• il y a 7 mois
Alors que le championnat reprend mi-août, la Ligue n'a toujours pas trouvé de diffuseur. Consultant international en droits TV du sport, Pierre Maes fait le point sur un dossier complexe.

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Transcription
00:00 Alors on vous rappelle l'information de nos confrères du Parisien.
00:02 BIN Sport n'aurait jamais eu l'intention de récupérer 100% des droits de son côté.
00:07 Canal+ toujours pas enclin à négocier, pas intéressé par ce deal.
00:12 BIN par conséquent ne pourrait pas poursuivre les négociations pour acquérir les droits de cette Ligue 1.
00:19 Et donc dans ce contexte très incertain, selon nos confrères du Parisien,
00:23 le président de la DNCG avait envoyé une lettre il y a quelques jours aux différents présidents
00:27 pour les inciter à une extrême prudence au moment d'élaborer leur budget prévisionnel.
00:33 En plus de nos camarades autour de la table, on va accueillir Pierre Maes,
00:36 qui est consultant international en droit de télé, auteur de "La ruine du foot français",
00:39 sorti en juin 2022, le business des droits TV du foot, en mars 2019.
00:43 Des livres qui nous expliquaient déjà ce genre de choses.
00:46 Bonsoir Pierre, merci d'être avec nous en direct dans l'équipe de Greg.
00:49 Vous intervenez régulièrement dans les médias français, notamment chez nos camarades de RMC.
00:52 Vous avez répondu à un autre appel.
00:54 Parce que là, je ne dis pas qu'on est pris de court,
00:57 mais la semaine dernière, on semblait s'acheminer vers un accord plutôt serein avec BeinSport et Patatras.
01:06 Oui bonjour et merci pour votre invitation.
01:14 Oui en fait, la cuisine traînait beaucoup, en tout cas à mon sens.
01:24 Je l'avais déjà dit, si Bein était vraiment désireux d'arriver à un accord,
01:31 l'accord aurait été signé depuis longtemps.
01:33 Donc je ne peux pas dire que cette nouvelle m'étonne.
01:37 Donc par contre, évidemment, l'inquiétude va commencer à grandir pour les clubs.
01:44 Il ne faut jamais oublier que les droits TV constituent pour eux des recettes normalement stables,
01:51 sur lesquelles ils peuvent se baser pour construire leur budget.
01:55 On est à 79 jours de la reprise de la Ligue 1,
01:58 ce qui peut paraître loin pour certains, mais en fait, c'est juste à côté.
02:01 Le mercato démarre si on se plonge sportivement dans cette histoire-là.
02:05 Là, on a vu la DNCG, on le rappelle, qui a dit prévoyer des budgets par rapport à l'an dernier.
02:10 Ne partez pas sur des sommes astronomiques folles qui n'existent pas par rapport aux droits TV.
02:14 Il y a de quoi s'inquiéter pour les clubs français ou pas ?
02:16 Pierre Maes à l'instant T, au moment où on se parle.
02:20 Certainement, il y a de quoi s'inquiéter, surtout pour les plus petits clubs
02:25 dont la part des droits TV dans leur budget est beaucoup plus grande que pour les grands.
02:31 On peut arriver jusqu'à des 70-80% de revenus.
02:36 Donc, clairement, ceux-là peuvent s'inquiéter.
02:39 Après, c'est vrai que la DNCG a un ton plutôt rassurant.
02:47 D'une part, elle dit effectivement de ne pas budgéter plus que ce qu'il y a aujourd'hui sur les droits TV.
02:55 Personnellement, moi, si j'avais voulu être prudent, je l'aurais plutôt dit de budgéter beaucoup moins,
03:00 mais parce que rien ne dit qu'on va arriver au niveau actuel.
03:06 Deuxièmement, Jean-Marc Micklaire dit qu'il n'y a pas beaucoup de danger
03:11 parce qu'il a donné ce chiffre au Sénat lors de la mission d'information sur la société commerciale,
03:18 parce qu'il y a un tiers des joueurs qui arrivent à leur terme ici à la fin de saison.
03:24 Il suffira au club de ne pas renouveler les dix contrats.
