• il y a 7 mois
L’avocat Pierre Gentillet était l’invité de La Matinale, ce jeudi 23 mai, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur les conséquences d’un abaissement de la majorité pénale : «Cela va changer la rapidité et la sévérité avec lesquelles on va juger ces mineurs».

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Transcription
00:00 Alors déjà d'emblée, il faut distinguer la majorité pénale de la responsabilité pénale.
00:03 Ce sont deux choses bien différentes.
00:05 En réalité, un mineur peut être, je dis bien peut être, responsable pénalement dès ses 13 ans.
00:09 D'accord ?
00:10 La majorité pénale, ça signifie simplement qu'à partir du moment où vous êtes majeur sur un plan pénal,
00:15 vous n'êtes plus jugé par des tribunaux pour enfants ou des cours d'assises pour mineurs,
00:19 mais vous êtes jugé par les juridictions de droit commun en matière pénale,
00:23 c'est-à-dire cours d'assises, tribunales correctionnelles, etc.
00:26 Donc si demain, la majorité pénale n'est plus à 18 ans mais à 16 ans,
00:31 admettons un mineur délinquant, enfin un mineur sur le plan civil, commet un délit à 16 ans et un jour,
00:39 cela signifie donc qu'il ne sera plus jugé par un tribunal pour enfants,
00:44 mais directement par un tribunal correctionnel.
00:46 Avec des peines ?
00:47 J'y arrive. Ça va changer deux choses.
00:50 Premièrement, le mineur sur un plan civil, je précise,
00:53 ne pourra plus bénéficier de l'excuse de minorité.
00:57 Qu'est-ce que c'est l'excuse de minorité ? Très simplement,
00:59 l'excuse de minorité, c'est une disposition qui permet au juge d'atténuer le quantum de la peine infligée
01:09 si le mineur est reconnu coupable.
01:11 Ça, ce ne sera plus possible si on passe cette réforme,
01:16 précisément parce qu'on ne sera plus face à un mineur sur le plan pénal.
01:19 Ça, c'est la première conséquence.
01:21 Mais il y a aussi une autre conséquence, et il faut vraiment avoir ça en tête,
01:24 c'est que les juridictions pour enfants sont des juridictions assez particulières,
01:28 en ce sens que la peine de prison, je ne vais pas dire que c'est le dernier recours,
01:34 mais ce n'est certainement pas la première option.
01:37 Vous voyez la différence du correctionnel ou effectivement si on est devant dans la cour d'assises.
01:41 Donc ça, effectivement, ça va peut-être changer quelque chose,
01:45 s'agissant de la sévérité infligée devant les tribunaux.
01:49 Et puis le dernier élément qui change aussi, alors ça, c'est un aspect méconnu,
01:53 c'est la rapidité avec laquelle on va pouvoir juger ces mineurs.
01:57 Puisque quand on est devant un tribunal pour enfants, une cour d'assises pour mineurs,
02:01 en réalité, on a deux jugements, chose que nous n'avons pas dans les juridictions de droit commun.
02:05 Vous avez un jugement s'agissant de la culpabilité, c'est ce qu'on va déterminer,
02:11 et une fois que cette culpabilité a été déterminée,
02:15 on a un deuxième jugement qui intervient généralement six à neuf mois plus tard.
02:20 Évidemment, c'est quand même un délai important sur la nature
02:25 et le montant de la peine à infliger, qui n'est pas forcément une peine de prison.
02:29 Donc, je vous ai écouté, ça changerait beaucoup de choses,
02:33 d'abaisser la majorité pénale à 16 ans, sur un plan juridique.
02:38 Maintenant, il y a un plan technique aussi, parce que si on dit...
02:41 Quel est l'objectif de cette réforme ?
02:43 On a une peine lourde et on réglerait le problème de la délinquance.
02:48 En tout cas, on jugerait comme des adultes.
02:51 Et effectivement, c'est ce qu'on dit souvent.
02:53 Parfois, il y a des délinquants qui sont mineurs, qui ont entre 16 et 18 ans,
02:56 mais ils agissent quasiment comme des adultes.
02:59 Alors, effectivement, il y a deux aspects dans votre question.
03:01 Il y a à la fois le fait que les mineurs d'aujourd'hui ont considérablement changé
03:04 par rapport au moment où on a fixé ce régime en 1945,
03:08 s'agissant de la responsabilité pénale des mineurs.
03:10 Époque antédiluvienne.
03:11 Exactement. Et on peut penser que...
03:13 Vous savez, on dit toujours que le monde a changé,
03:15 il faut s'adapter, il faut vivre avec son temps.
03:17 Notre temps a considérablement changé de ce point de vue-là.
03:20 C'est une évidence qu'on peut en tirer les leçons
03:22 et effectivement réformer un peu tout ça.
03:25 Mais attendez, il y a un point qui est quand même important.
03:28 Là, on parle sur le plan juridique, et c'est très, très bien,
03:30 parce que le but, c'est quoi ?
03:31 C'est d'infliger au moins de la prison, au moins pour sanctionner.
03:35 Mais encore faut-il, c'est pour ça que je vous dis,
03:37 c'est une bonne chose, mais encore faut-il aussi
03:39 que sur un plan matériel, il soit possible d'envoyer ces gens-là en prison.
03:44 Aujourd'hui, le taux d'incarcération, il est de 120%, les prisons sont pleines.
03:47 Vous voyez, donc il faudra aussi poser ce sujet après.
03:50 Je ne veux pas qu'on pense que c'est la baguette magique.
03:51 Oui, c'est ça.
03:52 Après, sur le taux d'occupation des prisons,
03:54 il y a certains politiques qui proposent d'expulser le retour de la double peine
03:58 pour les prisonniers étrangers, qui représentent à peu près 25% des prisonniers en France.
04:02 Oui, 25%.
04:03 Donc expulsion après la peine, et ça pourrait régler...
04:08 C'est le plus logique.
04:09 ...quelques problèmes de surpopulation des prisons.
04:13 La délinquance des mineurs, c'est vraiment ce qu'on a le plus de mal à combattre en France.
04:16 Oui, bien sûr.
04:17 Le grand banditisme, on sait combattre.
04:19 Oui.
04:20 Non, le vrai sujet, et on l'a vu au moment des émeutes...
04:25 La grande délinquance, oui, la petite délinquance.
04:27 Ce n'est pas qu'on n'a pas du mal à la combattre.
04:29 Enfin, on a du mal à vouloir vraiment la réprimer,
04:31 et je pense aussi à ouvrir les yeux un petit peu sur ce qu'est notre jeunesse,
04:35 une certaine jeunesse en France,
04:37 et que, comment vous dire,
04:39 non pas que ces jeunes soient forcément totalement toujours conscients,
04:43 mais quand même, je veux dire, quand on a 16-17 ans,
04:46 qu'on a été condamné trois, quatre, cinq, six fois à du trafic de drogue,
04:50 je pense qu'à un moment, on doit ouvrir les yeux
04:54 et adapter notre dispositif juridique.
04:57 Vous savez, le droit, ce n'est pas un totem.
04:59 Le droit, il évolue, notre droit, il a évolué.
05:01 Eh bien, nous devons adapter notre droit à la réalité des menaces,
05:05 et il est certain que s'agissant des mineurs,
05:07 il suffit de regarder les chiffres, depuis 40 ans,
05:09 on a une inflation considérable des crimes et des délits commis par les mineurs.
05:15 Donc, évidemment, notre droit, comme la société, doit s'adapter.
05:19 [Musique]
05:22 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]

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