Tous les professeurs doivent désormais enseigner les causes et effets du réchauffement climatique. Comment faire ? La philosophe et professeur Catherine Larrère, le climatologue Gilles Ramstein, le spécialiste de la pédagogie Renaud Hetier et Loup Espargilière, rédacteur en chef de Vert, le média en ont débattu lors d'un débat organisé le 29 mai 2024 en partenariat avec Réseau Canopé, dans l'auditorium du "Nouvel Obs".
Retrouvez toute l’actualité, les reportages, les enquêtes, les opinions et les débats du "Nouvel Obs" sur notre site : https://www.nouvelobs.com
Retrouvez toute l’actualité, les reportages, les enquêtes, les opinions et les débats du "Nouvel Obs" sur notre site : https://www.nouvelobs.com
Category
🗞
NewsTranscription
00:00:00On va vous laisser vous installer tranquillement avant de démarrer cette belle après-midi.
00:00:20On est mieux ici que dehors, non ? Bonjour, bonjour à toutes, bonjour à tous.
00:00:27Je suis Julie Joly, la directrice générale du Nouvelle Ops.
00:00:30Je suis très heureuse de vous accueillir dans nos murs, qui sont aussi les murs du groupe Le Monde.
00:00:36Vous ne serez pas surpris, évidemment, je ne sais pas si vous pourrez éventuellement rester pour certains,
00:00:40faire la petite visite de l'immeuble si vous le souhaitez, mais vous verrez qu'il y a plusieurs rédactions dans cet endroit.
00:00:46Il y a évidemment le Nouvelle Ops, qui a le meilleur étage, le septième étage, avec la terrasse.
00:00:51Il y a Le Monde, Télérama, le Huffington Post, Crewe International et La Vie.
00:00:57On est aujourd'hui un grand groupe de médias de presse écrite et numérique, et on est très attachés à défendre ce savoir-faire.
00:01:06Je suis très heureuse de vous accueillir, et d'autant plus avec Marie-Caroline,
00:01:11parce que je dois vous raconter quand même que Marie-Caroline, je la connais depuis un petit moment.
00:01:14On ne s'était pas vues pendant un petit temps, mais on s'est croisées à l'Express.
00:01:19Moi, j'ai travaillé pendant 15 ans, et toi, déjà, tu couvrais les sujets éducation.
00:01:24Elle est arrivée, elle s'est faite tout de suite une réputation, parce que quand elle prend un sujet, elle ne le lâche pas.
00:01:30Donc elle a embrassé la cause, et il se trouve qu'après l'Express, j'ai eu la chance de diriger pendant 10 ans
00:01:37un groupe d'enseignement supérieur, qui est le CFJ, le Centre de formation des journalistes, et de créer une école.
00:01:43Je suis très attachée aussi, évidemment, au monde de l'enseignement et à la pédagogie en particulier.
00:01:49Il se trouve qu'au Nouvel Obs, ce n'est pas par hasard que j'ai choisi d'arriver ici.
00:01:52C'est un sujet, et vous êtes un public, vous êtes une audience, comme on dit dans les médias, extrêmement importante pour nous, d'une part.
00:02:01Et puis, par ailleurs, l'écologie fait partie des valeurs du Nouvel Obs.
00:02:04Ça, j'espère que je ne vous l'apprends pas, sinon on a mal fait notre travail.
00:02:07Je racontais à Marie-Caroline que le week-end dernier, on a organisé un week-end des possibles.
00:02:11C'est un peu dans le prolongement de ce qu'on fait là, où on a, pendant deux jours, réuni 2 000 personnes pour débattre et discuter de la transition, de la décarbonation.
00:02:21Donc, être aujourd'hui à vos côtés pour vous accompagner dans votre travail au quotidien, qui, j'espère, sera éclairé par ce qu'on va faire ici,
00:02:30parce que vous êtes, vous, les passeurs, évidemment, de savoir.
00:02:32Vous êtes indispensables. Vous êtes ceux qui allez préparer ces nouvelles générations.
00:02:36Je suis très, très heureuse que vous représentiez tous les niveaux de l'enseignement, de savoir qu'il y a ici des enseignants, des formateurs qui travaillent dans le primaire, au collège, au lycée,
00:02:48peut-être dans l'enseignement supérieur, je ne sais pas. Pour nous, c'est très important.
00:02:52Et quand on s'est parlé du projet avec Marie-Caroline et qu'on a eu notre approche, je pense, très commune et croisée de vouloir défendre à la fois l'enseignement, l'école comme un lieu de savoir,
00:03:02mais aussi le journalisme comme un lieu d'interrogation et de débat.
00:03:07Et c'est le journalisme qu'on défend au Nouvel Obs. On s'est dit que là, il y avait quelque chose à inventer ensemble qui n'existe pas, qui n'existait pas jusqu'à aujourd'hui,
00:03:15qui, j'espère, se reproduira et qui, j'espère, surtout, vous donnera envie, vous, d'aller plus loin dans votre réflexion sur ces sujets-là.
00:03:24Donc moi, je vais assister avec vous aux échanges qui vont être menés par Arnaud Gonzague, journaliste, rédacteur en chef au Nouvel Obs.
00:03:32Je voudrais remercier tous ceux qui ont permis cette journée, évidemment, tes équipes, Marie-Caroline, qui ont été depuis le démarrage extrêmement impliquées.
00:03:40Et quand on crée quelque chose d'hybride comme ça, ce n'est pas simple de trouver des gens prêts à prendre ce risque.
00:03:44On aime bien faire ce qu'on sait déjà faire. C'est rare des gens qui font des choses qu'ils n'ont jamais faites.
00:03:49Donc bravo et merci à vous. Merci à vous d'être là aussi et de participer à cette première.
00:03:54Et puis, bien sûr, au Nouvel Obs, à Arnaud, à Marie-Ribert, à David, qui ont permis que ça se monte dans nos locaux aujourd'hui.
00:04:02Marie-Caroline, je te laisse la parole et moi, je vais écouter sagement et je te ferai un débrief.
00:04:07Merci beaucoup, Julie. Nous te remercions aussi pour, à la fois, cette intuition commune et on a parlé de possible.
00:04:17Tu as parlé de possible et c'est vraiment l'esprit dans lequel on se situe aujourd'hui.
00:04:21Donc je vous remercie vraiment toutes et tous qui faites le déplacement aujourd'hui, puisque vous allez assister à une expérience inédite de formation.
00:04:31C'est ce qu'on a souhaité vous proposer aujourd'hui, qui repose sur une conviction qu'on porte très fortement à Réseau Canopé.
00:04:38Parce que, oui, je ne me suis pas présentée. Je suis directrice générale de Réseau Canopé. Je m'appelle Marie-Caroline Missire. Voilà, c'est fait.
00:04:44Et Réseau Canopé, c'est un opérateur de l'éducation nationale. Nous sommes chargés de la formation continue des enseignants.
00:04:49Et cette conviction, c'est qu'aujourd'hui, la formation continue des enseignants, elle doit proposer aux enseignants des expériences fortes qui correspondent aussi à ce qu'ils recherchent.
00:05:00Des expériences fortes sur le plan intellectuel, sur le plan de la découverte, dans des lieux inédits, dans des lieux à découvrir et une expérience ensemble.
00:05:09Ce qui fait aussi qu'on a fait le choix d'être un petit peu entre nous sur cette première édition et d'ouvrir avec une jauge assez limitée pour que précisément,
00:05:19vous puissiez avoir, ce qui est assez rare sur ce format-là, des échanges privilégiés avec les personnes qui nous font l'honneur d'intervenir aujourd'hui.
00:05:28Et je remercie aussi beaucoup les intervenants et l'intervenante du jour, chère madame, pour sa présence et Arnaud Gonzague pour l'animation.
00:05:37Donc ça, cette conviction, j'espère que vous la partagez et on attend beaucoup des retours que vous allez nous faire sur ce format qu'on a imaginé,
00:05:47qui va vous être détaillé dans quelques instants par Delphine Thuny, que je remercie vraiment très vivement pour le pilotage, l'organisation, ainsi que toutes les équipes de Canopée qui nous ont aidé.
00:05:59Marie Ribert également pour son accueil extrêmement attentif, sa réactivité.
00:06:05Bon voilà, tout ça est possible grâce à vous tous, mais je voulais vous redire que ce qu'on vous propose aujourd'hui, on y croit, on y croit ensemble.
00:06:13Cette expérience partagée, formation, média, elle repose sur une rencontre, comme souvent dans la vie, sur des expériences qu'on a vécues ensemble.
00:06:22Je me suis souvenue avec émotion aussi que mon premier stage dans ma vie, c'était au Nouvel Obs, donc des choses qui ont beaucoup de sens aujourd'hui.
00:06:32Et surtout, on sera très à l'écoute de ce que vous nous direz, ce que vous avez apprécié, ce que vous souhaiteriez apporter aussi dans ce format.
00:06:43Et le point important, c'est qu'on est dans une dynamique aussi dans les ateliers qui vont suivre la conférence de co-construction, d'échange.
00:06:50C'est vraiment notre savoir-faire à Canopée. Vous aurez des formateurs super pour faire ça.
00:06:55Donc je remercie Anne-Cécile, Yann d'être là, et puis tous ceux qui vont nous aider à animer ces temps co-construction.
00:07:04Donc soyez, voilà, sentez-vous libres, évidemment, d'intervenir et de nous aider à améliorer cette expérience qu'on construit avec vous
00:07:14et qu'on souhaite poursuivre dans les mois à venir autour de la transition écologique et sociale, qui est un axe fort de notre offre de formation à Réseau Canopée.
00:07:24J'espère que je n'oublie rien. Je remercie aussi la direction territoriale Île-de-France. J'ai toujours peur d'oublier quelqu'un dans cette maison.
00:07:31Bruno Deroux et son équipe qui nous ont permis aussi d'organiser ce temps. Merci surtout, cher Julie. Et puis surtout, maintenant, on va vous écouter.
00:07:41Merci beaucoup. Je passe la parole à Adeline qui nous dira le déroulé de la journée. C'est cela.
00:07:47Merci beaucoup à vous pour cette ouverture, pour ce temps effectivement inédit. Moi, je viens juste vous présenter le choix de thématiques que nous avons fait ensemble avec le Nouvel Obs.
00:08:05On est sur l'éducation au changement climatique. Et nous, Réseau Canopée, on est un organisme de formation.
00:08:10On s'est emparé de ces sujets d'éducation à la transition de manière très importante, très dynamique. Et il se trouve qu'on est en plein dans un temps fort de notre formation à l'éducation au changement climatique.
00:08:21Ça a commencé le 15 mai. Ça dure jusqu'au 5 juin. Et avec des propositions de conférences et de webinaires en distanciel, mais aussi des moments en présentiel,
00:08:33on est un petit peu à l'image de ce qu'on fait aujourd'hui dans une dimension beaucoup moins importante et beaucoup moins inédite, mais au sein des ateliers canopées, donc les échanges, le présentiel est représenté.
00:08:45Pourquoi l'éducation au changement climatique ? Ce n'est pas un secret. On est face à une situation qui frôle l'urgence. On peut même utiliser ce terme.
00:08:53La société nous enjoint de travailler ces sujets, nous enjoint d'aller vers une transition, une transition qui questionne nos fonctionnements de société, qui questionne donc notre politique, qui questionne nos valeurs, donc qui questionne l'éthique.
00:09:09Et cette transition, elle ne peut se faire que collectivement. Elle implique aussi des changements individuels, mais forcément intégrés dans un collectif. Or, la recherche et l'UNESCO le relaient, la recherche a montré que ces changements, cette transition et cette réaction face au changement climatique, le meilleur levier, c'est l'éducation.
00:09:33Donc nous, à Réseau Canopée, en tant que formateur, bienvenue à vous, en tant que formateur du monde de l'éducation, on est extrêmement bien placé pour accompagner ce changement, accompagner in fine les élèves, mais en passant bien sûr par l'accompagnement des enseignants.
00:09:50Et on parle des enjeux, donc on parle de valeurs, on parle d'éthique, et il se trouve que l'éthique et la responsabilité, c'est un des quatre grands axes de compétence de l'éducation au développement durable.
00:10:02Or, ce n'est pas tout à fait simple de travailler la compétence éthique et responsabilité auprès des élèves. C'est pour ça qu'on vous propose ce sujet, et on le propose avec d'autant plus d'enthousiasme que le monde des médias, les journalistes, s'en sont emparés en rédigeant une charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique,
00:10:24que cette charte a suscité de nombreux échanges, de nombreux débats, entre les journalistes, qui va nous être présenté tout à l'heure par Arnaud Gonzague, qu'on remercie pour ça, et l'idée c'est que ce soit source d'inspiration, il y a bien sûr des ponts entre le monde de l'éducation et le monde du journalisme.
00:10:41On ne s'adresse pas exactement au même public, ni en termes d'âge, ni en termes d'attente. Pour autant, on a un souhait commun, des enjeux communs de transmettre de l'information, mais au-delà de l'information, de faire évoluer les pratiques et donc de faire monter en compétence nos publics.
00:11:01Qu'ai-je oublié ? Je pense que j'ai dit pas mal de choses, et si besoin, j'en redirai tout à l'heure lorsque nous serons dans la phase des ateliers, à partir de 16h, et pour l'heure, je vais laisser la parole à Arnaud Gonzague pour animer la conférence d'ouverture. Merci beaucoup à Mme Larrère, merci beaucoup aux intervenants de la table ronde.
00:11:23Et si j'ai oublié quelque chose, c'est de vous mettre le programme de l'après-midi qu'on va vous laisser sous les yeux, comme ça vous pourrez suivre en direct.
00:11:53L'avantage, c'est d'être entre nous, si on peut dire, c'est qu'on va laisser de la place aux questions, donc vraiment n'hésitez pas, à la fois dans cet échange que j'aurai avec Catherine Larrère, que je remercie d'être avec nous, et puis après dans la table ronde, il y aura à la fin un temps d'échange, un temps de questions, un temps de remarques que vous avez envie de faire, vraiment n'hésitez pas, il y aura de la place laissée à ça, c'est le privilège d'être quelques dizaines comme ça, ça nous permet d'avoir quelque chose de très constructif.
00:12:19Effectivement, comme le disait Delphine, on est sur une question qui est la question du réchauffement climatique et la pédagogie associée à ces questions-là, c'est des questions qui sont politiques, c'est des questions qui sont éthiques, et même, je crois qu'on peut presque dire que c'est une question civilisationnelle, parce qu'on voit que c'est en train de mettre en cause nos modes de vie, nos évidences, nos certitudes.
00:12:39Et donc je suis très heureux, alors comme le disait Julie, moi je suis rédacteur en chef adjoint, je n'ai pas encore tué les rédacteurs en chef qui sont au-dessus de moi, donc je n'ai pas encore pris leur place, mais je suis rédacteur en chef adjoint du Novel Ops, et par ailleurs, il se trouve que je me suis occupé pendant des années et des années des questions liées à l'environnement, donc c'est des questions qui sont très brûlantes en termes de transmission des choses, et c'est vraiment des choses qui nous tiennent à cœur, et je suis très heureux de vous recevoir parmi nous, Catherine Larrère, pour ouvrir cette réflexion.
00:13:07Je voulais que je dise merci, bonjour, et merci de m'avoir invitée, je suis très contente de vous être là.
00:13:14Vous êtes la bienvenue dans nos pages et dans nos hémicycles. Je rappelle que vous êtes philosophe, vous êtes professeur humérite à l'université Paris 1 Sorbonne, et que vous avez été parmi les premières dans le monde académique français, pour ne pas dire vraiment l'une des premières, à vous intéresser à la question environnementale dès les années 90, à une époque où ça paraissait bien, loin, compliqué, abstrait, sans intérêt.
00:13:35Vous avez écrit, co-écrit ou dirigé une quinzaine d'ouvrages, et notamment un ouvrage qui est important qui s'appelle « Pensez l'anthropocène » en 2018, qui est un ouvrage synthétique qui pourrait vous être de grand intérêt, vous les enseignants, et un livre qui ressemble plus à un essai qui s'appelle « Le pire n'est pas certain », qui est sous-titré « Essais sur l'aveuglement catastrophiste », qui est sorti en 2020.
00:13:59Alors vous n'êtes pas une climato-rassuriste, il faut le dire tout de suite, vous avez tiré la soleil d'arme très très tôt, vos convictions sont entières sur la question, mais ce qui vous intéresse, et ça sera ma première question, c'est justement le ton à employer, le ton vis-à-vis du public, vis-à-vis des élèves, vis-à-vis en général des gens, et c'est une question qui nous intéresse nous aussi les journalistes. Quel est le ton à employer ?
00:14:21Je dirais ni d'un prophète de malheur, ni d'un lecteur d'un rapport du GIEC, ou même du résumé pour décideur d'un rapport du GIEC, parce que je crois qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui ont lu en entier les rapports du GIEC, et même les résumés sont très longs.
00:14:41Je veux dire, on a immédiatement parlé d'éthique, et la question climatique, comme le dit le titre du premier chapitre du livre que Ami Dahan et Stéphane Haïkout ont consacré à une présentation de l'histoire internationale de la question climatique, de l'histoire de la gouvernance mondiale de la question climatique,
00:15:10la question climatique, comment se dit-elle, est une question scientifique, politique et, comme ça vient d'être dit, civilisationnelle. Je crois que c'est la première chose, et c'est difficile peut-être d'en mesurer l'importance et en même temps de ne pas se laisser absorber dedans.
00:15:28C'est une question scientifique, et je pense qu'une des originalités des questions écologiques depuis les années 1970, c'est l'importance qui tiennent les scientifiques et le fait que ce que nous savons du changement climatique, mais de l'érosion de la biodiversité, mais des problèmes d'eau, vient d'un état du monde dressé par des scientifiques.
00:15:53Et des scientifiques de sciences dures en plus. Ce n'est pas des sociologues. Je ne me considère pas comme scientifique. Vous êtes philosophe. Oui, oui, non, mais on dit toujours que les sciences humaines et sociales, c'est aussi des sciences, mais les sciences dures, on les appelle comme ça.
00:16:08Et donc, sans les études scientifiques du phénomène de ce qu'on appelle l'effet de serre, sans les mesures scientifiques des quantités de gaz à effet de serre et particulièrement du CO2 émis,
00:16:31sans la mise en relation de toutes ces données et l'étude de ce que ça permet de, non pas de prévoir, mais le type de scénario qu'on peut, de modèle de scénario qu'on peut élaborer à partir de ça, peut-être maintenant on commencera à se poser des problèmes, mais au moins jusqu'aux années 2000, on n'aurait pas idée qu'il y a un changement climatique.
00:16:55Donc, il y a une importance énorme et ce n'est pas des choses simples, c'est des choses complexes. Donc, il y a, si on veut présenter le changement climatique ou le dérèglement climatique ou le réchauffement climatique, si on veut présenter cet ensemble de phénomènes, il y a une masse de données scientifiques à pouvoir mettre à disposition.
00:17:23Ça, c'est la première chose. Mais en même temps, si on s'en tient là, si on s'en tient uniquement à la dimension scientifique, on ne peut pas prendre en compte les deux autres aspects dont je l'ai donné dans le titre du chapitre du livre d'Ami Dahan et de Stéphane Haïkoud, l'aspect politique et l'aspect civilisationnel.
00:17:45Je dirais que l'éthique, elle touche à la politique et elle se déploie dans la civilisation, si je peux dire. Donc, si on s'en tient uniquement à le nombre de partis par million de gaz à effet de serre, etc., d'abord, on n'y comprend rien.
00:18:06Et d'autre part, ça ne donne pas accès à ce qu'il va être le changement climatique pour nous. Donc, il faut à la fois présenter, prendre en compte le contenu scientifique et que...
00:18:22— Faire quelque chose. Et c'est d'autant plus difficile qu'en plus, les enseignants, ça dépend un peu de leur âge, mais globalement, ils sont comme moi ou comme les gens même un peu plus jeunes que moi, ils n'ont pas eu ça dans leur enfance.
00:18:34C'est-à-dire qu'ils n'ont pas eu d'enseignants qui leur ont parlé de ça avant. Ils sont la première génération à devoir parler devant des élèves de quelque chose.
00:18:40— Ils sont écrabouillants, en plus. — Ils sont écrabouillants. Et les chiffres... Et on en parlera peut-être plus tard. Mais il y a une rhétorique du chiffre.
00:18:48Il y a une façon... Vous savez, à un moment, il y avait une publicité à la radio qui était « On ne discute pas des chiffres ». Bon, c'est pas vrai. Mais c'est ça, la rhétorique du chiffre.
00:18:59C'est dire « Le chiffre, vous pouvez rien dire ». Donc on ne peut pas s'en tenir là. Alors comment on fait ?
00:19:05— Comment on fait ? Vous parlez d'une dimension sociale. Alors qu'est-ce que ça veut dire, la dimension sociale ?
00:19:11— Alors je crois... On va voir. Mais d'abord, comment présenter le changement climatique ? Une façon très ancienne de présenter les choses, c'est d'en faire l'histoire.
