• il y a 7 mois
Anne Fulda reçoit Marc Lambron pour son livre «De vive voix» dans #HDLivres

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Transcription
00:00Bienvenue à L'Heure des Livres, Marc Lambron.
00:02Merci.
00:03On le connaît, vous êtes membre de l'Académie française, écrivain bien sûr, chroniqueur, intervieweur.
00:10Vous venez de publier De vive voix chez Grasset.
00:13C'est un recueil d'une soixantaine d'entretiens que vous avez réalisés dans les années 90-2000
00:19avec essentiellement des comédiens, des comédiennes, des artistes, des créateurs de façon générale.
00:25Et c'est passionnant.
00:26C'est des rencontres qui, comme vous l'écrivez, procèdent d'un regard d'enfance et d'un étonnement provincial.
00:31Une question, c'est qu'est-ce qu'avec le temps, la notoriété, la reconnaissance, ce regard d'enfance, cet étonnement provincial, vous l'avez toujours ?
00:40Je crois que je suis toujours un gogo lyonnais.
00:43Donc oui, c'est un livre de rencontres, d'entretiens que j'ai brochés, que j'ai rassemblés.
00:49La part d'enfance, elle est notamment sur le cinéma.
00:52C'est-à-dire que quand j'étais enfant, j'allais dans le cinéma de quartier.
00:55J'allais voir les professionnels à Western avec Claudia Cardinal.
00:59J'allais voir, je ne sais pas, Viva Maria avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau.
01:05Et puis le hasard des choses fait que peut-être 20 ans, 30 ans plus tard, je deviens, comme le disait Marie-Claire Powell,
01:11ce qui m'avait d'abord formé, enfin formé, missionné.
01:15Je vais faire de vous mon préposé aux belles femmes.
01:20Ce qui est un peu limitatif parce qu'en réalité, il y a beaucoup d'artistes, d'écrivains, de chanteurs.
01:25Vous alliez donner le nom de moins belles femmes.
01:28Non, la première section.
01:30Et puis Pierre Desmores maintenant, c'est-à-dire Raymond Devos, Charles Aznavour, Johnny Hallyday, Moravia, Jeanne Moreau, Jules Greco.
01:38Donc c'est comme une sorte de conservatoire, d'archive, avec la patine du temps.
01:44Mais c'est surtout une comédie du verbe pour moi, une cérémonie du verbe.
01:48Oui, c'est une cérémonie du verbe, mais aujourd'hui, elle est plus difficile à exercer.
01:53Vous continuez de faire des entretiens parce que vous le dites vous-même.
01:56Aujourd'hui, il y a les fameux press junkets, c'est-à-dire que le temps est limité.
02:00Les press junkets, en bon français, c'est que maintenant, un grand acteur international vient à Paris.
02:06Il est dans une chambre d'hôtel et tous les quarts d'heure, à peu près, par rotation, il y a un journaliste qui vient l'interroger.
02:12Souvent, l'agent ou l'attaché de presse est là.
02:15Donc la liberté est morte dans ces cas-là.
02:17Or, il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années, les usages étaient moins serrés, moins automatiques.
02:25Et puis, les personnages étaient plus libres.
02:27C'est vrai que j'ai eu l'étonnement de voir Charles Aznavour qui me dit qu'on en a pour une heure et il me donne deux heures et demie.
02:33Robert Redford, Faye Dunaway, des stars internationales qui, finalement, se laissaient prendre à ce qui m'apparaît maintenant, rétrospectivement,
02:43non pas comme une suite d'entretiens, mais de conversations.
02:46Et au fond, c'est ça qui m'intéressait.
02:47C'est-à-dire que peut-être le seul truc, la seule technique que j'essayais, c'est un grand mot, d'appliquer, c'est que j'essayais de les mettre en état de réminiscence.
02:58Et je les considérais presque comme des êtres de fiction.
03:01Notamment les acteurs, les actrices, parce qu'ils ont beaucoup d'avatars, finalement.
03:05Et si je vois, je ne sais pas si je vois Aljani, je vois Agnès de l'école des femmes, je vois la reine Margot, je vois la jeune fille de la gifle.
03:12Ils sont polymorphes.
03:15Bon, il y a de la promotion en général, donc ça dure quelques questions.
03:19Puis après, au fond, il y avait trois questions.
03:21C'est d'où venez-vous ? Que vouliez-vous ? Et comment êtes-vous parvenu ?
03:26Et c'était comme susciter une sorte de brève autobiographie parlée.
03:32Et au fond, c'est cela qu'il y a dans ces portraits.
03:36Pardon, je vous interromps, avec quelques moments d'anthologie.
03:38Par exemple, Juliette Gréco, c'est extraordinaire.
03:41Elle raconte un monde qui n'est plus Jeanne Moreau aussi.
03:47Oui, mais le nombre d'actrices françaises, au-delà de ces deux-là qui sont extraordinaires, qui sont des narratrices,
03:52je crois que les actrices françaises, elles sont rompues au récit, au verbe.
03:59D'abord parce qu'elles ont souvent fait du théâtre.
04:01Et quand vous avez été formé très jeune par les mots de Racine, de Giraudoux, de Musset, vous avez ce français dans la bouche.
04:07Ensuite, parce que celles-ci avaient été dirigées par des metteurs en scène très littéraires.
04:12Je pense à Louis Malle, à Tavernier, à Truffaut, à Godard.
04:16Et puis ensuite, parce qu'on voit les lectrices qu'elles sont, par exemple.
04:21Il y a, je vais parler des livres du moment, et elles procèdent aussi de la littérature.
04:27En plus, si vous avez Jeanne Moreau, Juliette Gréco, elles ont de la bouteille au moment où je les vois.
04:33Elles sont hypermésiques. Elles sont libres. Elles sont drôles.
04:37Par exemple, Jeanne Moreau, je lui donnais des devoirs, des scènes à faire ou à décrire.
04:45Comment était-ce avec Miles Davis ? Comment l'osée tournait ?
04:49Comment est-ce qu'Orson Welles vous amène à tourner le procès ?
04:53Comment était Louise Bunuel ?
04:55Et elles me donnent des sortes de médaillons de scènes comme ça.
04:59C'est un cinéma fait par des acteurs ou des personnages, qui deviennent pour moi des personnages de romans presque.
05:06Dernière question, est-ce qu'il n'y en a pas certains avec lesquels on doit, vous êtes assez habitué à la chose,
05:12se préparer à une joute oratoire ? Je pense à quelqu'un comme Karl Lagerfeld, qui dominait pas mal l'exercice.
05:19Karl Lagerfeld, comme on dit, il était verbomoteur.
05:21Si vous appuyez sur le bouton, ça va tout seul.
05:24Assez étrange, je vous dis, Hélène, parce que je le vois dans un salon sans fenêtre d'un palace parisien.
05:30Il est extrêmement rétracté et vous avez l'impression d'être un dentiste sadique et lui d'être le patient.
05:38Le rencontre, c'est comme faire la conversation à un vieillet-oncle dans sa baignoire.
05:42Également, être à côté.
05:44C'est très étonnant de voir en 3D des personnages qu'on a coutume de voir en 2D et assez loin.
05:50C'est un livre où on passe sans cesse de l'autre côté du miroir pour aller voir des êtres en chair et en os.
05:57En tout cas, si vous voulez vous faire votre petit festival de Cannes, je vous conseille vivement de lire De vive voix.
06:04C'est donc paru chez Grasset. Merci beaucoup, Marc Lambreau.
06:06Merci à vous.

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