• il y a 7 mois
Transcription
00:00Vincent Lindon présente le nouveau film de Quentin Dupieux en ouverture du Festival de Cannes ce mardi 14 mai.
00:04Avant qu'il y aille, on lui a soumis un questionnaire cinéma.
00:0640 questions, des faciles, des plus durs, des débiles, des pièges et des vrais dilemmes.
00:11Bref, 40 questions, cinéma, avec Vincent Lindon.
00:16Est-ce que les réalisateurs qui vous demandent de faire beaucoup d'impro et on verra pour le texte plus tard, ça vous gonfle ou pas ?
00:21D'abord, ça arrive très rarement et en plus, je ne crois pas à l'improvisation.
00:23Je pense que l'imprévu n'a jamais été aussi fort que quand tout est prévu.
00:28C'est quand on sait son texte par cœur et qu'on maîtrise absolument le circuit,
00:32qu'on peut commencer à prendre des risques et prendre des virages différemment.
00:35Donc l'improvisation, en fait, c'est de l'improvisation à mort qui après devient l'improvisation.
00:39Vous avez commencé votre carrière avec un petit boulot qui a été être machiniste pour Coluche.
00:43Oui, Rodi.
00:44Quel souvenir vous avez de cette expérience-là ? Est-ce que c'est encore quelque chose de présent chez vous ?
00:47C'est très, très présent. C'est un des plus beaux moments de ma vie.
00:50J'avais 20 ans, c'était en 81, 80, 80 et demi exactement.
00:55Et on faisait la tournée de toutes les villes de France dans des chapiteaux de 5000 personnes.
01:00Et mon boulot consistait à arriver à 4 heures dans le chapiteau,
01:03mettre trois bouses en marche et faire 1, 2, 1, 2.
01:07Et après, j'étais au premier rang et dès que quelqu'un se levait pour faire une photo,
01:10je marchais sous la coulisse et je disais pas de photo, pas de photo s'il vous plaît.
01:13Et après, on avait tous dîné au restaurant avec Coluche et toute son équipe.
01:16Et c'est là que j'ai fait mes armes, que j'ai tout.
01:19J'ai vu une sorte de monstre, une star énorme,
01:22un être exceptionnel, d'une intelligence redoutable,
01:26qui avait le sens de la formule des raccourcis.
01:28Pour moi, un des génies du 20e siècle.
01:33C'était extraordinaire et il était très, très gentil.
01:36Moi, il m'a pris ce sacoupe. On était 10 en tout.
01:40Donc, on circulait avec trois véhicules américains.
01:42Il avait une folie pour les voitures américaines et il y avait marqué Coluche en gros sur le camion.
01:46Donc, quand on arrivait dans les villes, j'étais quasiment... On était star, quoi.
01:49On partait le lundi matin, il faisait un show le lundi soir,
01:54mardi soir, mercredi soir, jeudi soir, vendredi soir.
01:57Et samedi soir, après le show, il essayait que ça ne soit pas trop loin de Paris.
02:00Tout le monde rentrait en voiture et on allait dîner chez lui à Rue Gazan.
02:03Et là, je croisais des gens. C'était incroyable.
02:06Il y avait Patrick Devay, Robert Van Inter, Renault.
02:11C'est incroyable.
02:13J'avais 20 ans, je voyais ça et j'étais comme sur une autre planète.
02:16Est-ce que vous avez le souvenir d'un film qui, dans votre enfance, vous a traumatisé,
02:20le terme était un peu fort, mais disons qui vous a profondément marqué ?
02:22Le Clan des Siciliens, de Verneuil, avec Alain Delon, Lino Ventura et Jean Gabin.
02:29À quel âge ?
02:298 ans. Mon oncle nous a emmenés au cinéma à 8 ans.
02:32Voir ça, il s'est fait insulter par ma mère quand on y est rentrés.
02:36Elle pensait qu'on allait voir un Walt Disney.
02:39Ah oui, on allait voir un Walt Disney.
02:40Oui, là, j'ai pris un gros coup.
02:42Quelle est votre salle de cinéma préférée ?
02:43Je ne sais pas, je m'en fous.
02:45Ah ouais ? Vous n'avez pas un petit lieu, un endroit où vous allez régulièrement ?
02:48Non, je vais au cinéma.
02:49C'est quoi le dernier film qui vous a vraiment mis une gifle ?
02:51Là, on va faire de sérieux interviews parce qu'à chaque fois, les gens réfléchissent.
02:55C'est qui la personne que tu as vue juste avant ?
03:00Attends, je ne sais plus ce que j'ai vu.
03:02On reviendra à ça, je vais essayer d'avoir un deuxième cerveau qui va y réfléchir pendant les autres questions.
03:07Est-ce que vous considérez que la place de cinéma actuellement est trop chère ?
03:10Oui, j'ai répondu avant la fin.
03:12Mais vous saviez d'où est-ce que j'allais ?
03:13Parce que j'ai mon deuxième cerveau qui est occupé à savoir les derniers films que j'ai vus.
03:16Donc il y en avait un qui était sur le prix de la place aussi.
03:18Ce n'est pas que c'est trop cher.
03:20C'est que je pense que l'industrie cinématographique n'a pas encore trouvé
03:24un système intelligent pour justifier ce prix-là.
03:27Et je comprends que des gens puissent se dire
03:29mais c'est extrêmement cher vu tout ce qu'on reçoit à la maison sur les plateformes.
03:34Ce n'est pas pareil d'aller boire un verre au bar que de boire chez soi
03:38devant un écran où il y a un bar.
03:40Il manque quelque chose au cinéma.
03:41Alors, l'avantage c'est qu'on prend tous un film en même temps,
03:45en groupe dans une salle et ça c'est rassurant parce que...
03:48Mais en même temps les gens ne se parlent pas en sortant.
03:50Donc c'est comme si on allait à 100 dans une salle ou à 200 ou à 300
03:54pour voir le même film en se disant on va découvrir tous ensemble,
03:57en communauté, une émotion qu'on va aimer ou pas aimer
04:01mais en sortant personne ne se connaît, personne ne se parle.
04:03Je pense qu'il y a un lien à créer avec les gens,
04:06qui est d'ailleurs le drame du siècle,
04:08c'est qu'il n'y a plus de lien, il n'y a plus de service militaire.
04:10Donc des gens de différentes classes sociales ne se croisent plus,
04:13il n'y a plus de mixité et c'est pour ça que le monde s'éclate.
04:16Et il y a pareil au cinéma, il y a pareil même dans les musées,
04:19personne ne se parle, personne ne...
04:22On n'a pas trouvé le lien qui fait qu'à la fin du film
04:26il y a un passage obligatoire pour que les gens se parlent.
04:29Je ne sais pas comment faire.
04:30Enfin, on dirait que je suis...
04:33Je n'ai rien à faire moi d'ailleurs, je ne sais pas comment faire.
04:35Est-ce que vous avez en tête un film qui a été particulièrement difficile à tourner ?
04:38Oui, plusieurs, difficiles...
04:41Pas en ambiance, j'ai toujours eu une chance incroyable,
04:44j'ai toujours adoré partir le matin et aller sur des plateaux pour tourner,
04:48mais en difficulté de peur de rôle.