00:19:25Alors ça, ça existe. Est-ce qu'il y en a parmi vous qui ont vu le film d'Al Gore Une vérité qui dérange ?
00:19:36— C'est pas mal, ça résume assez bien. — C'est une présentation assez pédagogique du changement climatique. Et donc vous voyez, il fait une histoire.
00:19:48Alors il y a l'histoire de la découverte, c'est-à-dire quand est-ce qu'on prend en considération, on pense ce que c'est que l'effet de serre,
00:19:56c'est-à-dire cette concentration du gaz carbonique dans l'atmosphère qui, du coup, empêche les rayons du soleil de revenir vers le soleil et donc réchauffe en dessous.
00:20:10Quand on s'est rendu compte qu'il y avait une concentration de plus en plus grande, quelles mesures ? Il y a toute cette histoire de la découverte.
00:20:22Et à partir de là, de la formulation des mesures. Alors cette histoire scientifique, c'est une histoire sociale.
00:20:29C'est-à-dire les scientifiques qui ne sont pas quelque part sur la Lune ou sur Vénus indépendants.
00:20:35Et donc faire cette histoire, c'est aussi faire l'histoire des résistances à ces découvertes ou à leur interprétation.
00:20:44Expliquer le climato-scepticisme.
00:20:46Expliquer le climato-scepticisme. Alors là, il y a un livre très bon de Naomi Oreskes et Conway qui s'appelle Marchands de doutes
00:20:56et qui montre comment on a essayé de faire en sorte qu'on repousse toujours l'idée qu'il y a un changement climatique d'origine anthropique et qu'il existe.
00:21:10On, c'est pas la civilisation, c'est pas vous et moi, c'est les grandes marques, les grandes multinationales.
00:21:16Marchands de doutes, c'est une stratégie industrielle qui a essayé de... Il y a aussi de l'immobilisme chez chacun d'entre nous.
00:21:23Dans un premier temps, on n'y est pour rien. Bon, je veux dire, on s'en rend pas compte.
00:21:29Et donc, ça montre qu'il y a des raisons politiques de ne pas de s'opposer à la prise de conscience du changement climatique.
00:21:40Ces raisons politiques, alors on l'a vu beaucoup aux États-Unis, c'est qu'on craint que du coup, l'État soit beaucoup plus interventionniste
00:21:47et donc oblige à consommer moins, oblige les grandes firmes, les majors du pétrole, etc.
00:22:00Donc là, on voit que le changement climatique, c'est pas uniquement quelque chose qui se passe entre la société et la nature,
00:22:11c'est la nature que la société est prise dedans et donc on ne peut plus faire une présentation uniquement scientifique
00:22:19en faisant l'histoire du changement climatique. Et puis arrive le moment où, malgré toutes leurs réticences,
00:22:26la façon dont ils traînent les pieds, les pays se disent que le danger est assez grand pour qu'on essaie de s'unir
00:22:34et qu'on commence les grandes COP, les conférences des partis, qu'elles signent un traité.
00:22:41Donc si on fait l'histoire, on ne peut pas présenter quelque chose de purement scientifique.
00:22:47Il n'y a pas de science coupée du social, mais il y en a qui sont plus coupées que d'autres.
00:22:54Et là vraiment, pourquoi ? Parce que ce changement qui nous affecte tous,
00:23:00il n'est pas uniquement une question de rapport entre les humains et la nature, il y a une question de rapport entre les humains.
00:23:08Et c'est là que très tôt d'ailleurs, dans les conférences mondiales qui vont se tenir,
00:23:14on prend en compte ce qu'on appelle la justice climatique ou la question de la responsabilité.
00:23:22Tout le monde n'est pas à égalité devant les conséquences et tout le monde n'est pas à égalité dans la possibilité de prendre des mesures pour s'y opposer.
00:23:37Donc dès que vous prenez une approche qui montre l'histoire du changement climatique comme phénomène social,
00:23:48vous ne pouvez pas vous en tenir à des chiffres.
00:23:52Ça met en cause le système économique mondialisé, celui dans lequel nous sommes, en d'autres mots le capitalisme.
00:24:00Est-ce que c'est le rôle d'un enseignant de remettre en cause le capitalisme dans ses conséquences climatiques qui sont incontestables ?
00:24:09Certains appellent ça le capitalocène, on est dans une ère géologique où le capitalisme a une telle place, une telle force
00:24:17qu'est-ce que ce n'est pas compliqué ? Est-ce que ce n'est pas de l'engagement un peu déplacé ? Est-ce que c'est opportun ?
00:24:22Je pense que c'est toujours une question qui est posée sur le capitalisme.
00:24:27Il n'y a pas de raison que dans une classe la question ne se pose pas.
00:24:30Je pense que c'est le rôle d'un enseignant de répondre aux questions.
00:24:33C'est le rôle d'un enseignant de répondre aux questions en donnant le plus possible le moyen à ceux à qui il parle,
00:24:41ceux et celles à qui il parle, de se faire une idée soi-même.
00:24:45Donc en ne lui imposant pas une réponse du genre, non mais non ça n'a rien à voir avec le capitalisme car le découplage ça existe et la croissance verte ça existe.
00:24:56Le découplage c'est l'idée qu'il peut y avoir de la croissance sans dégradation de l'environnement.
00:25:00Le découplage c'est la croissance qui n'aura pas de fait sur l'effet de serre en particulier.
00:25:07Il ne s'agit pas de donner une réponse ou l'autre réponse qui est de dire oui bien sûr le capitalisme on le sait depuis Marx,
00:25:16il détruit les travailleurs mais maintenant on sait qu'il détruit aussi la nature.
00:25:20C'est ni l'un ni l'autre mais c'est de donner oui.
00:25:25Moi généralement quand on me pose la question, je fais deux réponses.
00:25:31Je dis oui parce que qu'est-ce qui fait que les gaz à effet de serre se sont accumulés dans l'atmosphère ?
00:25:38Qu'est-ce qui fait qu'on a brûlé de plus en plus de matières fossiles ?
00:25:43C'est une certaine façon de produire, c'est une certaine façon d'extraire de plus en plus,
00:25:50c'est une certaine façon d'industrialiser, c'est le type de rapports sociaux que ça implique.
00:25:57Et ça s'appelle capitalisme, c'est une certaine façon.
00:26:01Le problème et à ce moment-là, moi généralement quand on me pose cette question-là, j'ajoute deux choses.
00:26:06De ce point de vue-là, il n'y a pas de différence entre le socialisme ou ce qu'on a appelé socialisme et le capitalisme
00:26:13parce que dans les deux cas, on cherche à produire le plus possible
00:26:17et que si on regarde les expériences qu'on a dites de socialisme réel,
00:26:22quand on parlait de socialisme réel en Urs avant 89, c'est plutôt pire si je puis dire.
00:26:30On a voulu aller beaucoup plus vite et donc de ce point de vue-là,
00:26:34la réponse que depuis le XIXe siècle, on essaie d'apporter au capitalisme, le socialisme, ça ne marche pas.
00:26:44L'autre réponse, c'est que s'il faut attendre la fin du capitalisme pour venir à bout du changement de climat,
00:26:57on risque d'attendre très longtemps.
00:26:59Les élèves risquent d'être un peu diplômés, déjà âgés.
00:27:02Moi, je ne suis pas catastrophiste, je l'ai dit, mais peut-être qu'on ne sera vraiment pas bien.
00:27:08À tel point qu'un marxiste d'ailleurs, un philosophe, un essayiste, disons, américain,
00:27:18Frédéric Jameson, a dit quelque chose qu'on répète très souvent,
00:27:22c'est plus facile d'imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme.
00:27:26C'est vrai, c'est bien dit.
00:27:29Vous l'avez dit, il y a une part de fait scientifique, évidemment, qui la rend incontestable,
00:27:37mais justement, est-ce qu'il n'y a pas aussi cette dimension qu'on voit aujourd'hui avec les réseaux sociaux,
00:27:42d'aller chercher la petite bête dans les rapports du GIEC pour dire,
00:27:45vous voyez, on n'est pas vraiment sûr que, etc., etc.
00:27:48Les choses qui circulent chez des élèves dont on sait naturellement qu'il y aura une proportion de frondeurs,
00:27:54entre guillemets, qui voudront aller chercher la petite bête et voir se rendre intéressant,
00:27:58ou qui sont sincèrement convaincus que tout ça, c'est des mensonges.
00:28:02Comment on fait dans ces cas-là, si on n'est pas strictement dans la science ?
00:28:05Je dirais qu'il y a ce qu'on va appeler le climato-scepticisme.
00:28:09Moi, j'aime mieux la formule anglaise qui est climato-denial, la négation.
00:28:14Le déni.
00:28:15Parce que je suis philosophe, ce n'est pas du vrai scepticisme.
00:28:18Oui, c'est mieux que ça.
00:28:19Ils sont beaucoup trop sûrs d'eux pour être sceptiques.
00:28:22Le scepticisme, c'est la suspension du jugement.
00:28:24Eux, c'est de dire, ça n'existe pas.
00:28:26Donc, ce n'est pas vraiment sceptique.
00:28:27C'est pour ça que denial, la négation, le déni me paraît plus juste.
00:28:32Je crois qu'il y a deux choses.
00:28:34Je vous ai parlé du livre de Naomi Oreske et Stéphane Conway,
00:28:41qui montrent, en prenant un premier exemple,
00:28:47comment, pour empêcher l'introduction du tabac,
00:28:50les firmes productrices de tabac ont su non pas dire
00:28:58« c'est faux que le tabac donne le cancer »,
00:29:01mais jeter le doute ou diluer,
00:29:04de dire « il n'y a pas seulement de fumée, il y a aussi l'hérédité », etc.
00:29:11Ils ont fait les compagnies pétrolières
00:29:16et un certain nombre de compagnies de même type
00:29:20et leur soutien politique,
00:29:23pour qui s'opposer au changement climatique,
00:29:27c'est aller contre leurs intérêts,
00:29:29qui vivaient de la combustion des ressources fossiles,
00:29:36ont pris la même façon,
00:29:39qui a été non pas de dire directement « c'est faux »,
00:29:42mais de jeter le doute.
00:29:44Si on est vraiment scientifique, il faut savoir douter.
00:29:47Oui, et puis il faut faire d'autres études.
00:29:51Après, il y a eu des attaques beaucoup plus brutales
00:29:54quand le GIEC a été mis en place en 1988.
00:29:58Cette équipe internationale de scientifiques
00:30:02qui rassemblent des données déjà existantes,
00:30:04ils ne les produisent pas,
00:30:06c'est ce qu'on appelle une expertise collective.
00:30:09Bon, de les attaquer directement en disant
00:30:12qu'ils faisaient passer de l'idéologie.
00:30:15Il y a eu toutes les façons de jeter le doute.
00:30:19Il y a ça et Bruno Latour,
00:30:24qui a commencé dans les années...
00:30:27C'est un philosophe aussi.
00:30:29Bruno Latour, ce grand spécialiste
00:30:32de la philosophie de l'environnement,
00:30:35disait dans un livre de 2015
00:30:40que maintenant le changement climatique
00:30:44est assez visible pour que,
00:30:46quand Trump, par exemple, dit
00:30:48« je ne crois pas au changement climatique »,
00:30:50c'est plutôt une façon de dire
00:30:52« je ne veux pas en entendre parler ».
00:30:54Je ne veux pas en entendre parler,
00:30:56je ne veux pas en tenir compte,
00:30:58je continue ma politique comme avant.
00:31:00Et puis il y a de l'autre côté
00:31:03des gens comme vous, moi,
00:31:06qui ne sont pas convaincus.
00:31:10Il y a eu des études de fait.
00:31:14En France, ils ne sont pas très nombreux.
00:31:16Il n'y a jamais eu des...
00:31:18Peut-être que vous vous souvenez de Claude Allais.
00:31:21Il y avait l'époque de Claude Allais,
00:31:23ancien ministre de l'éducation nationale.
00:31:25Un climato-sceptique qui a remis en cause
00:31:27les résultats du GIEC, etc.
00:31:29Moi, je ne sais pas ce que vous en pensez,
00:31:31mais j'ai l'impression que l'expression
00:31:33« climato-rassuriste » est intéressante,
00:31:35en tout cas pour ce qui est de la France,
00:31:37pour les États-Unis, je ne sais pas,
00:31:39parce que j'ai eu l'impression que Claude Allais
00:31:41a été aussi très écouté, parce qu'il rassurait les gens.
00:31:43Il leur disait « attendez, c'est des semeurs
00:31:45de catastrophes, c'est des catastrophistes,
00:31:47notre mode de vie n'est pas si dangereux que ça ».
00:31:49C'est aussi quelque chose de consolant
00:31:51qui aujourd'hui est totalement obsolète.
00:31:53Oui, qui est fini, c'est possible.
00:31:55Mais je pense qu'il y a ceux qui,
00:31:57je veux dire, n'ont pas d'intérêt direct
00:31:59comme Total
00:32:01ou d'autres
00:32:03majors du pétrole.
00:32:05Il peut y avoir ça,
00:32:07du genre,
00:32:09là aussi je préfère ne pas en entendre parler
00:32:11parce que ça m'angoisse,
00:32:13donc bon, rassuriste.
00:32:15Il y a le côté
00:32:17« c'est nouveau,
00:32:19c'est encore des nouveautés,
00:32:21j'y crois pas ».
00:32:23Il y a aussi le côté
00:32:27et je dirais
00:32:29il y a du bon là-dessus,
00:32:31qui est de dire
00:32:33« je veux me faire mon opinion à moi ».
00:32:35Bon, nous avons
00:32:37tous, on dit beaucoup de mal de Descartes
00:32:39et on a tort, parce qu'il nous a tous formés
00:32:41à l'idée que, en ce qui
00:32:43concerne la vérité, la question
00:32:45c'est pas un principe d'autorité,
00:32:47la question c'est
00:32:49de l'évidence,
00:32:51ce à quoi on consente,
00:32:53parce qu'on en a vu la rationalité.
00:32:55Et je pense que chez des élèves
00:32:57il peut y avoir ça, de
00:32:59« moi je veux pas qu'on me dise,
00:33:01je veux comprendre,
00:33:03je veux me faire mon idée à moi ».
00:33:05J'ai beaucoup entendu ça dans
00:33:07des émissions de radio où
00:33:09les auditeurs
00:33:11interviennent.
00:33:13« Je me fais mon idée à moi
00:33:15et ce que je vois,
00:33:17ça me convainc pas ».
00:33:19D'une certaine manière, le fait qu'il y ait
00:33:21un quasi consensus scientifique,
00:33:23c'est presque suspect
00:33:25auprès de certains.
00:33:27Quand ça se fait que tout le monde tombe d'accord,
00:33:29c'est pas possible. C'est quelque chose de pas humain
00:33:31là-dedans.
00:33:33Donc je crois qu'il y a aussi
00:33:35à répondre, je réponds
00:33:37de ce que vous dites, mais je termine.
00:33:39Il y a à répondre
00:33:41à cette demande que chacun
00:33:43puisse dire « moi j'ai compris ».
00:33:45L'objection
00:33:47très souvent faite,
00:33:49vous voyez le temps qu'il fait en ce moment,
00:33:51c'est ça le réchauffement climatique,
00:33:53on a froid, on est à la fin
00:33:55du mois de mai.
00:33:57C'est la différence entre la météo et le climat.
00:33:59Mais là ça passe par une
00:34:01explication. De même,
00:34:03effectivement,
00:34:05il y a un consensus.
00:34:07Le problème d'Allègre, c'est qu'il n'était
00:34:09pas climatologue.
00:34:11C'est pas parce que vous êtes scientifique,
00:34:13c'est pas parce que vous êtes spécialiste
00:34:15en astrophysique,
00:34:17que vous allez pouvoir donner
00:34:19votre avis sur une question biologique.
00:34:21Allègre,
00:34:23c'était un peu plus
00:34:25proche, mais c'était
00:34:27justement pas une question d'autorité.
00:34:29La science ne vous donne
00:34:31aucune autorité. Le fait d'être un
00:34:33scientifique ne vous donne aucune autorité à parler de tout.
00:34:35Donc,
00:34:37il y a effectivement un consensus
00:34:41de la communauté scientifique
00:34:43tout entière. Et ça,
00:34:45quand on est habitué au conflit politique,
00:34:47on a beaucoup de mal
00:34:49à comprendre que
00:34:51le mode
00:34:53d'établissement de la
00:34:55vérité entre scientifiques
00:34:57est pas la même chose
00:34:59que
00:35:01l'affrontement conflictuel
00:35:03des positions en politique.
00:35:05Qui est normal, qui est sans.
00:35:07On n'est pas d'accord, c'est normal.
00:35:09Quand vous voyez, je ne sais plus combien
00:35:11Poutine a
00:35:13son élection, du genre 88%
00:35:15ou quelque chose de ce genre,
00:35:17vous dites que ce n'est pas très démocratique.
00:35:19Et donc,
00:35:21si vous êtes habitué à ça,
00:35:23vous vous dites, 90% de
00:35:25scientifiques sont d'accord.
00:35:27Ça a un côté...
00:35:29Un peu totalitaire.
00:35:31Or non, c'est pas le même mode
00:35:33d'établissement de la
00:35:35vérité en sciences
00:35:37et du consensus en politique.
00:35:39Le consensus en politique, c'est très rare
00:35:41qu'on arrive à 80%.
00:35:43Même là
00:35:45où il n'y a pas que des Gaulois
00:35:47à l'esprit rotor.
00:35:49Est-ce que vous avez des questions,
00:35:51des remarques ? Il nous reste une dizaine de minutes.
00:35:53Est-ce que vous avez des questions à poser ?
00:35:55Julie lève la main.
00:35:57Tu veux entamer le...
00:35:59Vous entendez Julie ?
00:36:01Ça va ?
00:36:09Alors, on n'a pas répondu à ça.
00:36:11Et effectivement,
00:36:13il y a deux... Si vous voulez, je pense que
00:36:15dans la présentation du
00:36:19changement climatique,
00:36:21il y a deux choses
00:36:23à éviter.
00:36:25N'y voir qu'une question purement technique
00:36:27qui peut se résoudre
00:36:29par des questions techniques.
00:36:31Je ne vais pas accuser
00:36:33Jean-Marc Jancovici, mais c'est un peu ça.
00:36:35Ça marche très bien.
00:36:37Je veux dire, il a une clarté,
00:36:39il a une conviction.
00:36:41Il nous rassure aussi d'une certaine manière.
00:36:43Il vous dit
00:36:45quelques centrales nucléaires de plus
00:36:47et on y arrive.
00:36:49Ça, c'est à éviter.
00:36:51L'autre, effectivement,
00:36:53objectif, c'est
00:36:55d'éviter...
00:36:57Si les élèves
00:36:59et cette génération,
00:37:01quand elles regardent ce qu'ils attendent,
00:37:03il y a de quoi être anxieux.
00:37:09Vous citiez
00:37:11Le pire n'est pas certain,
00:37:13le livre que nous avons écrit.
00:37:15Pour dire quoi ?
00:37:17Pour dire, d'une part, le pire n'est pas certain,
00:37:19ça ne veut pas dire qu'il est certain que le pire ne sera pas.
00:37:21Simplement,
00:37:23ce n'est pas une fatalité
00:37:25inéluctable.
00:37:27Comment sortir de cette impression ?
00:37:29On emploie beaucoup l'expression
00:37:31de communauté de destin, je n'aime pas du tout.
00:37:33C'est l'idée que les hommes
00:37:35sont tous dans le même bateau,
00:37:37où,
00:37:39à une image que j'ai entendue,
00:37:41j'étais à un colloque hier et avant-hier,
00:37:43qui, pour présenter notre situation,
00:37:45disait, nous sommes tous
00:37:47dans un train
00:37:49qui file à toute vitesse vers l'abîme
00:37:51et on n'est pas sûr
00:37:53de tirer le frein de secours.
00:37:55Non, nous ne sommes pas
00:37:57tous dans le même train.
00:37:59C'est là qu'on disait l'inégalité.
00:38:01C'est ça aussi.
00:38:03On l'a vu pour le Covid.
00:38:05Il n'y a pas eu
00:38:07un pays qui a échappé.
00:38:09Les modes de développement,
00:38:11la rapidité,
00:38:13le nombre de morts,
00:38:15ça a été extrêmement divers.
00:38:17Je crois que la réponse
00:38:19à l'éco-anxiété,
00:38:21à mon avis, c'est quoi ?
00:38:23C'est, d'une part, passer du global
00:38:25au local.
00:38:29De toute façon,
00:38:31le global, c'est une vue de l'esprit.
00:38:33D'une certaine façon, ça n'existe pas.
00:38:35Ce qui existe, c'est la diversité
00:38:37des endroits où on se trouve.
00:38:39Une fois qu'on aura
00:38:41localisé le global,
00:38:43on peut se rendre compte
00:38:45qu'on peut faire des choses.
00:38:47Tout le monde le dit.
00:38:49La meilleure réponse
00:38:51à l'éco-anxiété,
00:38:53c'est d'agir.
