À 9h05, les débatteurs du jour sont Nathalie Schuck x Thomas Legrand. Thème du jour : #Européennes 2024 : les intentions de vote (sondage IPSOS pour Radiofrance et Le Parisien) Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-jeudi-16-mai-2024-3205846
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00:00 Débat ce matin sur la deuxième vague de notre sondage Ipsos avec le Parisien et donc
00:07 France Inter depuis la précédente vague en avril.
00:10 Des tendances se dessinent, Jordan Bardella reste largement en tête des intentions de
00:16 vote mais perd 1 point, 31%.
00:19 Il fait quasiment le double de Valérie Ayé qui ne bouge pas à 16%.
00:24 Raphaël Glucksmann étant dynamique, il gagne 1,5 point pour un total de 14,5% d'intentions
00:33 de vote.
00:34 Voilà pour le triot tête, on va considérer les autres enseignements de ce sondage dans
00:38 quelques instants.
00:39 Mais on en parle avec Nathalie Chuh, grand reporter politique au point, auteure de « Les
00:45 naufrageurs, comment ils ont tué la politique » chez Robert Laffont et avec Thomas Legrand,
00:51 éditorialiste au quotidien Libération, producteur de l'émission « Enquête de politique
00:56 sur Inter », émission que vous consacrez samedi au souverainisme.
01:00 Bonjour à tous les deux.
01:01 Bonjour Nicolas.
01:02 Et merci d'être là.
01:03 Première question, qu'est-ce que vous retenez chacun de ce sondage ? Le point saillant
01:07 selon vous Nathalie Chuh ?
01:09 La première chose déjà, la participation.
01:10 Parce qu'on se souvient que la participation a été assez bonne aux européennes de 2019,
01:15 plus d'un électeur sur deux, 50,1%.
01:17 Là on retomberait autour de 45% et il y a plus inquiétant.
01:21 Votre sondage il est très intéressant quand on regarde les moins de 35 ans.
01:24 Parce que sur les moins de 35 ans, on s'aperçoit qu'il y en a un sur trois seulement qui envisagent
01:29 d'aller voter.
01:30 C'est extrêmement peu, c'est très bas.
01:31 Et quand on regarde ce qu'ils envisagent d'aller voter, donc moins de 35 ans, c'est
01:35 massivement pour les extrêmes, pour LFI ou pour le Rassemblement National.
01:39 Donc on a quand même collectivement raté quelque chose.
01:41 Si tu lis le livre que je sors aujourd'hui, effectivement j'ai voulu regarder ce qui
01:45 se passe.
01:46 On a quand même un zapping électoral, toute une partie de la France qui a décroché massivement
01:51 des urnes.
01:52 Donc on a raté quelque chose.
01:53 Un ministre me disait dans mon enquête, ce qui nous pend en est aujourd'hui, les politiques
01:58 c'est d'être vu comme des pantins qui s'agitent et qui ont moins de pouvoir que
02:01 Cyril Hanouna.
02:02 C'est exactement ça.
02:03 Aujourd'hui, il y a un sentiment d'impuissance de la politique.
02:05 Donc les gens ne vont plus voter hors ces européennes.
02:07 C'est quand même des élections qui se déroulent alors que c'est la première fois que la
02:11 guerre est revenue sur le territoire européen.
02:13 Elles ont une importance majeure.
02:14 Ce sont les élections américaines qui arrivent aussi.
02:16 Exactement.
02:17 Ce qui rajoute de la pression évidemment sur ce scrutin.
02:20 Thomas Legrand, qu'est-ce qui vous a marqué dans cette deuxième vague de l'enquête
02:26 Le Parisien, Ipsos, France Inter ?
02:29 D'abord, la stabilité très haute et très puissante de l'extrême droite qui avoisine
02:34 presque les 40% si on additionne Jordan Bardella et Marion Maréchal.
02:39 Ça c'est très important.
02:42 Et puis évidemment, il y a les deux suivants avec une bataille qui se profile pour la
02:50 seconde place.
02:51 Une stabilité, et on pourra y revenir sur les raisons de cette stabilité assez basse
02:56 de la candidate de la majorité présidentielle.
02:58 Et puis Raphaël Glucksmann en dynamique.
03:00 Une dynamique, ça fait quand même trois semaines maintenant qu'il est autour de 14.
03:04 Ce n'est pas une dynamique non plus explosive.
03:06 Là, il prend un 5.
03:09 Mais il y a ce petit match.
03:12 Et puis enfin, il y a quand même quatre candidats.
03:15 Marine Tendelier pour les écologistes, Manon Aubry pour LFI, François-Xavier Bellamy pour
03:20 Les Républicains et Marion Maréchal qui sont dans la zone un peu dangereuse.
03:23 Au-dessus de 5%.
03:25 Je rappelle qu'en dessous de 5%, vous n'avez aucun député.
03:29 Au-dessus de 5%, vous avez 5 ou 6 députés.
03:32 Ceux-là sont en zone dangereuse.
03:36 Et si on prend les choses dans l'ordre, la position très forte du RN, alors que Jordane
03:43 Bardella ne fait pas vraiment campagne plus.