04:50Oui, j'ai eu la série d'Argent et de Sang,
04:54où j'avais beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup de textes.
04:57Et quand vous arrivez le matin
04:59et que vous avez 500 informations à donner précises,
05:02puisque vous êtes patron du SNDJ,
05:06ça fout les...
05:07ça fait peur quand même.
05:09Et Titan, pas mal, assez peur pour Titan, oui.
05:13Et le film de Quentin Dupieux, là,
05:15beaucoup de textes à savoir,
05:17et c'est des plans-séquences, donc on a valoré l'erreur.
05:20C'est un peu comme les cascades, c'est-à-dire que...
05:25Si une fois qu'on est à l'hôpital,
05:27entouré de bandes d'eau, on fait...
05:29Je l'ai raté, c'est embêtant.
05:31Est-ce que vous avez un truc pour vous aider à apprendre votre texte, justement ?
05:35Non.
05:36C'est facile ?
05:36De pire en pire.
05:38Comme tout.
05:38C'est de pire en pire à apprendre.
05:40J'ai de plus en plus peur.
05:42Je doute de plus en plus.
05:44Et je pense de plus en plus que je suis un des urbateurs.
05:47J'ai l'impression que je fais de mieux en mieux quelque chose que je...
05:49Pas que j'aime de moins en moins, mais que je...
05:52Je connais de plus en plus, donc...
05:54Oui, je sais le mal que ça fait.
05:57Et je sais le bien que ça fait aussi.
05:58Je sais la difficulté que c'est de le faire.
06:00Et donc, à chaque fois que je vais commencer un film,
06:02j'ai encore plus peur.
06:04Le matin, le premier jour, ça devient quasiment intenable.
06:08Et en fait, quand on me dit « mais t'arrêteras quand ? »,
06:11je réponds toujours « le jour où je pourrais pas y aller ».
06:14C'est comme remonter sur un ring.
06:16Le jour où la peur dépassera le plaisir.
06:20La peur de la douleur, de prendre un coup, dépassera l'envie d'en donner un.
06:23C'est une métaphore, évidemment.
06:24J'aime bien les métaphores de sport parce qu'elles sont...
06:26Il y a des phrases formidables quand on dit « j'ai raccroché les gants »,
06:29« j'ai quitté la piste ».
06:30Il y a des trucs pas mal, quand même, en sport.
06:32Est-ce que le cinéma est éminemment politique ?
06:34La vie est éminemment politique.
06:35Tout est politique pour moi.
06:36Comment on s'habille, ce qu'on dit.
06:38Venir à Combini plutôt qu'à une autre plateforme,
06:44des endroits où on va.
06:45Le cinéma, oui, c'est très politique.
06:47Les livres, c'est politique.
06:47La culture, c'est politique.
06:48Enfin, en tout cas, je l'espère et je déplore quand elle ne l'est pas.
06:52Et je pense qu'il y a de la politique dans les films, beaucoup.
06:54Mais par contre, ce que j'aime énormément dans les films,
06:56et c'est cela que j'affectionne le plus,
06:59c'est les films qui posent une question au spectateur,
07:01mais qui ne donnent pas la réponse.
07:03Je déteste les films qui donnent des ordres, insidieusement.
07:06Les films qui disent « ça, c'est bien, ça, c'est pas bien,
07:09ça, il faut que tu penses comme ça ».
07:11Ce qu'on appelle le manichéisme, le pathos, mais bien déguisé.
07:14Ça, ça ne me plaît pas.
07:16J'aime les films où les gens sortent, sont encore dans le film,
07:21rentrent chez eux et se disent « mais qu'est-ce que j'en pense, en fait ?
07:23Qu'est-ce que je fais avec ce que j'ai vu ?
07:26J'ai envie d'être d'accord en même temps, c'est ça qui m'intéresse ».
07:29Est-ce que vous avez déjà ramené des souvenirs de tournage ?
07:31Si j'ai une chemise qui me va bien et qui me plaît,
07:34et qui est une chemise normale à mettre,
07:36oui, à la fin du tournage, j'aimerais bien garder les chemises.
07:39Mais ce n'est pas des chemises en me disant « ah ça, je me souviens, c'est le tournage de… »
07:42Je ne suis pas du tout fétichiste.
07:44En fait, j'étais très superstitieux avant, quand j'étais plus jeune,
07:47et j'avais un peignoir que j'adorais, que j'avais récupéré sur un film,
07:50et il m'arrivait pas mal de belles choses.
07:52Et un jour, je me suis dit « si je perds ce peignoir, tout va s'écrouler ».
07:56Donc le peignoir était en ambeau à la maison.
07:59Un peignoir, ça peut être en ambeau.
08:00Et un jour, la dame qui travaillait à la maison a pris le peignoir,
08:03l'a décidé de son propre chef, elle a dit « ça va, c'est le peignoir, y'en a marre, poubelle ».
08:08Et je suis rentré et je n'avais plus de peignoir.
08:09Alors je lui ai dit « mais qu'est-ce que t'as fait avec ton peignoir ? »
08:11Elle a dit « je trouvais qu'il était trop usé, j'ai jeté ».
08:13Je lui ai dit « mais vous rigolez, vous avez jeté ma vie, là, c'est ma vie ».
08:16Et en fait, la vie a continué, voilà.
08:19J'ai une question un peu difficile.
08:21À part « Sans filtre »,
08:22quels sont les films que vous avez particulièrement aimés
08:24quand vous étiez président du jury à Cannes en 2022 ?
08:26C'est la vie des festivals, c'est la vie des récompenses,
08:30des concours, des compétitions.
08:31C'est le talent, mais c'est aussi la faute, la pas de chance.
08:35C'est aussi grâce à coups de chance.
08:36C'est très injuste, une remise de prix.
08:39Ça arrive à tous les présidents de jury, à un moment,
08:42il y a un truc qui vous échappe.
08:44Et il y a un film que j'avais adoré qui s'appelait « Leïla's Brothers ».
08:47Ah bien sûr.
08:48Et cette expérience, par contre, d'être président d'un jury à Cannes,
08:51avec en plus un très beau cru, parce qu'il y a quand même eu beaucoup de beaux films.
08:54D'abord, c'est un honneur parce qu'en France, on n'a pas été beaucoup.
08:58C'est une responsabilité colossale parce qu'on prend conscience
09:03qu'on va probablement changer la vie d'êtres humains.
09:07Les sept personnes qui vont avoir un prix, leur carrière est bouleversée.
09:12On a une responsabilité qui est colossale.
09:14Ce qui est très difficile, c'est de gérer le fait qu'on va voir des films
09:18tel jour, à telle heure, dans telle ambiance.
09:21Et que je sais, pour faire ce métier depuis très longtemps,
09:23que l'humeur compte beaucoup.
09:25On ne voit pas un film pareil le matin si votre fille vous a annoncé qu'elle a eu son bac,
09:31que si elle vous a annoncé qu'elle est recalée.
09:33On ne voit pas un film pareil si la personne avec qui on vit,
09:36on est à l'unisson ou si c'est après une nuit de dispute
09:40sur un détail de l'un ou de l'autre qui fait que ça a été ce qu'on appelle une « boucherie ».
