Les cliniques privées menacent de se mettre en grève, début juin, en raison d'une inégalité de traitement avec l'hôpital public dans la revalorisation des actes. La fédération de l'hospitalisation privée réclame une enveloppe budgétaire plus conséquente. Des négociations sont en cours.
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00:00 Les hôpitaux privés menacent de faire grève début juin.
00:02 Journée négociation cruciale aujourd'hui avec le gouvernement.
00:05 La directrice de l'hôpital privé Dromardèche est avec nous pour en parler Alexandre.
00:09 Bonjour Anne-Laure Pourquiez.
00:10 Bonjour.
00:11 L'hôpital privé Dromardèche, déjà juste pour expliquer, poser le contexte,
00:16 on a la clinique Pasteur à Guirand, la clinique Générale de Valence.
00:20 Ça comprend ces deux établissements où vous faites partie du groupe Ramsey,
00:22 qui a deux autres cliniques en Drôme.
00:25 On parle de négociations en cours au niveau national.
00:28 Est-ce que vous avez des nouvelles ?
00:30 Est-ce que la menace d'une grève est toujours présente déjà puisque c'est en cours ?
00:33 Pas de nouvelles de notre côté.
00:36 Nous attendons les échanges avec le gouvernement
00:39 en espérant ne pas arriver à la situation de grève.
00:42 Est-ce que ça veut dire que vous avez déjà commencé à annuler des opérations chirurgicales ?
00:45 Pas encore.
00:46 On attend les dernières consignes de la Fédération de l'Hospitalisation Privée
00:50 pour pouvoir commencer la déprogrammation de l'activité.
00:52 Ça, ça serait à partir du 3 juin.
00:55 Pourquoi ce mouvement ? Pourquoi cette grève ?
00:58 Comment vous l'expliquez aux auditeurs ?
01:01 Pour expliquer aux auditeurs, aujourd'hui la situation est grave.
01:05 C'est-à-dire que chaque année, le gouvernement revalorise les tarifs de l'hospitalisation.
01:10 Pour expliquer très simplement,
01:12 quand on vient faire une intervention chirurgicale dans un hôpital,
01:15 l'hôpital est rémunéré une certaine somme par la Sécurité Sociale.
01:18 Chaque année, le gouvernement revalorise ces tarifs.
01:21 Cette année, les tarifs ont été revalorisés de 0,3% pour le secteur privé
01:26 et de 4,3% pour le secteur public.
01:28 Sachant que l'inflation est à hauteur de 4%,
01:31 aujourd'hui les établissements privés ne s'en sortent plus.
01:33 Là, c'est un mouvement d'ampleur nationale qui est inédit.
01:36 C'est-à-dire que tous les établissements du territoire national s'allient ensemble
01:39 pour dire au gouvernement "stop, nous n'y arrivons plus".
01:44 Vous n'y arrivez plus, ça veut dire quoi ?
01:45 Ça veut dire que vous perdez de l'argent ?
01:47 Oui, concrètement, on est en déficit.
01:48 Concrètement, l'hôpital privé de Romardèche est en déficit ?
01:51 Plusieurs centaines de milliers d'euros par an.
01:54 C'est le cas également sur les autres établissements du territoire.
01:57 Le groupe Ramsey, d'ailleurs, est en déficit sur l'exercice 2023.
02:02 Mais vous perdez de l'argent parce que ce n'est pas revalorisé,
02:06 mais vous avez d'autres sources de revenus en tant qu'hôpital privé ?
02:08 Nous perdons de l'argent parce que ce n'est pas revalorisé,
02:11 concrètement, et que l'inflation est telle
02:13 que nous n'arrivons plus économiquement à trouver un équilibre.
02:17 Nous avons d'autres sources de revenus,
02:19 mais qui sont vraiment à la marge,
02:20 qui vont être des ventes "annexes",
02:23 donc des chambres particulières et autres.
02:25 Mais c'est tout.
02:26 Nos principaux revenus sont les revenus de la Sécurité sociale.
02:30 Si le gouvernement ne revalorise pas, ça veut dire quoi ?
02:33 Vous risquez de fermer des établissements, des services ?
02:37 C'est quoi la conséquence concrète ?
02:38 La conséquence concrète, c'est que, pour vous donner un exemple,
02:41 en 2017, 10% des établissements privés étaient en déficit.
02:44 En 2023, ils sont à 40%,
02:47 et le risque, c'est qu'à la fin de l'année, ils soient à 60%.
02:49 Qu'est-ce que ça veut dire ?
02:50 Ça veut dire qu'à terme, on devra peut-être envisager des réorganisations
02:53 sur le territoire, redéfinir l'offre de soins,
02:55 et donc ça veut dire réduire l'offre de soins pour les patients, concrètement.