00:38:55Pour ça, il faut voir
00:38:57comment on peut agir et ce qu'on peut faire.
00:38:59C'est ça.
00:39:01Est-ce que vous avez des questions ?
00:39:03Des remarques ?
00:39:07Très studieuse.
00:39:09Vous avez été très complète, apparemment.
00:39:11N'hésitez pas. Il y a plein de choses que j'ai oubliées.
00:39:13Par définition.
00:39:15En 20 minutes.
00:39:17Une question complexe.
00:39:21Merci, bonjour.
00:39:23Pour continuer sur le
00:39:25terme éco-anxiété,
00:39:27puisqu'il est devenu très à la mode
00:39:29depuis quelques années,
00:39:31il y a une...
00:39:33Camille Etienne qui soulignait récemment
00:39:35que le problème de l'éco-anxiété
00:39:37c'est que c'était devenu très mainstream
00:39:39parce que c'était une émotion individuelle
00:39:41et qu'on vivait
00:39:43de façon solitaire
00:39:45et qu'on pouvait se résoudre
00:39:47à l'aide de médicaments,
00:39:49de séries Netflix, etc.
00:39:51Ce faisant, est-ce qu'on ne pourrait pas
00:39:53imaginer que le rôle de l'école,
00:39:55en essayant
00:39:57de ne pas trop générer
00:39:59d'éco-anxiété, ce ne serait pas de
00:40:01recollectiviser les émotions
00:40:03et d'en faire le support pour...
00:40:05On est d'accord qu'on n'est pas tous dans le même train,
00:40:07malheureusement,
00:40:09pour les gens qui ne sont pas dans le nôtre.
00:40:11Vu qu'il fait
00:40:1349,9 degrés à New Delhi...
00:40:19Mais est-ce que le rôle de l'école pourrait être
00:40:21de travailler ses émotions, en partie,
00:40:23dans le respect,
00:40:25bien sûr, des valeurs de la République.
00:40:27Et puis, vous parliez
00:40:29de relocalisation, à partir notamment
00:40:31du travail des Grecs, des groupes
00:40:33régionaux d'études pour le climat,
00:40:35qui ont l'avantage d'apporter
00:40:37des informations de terrain.
00:40:39Et ces documents sont assez peu,
00:40:41finalement, utilisés par les enseignants,
00:40:43pour le moment, dans le secondaire,
00:40:45et même à l'université, parce qu'il n'y a pas vraiment
00:40:47le lien qui est fait. Donc je dis que ça fait des pistes
00:40:49sans exclure l'émotion,
00:40:51mais de les relocaliser,
00:40:53surtout de les recollectiviser,
00:40:55dans une perspective de commun. Merci.
00:40:57Alors, oui,
00:40:59pour parler
00:41:01de Camille Etienne,
00:41:03une des premières fois où j'ai rencontré Camille Etienne,
00:41:05on était
00:41:07trois, Camille,
00:41:09Philippe Descolat et moi,
00:41:11à discuter de la nature,
00:41:13etc. Philippe Descolat est un anthropologue.
00:41:15Oui, je pense que vous me connaissez.
00:41:17Et bon,
00:41:19Philippe Descolat et moi,
00:41:21on a l'habitude de discuter, donc bon.
00:41:23Et puis, on
00:41:25parlait, Camille intervient,
00:41:27et puis quelqu'un,
00:41:29comme ça se passe toujours dans ce genre
00:41:31de conférences, dit, oui, mais
00:41:33qu'est-ce qu'on peut faire ?
00:41:35Et Philippe et moi,
00:41:37on n'avait pas énormément de choses à dire,
00:41:39et Camille Etienne nous avait expliqué comment
00:41:41elle avait perturbé l'Assemblée Générale de Total,
00:41:43et les gens étaient ravis
00:41:45parce que ça fixe,
00:41:47ça fixe
00:41:49justement les émotions
00:41:51sur quelque chose.
00:41:53Donc, de ce point de vue-là,
00:41:55moi, je dois dire...
00:41:57Ça se passait à Agenges, j'y étais, je me souviens.
00:41:59C'était bien, d'ailleurs. C'était super, on en parle après.
00:42:01Et donc,
00:42:03je suis tout à fait d'accord avec vous.
00:42:05Bon, premièrement, écoutez, c'était effectivement,
00:42:07le mot est hyper courant,
00:42:09c'est pas une maladie psychiatrique.
00:42:11C'est quand même considéré,
00:42:13ça commence à être considéré comme un trouble psychique,
00:42:15c'est-à-dire que quand vous apprenez moins l'émotion...
00:42:17Oui, mais justement, à ce moment-là, on individualise
00:42:19et on traite avec des tranquillisants
00:42:21ou d'autres choses du même genre.
00:42:23Alors, je suis entièrement d'accord
00:42:25avec vous.
00:42:27La question, c'est le collectif.
00:42:29C'est de collectiviser.
00:42:31Quand je dis, c'est agir,
00:42:33c'est agir,
00:42:35et agir collectivement.
00:42:37Bon, je parlais du film d'Al Gore.
00:42:41Ceux qui l'ont vu se souviennent,
00:42:43peut-être, qu'au fur et à mesure
00:42:45que défilait le générique de fin,
00:42:47on entendait
00:42:49ne prenez des bains
00:42:51et pas des douches, éteignez les lumières.
00:42:55Quand vous sortez d'une pièce,
00:42:57laissez pas couler l'eau quand vous lavez les dents, etc.
00:42:59Il y avait une telle disproportion
00:43:01entre le caractère utile
00:43:03et quand même dérisoire
00:43:05de ces petits gestes
00:43:07et la réponse,
00:43:09c'est le collectif.
00:43:11Et aussi,
00:43:13on parlait de chiffres,
00:43:15et j'ai parlé de Jean-Covici,
00:43:17du coup, je vais parler du Shift Project,
00:43:19qui est un think tank
00:43:21de Jean-Covici,
00:43:23et qui fait des calculs très précis
00:43:25sur, c'est là que les chiffres sont utiles,
00:43:27sur les effets
00:43:29de certaines conduites.
00:43:31On peut montrer, par exemple,
00:43:33qu'au niveau
00:43:35de l'empreinte carbone,
00:43:37il y a d'autres...
00:43:39Par exemple,
00:43:41trier les déchets
00:43:43au niveau de l'empreinte carbone,
00:43:45c'est pas grand chose.
00:43:47Modifier son alimentation,
00:43:49c'est très... ça a des effets
00:43:51très réels.
00:43:53Il ne s'agit pas de devenir nécessairement végétarien,
00:43:55mais manger beaucoup moins de viande,
00:43:57manger plus local, etc.
00:43:59Donc, il y a aussi des moyens
00:44:01de faire saisir, et des moyens
00:44:03qui ne sont pas uniquement des actions individuelles.
00:44:05L'alimentation,
00:44:07c'est dans la famille,
00:44:09c'est aussi une forme
00:44:11de collectivisation. Donc, je pense,
00:44:13effectivement, là encore,
00:44:15pour moi,
00:44:17la réponse à
00:44:19un enseignant,
00:44:21c'est, il peut, tant
00:44:23il donne aux étudiants
00:44:25ou aux élèves les moyens
00:44:27d'élaborer leur propre jugement.
00:44:29Donc,
00:44:31il ne s'agit pas de leur imposer une réponse,
00:44:33il s'agit de leur donner les éléments pour développer
00:44:35une réponse, et de ce point de vue-là,
00:44:37qu'il n'y a pas d'un côté
00:44:39des États très puissants, et de l'autre côté
00:44:41des individus complètement désarmés,
00:44:43il y a quantité de collectifs, il y a quantité
00:44:45de choses qui se font.
00:44:47Ça n'oblige pas forcément
00:44:49à aller perturber une assemblée générale de totale.
00:44:51Enfin, s'ils ont envie de le faire, c'est pas mal.
00:44:53On ne peut pas les décourager non plus.
00:44:57Est-ce qu'il y a d'autres remarques, questions ?
00:45:05Mais justement, c'est là que je vous dis,
00:45:07le problème n'est pas de prescrire,
00:45:09le problème est de donner
00:45:11suffisamment
00:45:13d'éléments divers,
00:45:15alors ça dépend de l'âge des...
00:45:17si on est en
00:45:19primaire, au collège,
00:45:21mais il me semble que,
00:45:23d'abord, on n'a pas à prescrire
00:45:25parce qu'on n'est pas très bien
00:45:27placé pour le faire,
00:45:29mais on
00:45:31peut donner les moyens
00:45:33de réfléchir. C'est là qu'on
00:45:35reste cartésiens.
00:45:37Restons cartésiens.
00:45:39Merci beaucoup.
00:45:41Merci Catherine, merci beaucoup.
00:45:43Applaudissements
00:45:47Nous sommes pile à l'heure,
00:45:49c'est formidable, c'est comme les
00:45:51cours de récré quand ça sonne, nous sommes pile à l'heure.
00:45:53Merci beaucoup Catherine. J'appelle maintenant,
00:45:55on va passer à la table ronde, j'invite à me rejoindre sur le plateau
00:45:57Louis Spagilière que je vois ici,
00:45:59Gilles Ramstein et
00:46:01Renaud Etier.
00:46:03Je vais me mettre là, moi.
00:46:05Mettez-vous ici.
00:46:07Bonjour, bienvenue.
00:46:09Vous avez là le fauteuil sans brègue.
00:46:11Mettez-vous dans le sous.
00:46:17Merci.
00:46:19Alors pareil,
00:46:21il y aura du temps qui sera laissé pour les questions
00:46:23après, vous pourrez, voilà.
00:46:25Hop.
00:46:27Donc là on va aborder
00:46:29des problèmes concrets. On était
00:46:31déjà dans le concret grâce à Catherine Larrère,
00:46:33mais là on va vraiment rentrer dans les problèmes concrets
00:46:35qui se posent dans la
00:46:37transmission. C'est vraiment l'idée, la transmission
00:46:39du message du réchauffement climatique.
00:46:41Quelle nouvelle question éthique et professionnelle,
00:46:43quel dilemme, on pourrait dire même,
00:46:45pose cette grande rupture
00:46:47qu'est le réchauffement climatique ?
00:46:49Alors on ne va pas être exhaustif dans la réponse,
00:46:51déjà on n'aura pas le temps, mais il faut plutôt
00:46:53voir cette table ronde comme une interrogation
00:46:55qui est toujours en cours sur nos
00:46:57pratiques et évidemment,
00:46:59plus vous témoignez,
00:47:01plus vous
00:47:03réfléchissez à vos propres dilemmes, vos propres doutes,
00:47:05on n'est pas là pour asséner des certitudes,
00:47:07on est plutôt là pour réfléchir tous ensemble.
00:47:09Pour en parler, j'ai le plaisir de vous
00:47:11accueillir Gilles Ramstein. Bonjour Gilles.
00:47:13Bonjour. Tout au bout, vous êtes là.
00:47:15Vous êtes directeur de recherche au Laboratoire des
00:47:17Sciences du Climat et de l'Environnement.
00:47:19Vous avez écrit un certain nombre de livres que je citerai
00:47:21tout à l'heure et surtout
00:47:23vous avez développé une importante
00:47:25activité de pédagogie à l'égard des journalistes,
00:47:27merci, et à l'égard des fonctionnaires.
00:47:29Voilà, et on en parlera
00:47:31à quoi ça sert de former
00:47:33et comment on fait pour former tous ces gens-là.
00:47:35J'ai aussi le plaisir de vous accueillir
00:47:37Renaud Etier, bonjour.
00:47:39Vous êtes professeur en sciences de l'éducation
00:47:41à l'UCO d'Angers,
00:47:43l'UCO d'Angers.
00:47:47Vous êtes ancien professeur des écoles,
00:47:49vous avez exercé au professeur des écoles et avec vous,
00:47:51on parlera plus précisément des méthodes
00:47:53éducationnelles,
00:47:55de ce grand travail
00:47:57qui est d'enseigner, de transmettre.
00:47:59Comment est-ce que ça doit changer ?
00:48:01Et enfin, bonjour Lou, Lou Espagillière.
00:48:03Vous êtes journaliste, vous êtes électeur en chef
00:48:05d'un média en ligne qui s'appelle Vert.
00:48:07Et avec vous, on va commencer
00:48:09ces échanges justement, c'est nous deux qui allons parler.
00:48:11Parce que là, je vais être
00:48:13à la fois l'animateur et un des intervenants du débat.
00:48:15C'est un peu schizophrénique, mais on va y arriver.
00:48:17Parce qu'effectivement,
00:48:19c'est Delphine Cuny
00:48:21qui parlait tout à l'heure de la charte pour un journalisme
00:48:23à la hauteur de l'urgence écologique, c'est vous,
00:48:25votre média, qui en 2022 l'avez produit.
00:48:27C'est un texte, alors il faut préciser que c'est un texte
00:48:29qui a été soumis à la signature
00:48:31de très nombreuses entreprises de médias
00:48:33qui a été signé d'ailleurs,
00:48:35dont le Nouvel Obs.
00:48:37Mais nous, nous ne l'avons pas signé. En l'occurrence,
00:48:39j'expliquerai pourquoi, quels ont été les débats.
00:48:41Des médias comme Mediapart,
00:48:43RFI, France 24 ou Alternatives Economiques,
00:48:45eux l'ont signé
00:48:47et on s'est dit que ça serait peut-être intéressant
00:48:49justement de rappeler quels étaient les débats
00:48:51à l'époque en cours
00:48:53et qu'est-ce que ça dit aussi
00:48:55d'un moment d'une interrogation sur ses propres pratiques.
00:48:57Peut-être dans un premier temps,
00:48:59est-ce que vous voulez présenter ce que c'est
00:49:01Vert, le média ?
00:49:03Il s'appelle Vert, la couleur verte.
00:49:05Déjà, merci de l'invitation.
00:49:07Bonjour à tous et à toutes.
00:49:09Vert, c'est un média qui est...
00:49:11Je ne sais pas où commencer.
00:49:13En gros, c'est en premier lieu
00:49:15un petit journal quotidien envoyé sous forme de newsletter.
00:49:17Il y a aussi une version hebdo
00:49:19et qui brasse très large dans tous les sujets liés à l'écologie.
00:49:21C'est un média généraliste de l'écologie
00:49:23et qui permet de s'informer avec des articles
00:49:25relativement courts et simples pour des gens
00:49:27qui n'ont pas l'habitude de lire.
00:49:29Des brefs, des dessins de presse et j'en passe
00:49:31avec pas mal de second degré,
00:49:33un peu de jeu de mots dans une veine
00:49:35un peu canard enchaîné
00:49:37et qui est très lu notamment par des journalistes
00:49:39et par des profs
00:49:41parce qu'on fait un gros travail de prémâchage
00:49:43de l'actualité pour des gens qui n'ont pas forcément le temps
00:49:45ou qui n'ont pas Bac plus 12 en écologie.
00:49:47On a fait plein d'autres choses
00:49:49parmi lesquelles notamment un compte Instagram
00:49:51où on teste des formats beaucoup plus grand public
00:49:53et où on totalise 160 000 abonnés.
00:49:55On a essayé vraiment d'autres choses
00:49:57sur d'autres supports.
00:49:59Et on a aussi fait notamment
00:50:01une série de posters pédagogiques
00:50:03sur tous les sujets liés à l'écologie
00:50:05que vous pouvez consulter, télécharger
00:50:07gratuitement ou commander sur notre site.
00:50:09J'arrête l'instant promo
00:50:11mais ça a été pensé notamment
00:50:13pour un public scolaire.
00:50:15Verre en fait c'est né
00:50:17d'un besoin qui était celui de
00:50:19toucher un public qui n'est pas déjà expert
00:50:21et pas déjà ultra convaincu
00:50:23à un autre ton, une autre façon
00:50:25de raconter l'actualité de l'écologie
00:50:27qui soit à la fois fondée sur la science mais qui soit aussi
00:50:29pas dépolitisée. On en a beaucoup parlé
00:50:31un peu tout à l'heure mais Christophe Béchut
00:50:33notre ministre de l'écologie qui dit que
00:50:35la crise climatique n'est pas du tout
00:50:37un sujet politique, ce qui est complètement fou
00:50:39pour un responsable politique en charge de ces sujets-là.
00:50:41Donc ce n'est pas du tout notre compréhension
00:50:43de ces sujets et au contraire on va vraiment
00:50:45chercher à montrer quelles sont
00:50:47à la fois les causes mais aussi les leviers d'action
00:50:49à l'échelle individuelle, collective ou mondiale.
00:50:51Donc c'est un outil pédagogique
00:50:53et aussi un outil qui permet aux citoyens
00:50:55de se mettre en action.
00:50:57Nous on considère qu'on n'est pas dans le champ
00:50:59militant, on est des journalistes, on a un ton
00:51:01qui peut être perçu comme étant engagé
00:51:03mais on est vraiment très loin de toutes les assos
00:51:05les ONG ou les partis politiques.
00:51:07En revanche on considère qu'on a un rôle particulier dans notre
00:51:09champ professionnel qui est celui du journalisme
00:51:11et donc en 2022
00:51:13on a voulu initialement
00:51:15créer un texte avec nos lecteurs
00:51:17qui devait être un manifeste où on s'engageait
00:51:19nous les journalistes à mieux traiter
00:51:21tous les sujets liés à l'urgence écologique
00:51:23et le public s'engageait lui à faire tout un tas
00:51:25de trucs genre payer pour l'info
00:51:27s'il le pouvait, partager nos contenus
00:51:29avec l'idée d'essayer de créer un texte qui réconcilie
00:51:31une partie du public avec une partie
00:51:33des journalistes. Moi j'ai été très marqué
00:51:35par la crise des gilets jaunes, j'étais jeune journaliste
00:51:37et je m'occupais de social et d'écologie
00:51:39pendant la crise des gilets jaunes et en fait
00:51:41j'ai pris conscience de la fracture
00:51:43qu'il y avait entre ce qui se passait réellement
00:51:45dans la crise des gilets jaunes et ce qui était raconté dans les médias
00:51:47et comment nous journalistes on était perçus
00:51:49comme des ennemis et des adversaires et parfois
00:51:51d'ailleurs à juste titre, c'était légitime.
00:51:53Et donc nous on a voulu réconcilier en fait
00:51:55le public et les journalistes
00:51:57autour d'une meilleure info sur
00:51:59l'urgence écologique parce que la question est vraiment
00:52:01vitale et en fait assez rapidement
00:52:03on s'est dit que ce serait beaucoup plus intéressant de faire ça
00:52:05avec des confrères et confesseurs de notre
00:52:07champ professionnel pour plutôt créer
00:52:09un texte, une charte qui serait à l'usage
00:52:11à la fois des étudiants et des professionnels
00:52:13et qui soit un texte beaucoup plus durable que
00:52:15un manifeste qui ressemblerait un peu à une tribune.
00:52:17Donc Vert est allé à l'initiative mais en fait
00:52:19très rapidement, on a monté un collectif
00:52:21avec une trentaine de journalistes
00:52:23et donc il y avait des journalistes de France Télé, de Radio France
00:52:25de Reporters, de Blast,
00:52:27enfin bref absolument tous les types de médias
00:52:29et l'idée c'était justement pas du tout d'être
00:52:31le petit média qui va expliquer aux autres
00:52:33comment il faut travailler, au contraire.
00:52:35Et donc on s'y est mis à une trentaine, on a travaillé pendant plusieurs
00:52:37mois et on a abouti à un texte
00:52:39en 13 points qui fixent
00:52:4113 principes qui selon nous sont
00:52:43vraiment indérogeables quand on veut correctement
00:52:45traiter tous les sujets liés à l'urgence écologique
00:52:47et donc un texte qu'on a pensé à l'usage
00:52:49de toute la profession, y compris et surtout
00:52:51des gens qui ne sont pas journalistes sur l'écologie.
00:52:53Je crois que le premier article c'est
00:52:55de dire qu'il faut traiter l'environnement de manière transversale
00:52:57c'est pas un journaliste ou une journaliste spécialisée
00:52:59environnement, ça parle des entreprises
00:53:01ça parle de la mode, ça parle de la politique
00:53:03voilà, l'environnement
00:53:05c'est tout ça, effectivement.
00:53:07Il y a le rapport du GIEC
00:53:09dès l'introduction en disant
00:53:11le rapport du GIEC est formel, climat, biodiversité
00:53:13et en fait justice sociale sont des sujets qui sont
00:53:15complètement liés et donc on ne peut pas penser l'un
00:53:17sans penser le reste.
00:53:19Et ensuite sur les 13 points, il y a des points sur
00:53:21on propose de faire davantage de pédagogie
00:53:23d'enquêter sur les réponses à la crise
00:53:25ce qu'on pourrait appeler solution, on n'a pas choisi le terme parce qu'il était un peu galvaudé
00:53:27mais c'est ça en fait comment on s'en sort
00:53:29lutter contre le greenwashing
00:53:31après il y a des points un peu plus convenus
00:53:33sur pratiquer un journalisme bas carbone
00:53:35bon voilà, on se doute que c'est une préoccupation
00:53:37dans beaucoup de métiers.