03:30 Il y a aussi cette histoire de CVC dont on a parlé, cet argent tombé du ciel au moment de la crise Covid,
03:37 ces 13%, cet argent donné, ce milliard donné au club français qui en avait besoin à ce moment-là
03:42 et qui va venir ponctionner une somme qui s'avère probablement réduite à venir.
03:47 Ça aussi, c'est à prendre en compte.
03:50 Évidemment, c'est à prendre en compte.
03:52 On sait déjà que pour la saison qui vient, il y aura la ponction contractuelle de 13%,
04:00 mais il y a aussi le retard, enfin le retard, on va dire le paiement différé des deux années écoulées
04:07 qui s'élèveront ensemble à 105 millions et qui viendront aussi diminuer le montant qui sera disponible pour les clubs.
04:16 Ça veut dire que ce sont des sommes colossales.
04:19 Il y a 687 millions aujourd'hui sur la table, mis par Amazon Prime, Canal+, et puis les droits à l'étranger.
04:27 Vous avez dit, là, il y a une minute, n'êtes pas certains qu'on atteigne cette somme-là ?
04:32 On sera très loin du milliard.
04:34 On peut arriver à un demi-milliard ?
04:35 Je ne veux pas être alarmiste gratuitement, mais il y a de ça ?
04:40 Vous savez, la particularité des droits TV, c'est qu'en fait, ça n'a pas vraiment de valeur en soi.
04:46 Ça n'a pas de valeur intrinsèque.
04:47 Les droits TV, ils valent ce que les opérateurs sont disposés à payer.
04:54 Or, on le sait bien, les opérateurs sont disposés à payer beaucoup lorsqu'il y a une grande concurrence entre les opérateurs.
05:00 Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le cas.
05:02 Il y a un couple qui est finalement monopolistique, le couple constitué par Bihin et Canal+ et qui va fixer le prix du marché.
05:13 Donc, en théorie, en tout cas, on peut descendre très bas.
05:17 Dans la chaîne alimentaire des droits TV, il y a un grand méchant et un bouc émissaire.
05:21 Il y a des choses à reprocher à Vincent Labrune, des choses à comprendre du côté de Canal+.
05:26 C'est quoi votre regard sur ça ?
05:29 Vincent Labrune n'est absolument pas responsable du fait qu'aujourd'hui, il n'y ait pas de concurrence dans le marché.
05:38 Il n'y a pas vraiment de prise là-dessus.
05:41 Par contre, sur la manière dont la vente de ces droits TV 2024-2029 a été organisée,
05:51 là, il y a quand même deux décisions qui posent question.
05:55 C'est d'abord pourquoi cet appel d'offres a été organisé si tard, à l'automne 2023.
06:02 Vous savez, les marchés sont difficiles avec peu de concurrence.
06:08 Toutes les ligues le font le plus tôt possible, ce qu'a d'ailleurs fait la Ligue française régulière.
06:13 La deuxième erreur fondamentale pour moi, ça a été lors de l'appel d'offres, faire appel à ce concept de mise à prix,
06:23 qui est très élevé, mais qui empêchait les chaînes de faire offre en dessous de ces prix.
06:28 Et là, forcément, on a commencé des négociations de gré à gré avec zéro offre.
06:34 Et donc, il a fallu retourner chez les diffuseurs et leur demander poliment,
06:39 est-ce que vous ne voulez pas nous faire une offre, s'il vous plaît ? Ce qu'ils ont fait avec Dazone.
06:42 Et puis, voilà, ces discussions avec Dazone se sont enlisées.
06:46 Donc, deux erreurs quand même assez flagrantes qui ont fait que le timing a été serré depuis le début.
06:56 Et que quand on se retrouve dans une situation de monopole contre monopole et qu'on cherche à faire augmenter les prix,
07:04 le seul atout que vous avez, c'est du temps.
07:07 - Alors, 79 jours avant la reprise de la Ligue 1, on va parler justement de l'impact sur le mercato, par exemple.
07:12 Et Sébastien Tarragot est autour de la table, aux côtés de Candice Roland, de Karine Gallip, de Benoit Trémoulinas, d'Alicia Dobbi et de Raphaël Sabaody.
07:18 Il a une question pour vous.
07:19 - Oui, bonjour, monsieur. On sait que Canal+ a beaucoup de cartes en main dans ce dossier, sur différents plans.