03:48 Comment ça vous l'expliquez ?
03:50 Sondage, il est très intéressant ce qu'il montre les motivations de vote.
03:53 C'est quoi les motivations de vote ?
03:55 Pouvoir d'achat, immigration, sécurité en 5.
03:58 Ce sont des thématiques où le Rassemblement national surfe dessus.
04:02 Le candidat attrape tout, ce qui vient de se passer dans l'heure.
04:06 On a l'impression que tout vient agréger sur la campagne du RN.
04:10 Ça s'explique.
04:11 Ce que disait Nathalie tout à l'heure sur l'impuissance des politiques.
04:16 On a l'impression que quand on vote pour nos représentants, ils n'ont plus les manettes.
04:21 C'est une impression assez générale.
04:23 Ce qui fait que la prime à celui qui n'a jamais gouverné, la prime à celui qui dit
04:28 qu'il faut retrouver de l'autorité en tout, est assez évidente.
04:34 Et puis surtout, ces élections, les élections européennes, on sait qu'on peut mettre
04:38 des bulletins dans l'urne.
04:39 Ça ne va pas changer nos vies quotidiennes de demain.
04:42 Ce ne sont pas des gens qui vont aller au gouvernement, même si on sous-estime à mon
04:47 avis le pouvoir de l'Europe.
04:48 On devrait peut-être un peu plus l'expliquer.
04:50 C'est une élection dans laquelle on peut un peu se défouler.
04:53 Il y a aussi une motivation très importante, c'est l'opposition au gouvernement.
04:57 La prime à celui qui apparaît comme l'opposant le plus fort.
05:05 C'est intéressant d'ailleurs de remarquer que l'opposant le plus fort n'est pas
05:08 celui qui crie le plus fort, contrairement à ce que peut croire Jean-Luc Mélenchon,
05:13 qui se trompe à mon avis dans sa stratégie.
05:14 Oui, le sondage le dit d'ailleurs, c'est très intéressant.
05:17 Oui, dans les raisons du vote, le Proche-Orient et le dernier Italie.
05:23 Pari perdant de Jean-Luc Mélenchon.
05:24 Et même quand on regarde dans son propre électoral, les motivations de vote, c'est
05:27 pouvoir d'achat, inégalité sociale, environnement, les thématiques.
05:30 Il essaie de porter désespérément Manon Aubry, malgré Jean-Luc Mélenchon.
05:34 La liste de Valérie Ayé est l'objet, selon vous Nathalie Chuc, d'un vote sanction ?
05:39 C'est Emmanuel Macron qui est l'objet d'un vote sanction.
05:42 D'ailleurs, on parlait du Rassemblement National.
05:44 Ils n'ont pas besoin de faire campagne.
05:46 Les cadres du ARN le disent clairement.
05:48 Ils disent "mais nous, on ne va pas s'embêter à faire un programme.
05:50 On dit juste un truc, référendum anti-Macron.
05:53 Voilà, vote sanction, venez voter, venez vous défouler, venez sanctionner le président
05:57 de la République.
05:58 Donc Valérie Ayé, elle paye ça.
05:59 Et donc la grande question qui va se poser, c'est est-ce que c'est une très bonne
06:02 idée de polariser le débat avec un débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella, voire
06:09 même pourquoi pas entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron ? Ou est-ce qu'au contraire,
06:13 ça ne risque pas de fragiliser encore plus la liste ?
06:15 On accuse beaucoup Valérie Ayé de faire une mauvaise campagne.
06:18 Mais qui l'a plombée ? En fait, c'est l'exécutif qui, à force de tirer à droite
06:22 dans sa politique, a ouvert un espace sur sa gauche à Raphaël Glucksmann.
06:26 Donc ça peut mal se finir.
06:28 Thomas Legrand.
06:29 Vous avez reçu cette semaine Pascal Canfin, qui représente un peu l'aile gauche de
06:32 la Macronie, qui en Europe était l'artisan du Green New Deal et qui vient aujourd'hui,
06:38 il y a trois jours ici, dire "attendez, on fait des choses bien à gauche".
06:42 En fait, la Macronie de gauche serait à Bruxelles et la Macronie de droite serait à Paris.
06:47 C'est assez compliqué pour les électeurs.
06:49 Finalement, si vous vous mettez dans la tête d'un électeur, les électeurs socialistes
06:53 habituels qui font 20%, ça fait longtemps qu'ils ne se sont pas exprimés ainsi, mais
07:00 en tout cas, ils ne sont pas décédés.
07:02 Le socialiste modéré, le social-démocrate, ils sont toujours vivants.
07:06 Où est-ce qu'ils sont ? Ils ont voté 1,5% pour Martin Aubry.
07:12 Ils étaient chez Macron.
07:13 Ils étaient chez Macron parce qu'ils voulaient sauver la République.
07:15 À chaque fois, il fallait sauver la République.
07:17 Là, il n'y a pas besoin de sauver la République puisqu'on n'élit pas des présidents,
07:21 des députés, on élit des gens qui vont aller à Bruxelles.