09:45On ne voit pas le film pareil, on n'a pas envie d'aimer pareil, la tête est occupée.
09:47Quand on est heureux socialement, on a envie d'aimer.
09:51On est amoureux des choses, on a envie de partager,
09:54on a envie de redonner un débordement de choses qui nous sont arrivées.
09:59Quand on n'est pas content et qu'on est malheureux ou énervé ou triste,
10:04on peut avoir envie de se dire « ma sortie de secours, c'est aussi de donner...
10:09c'est comme ça que je vais me reconstruire ».
10:11Enfin bon, à 8h30 du matin dans une salle à Cannes,
10:14on n'est pas non plus dans un cabinet de psychanalyse.
10:16Et donc, on peut prendre un film qui aussi touche à un problème
10:20qu'on n'avait pas envie de voir ce matin-là, on fait « non, non, j'ai pas envie de ça là ».
10:24Mais oui, mais il est programmé à cette heure-là.
10:25Donc c'est très, très difficile et très compliqué.
10:28Est-ce que ce que les gens pensent de vous compte ?
10:30Énormément et pas du tout.
10:31Comme disait mon père, je prends tout au tragique, rien au sérieux.
10:34C'est tragique, mais franchement, c'est pas sérieux, c'est pas grave.
10:38Si vous me demandez si je préfère qu'on m'aime que si on ne m'aime pas, oui.
10:41Si vous me demandez si je suis capable de faire beaucoup d'efforts pour qu'on m'aime, oui.
10:43J'adore être aimé par les gens, je fais ce que je peux, chacun fait un bout de route.
10:48Moi, j'essaie d'être quelqu'un d'aimable.
10:51Aimable, ça veut dire que déjà j'essaie de faire des choses qui ne sont pas non aimables.
10:53J'essaie de ne pas m'enfermer, de ne pas présenter un personnage qui se protège.
10:56Je n'ai aucun intermédiaire entre moi et les gens.
10:58Il n'y a pas de secrétaire, il n'y a pas d'assistant, il n'y a pas d'attaché de presse,
11:02il n'y a pas de coiffeur, il n'y a pas de maquilleur, il n'y a pas de garde du corps,
11:05il n'y a pas de lunettes de soleil vide teinté, il n'y a rien.
11:09Il y a moi.
11:10Donc ça déjà, je pense que l'être humain est terriblement soucieux de ça.
11:14C'est-à-dire que plus on met des lunettes de soleil, plus il y a marqué
11:18« Aujourd'hui, ce n'est pas le jour à m'emmerder », plus les gens, les gens dont moi,
11:22sont comme des animaux et se disent « Ah, ce n'est pas le jour à t'emmerder ? »
11:25Eh bien, on va venir t'emmerder justement.
11:27Alors que si vous montrez, vous affichez un personnage qui fait « Vous pouvez venir, on peut parler,
11:32je n'ai aucun souci, j'adore être dans la rue avec tout le monde »,
11:35il y a un inconscient peut-être chez les gens qui fait
11:38« Tu sais quoi, Chantal, ça ne vaut même pas la peine d'aller l'emmerder parce qu'il est d'accord. »
11:42Je pense qu'il y a ça.
11:43Donc, après, oui, j'adore, si vous me demandez,
11:47j'adore prendre le train et croiser les gens qui disent « Ah, monsieur Adam,
11:51je voulais vous dire, je vous adore. »
11:52Et continuez comme ça, ne changez pas.
11:53On aime bien ce que vous dites, on aime bien ce que vous faites.
11:55Mais oui, c'est des petites fleurs, des petites marguerites qu'on vous donne,
11:59c'est plus agréable que pas.
12:00Mais je ne suis pas prêt à tout.
12:03Si je ne suis pas d'accord avec quelqu'un et que je dois me disputer avec lui
12:06et qu'après, il ne doit pas m'aimer,
12:08je préfère de loin me disputer, dire ce que j'ai à dire
12:11et ne pas laisser dire quelque chose par quelqu'un.
12:13Si je ne suis pas d'accord ou je trouve que c'est honteux,
12:15pas à mon égard à moi, moi, je m'en fiche.
12:17Mais que quelqu'un parle mal de quelqu'un qui m'est cher ou que c'est injuste,
12:21je me fous complètement des conséquences,
12:23voire même je me réjouis de ne pas être aimé par cette personne.
12:27Est-ce que les plateformes aident ou sont une menace pour le cinéma ?
12:30Je n'en sais rien du tout, je n'y ai pas réfléchi.
12:32C'est ma réponse.
12:33Et ce n'est pas du tout une réponse où je me plante.
12:35Je n'en ai pas la moindre idée.
12:36Certains vous diront que l'abondance et la profusion activent la demande.
12:40D'autres vous diront que trop d'offres freinent la demande.
12:44Franchement, je ne sais pas du tout.
12:46Je n'ai pas la moindre idée.
12:47Quand vous allez au cinéma, est-ce que vous allez juste comme ça
12:49ou est-ce que vous avez vos petits rituels, vos petites pop-corn, boissons, machins ?
12:52Est-ce que vous mangez devant les films ?
12:54J'essaye que non.
12:56Mais par contre, si j'attaque un paquet d'M&M, je suis foutu.
13:01Comme tout le monde.
13:02Non, non, mais moi, je suis foutu, foutu.
13:04Ce n'est pas foutu, je prends le grand sac.
13:06C'est foutu, je sors pour en chercher un autre.
13:09Je ne suis pas bien, quoi.
13:10Il y a une addiction quelque part.
13:11Voilà, donc je ne prends pas.
13:12J'ai une vraie interrogation et vous représentez quelque chose
13:14que je trouve rare dans le paysage médiatique aujourd'hui.
13:16Est-ce que c'est difficile d'être un artiste reconnu et être de gauche ?
13:18Si, ça veut dire encore quelque chose.
13:19Votre question va être…
13:20On l'entend.
13:21Ah, très bien, parce que sinon, ils ne vont rien comprendre les gens.
13:24Alors, je ne sais pas ce que ça veut dire être de gauche.
13:26Moi, les êtres humains qui m'intéressent,
13:28ce n'est pas forcément des gens qui sont socialistes,
13:30c'est des gens qui sont sociaux.
13:31Savoir si quelqu'un est de gauche économiquement,
13:33mais qu'il ne parle pas bien à un serveur,
13:36ou qu'il ne parle pas bien à un assistant avec qui il travaille,
13:39ou qu'il n'est pas gentil avec les gens qui sont de souche sociale en dessous de lui,
13:44il peut être socialiste, ça ne m'intéresse pas du tout.
13:46En revanche, si il est capitaliste, mais qu'il parle bien aux gens,
13:49et qu'il respecte les artisans, les agriculteurs, les infirmières,
13:53les policiers, les pompiers, enfin tout ce que vous voulez.
13:55Donc, ça ne veut rien dire être de gauche.
13:56Il y a des gens, comme disait Ludo Ventura,
13:58dans la vie, il y a des gars sympas et il y a des gars pas sympas.
14:00Je vous dis la vérité, puisque vous allez garder toutes les réponses,
14:03je ne comprends pas du tout votre question.