07:25 Est-ce que vous pensez qu'à un moment, si vraiment le football français va dans le mur et tout proche du mur,
07:34 est-ce qu'à un moment, ils seront intéressés à l'idée de passer pour les sauveurs ou est-ce qu'ils iront au bout de leur vengeance ?
07:43 - Alors moi, je ne l'utiliserai pas tellement le mot vengeance, mais je pense qu'il y a des choses qui sont très objectives derrière ça et pragmatiques.
07:54 Aujourd'hui, Canal+ diffuse deux top matchs de Ligue 1. Et c'est donc ce que la chaîne propose à ses abonnés.
08:02 Je ne vois pas Canal+ dire à ses abonnés la saison prochaine "vous n'avez plus de Ligue 1".
08:10 C'est un risque qu'une chaîne à péage ne prend pas, car une chaîne à péage est très attentive à ce qu'on appelle le "turn", le désabonnement,
08:18 et ne prendra jamais un tel risque qui risquerait de faire fuir de nombreux abonnés.
08:25 Donc ça, c'est une donnée objective, sans parler d'émotion ou de revanche ou de vengeance même.
08:32 Voilà pour moi la probabilité qu'il y ait de la Ligue 1 sur Canal+, la saison prochaine est grande.
08:39 - La Ligue 1 est trop importante encore aujourd'hui pour Canal ?
08:46 - Excusez-moi, je ne sais pas comment vous répondez.
08:48 - Je disais, la Ligue 1, si je vous écoute bien, c'est passionnant, est aujourd'hui trop importante pour Canal,
08:53 quoi qu'ils en disent, quoi qu'ils mettent dans leur communiqué quand ils renouvellent le top 14 ?
08:59 - Absolument, même si les matchs de Ligue 1 ne sont pas diffusés sur la chaîne phare,
09:09 ce sont des droits qui sont tout à fait importants, et pour tous les abonnés qui payent une somme mensuelle importante,
09:17 ça fait partie de ce qu'ils reçoivent en compensation, et que donc, s'ils ne reçoivent plus ça en compensation, le risque qu'ils s'en aillent existe.
09:27 - Vous ne pensez pas que le fait qu'ils récupèrent toute la Ligue des champions puisse constituer un pari pour Canal+
09:34 de dire voilà, le foot d'aujourd'hui c'est l'Europe, et de toutes les Coupes d'Europe, et Canal+ ne prendrait pas ce pari, c'est impossible ?
09:43 - Je ne pense pas qu'une chaîne à péage aujourd'hui soit à même de faire ce genre de pari.
09:51 Le marché est très tendu, les jeunes ne payent pas, et il y a le piratage.
09:57 Donc aujourd'hui, il vaut mieux étoffer votre offre que prendre des paris sur celle-ci.
10:03 - C'est très intéressant. Candice ?
10:04 - Oui, bonsoir, j'ai une question par rapport à Dazone par exemple, qui a été écondue de son offre de 500 millions d'euros,
10:10 ou même à Amazon qui semble hors jeu, ces acteurs ou nouveaux acteurs, est-ce qu'ils peuvent revenir dans la danse ?
10:16 Ou voir par exemple, on parle de Bouygues, Saffer, Orange, est-ce qu'on peut voir des acteurs comme ça émerger si près finalement de la reprise ?
10:22 - Parce qu'il faut préciser, pardon, je complète la question de Candice, et tant que nous c'est aussi notre travail,
10:28 si vous êtes une chaîne qui n'existe pas, il faut vous trouver des bâtiments, il faut vous trouver des hommes et des femmes qui travaillent,
10:33 il faut vous trouver des réseaux, soit vous existez déjà, soit il faut vous trouver des partenaires, comme l'a fait Amazon, notamment ici, Pierre Maes.
10:44 - Alors c'est clair que aussi près du début de la saison concernée, ça va être difficile de faire entrer ce qu'on appelle un nouvel entrant, ça c'est une évidence.
10:58 Maintenant, de manière plus générale, et on voit ça partout en Europe, le nombre d'acteurs intéressés par la surenchère sur les droits et vies du foot diminue.