00:53:39Bas carbone ça veut dire
00:53:41si on peut faire un reportage sans prendre l'avion
00:53:43sans machin, on essaie de le faire
00:53:45ce qui était assez nouveau
00:53:47dans le métier parce qu'on ne s'interrogeait pas sur nos propres pratiques
00:53:49donc c'est pas si évident que ça.
00:53:51Non non c'est pas si évident, on va en parler
00:53:53parce que je sais qu'il y a des choses
00:53:55que vous avez trouvées trop évidentes au Nouvel Epoque
00:53:57Oui absolument, enfin oui
00:53:59là je vais parler collectivement, je ne vais pas parler à mon nom propre
00:54:01mais oui effectivement.
00:54:03Est-ce que je peux dire ce qui s'est passé, donc nous on a reçu
00:54:05encore une fois il ne s'agit pas de
00:54:07de raconter des anecdotes
00:54:09pour les anecdotes, c'est intéressant, c'est que
00:54:11le texte donc T Parvers est arrivé
00:54:13évidemment par nous les journalistes
00:54:15environnement, qui traitaient l'environnement plutôt
00:54:17et on l'a donc soumis
00:54:19aux gens que ça intéressait dans la rédaction
00:54:21ce qui dans l'Obs concerne à peu près
00:54:23une dizaine, une quinzaine de personnes directement
00:54:25concernées, qu'on a commencé à débattre là-dessus
00:54:27et c'est vrai qu'il y avait un certain nombre d'articles
00:54:29qui étaient partagés, par exemple
00:54:31pratiquer dans la mesure du possible
00:54:33le journalisme bas carbone
00:54:35traiter le climat de manière transversale
00:54:37ce que nous on fait au Nouvel Obs déjà
00:54:39informer
00:54:41sur les réponses à la crise
00:54:43en questionnant les solutions qui nous sont présentées
00:54:45comme des solutions, etc.
00:54:47Ne pas renvoyer les personnes uniquement à leur responsabilité
00:54:49individuelle, mais c'est ce qu'on disait tout à l'heure
00:54:51avec Catherine, la partie collective, etc.
00:54:53Puis c'est vrai qu'il y a certains articles qui nous ont laissés
00:54:55un peu dubitatifs. Alors
00:54:57il y a deux raisons en fait pour lesquelles ils nous ont
00:54:59laissés dubitatifs, la première raison c'est une raison
00:55:01un peu anodine on va dire
00:55:03et puis une autre raison qui est plus profonde. La raison anodine
00:55:05c'est quand vous écrivez, par exemple qu'il faut faire
00:55:07œuvre de pédagogie, là je vous cite
00:55:09les données scientifiques et écologiques sont souvent complexes
00:55:11là en fait on a eu l'impression
00:55:13un certain nombre de journalistes ont eu l'impression que vous vous rappeliez
00:55:15ce que c'est que les bases du journalisme. C'est comme si on disait
00:55:17à vous enseignant, ça serait bien que vous fassiez de la pédagogie
00:55:19pour être compris par vos élèves. Vous direz
00:55:21oui c'est un peu mon métier, c'est à ça
00:55:23que je sers.
00:55:25Et de fait
00:55:27l'idée de signer la charte
00:55:29et ça c'est intéressant parce que ça peut
00:55:31vous parler, c'était
00:55:33comme si on disait incédemment ah bah oui
00:55:35on va se mettre à le faire du coup. Alors qu'en fait
00:55:37par exemple la pédagogie on l'a fait depuis toujours
00:55:39il y avait enquêté sur les origines
00:55:41du réchauffement et les réponses à la crise
00:55:43bon c'est pareil
00:55:45c'est l'évidence que c'est notre métier
00:55:47de faire ça, d'interroger les raisons du pourquoi. Révéler
00:55:49les stratégies produites par les sommeurs de doute
00:55:51dont parlait tout à l'heure Catherine Larrère
00:55:53le fait que ce soit spécifié dans une charte
00:55:55qu'on signe c'était comme si on se réveillait en 2022
00:55:57en se disant ah bah c'est vrai que ça serait pas mal de le faire
00:55:59c'était ça. Comment
00:56:01vous prenez cette critique ?
00:56:03Alors l'idée c'est vraiment d'avoir un texte encore une fois en 13 points
00:56:05qui énonce des grands principes qui
00:56:07vont être affichés par exemple dans les écoles de journalisme
00:56:09et en fait c'est le cas aujourd'hui, la totalité
00:56:11des écoles de journalisme reconnues par la profession
00:56:13ont signé cette charte et donc on la trouve un peu
00:56:15partout et en fait il y a un certain nombre de principes qui nous
00:56:17paraissent évidents parce que c'est la base du journalisme
00:56:19mais qui sont absolument pas pratiqués par l'ensemble des journalistes
00:56:21je dirais sur la pédagogie
00:56:23combien de fois on balance des tonnes de CO2, des mégawatts
00:56:25on parle de réchauffement sans faire le lien
00:56:27avec l'activité humaine, enfin je veux dire en fait
00:56:29la pédagogie il n'y a quasiment personne qui l'a fait sur le climat et c'est bien
00:56:31le problème et que des médias et des journalistes
00:56:33fassent un très bon travail sur le sujet depuis
00:56:35avant la charte c'est absolument évident et on n'est pas là
00:56:37pour justement encore une fois réinventer
00:56:39l'eau tiède et il y a plein de principes que nous on s'applique
00:56:41déjà. Journalisme bas carbone, il y a
00:56:43peu de médias aussi bas carbone que vert et pourtant on a signé
00:56:45le texte parce qu'on considère qu'on a envie de
00:56:47faire valoir ces grands principes là pour notre
00:56:49champ professionnel et en fait
00:56:51souvent ce qui a posé problème c'est ce truc
00:56:53où les médias installés ne voulaient pas qu'on vienne leur expliquer
00:56:55comment faire leur taf donc ça c'est pas mal revenu
00:56:57il y avait un autre point qui est sur le fait
00:56:59on l'a tourné comme ça, que les journalistes
00:57:01doivent avoir le droit de s'opposer au financement
00:57:03ici des industries les plus polluantes
00:57:05donc on n'a pas dit il faut plus de la pub pour des
00:57:07voitures, on a dit les journalistes ont le droit
00:57:09d'exprimer le fait qu'ils considèrent que c'est pas normal
00:57:11ou qu'ils n'ont pas envie qu'il y ait
00:57:13des pubs pour des SUV entre des articles qui disent
00:57:15que la crise est en train de s'aggraver
00:57:17parce qu'au final qu'est-ce qui reste dans l'esprit du
00:57:19genre quand il y a 4 pubs pour des SUV et un article
00:57:21tous les 6 mois sur le sujet
00:57:23bon voilà c'est que les SUV sont cools et sont partout
00:57:25effectivement c'est la raison profonde on va dire
00:57:27je vous ai dit il y a des raisons un peu anodines
00:57:29parce qu'effectivement on sentait bien que vous ne vouliez pas nous faire la leçon
00:57:31mais ça paraissait un peu étrange et puis la raison profonde
00:57:33effectivement c'est ce fameux article 10 qui est assez compliqué
00:57:35mais qui est intéressant justement de le commenter
00:57:37alors je le cite c'est s'opposer au financement
00:57:39issu des activités les plus polluantes
00:57:41je cite les journalistes ont le droit d'exprimer
00:57:43sans crainte leur désaccord vis-à-vis des financements etc
00:57:45et là on a été
00:57:47nombreux à trouver à l'Obs que
00:57:49on rentrait dans une zone qui était embêtante
00:57:51en fait pour plusieurs raisons
00:57:53parce que à partir du moment où on se dit
00:57:55c'est quoi comment vous dites les financements
00:57:57les activités les plus polluantes
00:57:59on pense tous les 4x4
00:58:01Air France
00:58:03les fast food
00:58:05mais
00:58:07quelle marque du coup devient acceptable
00:58:09si demain on dit on veut plus Air France
00:58:11on veut plus les 4x4
00:58:13on veut plus dans nos pages publicitaires
00:58:15on parle pas des articles on parle bien des pages publicitaires
00:58:17on a l'impression
00:58:19qu'on entre dans une espèce de logique de pureté
00:58:21dans laquelle on sortira jamais
00:58:23parce qu'après demain il y aura des fringues
00:58:25et on dira bah oui mais les fringues elles sont produites en Chine
00:58:27et donc on les fait venir ici
00:58:29c'est du CO2 c'est épouvantable il faut aussi aller plus loin
00:58:31demain il y aura des meubles
00:58:33je vais pas citer de marque mais qui font du tech
00:58:35des meubles en tech
00:58:37ils sont en train de déforester la forêt vierge
00:58:39et vous vous faites de la pub alors que
00:58:41vous voyez on entre dans une espèce de logique dans laquelle
00:58:43en fait on sortira jamais sauf à ne plus du tout avoir de publicité
00:58:45ce qui n'est techniquement pas possible pour nous
00:58:47je suis pas certain
00:58:49que la logique du tout au rien
00:58:51il y a un sens ici, en fait Jacques Médias est souverain pour décider
00:58:53sa ligne éditoriale
00:58:55par rapport aux lecteurs
00:58:57si on communique là dessus, si le Nouvel Obs dit à ses lecteurs
00:58:59demain ta ta ta
00:59:01ils ont fait des charts dans lesquels ils ont dit
00:59:03nous on refuse les publicités pour les énergies fossiles
00:59:05ça veut pas dire qu'ils vont arrêter de faire des pubs demain pour les voitures
00:59:07et ça veut encore moins dire qu'ils vont arrêter de faire la pub tout court demain
00:59:09au contraire ce texte ne dit pas que la publicité
00:59:11est interdite, elle dit juste que les journalistes ont le droit
00:59:13d'exprimer leurs doutes, leurs envies
00:59:15donc après si d'un coup toute la rédaction
00:59:17décide que c'est plus ok, c'est la rédaction
00:59:19qui leur a choisi, je sais pas quelles sont les règles
00:59:21de démocratie interne au Nouvel Obs mais
00:59:23dans beaucoup de médias ça se joue en conférence
00:59:25de rédaction. La directrice générale est ici
00:59:27j'ose pas le dire
00:59:29et au contraire, il y a plein de médias
00:59:31qui sont construits historiquement avec un modèle basé
00:59:33sur la publicité pour lesquels ce sera beaucoup plus difficile
00:59:35de faire cette transition là hors de ces sources
00:59:37de financement que pour un jeune acteur qui arrive
00:59:39comme nous et qui a fait un choix
00:59:41c'est celui de l'indépendance totale
00:59:43d'un point de vue économique et nous on est financés
00:59:45du coup on est obligés un peu de trouver des modèles originaux
00:59:47pour se financer parce que la publicité
00:59:49pour l'instant on a décidé de pas y aller
00:59:51et on est financés en fait au deux tiers par les dons de particuliers
00:59:53avec des dons défiscalisables
00:59:55et le reste c'est un peu d'aide au pluralisme
00:59:57et la formation de journalistes professionnels
00:59:59et donc on forme les journalistes du Parisien
01:00:01de BFM TV, RFI, France 24
01:00:03et plein d'autres journaux
01:00:05avec l'idée que c'est des financements
01:00:07qui nous permettent de rester 100% indépendants
01:00:09et encore une fois on participe à agir
01:00:11sur notre milieu professionnel avec l'idée que
01:00:13c'est pas les petits médias indépendants qui vont faire basculer
01:00:15le paysage médiatique à eux seuls
01:00:17mais qu'il y a plein de médias qui font un super boulot
01:00:19depuis beaucoup plus longtemps que nous et que
01:00:21notre rôle c'est aussi de permettre à ces médias là de s'améliorer
01:00:23encore et de faire en sorte que
01:00:25toutes leurs rédactions mettent les lunettes
01:00:27climat quand ils traitent leur sujet.
01:00:29Et par ailleurs, je vais te dire
01:00:31la deuxième critique qui a été
01:00:33émise par rapport à ces questions de publicité
01:00:35en fait il y a
01:00:37cette idée qu'il faut bien expliquer au public
01:00:39c'est qu'en fait la publicité et les publicités
01:00:41nous ne sommes pas au courant
01:00:43nous les journalistes, la rédaction, on n'est absolument pas
01:00:45au courant dans le numéro de cette semaine s'il y a une pub
01:00:47pour telle marque, pour telle marque, pour telle marque, on est absolument pas
01:00:49tenus au courant et il faut évidemment
01:00:51qu'on ne le soit pas, ça ne nous intéresse pas.
01:00:53Cette idée de dire on va trier
01:00:55entre des bons et des mauvais annonceurs, c'est l'idée qu'en fait
01:00:57il y aura une petite influence sur nous
01:00:59puisqu'on en refuse certains, on en accepte d'autres
01:01:01c'est toujours un peu compliqué de se dire
01:01:03on est un journal cool parce qu'en fait
01:01:05oui bon, on a que des bonnes marques, que des choses
01:01:07comme ça, or en réalité un journaliste
01:01:09de l'Obs, quel que soit, et ça vraiment je le dis
01:01:11sous le regard de la directrice générale
01:01:13quel que soit le sujet qu'il ait traité
01:01:15le plus économique, le plus industriel soit-il
01:01:17n'a aucune
01:01:19espèce de connaissance de la publicité
01:01:21qu'il va y avoir ou pas dans le numéro.
01:01:23Mais c'est pas que le journaliste qui va faire l'article sur le climat
01:01:25va être influencé par la pub TotalEnergie, c'est que le lecteur
01:01:27lui va être influencé par la pub TotalEnergie
01:01:29qui a écouté l'article sur le climat, donc en fait ça n'a rien à voir
01:01:31et je sais qu'au Service Planète du Monde ou dans d'autres titres
01:01:33ils ont gueulé parce qu'il y avait une énorme pub
01:01:35pour des SUV avant ou après
01:01:37un article sur la crise climatique
01:01:39donc c'est pas, moi j'ai aucune présomption
01:01:41de non-indépendance des journalistes.
01:01:43Mais alors ça veut dire que si la publicité était ailleurs
01:01:45qu'au Service Planète, il n'y a pas de problème
01:01:47si c'est avant le Service Éco ou après le Service Éco
01:01:49après je pense que chacun peut considérer
01:01:51qu'avoir une pub pour TotalEnergie c'est pas cool
01:01:53c'est une des pires boîtes sur Terre
01:01:55ils ont prévu de continuer à faire de plus en plus d'énergie fossile
01:01:57alors que tous les rapports scientifiques disent
01:01:59on n'arrivera pas à tenir l'objectif de 1,5°C
01:02:01de réchauffement climatique
01:02:03si on continue d'ouvrir des puits de pétrole, de gaz
01:02:05ou des mines de charbon. Donc Total en fait
01:02:07agit sciemment dans une dynamique
01:02:09qui est contraire à celle sur laquelle
01:02:11l'ensemble des pays du monde se sont mis d'accord
01:02:13quand ils ont signé l'accord de Paris.
01:02:15Vous avez Shell, vous voyez ce que je veux dire.
01:02:17Toutes les multinationales qui sont connues de nous tous
01:02:19des marques de voitures
01:02:21des marques de fringues, des marques de meubles
01:02:23elles sont...
01:02:25Encore une fois, chacun fait ce qu'il veut.
01:02:27Je comprends pourquoi un journaliste serait choqué
01:02:29des publicités de Total Energy
01:02:31à côté de ses articles ou ailleurs dans le magazine.
01:02:33Chaque titre est souverain.
01:02:35Il n'y a pas de police de la charte
01:02:37pour un journalisme.
01:02:39On n'a pas un comité qui suit et qui va taper sur les doigts de tout le monde.
01:02:41Simplement on érige des principes auxquels
01:02:43200 médias et plus de 2000 journalistes
01:02:45ont souscrit en signant.
01:02:47D'autres n'ont pas voulu pour les raisons que vous évoquez.
01:02:49On n'est absolument pas là pour dire aux journalistes
01:02:51ce qu'ils doivent faire. Simplement
01:02:53les médias qui se sont engagés à signer ce texte
01:02:55c'est sûr qu'ils sont un peu plus attendus au tournant.
01:02:57Il y a notamment un média qui s'appelle l'ADN
01:02:59qui a remporté un appel d'offres
01:03:01avec Total Energy juste après
01:03:03un énorme truc où ils mettaient plusieurs journalistes
01:03:05à disposition pendant des mois de Total Energy.
01:03:07Je peux vous dire que le fait que la direction ait signé
01:03:09cette charte-là, ça a permis aux journalistes
01:03:11en interne de gueuler
01:03:13extrêmement fort et d'obtenir que finalement
01:03:15le contrat ne sera jamais honoré.
01:03:17Ce n'est pas juste des logiques de publicité.
01:03:19Des boîtes comme Total Energy ne font pas
01:03:21que de la publicité. Elles vous invitent à des événements,
01:03:23elles vous financent des formations,
01:03:25elles vous donnent des choses à droite et à gauche.
01:03:27Finalement la publicité c'est presque que l'écume.
01:03:29Par contre c'est l'écume qui est visible pour le public
01:03:31et on peut considérer qu'il ne faudrait pas de pub
01:03:33pour Total Energy dans son journal.
01:03:47Ce que je trouve hyper intéressant
01:03:49c'est qu'effectivement de fait
01:03:51nous on n'accepte pas la publicité
01:03:53des pétroliers, etc.
01:03:55Mais ce qui est encore plus intéressant c'est que
01:03:57comme la liberté de la rédaction,
01:03:59c'est comme le journal se positionne
01:04:01déjà depuis sa création
01:04:03comme un journal très écologique
01:04:05qui défend ces combats-là
01:04:07depuis vraiment 60 ans.
01:04:09En réalité les annonceurs ne veulent surtout pas
01:04:11annoncer dans l'Obs.
01:04:13Le truc c'est fait à l'envers chez nous.
01:04:15On est tellement marqué comme étant un journal
01:04:17social-démocrate, écolo.
01:04:19Parfois d'ailleurs on est considéré
01:04:21comme décroissant de ce que certains peuvent être
01:04:23et d'autres pas. Il n'y a pas d'idéologie dans le sujet.
01:04:25Donc en réalité c'est d'abord la ligne éditoriale du journal
01:04:27qui fait qu'on s'adresse
01:04:29à nos lecteurs et donc
01:04:31à contre-coup aux annonceurs.
01:04:33Donc nous ça ne nous choque absolument pas
01:04:35que ces annonceurs-là ne veuillent pas
01:04:37venir et quand on fait la une sur Pouyanné
01:04:39pour dénoncer son système,
01:04:41on ne va jamais se priver de faire des enquêtes comme ça.
01:04:43Donc je crois que c'est ça. Ce que je crois que tu veux dire
01:04:45c'est ce que je trouve hyper intéressant
01:04:47et pourtant on n'en a pas parlé ensemble.
01:04:49C'est vrai que la rédaction d'abord se rempart du sujet
01:04:51et décide entre elle. Moi je n'ai pas participé
01:04:53à ces discussions-là sur la charte.
01:04:55C'est d'abord la liberté éditoriale
01:04:57et sur l'écologie
01:04:59d'être certain
01:05:01que rien, aucune pression économique,
01:05:03aucune pression industrielle
01:05:05ne pourra empêcher le traitement éditorial.
01:05:07Mais là où je te rejoins complètement Lou,
01:05:09c'est qu'effectivement c'est pour nous impensable
01:05:11de traiter comme ça à la une
01:05:13comme on l'a fait encore la semaine dernière
01:05:15l'écologie, la justice climatique
01:05:17et d'avoir dans les pages le défendre évidemment total.
01:05:19On le fera jamais.
01:05:21Il y en a eu d'autres débats sur des pubs
01:05:23par exemple pour des croisières,
01:05:25sur des pubs pour des, je ne sais plus quoi,
01:05:27des DSUV électriques.
01:05:29Effectivement c'est vachement compliqué.
01:05:31Quand notre modèle repose là-dessus, on se dit
01:05:33ça on prend, on ne prend pas. En fait on ne peut pas s'en passer.
01:05:35On en a besoin pour payer ces journalistes
01:05:37qui ont...
01:05:39En tout cas la seule règle qu'on s'impose
01:05:41c'est le traitement journalistique,
01:05:43la confiance des lecteurs
01:05:45que les annonceurs feront le tri assez facilement
01:05:47entre les médias pros,
01:05:49industrie polluante ou non.
01:05:51J'aimerais passer la parole à vous
01:05:53Renaud Etier, vous avez un micro ? Oui vous avez un micro.
01:05:55Je rappelle donc
01:05:57que vous êtes professeur en sciences de l'éducation à l'UCL
01:05:59vous avez publié notamment
01:06:01l'Humanité contre l'anthropocène qui est un ouvrage
01:06:03très intéressant sur ces questions-là.
01:06:05Est-ce que d'une certaine manière ces questions
01:06:07qu'on parle là recoupent celles qui peuvent
01:06:09habiter les enseignants ?
01:06:11C'est-à-dire jusqu'où ils vont, jusqu'où ils disent, jusqu'où ils parlent,
01:06:13jusqu'où ils montrent l'exemple peut-être eux-mêmes
01:06:15dans leurs propres pratiques ?