07:23 Donc, les gens peuvent voter ce qu'ils veulent et ceux qui ont voté Macron et qui
07:28 se sentaient un peu de gauche, un peu rocardiens, doloristes, etc., ils ont un débouché avec
07:34 Raphaël Glucksmann.
07:35 On voit bien qu'il y a un vote utile Raphaël Glucksmann à gauche.
07:38 Qui vient de gauche aussi parce que ceux qui ont voté Mélenchon au premier tour.
07:41 Justement, quand on regarde la structuration du sondage, c'est le candidat vote utile,
07:45 Trap'tou à gauche, qui va récupérer des voix chez Emmanuel Macron.
07:48 Les macronistes de gauche qui reviennent, ils récupèrent des voix chez Yannick Jadot
07:52 et chez Jean-Luc Mélenchon.
07:53 Alors justement, moi j'ai une question sur les écologistes qui font moitié moins que
07:59 Yannick Jadot il y a cinq ans.
08:02 Là, on parle d'intention de vote dans un cas et d'un vote acquis dans l'autre.
08:07 Mais voilà, c'est moitié moins.
08:09 Quand on compare les chiffres, ce recul se vérifie en Europe aussi.
08:14 Comment l'expliquer ?
08:15 La préoccupation environnementale est dans la tête de tout le monde.
08:21 C'est un acquis.
08:22 Mais comme on ne voit pas tellement de solutions, en tout cas les politiques n'arrivent pas
08:31 à nous proposer des solutions clés en main avec une vision globale qui pourrait retourner
08:35 la situation et qu'en même temps il y a la guerre aux portes de l'Europe, il y a
08:41 diverses crises, il y a une sorte de fatigue.
08:44 Ça y est, on a compris, c'est vrai, ça va se réchauffer, on a compris.
08:46 Bon ben voilà, on essaye de changer, on essaye de faire un mix énergétique différent.
08:51 On est en train de faire cette transition, mais arrêtez de nous angoisser avec ça.
08:57 Et donc, c'est une préoccupation qui devient secondaire.
09:01 Et Marine Tondelier, il ne faut pas tomber sur Marine Tondelier la personne, c'est
09:05 la situation et la situation de l'écologie dans le débat politique qui est à l'attalé
09:11 chouet.
09:12 Oui, dans les motivations de vote, l'environnement, ça n'arrive qu'en quatrième position.
09:14 Ça veut dire que dans la tête des électeurs, la fin du mois, c'est plus important que
09:16 la fin du monde pour les européennes.
09:18 Et surtout, les Verts aujourd'hui ne sont pas crédités du fait d'être le parti
09:22 qui peut faire changer les choses sur l'environnement.
09:24 C'est leur drame.
09:25 Aujourd'hui, on ne se dit pas qu'en votant pour eux, d'un seul coup, paf, on va faire
09:28 avancer les choses.
09:29 C'est terrible.
09:30 Il y a d'autres listes qui sont davantage créditées que de ce phénomène-là.
09:33 Donc on va plus voter pour Glucksmann parce qu'on a envie de faire avancer les choses
09:37 sur le plan de l'écologie ou pour la liste d'Emmanuel Macron.
09:39 Certainement pas pour celle de Jean-Marie Bernard.
09:40 Les écologistes sont vus comme des lanceurs d'alerte, mais l'alerte a été donnée,
09:43 tout le monde est au courant.
09:44 Après, les solutions sont plus compliquées.
09:46 Un dernier mot sur François-Xavier Bellamy et Marion Maréchal qui se disputent un segment
09:53 très particulier de l'électorat.
09:55 Quel est l'enjeu de ce match ?
09:57 Il y a un segment, quand on voit Marion Maréchal autour de 7%, c'est à peu près ce qu'avait
10:03 fait Éric Zemmour à la présidentielle.
10:06 Sociologiquement, c'est très typé.
10:08 C'est un électorat riche, aisé, à bon point, pour caricaturer.
10:14 Donc ce vote-là est autour de 6 ou 7%.
10:19 C'est vrai que la personnalité, le discours assez conservateur, quelquefois un peu réactionnaire,
10:26 même s'il est plus ouvert et plus avenant de François-Xavier Bellamy, peut chevaucher
10:31 un peu.
10:32 Là, c'est de la sociologie.
10:33 L'enjeu pour les Républicains est très costaud.
10:35 Ça voudrait dire que si cette famille s'enracine à 6, 7%, voire même sous les 5%, ce n'est
10:42 plus le métro à 5h du soir.
10:43 Et effectivement, on se souvient qu'il y a eu le dernier président qui était Nicolas
10:47 Sarkozy, donc ça veut dire que c'est devenu un parti de supplétifs, menacés très fortement
10:51 d'explosion après les européennes, si jamais le score n'est pas bon.
10:53 Eux, ils jouent leur peau.
10:55 Nicolas Demorand : merci à tous les deux.
10:57 Nathalie Chuh, grand reporter au point, grand reporter politique, vous publiez aujourd'hui
11:01 « Les naufrageurs, comment ils ont tué la politique » chez Robert Laffont.
11:05 Thomas, merci.
11:06 Thomas Legrand, votre émission samedi consacrée au souverainisme.