14:05C'est une question qui ne m'a jamais même effleuré le cervelet.
14:09Vous ne voyez pas la droitisation de la sphère publique ?
14:13Mais là, vous me posez une question à moi.
14:14Oui.
14:15Vous me demandez si c'est dur d'être… En gros, qui je suis ?
14:17Non, ce n'est pas dur d'être qui je suis,
14:19parce que si c'était dur d'être qui je suis, je ne serais pas moi.
14:21Je changerais.
14:21Je vous réponds ce que j'ai envie de répondre,
14:23je dis ce que je veux à qui je veux,
14:24à l'heure où je veux, ça me coûte ce que ça me coûte.
14:26En revanche, si vous me demandez si je suis un homme qui souffre,
14:30alors j'ai envie de vous dire que je suis un peu une sorte de définition de la mélancolie,
14:36c'est-à-dire le bonheur d'être triste.
14:37Je suis parfois malheureux dans le bon sens.
14:40Tout ne va pas bien, mais le tout me va très bien.
14:45Est-ce que, vu tout ce qui se passe dans le monde actuellement,
14:47faire du cinéma et de l'art, de manière générale, ce n'est pas un peu vain ?
14:49Si vous me demandiez de refaire ma vie,
14:53c'est sûr que je préférais qu'on parle de moi en disant
14:56« Écoute, je vais essayer d'avoir un rendez-vous avec le professeur Lindon à la salpêtrière. »
15:01Je serais ravi.
15:02Mais est-ce que c'est vain ?
15:05Souvent, les gens à qui je dis ça me répondent
15:09« Oui, mais Vincent, vous faites du bien aux gens, vous leur donnez du rêve. »
15:15Oui, c'est vrai.
15:16Comment ça se fait que vous n'avez pas encore sauté le pas pour réaliser un long métrage ?
15:20Parce que j'ai construit ma vie toujours en contre.
15:22Très bizarrement et inconsciemment.
15:25Tout le monde fait des films, donc je n'en fais pas.
15:27Tout le monde écrit un livre, donc on m'a proposé 30 fois, je n'en fais pas.
15:30Tout le monde a des réseaux, donc je n'en ai pas.
15:32Tout le monde fait de la pub, donc je n'en fais pas.
15:34Tout le monde a des assistants, donc je n'en ai pas.
15:36Et voilà.
15:38Peut-être que ça relève d'un orgueil démesuré.
15:44C'est possible.
15:44C'est-à-dire ce petit animal intérieur qui dit
15:50« Je ne mangerai pas de votre pain. »
15:54J'ai des très gros défauts, peut-être celui-là.
15:56Ou alors je m'arrange avec ça, parce que ça m'arrange en fait.
16:00Ça montre une vraie flemme et une vraie trouille de rater.
16:04Parce que quand vous faites votre premier film et que vous le ratez,
16:08ce n'est pas marrant.
16:09Surtout quand votre carrière d'acteur ne se passe pas trop mal,
16:11tu te dis « Pourquoi je vais aller tout foutre en l'air, moi, comme ça ?
16:16Peut-être que j'ai démarré trop tard.
16:17Peut-être que j'aurais dû le faire à 38 ans.
16:20C'est un peu comme quand on va acheter quelque chose
16:24et que le prix n'arrête pas d'augmenter.
16:26Et quelqu'un vous dit quand même « Mais quand même, achète-le maintenant,
16:28parce que ça sera encore plus cher dans deux ans. »
16:30« Oui, mais là, tu ne te rends pas compte, je l'aurais acheté il y a dix ans. »
16:32« Ben oui, mais c'est ce que tu diras dans dix ans. »
16:34Il y a dix ans.
16:34Après, évidemment, ça ne rate pas.
16:35« Et bien, je ne l'ai pas acheté il y a dix ans. »
16:37Moi, ma vie, elle est très simple.
16:38Mon hobby, ma seule passion réellement,
16:42à part mes enfants, ma famille, les gens que j'aime,
16:48ma passion, c'est faire rien.
16:51Mais ce n'est pas rien faire.
16:52Faire rien, ce n'est pas rien.
16:53Rien, c'est quelque chose.
16:55C'est boire des verres, dans les terrasses et café.
16:57C'est prendre un apéro tous les jours.
16:59C'est discuter de tout jusqu'à pas d'heure.
17:02C'est être vingt à la campagne ensemble, aller au marché.
17:07En fait, je n'aime que ça.
17:08L'idée d'être occupé pendant deux ans par un film
17:12et de ne pas pouvoir tout d'un coup, à 19h,
17:15aller boire un coup de rouge,
17:18ça m'est impossible.
17:21On n'a qu'une vie, j'en ai qu'une.
17:23Ça me paraît impossible qu'on me dise
17:25« Alors, ton film, Vincent, tu vas pouvoir le tourner. »
17:28C'est juillet-août, à Budapest.
17:30Juillet-août, c'est-à-dire les vacances, donc.
17:33À Budapest.
17:34Très, très, très loin de ma planche A, en fait.
17:35C'est impossible.
17:38Quel est le film de Quentin Dupieux que vous préférez ?
17:39Je ne réponds pas à ces questions. Jamais.
17:41Ce que je déteste, quand on me la pose sur moi,
17:44ça ne veut rien dire, « préféré ».
17:48J'ai bien l'impression que celui-là, ça va être un de mes préférés.
17:50Est-ce que vous prouvez que, quand vous faites des interviews comme ça
17:52et qu'on vous parle de votre carrière, de tous les rôles que vous avez fait...
17:54Ça m'ennuie profondément, je mens.
17:56Est-ce que vous trouvez qu'il y a un rôle dont on n'évoque pas assez,
17:58dont vous êtes vraiment fier ?
17:59C'est une bonne question, ça.
18:00Oui, il y a un rôle que j'aime beaucoup, beaucoup,
18:02qui n'est pas assez commenté.
18:03C'est un rôle dans un film de Xavier Giannulli
18:05qui s'appelle « L'Apparition ».
18:06J'adore ce film et il a eu du succès, mais on n'en parle pas assez.
18:09Quand, tout d'un coup, l'attaché de presse me dit,
18:12« Bon, dis-moi, pour le dossier de presse, il faudrait ta fille de mot,
18:14mais il faut 25 titres, on ne peut pas tous les mettre et lesquels on enlève. »
18:19Tout d'un coup, je vois celui-là, je fais, « Oh là là, je l'adore. »
18:23Voilà, « L'Apparition », je l'adore.
18:24C'est très bizarre, c'est un film très mystique,
18:26c'est un moment de ma vie et c'est ma rencontre avec Giannulli.
18:31Je n'ai pas ça avec les films de Stéphane Brisé
18:34ou avec les films de Claire Denis ou avec les films d'Alain Cavalier.
18:36J'ai beaucoup ça avec « L'Apparition ».
18:38Est-ce que quand on a une longue carrière...
18:40« L'Apparition » de Minuit aussi, d'Elphine Lez,
18:42« Augustine » d'Alice Vinocourt sur le professeur Charcot.
18:46Ce sont des films, j'aime bien quand on en parle, ça me fait plaisir.
18:50C'est bien votre question.