01:06:17Alors la difficulté
01:06:19c'est qu'il faut bien distinguer
01:06:21ce que vous avez vous-même désigné
01:06:23par faire la pédagogie d'eux
01:06:25et la pédagogie en fait.
01:06:27C'est-à-dire que
01:06:29faire la pédagogie d'eux dans le sens commun
01:06:31c'est devenu expliquer
01:06:33les mesures politiques
01:06:35qu'on va prendre.
01:06:37La pédagogie c'est autre chose,
01:06:39c'est rendre possible une expérience
01:06:41qui soit édifiante
01:06:43pour l'enfant, pour l'adolescent.
01:06:45Donc là,
01:06:47les programmes évoluent déjà,
01:06:49l'éducation nationale
01:06:51s'ouvre à la possibilité
01:06:53de parler de l'environnement,
01:06:55de l'avenir, etc.
01:06:57Mais la difficulté
01:06:59importante, c'est précisément
01:07:01qu'on est peut-être
01:07:03là encore un peu
01:07:05dans faire la pédagogie d'eux
01:07:07et pas assez
01:07:09agir pédagogiquement pour que les enfants
01:07:11fassent des expériences.
01:07:13Il y en a, c'est-à-dire que par exemple...
01:07:15Vous voulez dire, il y a d'un côté
01:07:17c'est un peu ce du discours et de l'autre
01:07:19c'est de l'action, c'est ça on pourrait dire ?
01:07:21Ce qu'on sait des discours,
01:07:23c'est ce qu'on appelle
01:07:25le flatus vocis,
01:07:27ça peut être du vent,
01:07:29ça passe souvent au-dessus de la tête des enfants,
01:07:31voire chez les adolescents
01:07:33ça peut provoquer des réactions,
01:07:35c'est-à-dire comme l'adolescence.
01:07:37L'adolescent, pour se construire,
01:07:39va vouloir se distinguer
01:07:41et va vouloir s'opposer.
01:07:43Au fond,
01:07:45si on tient un discours
01:07:47un peu moralisant
01:07:49sur l'écologie,
01:07:51on peut avoir des réactions
01:07:53contre-productives.
01:07:55Ce qui va être important, c'est de permettre
01:07:57de faire des expériences
01:07:59effectives et on a
01:08:01de plus en plus,
01:08:03ce n'est pas massif, mais ça existe,
01:08:05des écoles
01:08:07et donc des municipalités,
01:08:09puisque c'est les municipalités qui s'occupent des écoles,
01:08:11qui végétalisent les cours.
01:08:13La végétalisation des cours,
01:08:15c'est un exemple intéressant parce que ce n'est pas
01:08:17simplement cosmétique, ce n'est pas simplement
01:08:19que c'est plus beau, parce qu'il y a des arbres,
01:08:21des plantes, etc.
01:08:23C'est que ça va modifier
01:08:25les paramètres et sociopolitiques
01:08:27et existentiels
01:08:29des enfants.
01:08:31Pourquoi ? Parce que la cour traditionnelle,
01:08:33je vais donner l'impression
01:08:35de parler d'autre chose, mais tout est lié.
01:08:37La cour traditionnelle,
01:08:39c'est un grand espace dans lequel les garçons
01:08:41jouent au foot et les filles sont dans les coins
01:08:43pour éviter le ballon.
01:08:45La végétalisation
01:08:47de la cour va
01:08:49correspondre à une redistribution politique
01:08:51de l'espace
01:08:53et redonner ses droits
01:08:55à différentes manières d'habiter l'espace
01:08:57et de pouvoir se
01:08:59relier à du vivant.
01:09:01Il y a aussi
01:09:03aujourd'hui
01:09:05des personnes qui pratiquent
01:09:07l'école dehors.
01:09:09Plus intéressant encore...
01:09:11L'école dehors, ça veut dire sous les arbres ?
01:09:13Ça veut dire qu'à raison
01:09:15de deux heures par semaine,
01:09:17on va sortir de la classe, sortir
01:09:19de l'école et aller à la
01:09:21rencontre de l'extérieur.
01:09:23J'en profite pour dire
01:09:25qu'une des grandes difficultés
01:09:27qu'on a aujourd'hui en éducation
01:09:29et pour l'enfance en général,
01:09:31c'est qu'il y a
01:09:33deux grands mouvements qui se rencontrent.
01:09:35Un mouvement
01:09:37d'abstraction, c'est le risque
01:09:39que je disais tout à l'heure pour
01:09:41l'école, c'est d'aborder les choses de façon
01:09:43abstraite, à travers des discours,
01:09:45à travers des leçons, à travers des
01:09:47théories, à travers des concepts.
01:09:49Et ce mouvement d'abstraction,
01:09:51il rencontre un deuxième
01:09:53mouvement qui est un mouvement de virtualisation.
01:09:55Pour
01:09:57vous donner un exemple de cela,
01:09:59j'ai fait une enquête auprès d'adolescents dans des maisons
01:10:01de quartier l'année dernière.
01:10:03Tous
01:10:05se donnaient rendez-vous,
01:10:07donnaient rendez-vous à leurs camarades
01:10:09après le collège,
01:10:11après le lycée, ou ça
01:10:13sur les réseaux.
01:10:15Et donc, en fait,
01:10:17ils ne connaissaient
01:10:19de la nature que
01:10:21le parc de jeux
01:10:23du quartier, c'est-à-dire
01:10:25un endroit où, en fait,
01:10:27il y a quelques plantes.
01:10:29Mais enfin, ce n'est pas là qu'on fait une expérience
01:10:31de la nature qui soit substantielle.
01:10:33Et donc, vous voyez,
01:10:35à la fois, abstraction
01:10:37à l'école, virtualisation
01:10:39dans la vie privée, sachant que
01:10:41les chiffres établissent que les
01:10:43adolescents entre 12 et 18 ans passent à peu près
01:10:456h40 par jour
01:10:47sur les écrans, soit le double du temps
01:10:49passé dans une salle
01:10:51de classe. Le risque, c'est
01:10:53qu'on ne sache même
01:10:55pas de quoi on parle.
01:10:57On ne le sait pas, parce qu'on ne le sent pas.
01:10:59On n'a pas l'occasion.
01:11:01On n'est plus dans le monde, en quelque sorte.
01:11:03Vous parlez, parce que là,
01:11:05on peut rebondir sur ce que disait Madame tout à l'heure,
01:11:07sur la partie émotion.
01:11:09Vous, vous insistez dans vos travaux sur la dimension
01:11:11psycho-émotionnelle de l'éducation. Qu'est-ce que ça veut dire ?
01:11:13Complètement. Alors,
01:11:15il y a plusieurs traditions
01:11:17auxquelles on peut s'attacher.
01:11:19La phénoménologie,
01:11:21notamment avec Merleau-Ponty.
01:11:23C'est un courant philosophique qui se
01:11:25préoccupe de la manière dont
01:11:27on reçoit le monde
01:11:29et dont on le conçoit,
01:11:31de façon sensible.
01:11:33Un autre courant qui
01:11:35est dans le fil
01:11:37des éthiques du care
01:11:39qui viennent des États-Unis,
01:11:41c'est-à-dire le souci de prendre soin.
01:11:43Et puis tout le travail que font
01:11:45différents auteurs sur l'attention.
01:11:47On pense notamment à Bernard Stiegler,
01:11:49mais aussi à Yves Citon.
01:11:51Ces différents courants, à mon sens,
01:11:53peuvent se rejoindre pour considérer
01:11:55que
01:11:57n'existe pour nous
01:11:59que ce à quoi on fait attention.
01:12:01Mais encore faut-il deux choses.
01:12:03Que l'objet auquel on fait attention
01:12:05il soit dans notre champ
01:12:07potentiel d'attention.
01:12:09Et deuxième chose,
01:12:11que effectivement
01:12:13on apprenne à faire attention.
01:12:15Mettons que, alors évidemment
01:12:17ici on est dans un espace artificiel.
01:12:19Mais mettons qu'on soit dehors.
01:12:21Je me lève, je marche.
01:12:23Est-ce que j'ai fait attention
01:12:25au fait qu'il y avait une colonne de fourmis
01:12:27qui passait là ? Pas forcément.
01:12:29Est-ce que j'ai fait du mal ?
01:12:31Non, on ne peut pas dire dans le sens
01:12:33où il n'y a pas eu d'intention.
01:12:35Pour que quelque chose existe,
01:12:37il faut y prêter attention,
01:12:39mais l'attention ça se forme.
01:12:41Donc...
01:12:43Et dans la question écologique, c'est absolument fondamental
01:12:45parce que personne n'a envie de détruire la planète.
01:12:47Il n'y a pas de...
01:12:49On détruit ce qu'on ne regarde pas suffisamment,
01:12:51ce qu'on ne regarde pas bien.
01:12:53Or si on va...
01:12:55Alors je ne sais pas, peut-être que ça se discutera.
01:12:57Bon mais...
01:12:59Moi j'habite
01:13:01au bord de la Loire.
01:13:03C'est une certaine chance et puis
01:13:05dès qu'on sort, on est
01:13:07à côté de ce fleuve sauvage
01:13:09avec beaucoup de végétation, beaucoup d'oiseaux
01:13:11et puis la Loire elle-même
01:13:13qui change tout le temps, qui monte, qui descend, etc.
01:13:15Bon, sérieusement,
01:13:17si on s'assoit là
01:13:19et qu'on regarde le paysage,
01:13:21en fait, il ne se passe pas grand-chose.
01:13:23On ne voit pas grand-chose.
01:13:25Est-ce qu'on connaît le nom des arbres ?
01:13:27Est-ce qu'on va être suffisamment
01:13:29patient pour voir passer
01:13:31le chevreuil, le héron,
01:13:33etc.
01:13:35La nature, ça c'est Hartmut Rosa
01:13:37qui le pense dans son travail.
01:13:39Philosophe allemand.
01:13:41Il le pense dans son travail
01:13:43sur la résonance.
01:13:45L'opportunité de la rencontre,
01:13:47elle est très ténue.
01:13:49C'est-à-dire qu'il est bien possible
01:13:51qu'en allant dans la nature,
01:13:53il ne se passe rien, on ne voit rien.
01:13:55Donc,
01:13:57c'est un apprentissage de la patience,
01:13:59de l'acuité
01:14:01du regard,
01:14:03de certaines démarches qu'il faut faire
01:14:05pour voir que cette nature
01:14:07elle est vivante.
01:14:09Donc cet apprentissage,
01:14:11il n'a pratiquement aucune chance de se faire
01:14:13tant qu'on passe
01:14:15de la salle de classe où on est
01:14:17dans l'abstraction aux écrans
01:14:19où on est dans la virtualisation.
01:14:21Il y a vraiment des initiatives à prendre
01:14:23comme celle de l'école Jardin.
01:14:25Gilles Delecq a soutenu une thèse
01:14:27précisément sur ce concept d'école Jardin
01:14:29et il remonte jusqu'à Épicure,
01:14:31philosophe grec,
01:14:33pour faire que
01:14:35c'est particulièrement intéressant
01:14:37que ce ne soit plus un rapport
01:14:39seulement esthétique à la nature
01:14:41mais un rapport pragmatique.
01:14:43On va intervenir,
01:14:45on va agir, on va mettre sa main dans la terre,
01:14:47on va prendre soin,
01:14:49on va découvrir des résistances, etc.
01:14:51Ça devient réel.
01:14:53Mais ça, c'est presque une manière de changer
01:14:55l'éducation, la manière d'éduquer.
01:14:57Le modus operandi
01:14:59des profs, ça demande
01:15:01beaucoup d'investissement, beaucoup d'énergie,
01:15:03de casser un petit peu les codes.
01:15:05Oui, complètement.
01:15:07Ne soyez pas effrayés,
01:15:09c'est une réflexion.
01:15:11Oui.
01:15:13Ça vient bousculer
01:15:15la rationalité de l'école
01:15:17telle qu'elle est établie
01:15:19et qui ne fait que de se renforcer
01:15:21et qui est notamment dans
01:15:23une logique de programmation.
01:15:25Les programmes sont toujours plus amples
01:15:27avec l'adjonction
01:15:29d'éducation, éducation à la santé,
01:15:31éducation à l'environnement, éducation à la sécurité
01:15:33routière, etc.
01:15:35Ce qui fait que,
01:15:37je continue à être au courant
01:15:39parce que je ne suis plus professeur des écoles,
01:15:41mais j'ai des doctorants qui le sont,
01:15:43à une fragmentation
01:15:45extrême du temps scolaire.
01:15:47Les séquences sont de plus en plus
01:15:49courtes et ça laisse
01:15:51de moins en moins
01:15:53la possibilité d'aller s'immerger
01:15:55dans un milieu naturel.
01:15:57Une de mes doctorantes
01:15:59a fait une classe
01:16:01de découverte pendant
01:16:03une semaine et elle était
01:16:05atterrée. Elle me disait qu'en fait,
01:16:07on a la plus grande difficulté, elle est en primaire,
01:16:09à faire marcher
01:16:11les élèves. Marcher
01:16:13les élèves. Rien.
01:16:15Oui, c'est vrai.
01:16:19Vous voulez témoigner, madame ?
01:16:21Oui.
01:16:27Oui.
01:16:31Oui.
01:16:45Oui.
01:16:47Effectivement, vous avez cette phrase
01:16:49qui paraît très anachronique par rapport à l'école
01:16:51telle qu'on l'aperçoit aujourd'hui. Vous dites
01:16:53qu'il faut reconstruire à partir du vide.
01:16:55On parle de reconstruire le courage,
01:16:57l'espérance de construire
01:16:59un monde meilleur, etc.
01:17:01Le vide, c'est ce qui nous manque le plus, on pourrait dire,
01:17:03à l'école. Alors, ça me fait sourire
01:17:05parce que ça,
01:17:07c'est dans l'Humanité contre l'Anthropocène
01:17:09que vous l'avez trouvé ? Non, c'est vous qui me l'avez dit, que je vous ai appelé.
01:17:11Ah. On a parlé de reconstruire à partir du vide.
01:17:13Oui, non, ça me fait sourire parce qu'en fait...
01:17:15Parce qu'on a préparé l'interview avant.
01:17:17Ah oui. On dévoile les coulisses. Parce que du coup,
01:17:19en fait, c'est mon sujet actuel.
01:17:21Mais oui. Mon prochain ouvrage.
01:17:23Je le savais. Vous faites de la pub.
01:17:25Il parle de la saturation, si je ne m'abuse, c'est ça ?
01:17:27Votre prochain livre s'appellera Saturation.
01:17:29Saturation, il sous-titre,
01:17:31c'est un monde où il ne manque rien,
01:17:33si ce n'est l'essentiel.
01:17:35Oui, parce qu'il me semble que la condition
01:17:37ultime de la rencontre
01:17:39du monde, du vivant,
01:17:41c'est l'expérience du vide. Nous sommes,
01:17:43me semble-t-il, dans
01:17:45une phase de saturation
01:17:47où nous sommes bombardés d'images,
01:17:49de messages,
01:17:51de leçons, de discours, etc.
01:17:53Et cette saturation,
01:17:55c'est aussi sensible. C'est un peu comme si
01:17:57on mangeait trop. D'ailleurs, j'en parle.
01:17:59On mange trop aussi. On est
01:18:01plein, on est bourré, on n'en peut plus.
01:18:03Et du coup, on est
01:18:05indisponible pour ce qui pourrait
01:18:07arriver. Et donc,
01:18:09pour moi, il faut faire une expérience
01:18:11d'abord de désaturation,
01:18:13c'est-à-dire
01:18:15défaire un petit peu
01:18:17ces circuits continu,
01:18:19ce jet continu, ces flux continu
01:18:21pour qu'il y ait de la place.
01:18:23Ça suppose un passage
01:18:25certes difficile qui va passer
01:18:27par de l'ennui et peut-être
01:18:29pire encore de l'angoisse
01:18:31pour que du coup
01:18:33quelque chose d'autre se reconstruise dans les deux
01:18:35sens, c'est-à-dire le vide
01:18:37en moi n'est peut-être pas
01:18:39totalement
01:18:41invincible.
01:18:43Je vais redécouvrir
01:18:45une capacité à imaginer, à penser,
01:18:47à méditer, etc.
01:18:49Et puis le vide dans le monde,
01:18:51qui ne me parle pas immédiatement,
01:18:53va au bout d'un moment finir
01:18:55par parler.
01:18:57Il y a un petit conte,
01:18:59je me permets ça parce que...
01:19:01Parlez des ressources, parce que vous êtes précieux.
01:19:03Un petit conte de sagesse
01:19:05que j'aime beaucoup, c'est l'histoire
01:19:07d'un homme extrêmement pieux, très sage,
01:19:09très probe
01:19:11et qui s'attend
01:19:13avec confiance, maintenant qu'il est très
01:19:15âgé, à aller directement
01:19:17au paradis.
01:19:19Il attend, très, très benoîtement
01:19:21et là, juste un petit faible,
01:19:23c'est quelqu'un d'un petit peu indolent
01:19:25et bon, oui, oui,
01:19:27il dort bien et il fait
01:19:29souvent la sieste, ça me fait penser
01:19:31à l'épitaphe de Jean de La Fontaine qui disait
01:19:33de sa vie, de ma vie j'ai fait
01:19:35deux parts, l'une à dormir, l'autre
01:19:37à ne rien faire. Et donc,
01:19:39il attend, il attend et puis arrive
01:19:41le jour, enfin il meurt et effectivement
01:19:43il monte au ciel. Bon, il est
01:19:45bien content, sauf que
01:19:47arrivé au ciel, il se retrouve devant
01:19:49la porte du paradis qui est fermée.
01:19:51Alors,
01:19:53il n'a rien d'autre à faire, il attend,
01:19:55il attend, il attend et puis
01:19:57ça devient vraiment interminable.
01:19:59Et au bout d'un moment, il s'écrit,
01:20:01il dit,
01:20:03quand est-ce que les portes vont s'ouvrir ?
01:20:05Et il y a une voix terrible
01:20:07qui répond, qui dit, ben,
01:20:09sois attentif, les portes s'ouvrent
01:20:11quelques secondes, tous les dix
01:20:13mille ans.
01:20:15Alors, il attend,
01:20:17il attend, il attend, il sent ses paupières lourdes,
01:20:19lourdes, lourdes, il a la tête
01:20:21qui tombe et quand il rouvre les yeux,
01:20:23la porte se referme.
01:20:25Voilà, ça dit, c'est le fameux
01:20:27kéros, hein, que le moment
01:20:29de la rencontre, l'opportunité,
01:20:31est très difficile à saisir,
01:20:33on ne sait pas. Donc, ça suppose
01:20:35beaucoup de patience, la capacité
01:20:37à supporter du vide pour qu'enfin
01:20:39la rencontre soit possible. J'aimerais
01:20:41vous entendre, Lou, Gilles, je ne vous oublie
01:20:43pas, mais j'aimerais vous entendre, Lou, sur la question de la
01:20:45saturation, la question, parce que dans les médias,
01:20:47quand vous êtes
01:20:49un média de plus, j'ai pu dire,
01:20:51on est très nombreux, c'est vrai qu'il y a toujours
01:20:53cette idée qu'on fait de l'information,
01:20:55qu'on essaye
01:20:57d'en faire le plus possible, mais il peut y avoir
01:20:59un effet anxiogène, un effet de
01:21:01comment vous faites pour gérer ça ?
01:21:03C'est-à-dire vous dire, est-ce que
01:21:05vous choisissez peu mais bien ? Comment ça se passe
01:21:07pour justement pas écraser
01:21:09les gens avec les mauvaises nouvelles ?
01:21:11C'est une question assez compliquée, parce que
01:21:13de fait, le temps de l'information s'est accéléré
01:21:15considérablement. Je ne sais pas vous,
01:21:17mais mon temps d'attention a baissé, il baisse
01:21:19d'année en année. Je ne suis plus capable de lire
01:21:21longtemps des longs articles.
01:21:23Vous êtes super jeune, c'est triste.
01:21:25Je ne suis pas le seul.
01:21:27Cyril Dion l'a dit aussi récemment.
01:21:29À partir du moment où on consomme des réseaux sociaux,
01:21:31forcément, les réseaux sociaux sont construits
01:21:33pour nous rappeler, nous faire switcher d'une seconde
01:21:35à l'autre. TikTok étant l'exemple complètement
01:21:37extrême où toutes les deux secondes, il se passe
01:21:39un truc, et je dis toutes les deux secondes,
01:21:41les vidéos, les plans durent moins d'une seconde maintenant dans les vidéos
01:21:43TikTok. Donc en fait, c'est hyper difficile
01:21:45à la fois de s'insérer dans ce champ médiatique
01:21:47qui est en accélération, et en même temps d'essayer de pas
01:21:49participer à l'accélérer lui-même.
01:21:51Donc la newsletter, en fait, c'est un peu
01:21:53un remède à ça, parce que ça arrive tous les jours,
01:21:55à midi, il y a un début, une fin,
01:21:57c'est pas un scroll infini comme sur des sites web,
01:21:59et donc c'est vraiment un petit journal qui se lit en 7 minutes,
01:22:01et ça, c'est un peu un remède à ça.
