À sa création, le Slip Français visait l'achat exception, pour un cadeau de Noël ou de fête des pères. Mais avec le contexte actuel, le produit au prix élevé ne fait plus recette et Guillaume Guibault, son président et fondateur, annonce un changement de stratégie.
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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, c'est un des symboles du Made in France, le slip français
00:09 dont vous êtes le fondateur et président.
00:12 Guillaume Gibaud, bonsoir.
00:13 Bonsoir.
00:14 13 ans après la création du slip français, vous baissez les prix de vos produits.
00:18 Le slip était à 40 euros.
00:19 Vous avez décidé de diviser quasiment le prix par deux pour le passer à 25 euros.
00:26 Pourquoi cette décision ?
00:27 Parce que le contexte économique autour de nous est compliqué.
00:30 Au bout de 13 ans, le Made in France ne représente toujours que 3% des achats de vêtements.
00:34 Il y a 3 milliards de vêtements mis sur le marché en France.
00:36 Il n'y en a que 3% qui sont effectivement fabriqués en France.
00:38 Donc, il faut effectivement qu'en tant que symbole, on assume cette réalité d'arriver
00:42 à fabriquer en France là où plus personne ne le fait.
00:44 Et aujourd'hui, début 2024, les Français ont envie d'acheter Made in France, mais
00:47 le vrai sujet, c'est le prix.
00:48 Et voilà, au bout de 13 ans, avant un sous-vêtement à 40 euros qui était le sous-vêtement de
00:53 la fête des pères, de Noël, des cadeaux, notre enjeu, c'est de créer une industrie
00:56 de vêtements qui est compétitive et donc de faire en sorte que ce sous-vêtement, ce
00:59 slip français, soit le slip de tous les jours, de tout le tiroir et pas juste le slip du
01:02 cadeau de Noël.
01:03 C'est le but de cette nouvelle gamme de prix plus accessible.
01:06 Et donc, ça veut dire que vos slips à 25 euros au lieu de 40 hier, ils sont toujours
01:12 fabriqués en France, vous ne changez rien ?
01:14 Ça sera toute la vie, le slip français fabriqué en France, tricotage, tissage, confection.
01:19 C'est un point d'honneur depuis 13 ans.
01:20 On est entreprise à mission au sens de la loi PAC.
01:22 Notre mission, c'est de réinventer avec panache l'industrie de textile française.
01:25 Le matin, avant même de vendre un seul produit, on se dit comment est-ce qu'on peut faire
01:29 grandir, refaire vivre cette industrie de textile française qui a perdu 90% de ses
01:33 emplois.
01:34 Le textile, c'était 600 000 emplois dans les années 90.
01:37 C'est 60 000 aujourd'hui.
01:38 Donc, vraiment, c'est 90% des emplois qui sont partis.
01:41 Comment est-ce qu'on arrive à faire en sorte que le produit soit plus accessible puisque
01:45 les Français, quand on leur pose la question, tout le monde est d'accord pour le Made in
01:48 France.
01:49 Mais personne ne peut acheter un slip à 40 euros.
01:50 Personne ne peut se permettre un produit qui vaut deux, trois fois plus cher.
01:53 Et ça veut dire que vous changez le modèle économique que vous aviez imaginé il y a
01:58 13 ans.
01:59 Aujourd'hui, vous avez décidé de faire du volume.
02:01 Exactement.
02:02 On complète aussi, puisque moi, je ne venais pas de ce métier.
02:04 J'ai tout appris sur le tas.
02:05 On a construit un parc fournisseur de 80 partenaires industriels un peu partout en France.
02:08 Et là, on s'est dit au bout de 13 ans, si on veut passer un cap, il faut qu'on aille
02:12 chercher un produit plus accessible.
02:14 On a engagé à la base 9 partenaires un peu partout en France.
02:16 Une commande de 400 000 pièces, c'est important.
02:19 On se rend bien compte que d'habitude, c'est 45 000.
02:22 Donc, c'est vraiment 4 ou 5 000.
02:25 Le jaune, le vert, l'imprimé pour Paris 2024 dont on a la licence officielle, ou
02:30 pour France Rugby dont on avait aussi la licence officielle.
02:32 On faisait des petites séries avec un produit qui était vendu assez cher.
02:35 Aujourd'hui, on a passé une commande de 400 000 pièces, donc beaucoup plus importante
02:38 que d'habitude.
02:39 Et du coup, on a massifié tout ce qu'on faisait.
02:40 L'achat de matière, c'est la même matière.
02:42 Le coton.