18:51« Mercredi, folle journée » de Pascal Thomas.
18:52Ce sont des films que j'aime beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup.
18:56Est-ce que quand on a une aussi grande carrière que la vôtre et qu'on est installé,
18:59est-ce qu'on peut avoir parfois peur de la jeunesse ?
19:02Je vais faire un bloc pour toutes les questions que vous allez me poser.
19:04J'ai peur de rien, de tout ça.
19:09J'ai beaucoup de peur.
19:11Je n'ai ni peur de la jeunesse.
19:12Au contraire, j'adore les jeunes.
19:14Je suis quasiment, bien qu'avec eux, je les trouve passionnants.
19:17Quand ils sont passionnants.
19:18Je n'ai pas peur d'être doublé.
19:20Je n'ai pas peur que ça s'arrête.
19:22Je n'ai pas peur de rater.
19:24Je n'ai pas peur que ça s'arrête.
19:26J'ai déjà dit, donc c'est vous dire à quel point je n'ai pas peur
19:28ou au contraire à quel point j'ai peur et je le cache.
19:30J'ai juste peur de ne plus être vif.
19:35Moi, je veux être vif.
19:36Je veux être à vif et vif.
19:37Je veux être là.
19:38L A accent et non pas être là L A S.
19:41Je veux être là.
19:43Il se passe un truc et je peux servir à quelque chose.
19:45C'est ça qui me plaît.
19:46Est-ce que vous avez déjà regretté d'avoir accepté un rôle ?
19:49Que ce soit pour la vie du film ou pour en fait arriver sur le tournage
19:51et vous rendre compte que ce n'est pas du tout ce que vous pensiez ?
19:53Non, je n'ai pas de regrets.
19:55Et pas de remords.
19:56J'ai des regrets et des remords psychologiques.
19:58Pas de cinéma.
19:59Jugé par Vincent d'aujourd'hui,
20:01j'ai des Vincent qui apparaissent de temps en temps.
20:03Je les regarde et je fais, les gars,
20:06ce n'est pas Jojo, Jojo, Jojo.
20:08Et donc, je pense que ça m'a beaucoup entraîné à devenir assez intransigeant.
20:13Et en fait, quand je suis comme ça, un peu redresseur de tort,
20:19en fait, que j'abois un peu, c'est contre moi, je pense.
20:23Un peu comme les anciens fumeurs qui emmerdent tout le monde parce qu'ils fument.
20:26T'as envie de dire, attends, tu fumais deux cartouches par semaine.
20:30Oui, mais justement, je peux te dire que je suis un peu comme ça.
20:33Est-ce qu'il serait bénéfique, nécessaire,
20:36je ne sais pas quel est le bon terme,
20:38que les acteurs, les actrices, les scénaristes
20:41se mettent en grève comme ce qu'il y a eu à Hollywood récemment ?
20:43Ça ne vous a pas échappé qu'en France, on n'est pas aux Etats-Unis ?
20:46Quel CNC, quelle avance sur recettes,
20:48que c'est le pays le plus beau du monde pour la culture,
20:52qui a 174 protections.
20:54Vous nous voyez descendre dans la rue pour protester
20:57parce qu'on n'a pas assez d'aide.
20:59C'est un pays, il faut le dire à un moment,
21:02il y a des milliards de problèmes et tout le monde râle,
21:04mais il y a des moments, il y a des choses formidables aussi en France.
21:07La culture est en dessous de ce qu'on voudrait qu'elle soit.
21:11L'intérêt que les dirigeants y portent est en dessous de ce qu'on a envie que ce soit.
21:16On a peur que la poule aux œufs d'or s'éteigne,
21:20mais de toute façon, c'est quand même un système culturel
21:25qui est basé sur des choses formidables.
21:26C'est le seul pays au monde,
21:27enfin en tout cas, ce n'est pas au monde,
21:29mais ce n'est pas le cas aux Etats-Unis,
21:31le metteur en scène est 100% décisionnaire.
21:35On ne fait pas un titre de film, une affiche,
21:37on ne sort pas une photo, on ne fait rien sans son accord.
21:41Et en même temps, vous nous expliquez la dernière fois que vous étiez venu ici
21:43que peut-être que l'un des problèmes qu'il y a actuellement dans le cinéma,
21:47c'est que les scénaristes sont obligés d'écrire très vite.
21:50Arthur, c'est la complexité du monde.
21:52C'est ça le problème.
21:53C'est que ce qui est génial est aussi terrible.
21:56Il n'y a pas d'avantage sans inconvénient
21:58et il n'y a pas d'inconvénient sans avantage.
22:00C'est pour ça que je reviens, parce que je retourne temps en temps sur mes pieds.
22:04C'est pour ça donc que je ne me suis même pas posé la question.
22:07Est-ce que vous pensez que l'intelligence artificielle a sa place dans la création artistique ?
22:10Donc vous voulez en fait, à combiner, que je réponde sur des questions
22:12qui vont changer la planète en 23 secondes.
22:15C'est ça votre... En fait, cette émission, votre truc,
22:18ce qu'on va faire, c'est qu'on va demander à Vincent des trucs très importants.
22:22Après, on verra, on va le monter un peu rapido avec des écrits en dessous
22:24pour que les gens sur les smartphones puissent comprendre ce qui se passe.
22:27On va lui parler donc de la bombe H.
22:30On va lui parler... Non mais ça ne va pas à la tête ou...
22:34Mais comment voulez-vous que je vous réponde à ça ?
22:36Est-ce que vous avez une place de prédilection au cinéma ?
22:38Moi, je sais que j'aime bien m'assurer sur le côté devant.
22:40Non, je m'en fous complètement.
22:41J'aime bien être devant, mais je m'en fiche.
22:43Je n'ai pas de place de prédilection.
22:44Est-ce qu'il y a un film que le commun des mortels adore
22:47et que vous ne comprenez pas ?
22:49Vous ne comprenez pas cette adoration ?
22:50Ah oui, oui, oui.
22:51Pareil, je vais...
22:52Ah oui, il y a des films où je n'en reviens pas.
22:55Des films qui sont adorés, mais qui me passent à des niveaux...
23:00Je ne comprends même pas.
23:01Moi, Clint Eastwood, One Million Dollar Baby,
23:04je me pose encore la question.
23:05Le type est boxeur, il a 60 ans avec un bras.
23:08Il bat un chanteur du monde qui a 20 ans.
23:12C'est un film de fou.
23:14Tout le monde a dit que c'est un chef d'oeuvre.
23:16L'hôpital où elle est opérée est le seul où on pourrait le lécher.
23:19Je me suis dit que c'est un hôpital amusé.
23:24Au début, il y a un boxeur qui est dans sa chambre à Harlem
23:28avec la télé et qui fait...
23:30avec des antennes.
23:31Il n'y a plus d'antennes depuis 1967.
23:34Hum...
23:37Je ne sais pas, c'est un film de dingue.
23:40Moi, personnellement, C'est un Zano, c'est quelque chose que je n'ai jamais compris.
23:43Je n'ai pas été le voir, mais je comprends très bien.
23:45Est-ce qu'il y a encore, à l'heure d'aujourd'hui, des gens avec qui vous n'avez pas collaboré,
23:48avec qui vous rêveriez de pouvoir retravailler ?