01:22:037 minutes, c'est la promesse pour faire 7 minutes 30.
01:22:05Mais en gros, l'idée, c'est
01:22:09qu'on rattrape un peu toutes les actus importantes depuis 24h,
01:22:11et donc on permet de sortir un peu de ce temps-là,
01:22:13et par contre, on est beaucoup sur Instagram,
01:22:15et là, forcément, nous,
01:22:17on joue un peu sur les codes d'Instagram,
01:22:19donc on fait des...
01:22:21Désolé pour les scientifiques du GIEC, mais on a
01:22:23résumé le dernier rapport du GIEC
01:22:25en 10 slides sur un petit
01:22:27carousel sur Instagram.
01:22:29En fait, on essaye d'insérer ces
01:22:31phénoménaux de données
01:22:33dans des formats qui sont les formats des réseaux sociaux.
01:22:35J'ai aussi raconté un peu le rapport du GIEC
01:22:37en 3 minutes sur Kanbini.
01:22:39On joue sur les deux tableaux parce qu'on est un petit peu obligés,
01:22:41mais très clairement, par exemple,
01:22:43je considère qu'on n'a pas vocation à aller sur TikTok
01:22:45parce que là, la mécanique intrinsèque
01:22:47du réseau social, elle est toxique
01:22:49à fond.
01:22:51Gilles, vous voulez dire un mot là-dessus ?
01:22:53J'ai plein de choses à dire.
01:22:55Je vais commencer par
01:22:57rebondir sur la fin de la conférence.
01:22:59Est-ce que je peux me permettre de
01:23:01rappeler qui vous êtes, parce que peut-être que les gens l'ont oublié.
01:23:03Je rappelle que vous êtes climatologue, et je ne l'ai pas dit,
01:23:05mais vous êtes auteur de plusieurs livres dans un très pédagogique
01:23:07Climat en Sans Question.
01:23:09Le Climat en Sans Question, que vous avez créé avec un journaliste
01:23:11qui s'appelle Sylvain Stuvette,
01:23:13et auteur d'un podcast assez complet,
01:23:1550 épisodes quand même,
01:23:17qui s'appelle Le Climat en Question, avec un S.
01:23:19Voilà. Vous pouvez parler.
01:23:21C'est utilisable en classe, tout ça, bien sûr.
01:23:23Je vais rebondir sur plusieurs choses. D'abord, sur la fin
01:23:25du débat, tout à l'heure, Catherine
01:23:27a cité un livre que je vous conseille vraiment de lire.
01:23:29Elle a raison, c'est un très bon livre qui s'appelle
01:23:31Marchands de Doutes.
01:23:33C'est un livre qui montre comment
01:23:35les lobbies qui ont des intérêts
01:23:37vont, de façon très intelligente,
01:23:39mettre le doute dans la tête des gens.
01:23:41C'est-à-dire, leur dire, oui, bien sûr,
01:23:43il y a l'amiante, ça c'est sûr, c'est un facteur
01:23:45de concerne, mais il y a d'autres choses, vous savez aussi. Et comment ils font, en fait ?
01:23:47Eh bien, ils arrosent plein d'instituts
01:23:49d'organismes et de scientifiques
01:23:51pour essayer de montrer exactement ça.
01:23:53C'est-à-dire qu'il y a plein d'autres choses.
01:23:55Et ils inondent la littérature scientifique
01:23:57avec plein d'autres choses.
01:23:59Et ils gagnent 30 ans.
01:24:01Ça me décalpe sur deux autres aspects
01:24:03et après je réponds à toutes les questions que vous voulez.
01:24:05L'aspect de discussion
01:24:07sur la charte.
01:24:09Moi, je suis chercheur et donc
01:24:11dans mon domaine, la climatologie,
01:24:13il y a des appels d'offres.
01:24:15Il se trouve que la recherche fondamentale est très peu
01:24:17servie. Donc quand mes collègues
01:24:19qui sont expérimentateurs,
01:24:21veulent faire tourner leur machine et sortir des données,
01:24:23ils ont besoin d'argent.
01:24:25Quand c'est la BNP ou Total
01:24:27qui propose des fonds, qu'est-ce qu'ils font ?
01:24:29Qu'est-ce qu'ils faisaient il y a 10 ans ?
01:24:31Ils y allaient parce qu'ils se disaient comment je vais faire
01:24:33pour sortir toutes ces données
01:24:35scientifiques qui sont importantes.
01:24:37Donc vous voyez qu'il y a des questions éthiques fondamentales
01:24:39qui se posent, pas simplement à des
01:24:41journalistes, mais aussi à des scientifiques.
01:24:43Et puis, un deuxième
01:24:45pas de côté par rapport à ce que mon voisin de gauche a
01:24:47très bien exprimé sur la fragmentation.
01:24:49Je pense que la fragmentation
01:24:51à la fois dans l'espace et dans le temps,
01:24:53ça n'aide pas à réfléchir.
01:24:55Ça a été très bien exprimé par Lou
01:24:57et par Renaud.
01:24:59Et de ce point de vue-là, juste un exemple par rapport
01:25:01à ce qu'on disait tout à l'heure sur ce que
01:25:03un enseignant ne va pas se retrouver à être prédicateur.
01:25:05Moi, je pense comme scientifique,
01:25:07mais je suis sûr que c'est partagé, que le truc
01:25:09le plus grave, c'est l'ignorance.
01:25:11On va vers un monde extrêmement complexe.
01:25:13Donc il faut donner aux enfants
01:25:15la capacité d'être armés pour
01:25:17comprendre ce monde qui est extrêmement
01:25:19complexe. Et comme Catherine l'a
01:25:21très bien expliqué, ce n'est pas que des chiffres.
01:25:23C'est-à-dire que oui,
01:25:25le renseignement du changement climatique et environnemental,
01:25:27il doit se faire
01:25:29dès le plus jeune âge en ouvrant l'esprit
01:25:31des enfants. Et au collège,
01:25:33ça ne doit pas être qu'en sciences
01:25:35de la vie et de la Terre et en physique qu'on
01:25:37parle du changement climatique et de l'effondrement
01:25:39de la biodiversité. C'est aussi en
01:25:41histoire, en géographie,
01:25:43en philosophie. Peut-être même en même temps,
01:25:45on peut faire des ateliers pluridisciplinaires.
01:25:47Cette complexité du monde,
01:25:49elle ne doit pas être trop fragmentée
01:25:51parce que, je finirais là-dessus,
01:25:53ça fait 30 ans que des gens comme moi
01:25:55travaillent sur la quantification
01:25:57et tout ça. Moi, mon travail,
01:25:59c'est de montrer que les programmes qu'on utilise
01:26:01pour le prochain siècle, ils sont au moins capables de restituer
01:26:03les climats de la Terre passée
01:26:05pour lesquels on a des données. Donc vraiment, c'est de la quantification.
01:26:07Ce discours-là qu'on a depuis
01:26:0930 ans, ça se saurait
01:26:11s'il était partagé
01:26:13massivement. Il ne l'est pas.
01:26:15Pourquoi ? Parce que ce n'est pas parce que vous avez
01:26:17le bon discours scientifique que vous allez réenchanter
01:26:19le monde. Et donc, on a besoin
01:26:21des gens. Moi, je n'aime pas les sciences dures
01:26:23et les sciences molles parce que ça laisse penser que les sciences molles
01:26:25sont molles. Mais on a besoin
01:26:27des gens des sciences humaines et sociales.
01:26:29On a besoin des artistes. On a besoin pour que les gens
01:26:31appréhendent, comprennent
01:26:33et appréhendent un futur
01:26:35qui ne sera pas simplement
01:26:37un déni, un renoncement.
01:26:39Tout ça nécessite
01:26:41et c'est pour ça que
01:26:43l'éducation est fondamentale
01:26:45et l'éthique aussi, nécessite
01:26:47en fait de donner une compréhension
01:26:49globale du monde et aussi
01:26:51avec un peu de recul. Et comme Lou
01:26:53l'a très, très bien exprimé,
01:26:55ce n'est pas vers là qu'on va puisque
01:26:57à la fois, il y a une fragmentation
01:26:59que René a bien expliqué,
01:27:01spatiale, et une fragmentation
01:27:03temporelle qui fait qu'on a de plus en plus
01:27:05de mal à la fois à prendre du recul
01:27:07et à voir la complexité
01:27:09spatiale des images,
01:27:11à la comprendre. Et vraiment, je pense que
01:27:13l'école est fondamentale. Si on forme des citoyens
01:27:15capables d'appréhender cette complexité
01:27:17du monde, on aura beaucoup gagné
01:27:19par rapport à tous les
01:27:21ragots, les rumeurs qui circulent
01:27:23sur les réseaux sociaux.
01:27:25Renaud Etier, vous dites qu'éduquer, c'est toujours
01:27:27éduquer au courage.
01:27:29C'est toujours éduquer à la résistance, à l'effondrement.
01:27:31Résister à l'effondrement, je crois que c'est un peu
01:27:33le sous-titre d'un de vos livres.
01:27:35Le fait même d'éduquer,
01:27:37c'est éduquer de toute façon au courage et à la résistance.
01:27:39Qu'est-ce que vous voulez dire par contre ?
01:27:41Oui, alors,
01:27:43j'ai écrit un texte là-dessus d'ailleurs.
01:27:45Je parle de s'élever.
01:27:47On dit qu'on élève un enfant.
01:27:49Et j'aime bien faire
01:27:51résonner ce terme. Élever,
01:27:53c'est aller vers le haut.
01:27:55Et en fait, s'élever,
01:27:57on invite un enfant à s'élever,
01:27:59c'est-à-dire à développer
01:28:01ses propres capacités
01:28:03à aller vers le haut. Et ce que
01:28:05je crois très profondément,
01:28:07à force aussi d'expérience,
01:28:09que ce soit dans l'enseignement ou dans la
01:28:11parentalité, c'est qu'on grandit
01:28:13avec nos enfants, on grandit avec nos élèves.
01:28:15Il faut être à la hauteur.
01:28:17Je ne crois pas du tout,
01:28:19et puis moins que jamais,
01:28:21que les adultes
01:28:23soient nécessairement
01:28:25en avance sur
01:28:27les enfants. Alors, ils ont une
01:28:29position de responsabilité à assumer.
01:28:31Mais on est aujourd'hui dans un temps
01:28:33où d'abord le savoir
01:28:35circule énormément à l'horizontal,
01:28:37on va dire, avec les réseaux, etc.
01:28:39Et où de plus, en fait,
01:28:41ce sont les adultes qui sont responsables
01:28:43de la détériorisation de l'avenir.
01:28:45Et donc, détérioration
01:28:47de l'avenir. Et donc,
01:28:49on ne peut pas
01:28:51poser une espèce d'autorité
01:28:53ancestrale de l'adulte.
01:28:55Quand on voit la planète que vous nous laissez,
01:28:57c'est des choses comme ça. C'est ça.
01:28:59C'est difficile d'être descendant à ce moment-là.
01:29:01Donc, en fait, il faut se saisir de l'éducation
01:29:03comme une chance
01:29:05pour que tout le monde,
01:29:07pas seulement les enfants et les adolescents,
01:29:09les adultes aussi, se tournent vers l'avenir.
01:29:11S'engager dans l'éducation
01:29:13et se tourner vers l'avenir, c'est quasiment
01:29:15la même chose, en fait.
01:29:17C'est se mettre au service
01:29:19d'une action qui
01:29:21vise à préserver
01:29:23l'enfance et l'avenir. Ce qui suppose
01:29:25de lutter contre toutes les forces
01:29:27dépressogènes,
01:29:29que ce soit l'éco-anxiété, la solastalgie,
01:29:31etc., qui peuvent nous habiter.
01:29:33Mais ça suppose aussi
01:29:35de voir plus loin que le bout de son nez
01:29:37et de sortir de son égoïsme.
01:29:39C'est-à-dire, par exemple, moi,
01:29:41j'ai bientôt 60 ans, je peux
01:29:43me dire, bon, allez,
01:29:45je vais m'en sortir un peu
01:29:47près, en fait. Bon, après, je serai
01:29:49mort. Après moi, le déluge.
01:29:51Ça peut être ça. Si on commence à réfléchir
01:29:53à la vie de ses enfants,
01:29:55la vie de ses petits-enfants, ça oblige
01:29:57à se décentrer et à s'interroger
01:29:59sur ses propres choix
01:30:01d'automobile,
01:30:03de déplacement, d'alimentation, etc.
01:30:05Et ses propres
01:30:07engagements. Donc, en fait,
01:30:09c'est au nom des enfants
01:30:11et au nom de ce travail
01:30:13éducatif qu'on est amené à
01:30:15réviser nos propres choix.
01:30:17Gilles, vous dites ? Juste un mot, là, sur
01:30:19l'éco-anxiété. Donc, effectivement,
01:30:21j'ai écrit un livre avec Sylvestre et ma
01:30:23fille aînée m'a dit, mais papa,
01:30:25ton bouquin, il va sortir avec quelques
01:30:27milliers d'exemplaires. Qui va le lire ? Des vieux.
01:30:29Donc, tu ferais mieux de faire un podcast.
01:30:31Je dis, mais moi, Céline, je ne sais pas faire un podcast.
01:30:33Mais elle m'a dit, moi, je sais faire un podcast.
01:30:35Effectivement, elle a fait un podcast. Il y a 50 numéros. Il y en a
01:30:37un sur l'éco-anxiété. Il s'appelle
01:30:39Le climat en question.
01:30:41Moi, franchement, je serais jeune aujourd'hui.
01:30:43Je trouverais extrêmement grave
01:30:45de ne pas être un peu éco-anxieux.
01:30:47C'est une preuve de bonne santé mentale.
01:30:49C'est presque un signe d'être un peu éco-anxieux.
01:30:51La question, c'est qu'est-ce qu'on leur donne comme
01:30:53clé pour s'en sortir ? Mais bon, voilà.
01:30:55L'éco-anxiété, pour moi, n'est pas
01:30:57une maladie. C'est juste
01:30:59une prise de température du monde dans lequel
01:31:01ils vivent. Et c'est un monde difficile.
01:31:03Et donc, ça me paraît normal.
01:31:05J'insisterais sur ce point, quand même,
01:31:07qui me paraît assez fondamental. Tout à l'heure, je disais
01:31:09qu'il fallait réenchanter
01:31:11l'avenir. Et je pense que
01:31:13c'est très important, je pense,
01:31:15on en discutera sans doute, mais
01:31:17d'avoir des liens avec des artistes
01:31:19à l'école pour que
01:31:21on ait des projections du monde
01:31:23qui soient différentes. Parce que ça
01:31:25va être difficile. C'est tellement
01:31:27difficile que ça va être compliqué
01:31:29de mobiliser les jeunes.
01:31:31Je vous raconte une anecdote.
01:31:33Moi, je me souviens,
01:31:35je suis un peu congrené, j'ai un certain âge,
01:31:37et donc j'insiste souvent sur le fait que
01:31:39moi, du changement climatique, j'en verrais
01:31:41que le début. Et eux, les jeunes à qui je parlais,
01:31:43ils en verraient beaucoup. Et là,
01:31:45un jeune se lève et me dit
01:31:47mais moi, monsieur, si je casse
01:31:49une chaise, je ne demande pas à mes
01:31:51enfants de la réparer. Et ça m'a
01:31:53un peu interloqué. Je me suis dit oui, il faut que t'arrêtes
01:31:55de dire ça parce que ça peut
01:31:57être très contre-productif.
01:31:59Et effectivement, si on comprend rien à rien,
01:32:01on se dit mais c'est eux qui ont fait le bordel.
01:32:03Donc nous, on n'est que des...
01:32:05Mais évidemment, c'est eux qui vont
01:32:07récolter le fruit de notre développement
01:32:09et la seule solution, c'est qu'ils comprennent
01:32:11comment s'en sortir et pas qu'ils
01:32:13en veulent aux générations d'avant.
01:32:15Donc ça va être quelque chose qui est vraiment
01:32:17dur, mais aussi passionnant. Et je reviens
01:32:19sur le fait, l'art là-dedans,
01:32:21je pense qu'être capable de faire rêver
01:32:23des jeunes, c'est important.
01:32:25Et je vais finir là-dessus pour cette intervention.
01:32:27Donc moi, je suis à
01:32:29Paris-Saclay, dans la vallée de Chevreuse.
01:32:31Je suis très souvent...
01:32:33On me demande très souvent d'intervenir dans les lycées.
01:32:35Je vais au lycée Blaise Pascal,
01:32:37je suis très bien reçu. Et puis au bout
01:32:39d'un moment, je me dis mais attends, ces jeunes-là,
01:32:41le soir, avec leurs parents qui sont ingénieurs,
01:32:43ils peuvent reprendre, discuter.
01:32:45À quoi tu sers ?
01:32:47Donc je suis allé à Grigny, la commune la plus
01:32:49pauvre de l'Essonne. Je crois que c'est une commune la plus pauvre.
01:32:51Et je leur dis, vous savez, moi je suis non-voyant, donc
01:32:53je préfère intervenir au lycée, c'est plus facile pour moi.
01:32:55Ils m'ont dit mais quel lycée ?
01:32:57J'ai dit comment ça, quel lycée ? C'est une ville de 30 000 habitants.
01:32:59Ils m'ont dit mais monsieur, chez nous,
01:33:01il n'y a que 10% d'une classe d'âge qui arrive au bac.
01:33:03Alors là, j'étais assis.
01:33:05Et donc, un autre point
01:33:07et un petit point
01:33:09entre nous, c'est qu'il faut être aussi très
01:33:11vigilant à ça. À qui
01:33:13on s'adresse, dans quelle bulle on fonctionne.
01:33:15Si on veut que la société reste
01:33:17démocratique, il faut que
01:33:19la plupart des enfants,
01:33:21pas simplement ceux qui ont la chance d'avoir des parents,
01:33:23mais la plupart des enfants
01:33:25soient armés pour comprendre.
01:33:27Sinon, on va au devant de très graves difficultés.
01:33:29Donc finalement, je vais intervenir avec
01:33:31plein de collègues à Grigny, dans les collèges.
01:33:33Merci. Lou,
01:33:35vous voulez ajouter un mot sur l'éco-anxiété, peut-être ?
01:33:37Oui, alors sur l'éco-anxiété,
01:33:39il y a un petit débat sémantique,
01:33:41pas hyper intéressant, je trouve, pour les gens qui ne sont pas à l'intérieur du
01:33:43mouvement écolo, mais avec cette discussion
01:33:45entre, il ne faut pas
01:33:47psychologiser, renvoyer à l'échelle
01:33:49individuelle un problème qui est, en fait, mondial
01:33:51et collectif.
01:33:53Pour moi, ce n'est pas très intéressant, parce qu'en fait,
01:33:55il y a un continuum entre mon moi intérieur, mon moi social
01:33:57et la société. Et en fait, c'est normal
01:33:59de se sentir pas bien quand la société
01:34:01va pas bien. Enfin, je veux dire, le conflit
01:34:03israélo-palestinien, je veux dire, voilà, on peut aussi
01:34:05se sentir très mal vis-à-vis de ça, sans que ce soit
01:34:07renvoyé à la psychologie intérieure,
01:34:09et un truc qui se soignera avec des médicaments.
01:34:11Vous voulez dire que la politique aussi peut nous rendre
01:34:13malade, de cette manière ? Ça reste de la politique.
01:34:15Ça me paraît assez évident, mais je pense
01:34:17que c'est bien de le redire. Et en fait,
01:34:19ce qui génère réellement de l'éco-anxiété
01:34:21chez les jeunes, et pas que les jeunes,
01:34:23j'en avais insisté là-dessus, il n'y a pas que les jeunes qui se stressent à cause de ça,
01:34:25c'est pas tant la gravité
01:34:27de la crise que l'inaction généralisée
01:34:29et le fait d'avoir l'impression que, nous, on n'a
01:34:31pas de levier d'action à l'échelle individuelle ou collective,
01:34:33et que les gens qui sont aux responsabilités
01:34:35ne font rien. Et ça, je veux dire, on a
01:34:37toutes les raisons d'être éco-anxieux quand on regarde ce qui se passe.
01:34:39Emmanuel Macron qui se fait réélire en
01:34:412022 en disant à l'entre-deux-tours, en premier temps,
01:34:43pour que les gens de gauche et les écolos
01:34:45votent pour lui, que son quinquennat sera écologique
01:34:47ou ne serait pas. Deux ans après,
01:34:49il y a plein de textes qu'on attend qui ne sortent pas
01:34:51sur la planification écologique,
01:34:53sur la loi énergie-climat. Ça a totalement
01:34:55disparu de son discours. On a un Premier ministre
01:34:57qui a 34 ans, qui aurait toutes les raisons d'être éco-anxieux,
01:34:59sauf que lui, il est aux manettes,
01:35:01et qui nous vend une France
01:35:03de la voiture individuelle, de la banlieue pavillonnaire,
01:35:05qui fait sauter le repas végétarien
01:35:07à la cantine de Matignon. Enfin, je veux dire,
01:35:09c'est complètement fou. On est vraiment dans une forme
01:35:11de dystopie avec un Premier ministre
01:35:13jeune, aux commandes, qui fait l'inverse
01:35:15de ce qui rassurait ses contemporains
01:35:17sur l'éco-anxiété.