02:43 On a massifié la logistique, on a massifié les postes de confection, on a massifié l'achat
02:47 de l'élastique, on a massifié les fournitures.
02:49 On est rentrés jusqu'aux secondes dans la confection du produit.
02:52 Et en termes de qualité, Guillaume Chibon ?
02:54 Et là, c'est la même qualité.
02:55 Je m'y engage et vraiment, c'est un travail de tous les instants avec les équipes.
02:58 La fabrication française restera plus chère qu'ailleurs.
03:01 C'est notre modèle social.
03:03 Plus de 1 700 euros de SMIC brut, et tant mieux.
03:06 On défend tous, Français, un modèle social.
03:08 Ce qu'on paye notamment ?
03:09 Bien sûr, c'est les congés payés, c'est le cadre du droit d'intérêt français.
03:12 C'est aussi le fait qu'on génère moins de carbone.
03:15 On sait que la fabrication française, c'est jusqu'à 50 % de CO2 en moins.
03:18 Un T-shirt Made in Ireland, c'est 10 kg de CO2.
03:20 Un T-shirt Made in France, c'est 5 kg.
03:21 Donc voilà, c'est plus d'emplois, c'est plus de liens sociaux et c'est moins de CO2.
03:24 On est tous d'accord.
03:25 Maintenant, il faut trouver l'équation prix.
03:27 C'est ça, c'est-à-dire que le modèle économique que vous aviez imaginé, il ne fonctionne pas.
03:31 Aujourd'hui, vous êtes obligé de faire du volume pour pouvoir être rentable.
03:37 Aujourd'hui, ce que j'ai vu, c'est que votre activité, elle était en baisse régulière de l'ordre de 10 % par an.
03:41 En fait, on a vécu le Covid 2020, deux années hors normes.
03:45 Et puis 2022, 2023, on a perdu 10 % de chiffre d'affaires par an.
03:48 On fait juste en dessous de 20 millions d'euros de chiffre d'affaires,
03:50 quelques centaines de millions d'euros de rentabilité débit de dames.
03:53 Mais 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, ça reste le premier.
03:57 Exactement.
03:58 Vous avez tout à fait raison.
03:59 On est les champions.
04:00 On est la plus grande entreprise à fabriquer 100 % en France.
04:02 Mais ce qui montre la fragilité, on est une petite boîte.
04:04 Si on veut avoir une pérennité, et moi, j'ai qu'une envie, c'est que dans 20 ans,
04:08 le slip français soit l'emblème du succès du Made in France,
04:12 qui montre qu'on peut recréer une industrie, que ce 3 % devienne 5, 10, 15, 20.
04:15 Et effectivement, on a un symbole.
04:17 C'est une charge qui est lourde sur nos épaules, parce qu'on est une toute petite boîte.
04:19 On n'a pas d'accompagnement fiscal, juridique.
04:22 On a les mêmes règles que tout le monde.
04:23 Par contre, on prend l'engagement, la conviction de fabriquer en France.
04:26 C'est une bataille de tous les instants.
04:27 Et à la fin, c'est juste un slip dont on baisse le prix pour que les Français...
04:30 Et d'ailleurs, on est déjà à 120 000 sur notre objectif de 400 000 en 50 jours.
04:34 Donc ça a marché, ça a fonctionné.
04:36 120 000, j'ai regardé hier, c'est la population de la ville de Besançon.
04:39 Et je trouve que ça fait du bien de remettre un peu les perspectives.
04:41 On a réussi à convaincre tous les habitants de Besançon.
04:43 Il y a 33 millions d'hommes en France.
04:45 Je pense qu'on peut tous se dire qu'on va être capable de soutenir une démarche coloniale.
04:48 Alors comment est-ce qu'il faudrait faire, Guillaume Gibault,
04:51 pour promouvoir, pour soutenir le Made in France,
04:54 puisque ça fait partie de vos fonctions, de vos missions que vous vous êtes en tout cas données.
04:59 C'est de promouvoir et d'expliquer comment il faudrait soutenir,
05:02 au-delà du consommateur, d'acheter français.
05:05 Qu'est-ce qu'il faudrait faire pour vous ayez un avantage favorable ?
05:08 Je me suis choisi cette mission d'ambassadeur du Made in France.
05:10 Il faut un produit de qualité, vous l'avez dit, qui dure dans le temps.
05:13 Un produit qui donne envie, un produit qui est accessible en prix,
05:15 et un produit qui est bien distribué.
05:17 Alors ça c'est votre boulot.
05:18 Mais après, est-ce que vous devriez avoir une aide fiscale, des pouvoirs publics ?
05:22 Est-ce que j'imagine que vous avez pas mal d'idées ?