11:09 On a eu des acteurs comme les sociétés de télécommunications, vous avez cité Orange, mais il y en a eu des bien plus audacieux que ça,
11:17 à commencer par Altice en France et Beatty en Angleterre. Les agences aussi ont été très audacieuses et ont amené beaucoup d'argent aux ligues et aux clubs.
11:30 On a attendu, les ligues et les clubs attendaient beaucoup des GAFA, donc on va dire Amazon, Apple, Facebook, etc.
11:40 Mais les seuls GAFA qui investissent dans le sport aujourd'hui en Europe sont radins, à l'image d'Amazon.
11:48 Amazon fait des investissements très ciblés et très réfléchis, ils ne tombent pas du tout dans la surenchère.
11:57 Il y a de moins en moins d'acteurs, et donc aujourd'hui, voir un nouvel acteur arriver, voir Dazone revenir dans la négociation,
12:08 voir Amazon revenir dans la négociation est hautement improbable selon moi.
12:12 Un mot quand même sur quelqu'un qui est arrivé et qui vient de racheter, Altice et BFM, partie des RMC, c'est Roald Dolf Saade,
12:19 l'armateur de CMA-CGM, qui ambitionne dans l'année qui vient sans doute si la loi l'autorise de racheter M6.
12:26 Là, je vais un petit peu plus loin. Et qui rêve sans doute aussi des droits télé. Là, il est rentré un petit peu tard avec ce rachat.
12:35 On en tient compte ou pas ?
12:39 Oui, bien sûr, bien sûr. Comme vous le soulignez très justement, sur le papier, il a tout pour être un candidat.
12:48 Après, voilà, on est très près de la saison. Il faut faire une offre, il faut créer une chaîne éventuellement.
12:58 Tout ça, ça fait beaucoup pour si peu de temps, je veux dire. Mais tout est possible.
13:05 La Ligue sera certainement très contente si un candidat surprise arrive.
13:09 Mais si Neymar est maintenant bappé sans bond de la Ligue 1, est-ce qu'il y a un effet bappé ?
13:15 Pas forcément là-dessus, mais comment vous vendez un championnat sans bappé ?
13:19 Est-ce que ça, c'est quelque chose qu'il faut prendre en compte puisque c'est notre sujet quotidien ?
13:25 Et celui de ceux qui regardent ?
13:29 Alors certainement, on peut en tenir compte. C'est certainement pas quelque chose qui joue en faveur de la Ligue,
13:36 qui est aujourd'hui dans une position, il faut reconnaître, difficile, si pas carrément délicate.
13:43 Mais après, la valeur des droits télé, elle ne dépend essentiellement, je dirais 95%, de la concurrence entre les opérateurs.
13:56 Un joueur ne fait pas la valeur des droits télé.
14:01 Un dernier mot avec vous, parce que là, évidemment, le tableau qu'on dresse est assez sombre.
14:05 Voilà, en tout cas, Sébastien disait tout à l'heure, Karine également, elle s'était relayée en plateau,
14:09 qu'il y aurait fatalement, fatalement, je vais utiliser cet adverbe-là, une solution de trouvée.
14:14 Et vous, vous disiez, à moindre coût, possiblement ou probablement, c'est ça,
14:18 ce qui va arriver dans les 15 jours, 3 semaines, mois qui viennent ?
14:24 Vous savez, dans mon livre, dont vous avez gentiment rappelé l'existence en début d'intervention,
14:34 j'estime le montant des droits pour la période 2024 et suivante à 500 millions en droits domestiques
14:42 et à 100 millions en droits internationaux.
14:45 C'est donc une prévision qui date d'avril 2022.
14:50 Je n'en changerais pas un euro, je dirais.
14:52 Voilà, parce qu'aujourd'hui, on espérait le milliard longtemps, le 900, c'est ce qui est communiqué,
14:56 en tout cas, par les dirigeants.
14:57 Je rappelle votre livre, "La ruine du foot français", voilà, qui est à retrouver.
15:01 Vous avez été très clair.
15:02 Merci d'être venu en plateau nous expliquer tout ça, Pierre Maes.
15:04 À très bientôt.
15:05 Merci d'être venu dans l'équipe de La Gnive.
15:07 Vous éclairez sur ce sujet.

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