01:35:19Et puisqu'on est sur Emmanuel Macron, Gilles,
01:35:21j'en profite, vous participez, vous,
01:35:23à quelque chose qui a été
01:35:25déclaré par Emmanuel Macron,
01:35:27vous contribuez à ça, si je puis dire,
01:35:29c'est de former les fonctionnaires français.
01:35:31On parle quand même de 5,7 millions de fonctionnaires français.
01:35:33Comment ça se passe ?
01:35:35Qu'est-ce que vous faites et comment ça se passe, tout ça ?
01:35:37Ça, c'est une question
01:35:39qui est vraiment importante pour moi. En fait, je vais être
01:35:41un tout petit peu long, deux minutes peut-être. Je vais vous expliquer
01:35:43comment, moi qui suis chercheur,
01:35:45je passe beaucoup de mon temps à faire de la recherche,
01:35:47ça me passionne, ça me passionne toujours.
01:35:49Et donc, je fais
01:35:51pendant la conférence,
01:35:53la COP 21,
01:35:55plein de conférences, ainsi que mes collègues, on fait plein de conférences
01:35:57partout. On en fait une à l'ESJ de Lille,
01:35:59conférence grand public. C'est une école de journalisme.
01:36:01L'école super de journalisme de Lille,
01:36:03c'est une des rares écoles de journalistes où il y a une formation
01:36:05de journaliste scientifique. On fait
01:36:07une conférence comme ça. Et à la fin,
01:36:09les journalistes, c'était donc en 2015,
01:36:11les journalistes eux-mêmes
01:36:13qui étaient en haut de l'amphi, descendent et nous disent
01:36:15« Mais attendez, si c'est vrai ce que vous dites,
01:36:17que le changement climatique, ça va toucher l'économie,
01:36:19l'énergie, la justice,
01:36:21la société, tout ça, il faudra peut-être
01:36:23que vous vous souciez de former des journalistes. » Et puis là,
01:36:25ils s'adressent à nous. On est des chercheurs.
01:36:27On se dit qu'ils ont raison, mais on est des chercheurs. Donc,
01:36:29on met deux ans à faire.
01:36:31Moi, je fais ça bénévolement, en plus de mon boulot.
01:36:33Il y a plein de collègues pareils.
01:36:35Faire une formation,
01:36:37un M2, en ligne,
01:36:39accessible avec une inscription à la fac,
01:36:41donc pour des journalistes francophones africains,
01:36:43c'était possible, qui permet justement
01:36:45co-construite entre un journaliste
01:36:47et un expert, avec des unités d'enseignement,
01:36:49climat énergique, climat et justice,
01:36:51tout ce qui fait
01:36:53qu'un journaliste, dans n'importe
01:36:55quel secteur, peut être formé aux impacts
01:36:57du changement climatique.
01:36:59C'est un succès colossal, mais maintenant,
01:37:01on est un M2, donc normalement, on devrait
01:37:03avoir à peu près des promotions de 15 personnes.
01:37:05C'est ça, dans des M2, 20 personnes.
01:37:07On a 150 demandes
01:37:09maintenant, essentiellement en formation continue.
01:37:11Tout ça, je le fais
01:37:13bénévolement. Et puis, arrive l'annonce
01:37:15du président de la République
01:37:17qui dit, très belle idée,
01:37:19on va former tous les fonctionnaires, publics et territoriaux,
01:37:215 700 000 fonctionnaires.
01:37:23Et je me dis, non, ils ne vont pas nous la refaire
01:37:25aux bénévolats.
01:37:27Ce n'est pas possible. Et donc,
01:37:29pendant l'été, je fais un appel
01:37:31qu'on publie sur ChangeMort
01:37:33pour dire, c'est une idée magnifique,
01:37:35former les fonctionnaires, faire qu'un directeur
01:37:37d'école, un directeur d'hôpital,
01:37:39un sous-préfet soient armés
01:37:41pour prendre les bonnes décisions
01:37:43de structure, d'intervention,
01:37:45en ayant en tête
01:37:47l'empreinte CO2 de chaque.
01:37:49C'est une très belle idée. Il va falloir donc
01:37:51mettre les moyens. Et en fait,
01:37:53comment ça se passe? Et c'est ça
01:37:55la schizophrénie
01:37:57totale dans la tête d'un chercheur comme moi.
01:37:59C'est ce qui se passe en fait.
01:38:01Cette année, ils vont former les 24 000
01:38:03hauts fonctionnaires. Ils ont
01:38:05recruté une ancienne prof de SVT
01:38:07de Savigny, très sympa d'ailleurs,
01:38:09qui est chargée pour les 8 000 fonctionnaires parmi
01:38:11les 24 000 qui sont à Paris
01:38:13de faire des conférences à deux voies en climat.
01:38:15Bref, elle doit faire 800 conférences
01:38:17dans l'année. Elle a un CDD.
01:38:19Comme elle m'a dit, ça ne va pas être possible. Les 800,
01:38:21j'aurais peut-être une prolongation de mon
01:38:23CDD. Vous voyez
01:38:25l'abîme qu'il y a entre cette
01:38:27magnifique idée de faire
01:38:29former 5 700 000 fonctionnaires
01:38:31et le fait de recruter des gens
01:38:33en CDD, comme si le changement climatique
01:38:35s'arrêtait demain.
01:38:37Sans mettre les moyens.
01:38:39C'est quand le réchauffement climatique
01:38:41n'aura plus lieu, on mettra fin à son CDD.
01:38:43C'est extrêmement pratique.
01:38:45Et vous vous trouvez à vous dire
01:38:47qu'est-ce que je fais? Je participe à ça.
01:38:49Mettez bien le micro devant votre bouche.
01:38:51Je participe à ça ou pas? Moi, je participe.
01:38:53J'ai, comme des centaines d'autres chercheurs,
01:38:55été faire des conférences
01:38:57à des fonctionnaires
01:38:59au ministère de la fonction publique.
01:39:01C'est d'ailleurs très bien.
01:39:03Il n'y a pas de problème. Sauf que ce n'est pas du tout
01:39:05à la hauteur.
01:39:07C'est de la com, si vous voulez.
01:39:09Ce n'est pas du tout à la hauteur de ce qu'il faudrait faire.
01:39:11C'est un peu ce que Lou disait.
01:39:13Je pense que dans les journaux, dans les classes, vous vous rendez bien compte.
01:39:15Il y a le discours.
01:39:17La schizophrénie est tellement
01:39:19grande entre ces deux-là
01:39:21qu'en gros, on a une société qui,
01:39:23malheureusement, dysfonctionne largement.
01:39:25C'est ça.
01:39:27C'est ça. Et par ailleurs,
01:39:29il y a cette idée,
01:39:31alors là, j'aimerais vous entendre,
01:39:33peut-être tous les trois même,
01:39:35qu'en fait, si on forme les gens,
01:39:37ça ira beaucoup mieux. Comme si
01:39:39ce qui ne marchait pas
01:39:41en Occident, pour le dire vite,
01:39:43c'est que les gens n'étaient pas vraiment au courant.
01:39:45Est-ce qu'on n'est pas dans quelque chose d'un tout petit peu méthode Coué ?
01:39:47Il suffirait de savoir qu'aujourd'hui, j'ai l'impression que grossièrement,
01:39:49après tous les gens,
01:39:51en tout cas les gens qui ont un peu de pouvoir entre les mains
01:39:53dans nos pays, sont au courant de ce qui se passe
01:39:55sur le choc climatique, sont au courant que ça vient
01:39:57de nos émissions excessives,
01:39:59d'une surconsommation, etc.
01:40:01Est-ce qu'on n'est pas dans une pensée un peu magique
01:40:03de dire, on va former tous les fonctionnaires,
01:40:05ça c'est pour Gilles la question, et puis en général
01:40:07les élèves, et ça ira beaucoup mieux ?
01:40:09Vous avez raison Arnaud,
01:40:11je vais répondre très rapidement pour laisser la place
01:40:13à Lou et à René de répondre. C'est une condition
01:40:15nécessaire. L'ignorance,
01:40:17c'est toujours, c'est jamais
01:40:19être ignorant, pas comprendre ce qui nous arrive
01:40:21dans le monde dans lequel on va,
01:40:23c'est vraiment le pire.
01:40:25Comprendre, c'est important, mais comme vous le dites,
01:40:27très justement,
01:40:29ça n'a jamais été une condition suffisante.
01:40:31Le fait d'être au courant,
01:40:33c'est bien, mais ça ne suffira pas.
01:40:35Il va falloir, et je le dis
01:40:37très clairement,
01:40:39que beaucoup de
01:40:41corporations accompagnent les scientifiques
01:40:43pour que le monde change.
01:40:45Tout à l'heure, vous parliez
01:40:47du capitalisme.
01:40:49Mettez bien le micro devant vos bouchons.
01:40:51C'est nécessaire et orthogonal.
01:40:53C'est sûr qu'aujourd'hui,
01:40:55si vous fonctionnez sur ce modèle qui est
01:40:57faire de l'argent le plus vite possible,
01:40:59ça c'est
01:41:01orthogonal à ce qu'il faudrait faire.
01:41:03Est-ce qu'une fois qu'on a compris ça, on a compris quelque chose ?
01:41:05Non, parce que tout reste à faire.
01:41:07Donc une fois que vous avez compris ça,
01:41:09si vous n'avez pas compris que le problème,
01:41:11c'est l'émission des combustibles fossiles,
01:41:13quelles sont les solutions pour émettre moins ?
01:41:15Voilà.
01:41:17Et donc la question, c'est comprendre
01:41:19ces fondamentales, avoir envie de bouger.
01:41:21C'est aussi très très
01:41:23important, surtout dans nos pays, puisque
01:41:25c'est nous qui sommes responsables.
01:41:27Les pays industrialisés, 90%
01:41:29de ce qui a été émis,
01:41:31c'est nous qui devons changer.
01:41:33C'est pas les paysans d'Ethiopie
01:41:35qui vont changer la donne, c'est nous.
01:41:37Donc il faut avoir envie de le faire.
01:41:39Et la compréhension et l'envie, comme Arnaud l'a bien remarqué,
01:41:41c'est deux choses différentes.
01:41:43Arnaud ?
01:41:45Oui, alors je pense que le mot d'ordre
01:41:47que Kant lui-même
01:41:49avait donné pour dire ce qu'était
01:41:51le cycle des lumières s'appairait au dé,
01:41:53au savoir, et aujourd'hui
01:41:55débordé par une autre dynamique.
01:41:57C'est-à-dire que ça n'est plus simplement
01:41:59une question d'ignorance.
01:42:01Il est quasiment en question
01:42:03tous les jours, aux informations
01:42:05du dérèglement climatique, etc.
01:42:07Pour moi,
01:42:09ça touche à la question de l'aliénation
01:42:11d'une manière plus générale
01:42:13qui touche à la jouissance.
01:42:15C'est-à-dire que,
01:42:17bon an, mal an, au moins,
01:42:19dans les démocraties occidentales,
01:42:21on n'use plus de la force pour faire
01:42:23travailler les gens comme des bêtes.
01:42:25On n'est plus
01:42:27dans l'imposition
01:42:29d'un pouvoir tyrannique, etc.
01:42:31Par contre,
01:42:33les industries s'adressent,
01:42:35et c'est encore à Bernard Stiegler
01:42:37qu'on doit les analyser les plus approfondis
01:42:39de ce phénomène,
01:42:41les industries s'adressent
01:42:43à la part régressive de nous-mêmes.
01:42:45Elles nous attirent vers notre
01:42:47propre pente.
01:42:49Le problème de l'aliénation est à double face.
01:42:51C'est-à-dire que c'est le capitalisme,
01:42:53c'est la marchandisation,
01:42:55c'est l'économie de marché,
01:42:57c'est l'industrialisation, etc.
01:42:59Mais c'est nous aussi.
01:43:01Personne ne nous oblige
01:43:03à nous comporter comme nous nous comportons.
01:43:05Personne ne nous oblige
01:43:07à nous jeter sur un SUV
01:43:09dès que nous en avons les moyens.
01:43:11Parce qu'en gros, ça se joue comme ça.
01:43:13C'est souvent sur les questions de moyens.
01:43:15Les gens qui n'en ont pas, c'est qu'ils n'ont pas les moyens,
01:43:17à part quelques exceptions éthiques.
01:43:19Un petit détail qui me frappe beaucoup.
01:43:21Je cours,
01:43:23je fais de la course à pied,
01:43:25pour mon loisir.
01:43:27Je passe à côté d'un certain nombre de voitures
01:43:29et je suis toujours frappé par le nombre de personnes
01:43:31qui ont démarré leur moteur et qui se plongent
01:43:33sur leur smartphone.
01:43:35Comme à l'époque où il y avait des starters.
01:43:37Il fallait faire chauffer la voiture.
01:43:39Je me dis qu'on est loin
01:43:41de la conscience sensible du problème.
01:43:43Ce que je crois,
01:43:45c'est que dans l'Humanité
01:43:47contre l'Entourpossène,
01:43:49il y a un défi éducatif à relever
01:43:51qui est de réorienter existentiellement
01:43:53les individus
01:43:55de manière à ce qu'ils puissent
01:43:57renoncer à leurs objets
01:43:59de jouissance
01:44:01sans avoir l'impression d'être confrontés
01:44:03à une espèce de vide complet
01:44:05qui ferait perdre
01:44:07tout sens à leur existence.
01:44:09Il faut retrouver le sens de l'existence
01:44:11avec d'autres objets
01:44:13que ceux de la société
01:44:15de consommation.
01:44:17Il faut continuer à jouir, mais avec d'autres objets.
01:44:19Se réjouir, c'est mieux que jouir peut-être.
01:44:21C'est intéressant,
01:44:23l'aspect médiatique, vous vous adressez à un grand public,
01:44:25notamment à des générations
01:44:27qui sont déjà habituées à être très bombardées.
01:44:29Comment on fait ?
01:44:31Je voudrais juste vous donner un chiffre
01:44:33qui devrait tous nous rester en tête
01:44:35en tant que producteurs d'informations
01:44:37et passeurs de savoir ici,
01:44:39qui est complètement sidérant et qui se confirme d'année en année.
01:44:41En France, il y a 43%
01:44:43de la population qui n'a pas compris
01:44:45deux choses.
01:44:47Un, que le climat s'est réchauffé et que c'est à cause des humains.
01:44:49Il y a 43%
01:44:51des Français qui n'ont pas compris la base
01:44:53du consensus scientifique sur le changement climatique
01:44:55qui est que le climat s'est réchauffé et que c'est à cause des humains.
01:44:57Une fois qu'on a dit ça...
01:44:59C'est un sondage récent ça ?
01:45:01Oui, c'est une étude du monde.
01:45:03C'est le sondage Fracture Française qui refond tous les ans.
01:45:05L'an dernier, c'était 40%. Cette année, c'est 43%.
01:45:07C'est confirmé par d'autres sondages
01:45:09qui donnent toujours le même chiffre. C'est toujours 40%.
01:45:11On n'est pas loin d'un sur deux.
01:45:13On n'est pas loin d'un sur deux des Français qui n'ont même pas compris
01:45:15la base du problème climatique.
01:45:17Pourquoi est-ce que la société ne se met pas en mouvement ?
01:45:19On a bien compris, et Gilles l'a très bien dit,
01:45:21que la compréhension du sujet,
01:45:23ce n'est pas ça qui va faire qu'on va agir.
01:45:25Si on n'a pas compris la base du problème, c'est certain qu'on n'agira pas.
01:45:27Des climato-sceptiques purs et durs,
01:45:29de façon Claude Allègre,
01:45:31qui disent qu'il n'y a pas de changement climatique,
01:45:33c'est moins de 10% aujourd'hui en France,
01:45:35on pourrait considérer que c'est déjà énorme.
01:45:37Mais quasiment la moitié de la population française
01:45:39n'en est même pas encore au stade de considérer
01:45:41quelles sont les vraies bonnes solutions.
01:45:43Parce que si on n'a pas compris que le climat s'est réchauffé
01:45:45ou que c'est à cause de nous, ça ne sert à rien de discuter des solutions.
01:45:47Ensuite, comment on se met en mouvement ?
01:45:49C'est vraiment à cet endroit-là que le débat déraille complètement.
01:45:51La voiture électrique, le nucléaire, l'hydrogène,
01:45:53personne ne comprend rien à ces sujets
01:45:55qui sont, il faut le dire,
01:45:57d'une complexité assez abyssale.
01:45:59Nous, c'est vraiment ce qu'on essaie de faire.
01:46:01Quand on parle de la voiture électrique,
01:46:03on va faire un gros papier, on va interroger des chercheurs,
01:46:05on va vraiment faire tous les avantages,
01:46:07tous les inconvénients, le potentiel de chacun
01:46:09et de chaque solution.
01:46:11Mais en fait, ça, ce n'est pas le grand public qui va le lire.
01:46:13Nous, ce qu'on essaie de faire, c'est de bien raconter
01:46:15ces sujets à des gens qui ont déjà l'habitude de s'informer,
01:46:17notamment des journalistes et des profs
01:46:19qui eux-mêmes vont être des passeurs de savoir.
01:46:21En fait, il y a un tamis comme ça,
01:46:23il y a des tamis successifs.
01:46:25Et l'idée, c'est que ces solutions-là, une fois que les problèmes seront connus,
01:46:27que les solutions pénètrent le débat public
01:46:29et le grand public.
01:46:31Mais là, le problème, c'est qu'il y a de plus en plus de filtres
01:46:33et que les réseaux sociaux...
01:46:35On a Thibaut InShape qui est le nouvel influenceur
01:46:37star de...
01:46:39On a un article sur lui cette semaine.
01:46:41Oui, j'ai fait un petit édito tout à l'heure.
01:46:43Il a dépassé Squeezie en nombre d'abonnés sur YouTube,
01:46:45donc 19 millions d'abonnés quand même,
01:46:47qui ont été payés par le lobby de l'aéronautique
01:46:49pour dire que l'avion vert va nous sauver
01:46:51et que l'avion à hydrogène, c'est la solution.
01:46:53Donc en fait, le grand public,
01:46:55c'est à ce type d'informations qu'il est exposé
01:46:57bien avant d'avoir compris ce que c'était l'hydrogène,
01:46:59quels étaient les défis de l'aviation.
01:47:01Il est exposé et en même temps, comme le disait Renaud,
01:47:03personne ne l'oblige.
01:47:05Quand on vous dit qu'il est exposé, on a l'impression que ça leur tombe dessus.
01:47:07Mais en fait, il y a aussi une forme
01:47:09de servitude volontaire peut-être.
01:47:11Comment on pourrait regarder ?
01:47:13Quand on ouvre YouTube, la magie des algos
01:47:15fait qu'on tombe immanquablement sur des contenus type InShape
01:47:17et en fait, on est aussi nourri avec des choses
01:47:19qu'on n'a pas forcément choisis.
01:47:21Ce qui est un peu une différence avec la télé ou le journal
01:47:23où c'est nous qui allons faire la démarche d'aller sur une chaîne
01:47:25ou sur un titre.
01:47:27Donc voilà, tout ça pour dire que
01:47:29c'est pas parce qu'on sait qu'on va agir, mais par contre,
01:47:31globalement, les gens ne savent pas aujourd'hui en France
01:47:33la base du problème climatique.
01:47:35Donc on peut estimer, en théorie, si on fait
01:47:37une analogie avec ce qui se passe dans les classes,
01:47:39que la moitié au minimum d'une classe n'est pas vraiment au courant
01:47:41d'une classe d'âge.
01:47:43Il y a des éléments pour dire ça dans une classe,
01:47:45mais en tout cas, la société française, comme ça...
01:47:49Écoutez, c'est peut-être le moment
01:47:51de passer aux questions, aux remarques.
01:47:53Monsieur.
01:47:55...
01:47:57...
01:47:59...
01:48:01...
01:48:03...
01:48:05...
01:48:07...
01:48:09...
01:48:11...
01:48:13...
01:48:15...
01:48:17...
01:48:19...
01:48:21...
01:48:23...
01:48:25...
01:48:27...
01:48:29...
01:48:31...
01:48:33...
01:48:35...
01:48:37...
01:48:39...
01:48:41...
01:48:43...
01:48:45...
01:48:47...
01:48:49...
01:48:51...
01:48:53...
01:48:55...
01:48:57...
01:48:59...
01:49:01...
01:49:03...
01:49:05...
01:49:07...
01:49:09...
01:49:11...
01:49:13...
01:49:15...
01:49:17...
01:49:19...
01:49:21...
01:49:23...
01:49:25...
01:49:27...
01:49:29...
01:49:31...
01:49:33...
01:49:35...
01:49:37...
01:49:39...
01:49:41...
01:49:43...