23:51Il y a beaucoup, beaucoup de gens avec qui je n'ai pas collaboré.
23:53Mais j'ai...
23:54Alors là, par contre, c'est un truc très spécifique à moi.
23:57Je m'empêche de rêver de travailler avec des gens
24:00parce que si le rêve ne se réalise pas, j'ai perdu trop de temps à rêver.
24:04Je préfère, au moment où les choses se font, faire un chouette
24:08et m'inventer rétroactivement un genre rêvé.
24:13C'est plus simple. Je préfère faire ça, moi.
24:15Est-ce qu'Hollywood, c'est le Graal un peu pour les acteurs ou pas du tout ?
24:17À moi, ça me l'est complètement de l'égal.
24:19Je préfère être le roi dans mon royaume ou un des rois dans mon royaume.
24:24C'est une expression, hein ?
24:25Que non, je pense qu'on revient une main devant, une main derrière.
24:29Je n'ai pas envie d'être occupé sous contrat pendant neuf mois
24:33pour tourner quatre jours et jouer un méchant avec une dent en or dans Bad Boys 4.
24:37Je parle très, très bien anglais, mais je ne parle pas couramment.
24:39Donc, je ne pourrais jamais jouer un livreur UPS dans le New Jersey.
24:45Je ne pourrais pas être un joueur, un entraîneur de football américain en Californie.
24:51Je ne pourrais pas être un patron de pizza YOLO.
24:54Donc, je vais faire quelques rôles parce qu'on va me prendre pour le français,
25:00la notoriété du français, comme c'est arrivé à beaucoup d'acteurs.
25:03Je vais faire quatre scènes avec machin, huit scènes dans un autre film.
25:07Et puis, à un moment, je vais rentrer chez moi.
25:09J'aurais raté des très beaux films en France.
25:12Et non, ce n'est pas un rêve.
25:14Si ça se présente et qu'il y a des scènes extrêmement, extrêmement agréables à jouer
25:21et que ça ne prend pas trop de temps, je le ferai avec un plaisir énorme.
25:24Mais ce n'est même pas sûr.
25:25Si demain, James Cameron me joint et me dit
25:28« Voilà, en fait, c'est l'histoire de deux frères qui ont la même mère et pas le même père.
25:34Il y en a un qui doit aller là-bas pour sauver l'autre.
25:38Alors, j'ai pensé pour ton frère à Mark Wahlberg.
25:40Et oui, c'est tout d'un coup une aventure énorme.
25:45Il y a un concept, c'est un rôle principal.
25:46C'est grand, c'est fort, c'est beau.
25:48C'est une foi.
25:49Voilà, c'est comme un parachute.
25:53Est-ce que de manière générale, le marketing autour du cinéma,
25:56les bandes annonces, les affiches, les citations, tout ça,
25:59c'est des choses qui sont vraiment utiles au film, selon vous ?
26:01Je pense que c'est ce qu'il y a de plus néfaste pour un film.
26:04En fait, là, cette année, j'ai compté, entre des actrices et des acteurs,
26:08il y a eu douze personnes magistrales.
26:10Un magistral par mois, c'est quand même...
26:13Non, c'est coso !
26:13T'es magistral quoi ? Je suis magistral janvier, moi.
26:16Ah d'accord, parce que moi, je suis magistral le décembre de l'année d'avant.
26:19Mais il y a un magistral qui arrive là en février, il est magistral.
26:23Et il y a une autre bande, c'est les somptueux.
26:26Il n'y a que des termes comme ça.
26:27Pour les films, ils sont ou éblouissants, ou des rires et des larmes bouleversants.
26:31Un coup de cœur comme vous n'en avez jamais eu.
26:34Je te dis, il n'y a que des chefs-d'oeuvre, en fait.
26:38Non, je pense que c'est tragique.
26:39Et je pense que les gens en ont marre de tout ça.
26:41Et que c'est une très, très, très mauvaise technique.
26:45Je trouve ça très triste, en fait.
26:47Et je trouve ça presque insultant pour le public.
26:49En fait, insidieusement, c'est quasiment comme si on disait à quelqu'un,
26:52comme tu ne vas peut-être pas être capable,
26:53puis tu ne t'y connais pas vraiment assez,
26:55nous, on va te dire, ça, vraiment, c'est éblouissant.
26:58Si tu ne le vois pas, tu fais une grosse erreur.
27:01Personnellement, moi, je ne peux pas supporter de voir ça.
27:03Ça m'est arrivé de refuser un adjectif à côté de mon nom.
27:07J'ai dit, si vous faites ça, moi, personnellement, je ne fais pas de promo.
27:10Mais non, je vous le dis tout de suite,
27:12c'est mon nom, donc vous ne le mettez pas avec ça à côté, j'ai honte.
27:15Non, mais même moi, quand je l'ai passé devant, je l'ai fait, ce n'est pas vrai.
27:18Donc, on ne peut pas dire ça aux gens.
27:19Si vous n'avez pas un nom magistral, c'est mélange.
27:22Nous, on se connaît tous les deux, on n'est pas magistral.
27:25On ne va pas leur dire ça, quand même.
27:26Beaucoup de gens se plaignent du fait que les films sont de plus en plus longs.
27:28Est-ce que pour vous, un film qui dure trois heures,
27:30c'est potentiellement un problème ou pas du tout, la durée ?
27:32Non, quand c'est un chef d'oeuvre, quand c'est Titanic,
27:34ce n'est pas embêtant, mais un film court qui n'est pas bien, c'est long.
27:36Et un film long qui est très bien, ce n'est pas si long que ça.
27:39Leïla et ses frères, ils duraient presque trois heures, en version canoise.
27:41Mais c'était très bien.
27:42Tout à l'heure, vous nous parliez d'Argent et de Sang.
27:44À part les lignes de dialogue, est-ce que ça change quelque chose
27:46de tourner sur une série plutôt que par rapport à un film ?
27:48Dans celle-là, non, parce que Xavier Giannulli a tourné ça
27:51comme un film de douze fois une heure.
27:53Donc, pas vraiment.
27:55En somme de travail, oui.
27:56Ben oui, c'est une série de douze heures, donc c'est six films de deux heures.
28:00Donc, on a fait six longs métrages de deux heures à la suite.
28:04C'est fatigant parce qu'il y a toujours des creux dans les films.
28:07Il y a un moment où on est en milieu de tournage, on se retourne,
28:11on ne voit plus d'où on est parti.
28:13On ne voit pas où on va arriver.
28:14On connaît tellement bien son personnage qu'en fait, on ne le connaît plus du tout.
28:19Vous savez, c'est comme quand vous répétez un mot, un prénom.
28:22Un prénom, il ne peut rien dire.
28:24Chaque scène, on fait, mais j'ai déjà dit ça cent mille fois.
28:27C'est pas tout le temps pareil.
28:28Je suis nul, je suis monocorde, je ne sais dire que ces mots-là.
28:33Toujours pareil.
28:34Et ça, c'est un gouffre.
28:36Tu te dis, mais en fait, est-ce que je vais m'en sortir ?
28:38Mais oui, parce que tout va être monté.
