
02:00 Et d'une certaine manière, la police, les institutions, la société française
02:06 ont réagi avec une très grande vigueur contre ces opérations,
02:11 les assassinats de Juifs par Daesh, si vous voulez.
02:15 Et d'une certaine manière,
02:17 nos institutions ont été d'une certaine façon équipées pour répondre,
02:22 parce que nous avions déjà expérimenté sur notre sol,
02:25 du fait du terrorisme islamiste sous la forme Daesh,
02:27 principalement, ce genre de choses.
02:29 Ce qui n'était pas nécessairement le cas chez un certain nombre de nos voisins,
02:33 qui pensaient qu'au fond, la juxtaposition communautaire
02:37 permettrait que tout le monde se retrouverait au supermarché,
02:42 mais que finalement, chacun était en son coin.
02:46 Et d'une certaine façon, il me semble qu'aujourd'hui,
02:49 ce modèle français qui est étant décrié par nos voisins communautaristes
02:55 apparaît comme plus efficient,
02:58 notamment pour la protection de tous ceux qui sont sur notre sol
03:03 et tous ceux en particulier qui sont citoyens de la France,
03:06 pas seulement les citoyens, mais parce que c'est ça qui prime.
03:10 Et il me semble que comme Français,
03:12 nous considérons que quel que soit celui d'entre nous qui est attaqué,
03:16 nous devons le défendre, si vous voulez.
03:18 Et ça, c'est quelque chose qui m'a beaucoup frappé cette année,
03:21 où au Royaume-Uni, on me demandait,
03:23 avec intérêt d'expliquer davantage ce qu'était la législation française,
03:26 avec plutôt de la sympathie,
03:27 alors que jusqu'alors, j'étais montré aux doigts
03:29 comme un affreux assimilationniste.
03:31 - Alors, il y a un mot qui est revenu, en fait, dans le vocabulaire,
03:34 le terme « sioniste », qui appartient à l'histoire de la pensée politique,
03:36 mais qui revient souvent comme une insulte aujourd'hui
03:39 dans le vocabulaire d'une partie peut-être de la gauche radicale,
03:42 comme si, et vous me corrigerez si la formule est exagérée,
03:44 mais sioniste est une nouvelle manière de dire « juif » négativement
03:48 et de stigmatiser une communauté.
03:49 - Alors, vous en avez eu un exemple,
03:51 mais sur lequel je ne veux pas trop m'avancer,
03:54 parce que je crois que c'est fait l'objet d'un recours en justice,
03:59 à Sciences Po, vous savez,
04:01 quand ça a été un des scandales, quand l'amphiboutmi,
04:04 où j'avais enseigné tant d'années dans un silence absolu
04:08 à 500 étudiants sur le Moyen-Orient,
04:10 aujourd'hui c'est devenu l'amphigaza,
04:12 et après le seul qui a pu y parler vraiment,
04:14 c'est Mélenchon qui a fait sa harangue.
04:17 Mais donc, dans cet amphithéâtre occupé,
04:21 il y a eu une étudiante qui a été interdite d'accès
04:25 et elle a été dénoncée comme c'est une sioniste.
04:28 Alors après, ça a fait toutes sortes d'histoires,
04:31 certains ont dit qu'elle faisait partie de telle organisation, de telle autre.
04:34 Effectivement, dans l'usage qui en était fait,
04:38 on ne peut pas interdire à quelqu'un d'entrer
04:42 en se référant à des opinions qui sont liées à une origine,
04:48 parce qu'à partir de ce moment-là,
04:50 on ne sait plus si c'est l'origine ou les opinions qui sont incriminées.
04:52 Une confusion volontaire, en quelque sorte, pour en fait.
04:56 Je n'étais pas dans la bouche de celui qui a formulé cette accusation,
04:59 mais on peut imaginer que c'était effectivement ce qu'il ou elle avait en tête.
05:03 Ici, est-ce que j'ai raison d'entendre pas de juif ici ?
05:07 Alors, ça dépend comment c'est formulé.
05:10 Dans le contexte que vous évoquiez ?
05:12 À Sciences Po, je n'y étais pas,
05:16 mais je pense qu'effectivement, les deux étaient certainement confondus.
05:21 En tout cas, il y a quelque chose qui est commun,
05:23 et vous le dites dans le livre,
05:25 et les commentateurs que nous sommes le constatons,
05:29 c'est qu'il y a une crise civilisationnelle.
05:32 Il y a ce conflit qui a décuplé beaucoup de choses,
05:36 et notamment, il y a un autre couloir de nage qui est celui du wokisme.
05:40 Et là, à l'intérieur des universités, vous en êtes victime vous-même.
05:45 Comment est-ce que cette violence-là s'arrête ?
05:50 Effectivement, là, c'est un véritable conflit culturel
05:53 qui se produit dans les universités.
05:55 L'École normale supérieure, où je suis encore pour quelques mois,
05:58 et où on m'a prié de partir à la retraite un an avant terme.
06:03 Effectivement, les études sur le monde arabe et musulman ont été supprimées,
06:07 parce que c'est inutile, il ne s'y passe rien, comme chacun sait,
06:10 et vont être remplacées par un programme qui s'appelle "Sud" au pluriel,
06:15 c'est-à-dire "Sud global",
06:16 et on voit bien en quoi l'idéologie est aujourd'hui en train de remplacer le savoir,
06:22 ce qui est véritablement, ce sera peut-être mon dernier combat.
06:25 - Ça vous... ?
06:26 [Musique]
06:29 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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