05:24 Bien sûr, on prend tout, on échange avec Bercy très régulièrement.
05:26 On y était encore avec nos directeurs généraux la semaine dernière.
05:28 Ça fait 13 ans.
05:29 Le fait est que ça bouge lentement.
05:32 On était encore à Bercy pour contribuer au plan mode.
05:35 Est-ce qu'il peut y avoir une TVA réduite sur les produits fabriqués en France ?
05:37 Est-ce qu'il peut y avoir des liens privilégiés avec la grande distribution
05:40 pour les inciter à acheter auprès de boîtes Made in France ?
05:43 Est-ce qu'il peut y avoir quelque chose qui est fait au niveau des marchés publics ?
05:45 Aujourd'hui dans les marchés publics, quels qu'ils soient,
05:47 l'armée, la gendarmerie, qui en veut, il n'y a aucune indication de préférence nationale.
05:50 Donc tout ça, dans le contexte européen, pour l'instant, on n'arrive pas à faire bouger les politiques.
05:54 Donc c'est pour ça que, quelque part, notre initiative qui est privée,
05:56 qui est une entreprise petite mais qui se donne les moyens de se rendre visible et de faire participer les citoyens,
06:00 peut-être que c'est plus pragmatique et plus efficace que d'attendre ce boulot qu'on fait aussi.
06:04 Mais c'est vrai qu'auprès des pouvoirs publics, c'est lent.
06:06 Et aujourd'hui, en 2024, dans le contexte économique que vous connaissez,
06:09 les Français, on n'a pas le temps d'attendre des solutions qui arriveront dans plusieurs années.
06:12 Sauf que, Guillaume Gibault, ce que vous faites aussi, c'est tirer la sonnette d'alarme.
06:15 Montrer qu'aujourd'hui, le modèle économique que vous aviez imaginé, il ne fonctionne pas.
06:19 Est-ce que vous ne craignez pas de voir fuir vos fournisseurs ?
06:23 C'est un risque que vous prenez.
06:25 Je pense qu'il faut quand même être lucide. Sur la filière textile française, il n'y a plus que 3% de made in France.
06:29 C'est moins 85%.
06:31 Elle est quand même fragile.
06:32 Oui, qui est déjà très fragile.
06:33 Donc, soit on est lucide et on se met en action, on se donne les moyens.
06:36 Et pas des initiatives comme la nôtre, où effectivement, on montre de façon lucide et objective
06:40 que la situation est compliquée mais qu'il y a des solutions.
06:43 Et nous, notre job, et mon job depuis 13 ans, c'est de montrer qu'il y a des solutions.
06:46 Et à la fin, qui sont juste à portée de slips, sans mauvais jeu de mots.
06:49 Les solutions, elles passent par la commande publique.
06:51 Elles passent aussi par des mesures qui visent à freiner la fast fashion.
06:56 C'est ce que prévoit notamment un texte qui a été voté par l'Assemblée, qui prévoit un malus environnemental.
07:02 Bien sûr, la loi anti-fast fashion sera quelque chose de positif pour nous.
07:06 Mais encore une fois, on sait bien que les décrets d'application, ça va mettre longtemps.
07:09 On sait que ses concurrents, Chilin Temu, sont très forts et très efficaces.
07:12 Donc en fait, moi, depuis 13 ans, je prends plutôt le parti inverse.
07:15 Comment est-ce qu'on peut faire, nous, des initiatives à notre échelle, locales, engagées,
07:19 extrêmement populaires et dans le bon sens ?
07:22 Et quand on voit sur d'autres secteurs des gens comme Duralex,
07:25 on voit la ferveur qu'il peut y avoir de gens qui ont envie d'aider des boîtes comme ça.
07:28 Je me dis que là, il y a un terrain de jeu.
07:30 Et qui finissent par en mettre la clé sur la porte.
07:31 Oui, on va tout faire pour que... Ils vont tout faire.
07:33 En tout cas, je pense qu'il y a des solutions.
07:34 En tout cas, ce qui est sûr, c'est que les Français ont envie de soutenir ces boîtes-là.
07:37 Ce sont des champions nationaux dont on est fier.
07:41 Et qu'il suffit d'avoir le bon produit au bon prix pour que les Français les soutiennent.
07:44 Et je pense que c'est ça notre job d'industriel et de marque, d'arriver à faire ça.
07:47 Et c'est le sens de notre démarche en ce moment.
07:49 Merci beaucoup Guillaume Gibault, fondateur et président du slip français.
07:53 Invité Echo de France Info ce soir.
07:55 Merci à vous.