01:49:45...
01:49:47...
01:49:49...
01:49:51...
01:49:53...
01:49:55...
01:49:57...
01:49:59...
01:50:01...
01:50:03...
01:50:05...
01:50:07...
01:50:09...
01:50:11...
01:50:13...
01:50:15...
01:50:17...
01:50:19...
01:50:21...
01:50:23...
01:50:25...
01:50:27...
01:50:29...
01:50:31...
01:50:33...
01:50:35...
01:50:37...
01:50:39...
01:50:41...
01:50:43...
01:50:45...
01:50:47...
01:50:49...
01:50:51...
01:50:53...
01:50:55...
01:50:57...
01:50:59...
01:51:01...
01:51:03...
01:51:05...
01:51:07...
01:51:09...
01:51:11...
01:51:13...
01:51:15...
01:51:17...
01:51:19...
01:51:21...
01:51:23...
01:51:25...
01:51:27...
01:51:29...
01:51:31...
01:51:33...
01:51:35...
01:51:37...
01:51:39...
01:51:41...
01:51:43...
01:51:45...
01:51:47...
01:51:49...
01:51:51...
01:51:53...
01:51:55les enfants font le tri, mais même ça n'a pas forcément de sens pour eux.
01:52:00Quand on parle avec eux et qu'on essaie de les sensibiliser,
01:52:04de soulever des questions, je pense que c'est là qu'on les marque
01:52:07pour les préparer à changer leur mode de consommation pour plus tard.
01:52:12Donc peut-être qu'aujourd'hui, vous êtes avec des élèves
01:52:15qui ne sont pas prêts à entendre ça, mais...
01:52:19On sème des graines.
01:52:20On sème des graines.
01:52:21Et je pense que notre travail...
01:52:23C'est le père de deux adolescents qui vous parle là,
01:52:24donc je crois que c'est assez vrai.
01:52:26Et je parle des fois avec des...
01:52:30Puisque je suis aussi maman d'élèves, avec des parents qui disent...
01:52:35Nous, on est écolos.
01:52:36Nous, on a déjà fait la démarche écolos.
01:52:39On a des ados qui sont en train de traverser quelque chose de difficile
01:52:45parce que peut-être qu'ils vont vous dire
01:52:47non, non, mais en fait, j'ai besoin d'avoir ce sac.
01:52:49Mais j'entends aussi des parents qui disent
01:52:51que ça leur prend quelques années avant de revenir en marche arrière
01:52:54parce que finalement, la graine, elle a été semée.
01:52:57En fait, on leur demande...
01:53:00Nous, aujourd'hui, je pense qu'on a eu à changer notre mode de vie
01:53:04de façon radicale parce qu'on a vécu dans quelque chose
01:53:07qu'on n'aurait jamais pu se permettre.
01:53:10Le mode actuel de vie
01:53:14donne encore envie de suivre ce mode de vie.
01:53:16Donc on leur demande de faire le deuil de ces choses
01:53:20avant même d'avoir pu y goûter.
01:53:23Je pense qu'en disant...
01:53:25On a l'impression de leur donner enfin la morale, en plus.
01:53:27C'est-à-dire qu'en leur disant,
01:53:29objectivement, scientifiquement, il faudrait...
01:53:32Est-ce qu'on ne leur donne pas l'impression aussi de dire...
01:53:35De même, de dire, tiens-toi bien à table, lave-toi bien les mains.
01:53:38Il y a quelque chose de l'ordre des bonnes manières aussi,
01:53:39peut-être qu'ils n'acceptent pas forcément,
01:53:41sans comprendre que c'est dans leur intérêt propre
01:53:43de se comporter comme ça.
01:53:44En fait, assez souvent, en discussion,
01:53:47quand ils grandissent,
01:53:48quand ils ont été suffisamment sensibilisés avant,
01:53:51quand ils grandissent,
01:53:52c'est des enfants qui font potentiellement marche arrière.
01:53:55Et alors, je garde un tout petit peu,
01:53:56parce que moi, la difficulté, j'entends tout ce qui a été dit.
01:54:00Il y a plusieurs choses sur lesquelles je voulais rebondir.
01:54:01Je me dis, M. Pouyanné est tout courant, par exemple,
01:54:05du changement climatique.
01:54:07C'est l'homme qui est fautif.
01:54:12Et lui-même ne change pas du tout son mode de fonctionnement.
01:54:16Moi, une difficulté que j'ai quand je parle d'écologie avec les enfants,
01:54:19c'est que quand ils sont là,
01:54:21mais OK, nous, on peut agir.
01:54:25Déjà, une des difficultés, ça va être les collègues.
01:54:30Il y a des collègues qui sont dans le refus
01:54:32qu'on aborde le sujet,
01:54:33parce qu'ils considèrent que, justement...
01:54:38Ici, je trouve que c'est très beau, ce qu'on entend,
01:54:40mais je pense qu'on est tous dans la même vision humaniste
01:54:42et qu'on a tous la même vision de l'écologie.
01:54:44Mais les collègues ou les parents qui ne veulent pas en parler,
01:54:47qui ne veulent pas qu'on en parle,
01:54:48parce qu'ils considèrent que ça va faire quelque chose
01:54:53d'angoissant, d'anxiogène, de lourd,
01:54:57alors que, justement, nos enfants devraient pouvoir garder
01:55:00une forme d'insouciance, surtout,
01:55:02celle qu'on a eue pendant des années.
01:55:06Il y en a beaucoup.
01:55:07Ou alors, les parents, quand on aborde des sujets
01:55:08et qu'on leur parle de sobriété, ils disent,
01:55:11mais pourquoi la sobriété ?
01:55:13Justement, parce qu'il va y avoir l'avion à hydrogène
01:55:16qui va nous sauver ou autre.
01:55:19Il existe des articles et des journalistes
01:55:22qui soutiennent ces chiffres et ces faits.
01:55:25Donc là, on est face à des journalistes
01:55:28qui sont plutôt d'un autre bord.
01:55:29Que fait-on face à cette parole ?
01:55:31Je veux dire, nous, on peut ramener des chiffres,
01:55:34dire qu'effectivement,
01:55:39il faut qu'on pondère notre langage
01:55:43pour essayer de les amener à penser par eux-mêmes,
01:55:46mais il y a un clivage dans la société qui est énorme.
01:55:51Moi, ce que je trouve difficile,
01:55:54dans mon enseignement de l'écologie auprès des enfants,
01:55:57c'est pas de les rendre anxieux,
01:56:02c'est de me retrouver confrontée, ou même eux, ils sont confrontés.
01:56:07Je parle à des enfants qui vont rentrer chez eux le soir,
01:56:10et il va y avoir des parents qui vont leur dire,
01:56:11mais en fait, on t'a dit n'importe quoi.
01:56:15C'est ça.
01:56:16Vous voulez rebondir là-dessus ?
01:56:18Est-ce que vous voulez... Quelqu'un veut rebondir là-dessus ?
01:56:20Monsieur, peut-être ? Madame, après ?
01:56:24Parce qu'effectivement, l'impression de ramer
01:56:28comme un saumon qui remonte le courant, ça doit être pas...
01:56:31Oui, je voulais revenir sur ce qui est évoqué un peu rapidement
01:56:35tout à l'heure, ce n'est pas un reproche,
01:56:36parce qu'il y a tellement de choses à dire.
01:56:38On a évoqué, c'est M. Etier qui l'a évoqué,
01:56:42la question de l'attention,
01:56:46la question de la place que l'on peut faire au vide,
01:56:50à l'autre, peut-être aussi,
01:56:53et la question de la masse d'informations.
01:56:56Et donc, je me souviens d'un titre de livre de Yves Citon
01:56:59qu'il co-dirigeait et qui était assez collectif,
01:57:03qui s'appelle Pour une écologie de l'attention.
01:57:06Est-ce qu'on pourra faire l'économie
01:57:07de travailler cette question d'écologie de la nature,
01:57:11de la place à une relation directe avec la nature,
01:57:14avec le corps, avec la sensation, avec le temps,
01:57:18sans faire de la place à l'attention ?
01:57:21Donc, à aussi transversalement mettre en place
01:57:26des pédagogies qui sont parfois en silo, en tuyau d'orgue,
01:57:30pédagogie de la coopération,
01:57:32parce que les savoirs, aujourd'hui,
01:57:34l'honnête homme ou l'honnête femme du XVIIIe siècle,
01:57:37vous évoquiez le Kant,
01:57:40ça n'est plus possible aujourd'hui,
01:57:42puisque dans une édition du week-end
01:57:45du New York Times Papiers et numériques,
01:57:46il est produit autant de signes que pendant tout le XVIIIe siècle.
01:57:50Donc, un honnête homme ou une honnête femme isolé, seul,
01:57:53ne peut pas...
01:57:54Et donc, la question de la saturation me semble essentielle.
01:57:58Comment la gérer ?
01:57:59Comment apprendre à se positionner par rapport à cette situation ?
01:58:02Comment coopérer pour prendre de la distance,
01:58:05retrouver de l'espace avec les autres
01:58:07et dans sa relation au monde, dans l'aspect direct ?
01:58:10Ca ne veut pas dire ignorer l'aspect virtuel.
01:58:13Ca veut dire lui remettre à sa juste place
01:58:16et d'ailleurs, pour simplement étudier sa plus-value.
01:58:18Je pense qu'on a un vrai enjeu très transversal
01:58:20de plein de domaines pédagogiques qui sont souvent évoqués,
01:58:24mais qui se mènent souvent ou par chapelle parfois
01:58:27dans les façons excessives.
01:58:28Mais même, de toute façon,
01:58:30en les mettant les unes à côté des autres.
01:58:32En ayant fait un travail sur la classe dehors,
01:58:35travaillé avec la CARDI de l'Académie de Versailles,
01:58:38avec la direction académique et avec Réseau Canopée,
01:58:41on a pu constater qu'il y avait ces questions
01:58:43qui s'élevaient de la part des enseignants
01:58:46qui étaient très engagés sur ces questions de la classe dehors,
01:58:49des questions d'écologie,
01:58:50mais ils étaient confrontés à la nécessité
01:58:53de gérer cette complexité
01:58:56qui est souvent traitée en tuyau d'orgue.
01:58:58Et qui demande, sans doute, avec les chercheurs,
01:59:01avec d'autres acteurs, avec les journalistes,
01:59:03de traiter la question de l'information
01:59:06comme étant une donnée essentielle
01:59:09quand elle est en masse et en plus algorithmée
01:59:11pour assigner à résidence de son goût
01:59:14celui qui l'a subie.
01:59:15Donc de l'isoler en permanence.
01:59:18Donc on a vraiment un enjeu aussi
01:59:20de émis d'éducation aux médias et à l'information
01:59:23en même temps, pas simplement avant ou après.
01:59:26Voilà, c'est ce que je voulais dire.
01:59:28Merci beaucoup.
01:59:29Madame, vous vouliez dire un mot ?
01:59:31Super. Peut-être pas.
01:59:32Je suis à côté de quelqu'un qui lève.
01:59:34Ah, ben voilà.
01:59:35Si vous voulez une pause,
01:59:37je vous signale qu'il nous reste 2-3 minutes.
01:59:38C'est pour vous.
01:59:40Je vais faire très court, comme je suis déjà intervenue.
01:59:43Merci.
01:59:44J'ai enseigné pas mal de temps dans le secondaire,
01:59:48donc je me permets de reprendre ce que vous avez dit.
01:59:50Peut-être que si les élèves adolescents
01:59:53se rebiffent un peu quand on leur propose de trier les déchets,
01:59:55c'est parce qu'ils trouvent que ce n'est pas suffisant
01:59:57face à l'ampleur des enjeux qu'on leur présente.
02:00:00S'ils n'entendent plus les messages,
02:00:01c'est justement ce que vous évoquiez,
02:00:03ces chiffres qui deviennent inaudibles
02:00:05parce qu'il y en a trop, parce qu'il y a eu plein de façons.
02:00:07Donc la solution à ça, c'est la formation des enseignants.
02:00:09Or, on est dans un contexte où, depuis la rentrée,
02:00:12il n'est plus possible de se former sur son temps de travail
02:00:15à de très rares exceptions près.
02:00:17Donc heureusement, il y a des acteurs comme Canopée
02:00:18qui produisent des ressources
02:00:19qu'on peut regarder sur son temps libre.
02:00:21Donc merci.
02:00:23Mais c'est quand même un gros signe
02:00:26envoyé à la communauté éducative.
02:00:28A titre d'exemple, cette année,
02:00:29donc je suis formatrice notamment de l'AFC,
02:00:32on a proposé une formation éducation,
02:00:34médias éducation au climat,
02:00:35dans laquelle on propose bien sûr votre charte aux stagiaires.
02:00:38Dans l'Académie de Nantes,
02:00:40on a eu 152 demandes de collègues qui voulaient se former.
02:00:43On a pu recevoir 25 collègues en présentiel,
02:00:45ce qui était notre condition,
02:00:47et on n'a pas eu le droit de l'organiser plusieurs fois.
02:00:50Donc il y a une demande.
02:00:51Il y a des collègues qui sont en capacité d'être formateurs,
02:00:54mais on n'a plus le droit de former les collègues
02:00:56sur leur temps d'enseignement.
02:00:57Dans le secondaire, en tout cas. Voilà.
02:01:00Merci pour ce témoignage.
02:01:03Simon ?
02:01:05J'ai une question.
02:01:06Est-ce qu'avant l'ouverture du discours de l'AFC,
02:01:10est-ce que les jeunes citoyens formés
02:01:14ont envie d'aller voter à moindre coût
02:01:16pour leur sélection européenne ?
02:01:18Est-ce que le vote n'est pas un moyen de créer
02:01:20de nouveaux sociétés ?
02:01:22Est-ce qu'on n'en est pas à bon niveau ?
02:01:24C'est ça. C'est cette question-là.
02:01:30Effectivement, l'idée d'aller voter,
02:01:32quand on voit les prédictions de la prochaine élection,
02:01:35effectivement, ça paraît intéressant.
02:01:39Moi, je vais essayer de boucler la boucle,
02:01:42parce que madame a parlé de la formation,
02:01:44madame a parlé des parents,
02:01:47et moi, je vais parler de l'établissement,
02:01:49parce qu'on fait travailler des enfants
02:01:52dans des établissements.
02:01:53On leur fait monter de magnifiques projets
02:01:56sur la végétalisation de la cour,
02:01:58sur des tas de choses importantes
02:02:02dans leur vie future,
02:02:04dans des établissements
02:02:05où on ne peut même pas acheter une jardinière
02:02:08pour mettre des nouvelles plantes,
02:02:10dans des établissements
02:02:11où on consomme beaucoup d'énergie,
02:02:15mais on ne peut même pas poser un panneau solaire sur le toit,
02:02:18parce qu'il n'y a pas un centime.
02:02:20Et puis, en plus,
02:02:21on apparaît comme des rigolos
02:02:24qui sont en train de faire un petit projet,
02:02:27mais franchement,
02:02:28c'est juste parce qu'il faut des éco-délégués
02:02:31dans l'établissement.
02:02:33Peut-être, Renaud,
02:02:34vous parliez de la...
02:02:35On peut peut-être terminer là-dessus,
02:02:37du courage, quoi.
02:02:38C'est aussi le courage,
02:02:40ce que disait aussi madame,
02:02:41qu'il faut du courage aussi de l'endurance,
02:02:43du courage dans le sens de l'endurance,
02:02:45c'est-à-dire qu'effectivement,
02:02:46on rame un peu contre des courants contraires
02:02:48qui sont soit fatalistes,
02:02:50soit technosolutionnistes, etc.,
02:02:52et qu'il faut continuer à maintenir les choses.
02:02:55Oui, j'ai été sensible à ce qui a été dit tout à l'heure,
02:02:57sur le fait qu'il fallait continuer à semer.
02:03:00Ce que me permet l'âge que j'ai,
02:03:03c'est d'avoir vu les résultats de l'éducation
02:03:06au-delà de l'adolescence.
02:03:07L'adolescence peut souvent être un peu décourageante.
02:03:10Or, en fait,
02:03:11tout ce qu'on aura fondé pendant la petite enfance et l'enfance
02:03:15va avoir des conséquences à long terme.
02:03:17Et donc, je crois que c'est ça,
02:03:19c'est là où il faut puiser du courage,
02:03:21c'est dans cette espérance dans l'avenir.
02:03:24On est toujours récompensés de nos efforts au long terme.
02:03:28Gilles, vous voulez ajouter à moi ?
02:03:29Je veux juste terminer par 2 petites notes positives.
02:03:31D'abord, vous avez dit que...
02:03:33Lou a dit que 43 % des Français n'ont toujours pas compris
02:03:36les causes du changement climatique.
02:03:37Il y a une enquête de l'ADEME qui est faite depuis 30 ans
02:03:40qui montre qu'effectivement, quand vous demandez aux Français
02:03:42si ils ont compris le changement climatique,
02:03:44ils n'ont pas compris.
02:03:46Mais quand vous leur dites,
02:03:47est-ce que dans les événements extrêmes
02:03:48qu'ils voient tous les jours à la télé, climatiques,
02:03:50est-ce que la part de l'homme est importante ?
02:03:53Là, à 80 %, ils vous disent oui.
02:03:55Et ça, c'est un changement fondamental.
02:03:56Je vais vous expliquer pourquoi ça a changé.
02:03:59C'est parce qu'avant, les médias,
02:04:01qui sont toujours intéressés par la dernière catastrophe,
02:04:03venaient voir les chercheurs et leur disaient,
02:04:05alors, cette inondation, ce feu de forêt, cette canicule,
02:04:08est-ce que c'est la main de l'homme ?
02:04:10Le chercheur leur disait, attendez,
02:04:11j'ai besoin de donner de temps, je reviens dans 3 semaines.
02:04:13Personne ne l'écoutait.
02:04:15Aujourd'hui, on a fait d'énormes progrès techniques
02:04:17et on est capable de revenir 2 heures après.
02:04:19Donc on est sur le plateau pendant l'événement extrême
02:04:22et on dit, oui, c'est la main de l'homme.
02:04:24Et là, ça marche, parce que ça marche,
02:04:26parce que, justement, l'esprit humain est tellement fragmenté
02:04:29que si vous ne répondez pas tout de suite à la question,
02:04:31vous avez perdu.
02:04:32Maintenant, on est capable de répondre à la question.
02:04:33Donc il y a de plus en plus de gens qui s'interrogent sur...
02:04:36qui ont compris, en tout cas,
02:04:37même si ce n'est pas fondamentalement
02:04:38qu'il y a un lien très fort
02:04:40entre les extrêmes climatiques et la main de l'homme.
02:04:42Ça, c'est plutôt une bonne nouvelle
02:04:43et une autre bonne nouvelle que, grâce au réseau Canopée,
02:04:46il y a plusieurs modes d'intervention.
02:04:47Un des modes d'intervention qu'on a choisis,
02:04:49c'est de faire un jeu collaboratif
02:04:51que, grâce à un collègue qui a été commercialisé
02:04:53par une boîte de jeux collaboratifs
02:04:55et qui, justement, vise à apprendre aux enfants
02:04:58et aux jeunes adultes à jouer en famille.
02:05:00C'est un jeu essentiellement de plateau
02:05:02sur comment maîtriser collaborativement
02:05:04l'évolution du changement climatique.
02:05:06Donc ça s'appelle Climatic Tac.
02:05:07Il y a plein de collègues qui vont dans les collèges jouer.
02:05:10Grâce au réseau Canopée,
02:05:11on a pu faire plein, plein de séances.
02:05:12Et je pense qu'il y a aussi toute une branche...
02:05:15Enfin, toute une série d'outils pédagogiques
02:05:18qui font prendre conscience aux enfants.
02:05:19Et moi, pour finir, je contribue totalement.
02:05:23Je pense que l'adolescence, c'est une période assez dure.
02:05:25Il faut prendre du recul,
02:05:27il ne faut pas être le nez sur le guidon.
02:05:28On sème des graines,
02:05:29il ne faut pas s'attendre à ce que tout de suite...
02:05:30Et puis, je vais vous dire, c'est difficile.
02:05:32Vous avez vos parents qui se sont construits.
02:05:35Ils ont fait plein de voyages, ils ont fait plein de choses.
02:05:37Et vous, vous vous projetez sur un monde,
02:05:39eh bien, ça a pu forcément être possible.
02:05:40Evidemment, ça demande un effort.
02:05:43C'est pas facile.
02:05:44Donc c'est pas étonnant que ça prenne du temps.
02:05:47Merci beaucoup. Merci, messieurs.
02:05:49Merci à tous les trois.
02:05:50C'est l'heure de la pause.
02:05:56Petite pause et ensuite,
02:05:57les ateliers collaboratifs participatifs démarrent
02:06:00avec Anne-Cécile et Yann.
02:06:01Voilà, merci beaucoup et à tout à l'heure.
02:06:03Et on se retrouve ici à 16h pour démarrer les ateliers.
02:06:06À 16h, oui, absolument.
02:06:07Vous avez une petite récré, du coup.
02:06:0810 minutes.