28:42Tout ne va pas être... On passe sur les autres personnages.
28:45Mais c'est vrai qu'on s'entend, on entend un ronron.
28:48Et hop, ça redécolle.
28:50Est-ce que vous faites partie de ces acteurs qui participent
28:52à une sorte de réécriture des dialogues ?
28:54Oui, j'aime bien.
28:55Ce n'est pas une réécriture, c'est s'approprier des choses.
28:59En fait, c'est un peu comme j'essaie de faire comme le Mikado.
29:01S'il y a 33 mots dans la phrase,
29:04j'essaie de prendre les 33, de les jeter en l'air.
29:05Et il y aura les 33 mots, mais quelquefois dans un ordre différent,
29:09à deux mots près pour que ça rentre et ça sort plus facilement de ma bouche.
29:14Ce qui m'intéresse avec un metteur en scène, c'est de travailler et de dire
29:16cette phrase-là, est-ce que ce n'est pas plus intéressant que je la joue ?
29:20Que je la ressente plutôt que de la dire ?
29:22Par exemple, tout d'un coup, si quelqu'un me dit
29:25« Tu sais que Paul, il est parti pour toujours. »
29:30Si dans le scénario, il y a marqué « Il est parti pour toujours. »
29:34Si je peux enlever le « parti pour toujours » et faire...
29:39Ça, c'est quelque chose qui vient de l'expérience ou pas ?
29:40Ça vient de l'expérience, c'est vrai.
29:42Même si vous faites quelque chose, vous ne faites rien.
29:45Par exemple, un personnage vous pose une question, il fait « Mais toi, tirez ! » à sa place.
29:49Il y a marqué, évidemment, il hésite, sinon c'est...
29:51S'il y a marqué, il faut répondre tout de suite.
29:53Mais s'il hésite et que vous faites...
29:57Les gens-là, on leur laisse le temps de faire « Attends, moi, à sa place, je ferai quoi ? »
30:04Première phase. Deuxième phase, j'espère qu'il va répondre oui.
30:07Et hop, on répond « Ben ouais, je crois que j'irai. »
30:11Et là, il y a une troisième phase où les gens font « Ah, comme moi ! »
30:15Il faut qu'il se passe un truc.
30:17C'est pour ça que j'aime faire ce métier, j'aime m'incarner.
30:20Je suis en prise directe, je suis prêt à y laisser des plumes.
30:25Sinon, je reste chez moi, ce n'est pas intéressant, sinon.
30:28En parlant de perdre potentiellement ses plumes,
30:30vous nous racontiez la dernière fois que vous étiez venu ici
30:32qu'il y avait une anecdote sur le tournage de Marathon Man
30:34où il y avait une scène où il y avait une course-poursuite...
30:39Il devait courir et De Sinafman a fait trois fois le tour de Central Park
30:42et Laurence Olivier était assis et De Sinafman, avant la prise, il était...
30:49Comme ça, il a dit à Laurence Olivier « Mais toi, comment tu vas faire pour les essouffler ? »
30:52et il a répondu « Je vais jouer. »
30:55Cette vision-là de l'acting est un peu antinomique avec ce qu'il y a aux Etats-Unis
30:58qui s'appelle le méthode acting, le fait de s'imprégner du personnage pendant des mois,
31:03devenir le personnage.
31:04Est-ce que c'est quelque chose que vous trouvez pertinent ou pas ?
31:07Ouais, tout est pertinent.
31:09Donc pour vous, c'est une méthode comme les autres ?
31:10Ouais, exactement.
31:11Et quelquefois, on mélange les deux, les actrices et les acteurs mélangent les deux.
31:14Et souvent, quand on va commencer un film, on ne le sait pas,
31:17mais inconsciemment, ça fait des mois et des mois qu'on travaille.
31:19Ah ouais ?
31:20Là, ça se trouve, je suis en train de travailler.
31:21J'ai un inconscient qui prend des choses et si un jour, je dois jouer une interview dans un film,
31:24voilà, je sais comment vous me parlez.
31:26Si je dois jouer vous, par exemple, je regarde la main sur le genou, le truc, ça, t'entends ?
31:29Regarde les trucs.
31:30Être avec moi et pas du tout avec moi en même temps, c'est-à-dire qu'en fait, vous êtes très avec moi,
31:33les trucs, mais il y a un autre Arthur qui n'est pas du tout avec moi et qui fait alors cette question,
31:37je ne sais pas ce qu'il va dire parce qu'il est complètement con.
31:38Il va prendre celle-là, et vous faites « Hum hum, hum hum ».
31:42D'accord, et alors, est-ce que…
31:43Bon, celle-là, elle est con, elle est partie, je la dis quand même,
31:45mais ce n'est pas grave parce que la prochaine, elle va faire mal.
31:47Est-ce que vous pensez que les acteurs, en fait, et là, vous restez longtemps
31:52parce que vraiment, elle n'est pas très terrible.
31:54Les acteurs, ce que je veux dire, c'est…
31:57Est-ce que vous pensez que les acteurs doivent faire ceci ?
32:01Et là, on sent un « Pfff, bon, elle n'est pas terrible, mais… »
32:03Voilà, ça, je saurais le jouer.
32:06Donc, je travaille.
32:09C'est de bonne guerre.
32:10Mais non, je ne me moque pas de vous.
32:11Ah, je sais.
32:12Je travaille vraiment.
32:13C'est intéressant, je travaille.
32:14Quand je prépare l'interview, j'ai vu sur votre page Wikipédia,
32:17sur votre filmographie, que vous avez été producteur de certains de vos films.
32:20De deux films, je crois seulement.
32:21Ah non, beaucoup plus, mais pas producteur.
32:23Quand un acteur est producteur, souvent, c'est pour aider à ce que le film se fasse.
32:27Il dit « Je vais prendre un cachet beaucoup plus faible pour le libérer
32:32et pas imposer ça au film pour que le film puisse se faire et que tout aille à l'image ».
32:35D'accord.
32:36C'est ça être producteur.
32:37Et après, éventuellement, si le film marche, il y a des intéressements.
32:39Et c'est caché, ce que vous dites.
32:40Souvent, vous verrez que les acteurs sont producteurs ou les actrices sont productrices
32:43sur des films plutôt à petit budget et d'auteurs qui ont eu besoin de leur aide.
32:48C'est rare que sur une super production, les acteurs soient producteurs,
32:51sauf les acteurs américains qui sont des monstres sur qui on a tout monté.
32:55Et je pense qu'inconsciemment, j'ai essayé de faire tout pour devenir,
33:00entre guillemets, ce que je suis, ou occuper une place importante,
33:04pour pouvoir faire en sorte que, parce que j'ai envie qu'un petit film se fasse,
33:10mon « oui » va aider à ce qu'il se fasse.
33:13Tout l'intérêt pour moi d'être une vedette, une star, appelez ça comme on veut,
33:18c'est de pouvoir faire en sorte que des choses qui ne devaient pas se faire vont peut-être se faire.
33:23C'est ça qui est bien.
33:24C'est de faire des premiers films, c'est d'aider à ce qu'un film se monte.
33:28Vous disiez tout à l'heure que vous aviez...
33:28Je ne suis pas un héros.