02:58 Vous dites que ce n'est pas normal que vous ne soyez pas rémunérés
03:02 de la même manière, on va dire, par la Sécurité sociale,
03:04 dans le privé, que dans le public.
03:07 Mais l'image qu'on a du privé, c'est que votre but,
03:13 c'est de faire du profit, c'est lucratif.
03:15 Alors, oui. C'est une image, effectivement, qui est fortement répandue.
03:20 En pratique, ce n'est pas le cas.
03:22 En pratique, aujourd'hui, comme je vous le disais,
03:25 nos établissements sont en déficit.
03:27 Concrètement, l'objectif, c'est d'arriver à un équilibre économique
03:29 qui nous permette juste de survivre et de pouvoir continuer
03:32 à offrir l'offre de soins existante sur le territoire, pour les patients.
03:37 Puisque l'hospitalisation en France, aujourd'hui,
03:39 on a tendance à penser que c'est le public, principalement.
03:41 Ce n'est pas le cas. 50% de la chirurgie est faite dans le privé,
03:44 et 40% de la chirurgie, des cancers.
03:47 Donc, souvent, on dit que le secteur privé prend en charge
03:51 des pathologies "faciles", entre guillemets,
03:53 donc des prises en charge légères. Ce n'est pas le cas.
03:55 Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
03:56 35% des chimiothérapies sont réalisées dans le privé.
04:01 - En Dromardèche ?
04:02 - De façon générale, Dromardèche, je pense qu'on est un peu plus.
04:04 - Et ça veut dire quoi ? Si demain, il n'y a plus de privé ?
04:07 - Alors, en Dromardèche, demain, s'il n'y a plus de privé,
04:09 ça veut dire 200 interventions chirurgicales
04:11 qui ne seront pas réalisées par jour, sur tout le territoire.
04:14 Je parle Drom et Ardèche, Chéram, je ne connais pas les autres établissements.
04:17 - Il y a une autre clinique au Bonhomme.
04:19 - Il y a une autre clinique, on doit être un petit peu plus.
04:20 Ça veut dire 200 interventions chirurgicales,
04:22 ça veut dire 6800 chimiothérapies par an.
04:25 C'est énorme, quand on regarde.
04:27 Et globalement, ça représente à peu près 80 000 patients par an
04:30 qui rentrent dans nos établissements de Drom et d'Ardèche
04:32 qui ne pourront être plus pris en charge.
04:34 - Et donc, ça, ça serait menacé ?
04:36 - Oui, exactement.
04:37 - La grève, ce serait le 3 juin ou pour plusieurs jours ?
04:40 C'est quoi les modalités ?
04:41 - Alors, les modalités, c'est du 3 au 5 juin
04:43 pour toutes les activités programmées,
04:45 c'est-à-dire que les interventions chirurgicales qui sont programmées
04:47 du 3 au 5 juin seront déprogrammées
04:49 si les discussions n'aboutissent pas avec le gouvernement.
04:53 Et du 3 au 9 juin pour toutes les prises en charge urgentes non programmées,
04:57 c'est-à-dire que les urgences de la clinique Pasteur
05:01 seront fermées du 3 au 9 juin.
05:03 L'accueil non programmé de la clinique La Parisière également
05:05 et le SOS Mânt de la clinique Kennedy également, du 3 au 9 juin.
05:09 - Pour vous, la conséquence sur l'hôpital public, c'est quoi ?
05:12 - La conséquence sur l'hôpital public, ça va être à court terme
05:15 une arrivée massive de patients.
05:17 Donc tous ces patients que nous ne prenons pas en charge
05:19 seront réorientés naturellement vers l'hôpital public.
05:23 Mais je pense qu'après, il faut regarder un peu plus loin
05:25 et penser au futur.
05:26 Le futur, c'est quoi ?
05:27 C'est la disparition d'une partie de l'offre de soins en France
05:29 et surtout dans nos territoires où on travaille de façon complémentaire avec le public.
05:34 Ça va poser de gros problèmes avec principalement
05:37 une disparition de l'offre de soins,
05:39 des retards de prise en charge pour les patients.
05:41 Moi, je pense que c'est dramatique et il faut que tous nos concitoyens
05:44 soient au courant de ce qui se passe et du risque pour eux, pour nous.
05:47 - C'était votre message ce matin, Anne-Laure Pourquiay,
05:50 directrice de l'hôpital privé Dromardèche,
05:52 qui menace toujours de faire grève,
05:54 puisque les négociations avec le gouvernement n'ont pas abouti
05:57 concernant la revalorisation de la tarification dans les hôpitaux privés.
06:02 Interview à retrouver dans quelques instants sur francebleu.fr