33:30Non, je comprends, mais je trouve que ce n'est pas une parole qui est très courante pour autant dans le milieu du cinéma.
33:33Oui, mais je ne suis pas un héros, ça me...
33:36Après, votre destin, c'est votre caractère.
33:40Je crois beaucoup à ça.
33:41Le caractère, c'est aussi, c'est soi, puis c'est aussi l'éducation.
33:45Donc moi, j'ai été élevé comme ça, par un père comme ça.
33:49J'ai vu tout le temps passer son temps à se demander comment il pouvait aider les autres.
33:55Alors, je ne suis pas mon père, je le regrette bien,
33:59mais même si j'arrivais à faire 25% de ce qu'il faisait,
34:04voilà, c'est que ça me...
34:09J'ai été dressé comme ça.
34:12Donc, je n'ai pas tant de mérite que ça.
34:13C'est pour ça que je vous dis que je ne suis pas un héros.
34:14Celui qui est un héros, c'est celui qui est tout petit,
34:17qui mesure 1m50, qui est tout frêle
34:22et qui, parce qu'on a mal parlé à quelqu'un qui l'aime beaucoup,
34:25tout d'un coup, devant quatre mastards,
34:29il reste et il fait, vas-y, file, file, sauve-toi.
34:33Celui qui est très très costaud et qui est courageux,
34:36qui fait l'acte de courage, c'est bien, mais il est courageux.
34:39Donc, ce n'est pas incroyable de faire un acte de courage quand tu es courageux.
34:42Ce qui est formidable, c'est de faire un acte de courage quand on les lâche.
34:45C'est ça, le courage.
34:46Quand les gens me disent, tu prends des risques,
34:47parce que tu as fait un film très pointu, d'un grand metteur en scène.
34:51Un jour, on m'a dit, tu as pris un risque de faire un film paterne d'Alain Cavalier.
34:55Quel risque ?
34:56Alain Cavalier, c'est le sommum.
34:59Ce n'est pas ça, le risque.
35:00Donc, il n'y a pas de risque dans votre métier ?
35:01Non, si, le risque, c'est de faire le risque d'un metteur en scène qui n'est pas bon,
35:03qui a fait un gros vide et dont personne ne veut.
35:06Et dire, mais là, je viens de lire son nouveau scénario, c'est génial.
35:08De toute façon, tu rigoles ou quoi.
35:10Moi, je te dis que c'est génial.
35:11Sois gentil, sans nous, vous avez tort.
35:15C'est lutter contre les a priori, le courage.
35:17Est-ce qu'aller sur un film comme Titan, c'était aussi un risque pour vous ?
35:20Non, c'est un travail énorme, mais ce n'est pas un risque.
35:22Je vais avec une très très très grande metteur en scène, Julia Ducournau,
35:26qui est prisée dans le monde entier.
35:28Donc, le risque, c'est de rater mon rôle,
35:32mais je ne risque rien à la décision d'y aller.
35:34C'est un rêve.
35:36C'est fantastique, mais ça n'est pas héroïque.
35:41C'est beaucoup de travail.
35:43Ça va être génial, mais risque de quoi ?
35:46De montrer quelque chose qu'on n'a jamais vu de moi.
35:48Cette phrase que je ne supporte pas.
35:50Tu n'as pas peur de casser ton image, mais d'abord, déjà,
35:52il faut avoir une image pour la casser.
35:54Et je ne comprends pas ce que ça veut dire.
35:56Je n'ai jamais compris ce que ça voulait dire.
35:57Il y a un jour, un collègue à moi qui m'avait dit
36:00« Là, je viens de faire un film, je peux te dire, les gens vont être...
36:04Ils vont être étonnés parce que personne ne m'attend là. »
36:08Je lui ai dit « Rassure-toi, personne ne t'attend, tout court.
36:11Personne n'attend personne.
36:12Il n'y a pas des manifestants dans la rue qui font
36:14« On n'a jamais vu un don dans Titan. »
36:17Non, tout le monde s'en fout.
36:18Et vous considérez que vous avez pris des risques dans votre carrière ?
36:21Moins que dans ma vie.
36:23Moins que dans ma vie.
36:24Je considère que j'ai pris des risques dans ma vie avant de me teurre
36:27et après couper.
36:28C'est savoir dire non et refuser des films
36:30à des metteurs en scène qui sont quelque chose
36:35et où d'autres vont les faire à ma place.
36:37Et savoir dire ce que je pense quand je ne suis pas content
36:40ou au contraire quand je suis content.
36:41Il y a un film où je le dis, donc cette phrase maintenant devient un peu dommage,
36:46mais ma liberté à un coup, ça m'a coûté beaucoup de choses,
36:51beaucoup de refus, beaucoup de non, beaucoup de concessions.
36:54Mais elle n'a pas de prix.
36:55Mais oui, je m'en suis mordu les doigts plein de fois en me disant
36:58« Pourquoi je ne fais pas ça ? »
36:59« Pourquoi je refuse ça ? »
37:00« Personne ne va le remarquer. »
37:02« Qu'est-ce que ça peut faire ? »
37:03Fait.
37:04Tout le monde s'en fout en fait.
37:05Vincent, tu n'es rien.
37:07Mais la somme d'une petite chose qu'on voit à peine
37:10plus une petite chose qu'on voit à peine
37:12plus une petite chose qu'on voit à peine 50 fois dans un sens ou dans l'autre
37:16fait qu'en effet ça fait
37:18et qu'il y a un être humain qui se retrouve ici
37:21et l'autre là.
37:22À force de prendre un bonbon dans un paquet de bonbons,
37:25le premier on ne le voit pas, le deuxième non plus,
37:27et puis à un moment, à un bonbon près,
37:29on passe de presque plein à presque vide.
37:32C'est très bizarre.
37:33C'est la même différence entre une petite heure et une grosse demi-heure.
37:36On ne sait pas bien où ça se passe, mais c'est vrai que ce n'est pas pareil.
37:39Je suis là dans une grosse demi-heure.
37:42Ça va, il arrive dans pas très longtemps.
37:44Je suis là dans une petite heure.
37:46Non, c'est long une petite heure quand même.
37:48C'est des petits riens qui font tout.
37:50Et des petits riens depuis le début de ta carrière ?
37:52Ça va être tout un morceau complet ou vous allez couper ?
37:55S'il y a le tout, ça va être quelque chose.
37:58Ça va être une bonne demi-heure.
38:00Il faut suivre.
38:02J'aurais une dernière question.
38:03Allez-y.
38:04Une des premières que je vous ai posées.
38:05Ok, vous n'avez pas répondu.
38:06La dernière gifle que vous avez pris au cinéma,
38:07avez-vous eu le temps de trouver votre deuxième cerveau ?
38:09Si, j'ai vu un truc l'autre jour.
38:10Ça me rend fou.
38:12Au cinéma ?
38:13Oui, mais qu'est-ce que j'ai adoré.
38:15Je vous jure.
38:19Bref, ce n'est pas grave.
38:20Ce n'est pas très grave.
38:21Merci beaucoup.
38:22J'étais très content.
38:23Merci beaucoup.
38:24Colmini !
38:37Sous-titrage Société Radio-Canada

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