Christine Kelly et ses chroniqueurs débattent de l'actualité dans #Facealinfo
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00:00:00 -Face à l'info, bonsoir à tous. Simon Guilla, pour les infos du soir.
00:00:06 -Bonsoir, Christine.
00:00:08 L'Union européenne durcit le contrôle de l'immigration
00:00:11 aux frontières de l'Europe.
00:00:13 Une vaste réforme remet en place une procédure de filtrage
00:00:17 des migrants.
00:00:18 Mais certains pays de l'Union européenne
00:00:21 veulent aller encore plus loin.
00:00:23 Les funérailles de Bernard Pivot se sont déroulées à Quincy,
00:00:27 en Beaujolais, dans le Rhône.
00:00:29 Il a été éliminé par la commission littéraire.
00:00:32 Plusieurs personnalités, dont Brigitte Macron,
00:00:35 ont fait le déplacement pour lui rendre un dernier hommage.
00:00:39 Bernard Pivot nous a quitté le 6 mai dernier à l'âge de 89 ans.
00:00:43 Et puis, à l'approche de la cérémonie d'ouverture
00:00:47 du Festival de Cannes, l'appel au secours d'un cinéaste iranien.
00:00:51 Mohamed Rasouloff demande au monde du cinéma
00:00:54 d'apporter un fort soutien aux réalisateurs menacés.
00:00:58 -Merci beaucoup, mon cher Simon.
00:01:00 Et au sommaire, ce soir,
00:01:02 pauvre France.
00:01:03 À 73 jours des JO,
00:01:05 environ 4 hommes armés sont activement recherchés.
00:01:09 Et un détenu est également en fuite.
00:01:11 Ces criminels courent toujours.
00:01:14 Après avoir savamment orchestré leur coup,
00:01:17 ils ont exécuté froidement 2 agents pénitentiaires,
00:01:21 vers 11h, au péage d'un Carville dans l'heure,
00:01:24 et un autre est dans un état grave.
00:01:27 L'objectif des assassins était de libérer Mohamed Hamra, 30 ans.
00:01:31 A priori, 13 mentions au casier judiciaire.
00:01:34 Mission accomplie pour les malfaiteurs.
00:01:37 "La République est attaquée", déclare le Premier ministre.
00:01:41 Cette exécution est une grande première en France.
00:01:44 Alors que le GIGN était envoyé en renfort
00:01:47 après la violente attaque au Fourgon,
00:01:50 le GIGN est envoyé en Nouvelle-Calédonie.
00:01:53 Malgré le couvre-feu instauré,
00:01:56 certains ont poursuivi les actes de délinquance.
00:01:59 Magasins pillés, maisons incendiées,
00:02:02 tir sur les gendarmes,
00:02:04 des affrontements d'une extrême violence,
00:02:07 alors que l'Assemblée nationale examine à Paris
00:02:10 une révision constitutionnelle décriée par les indépendantistes.
00:02:15 Que se passe-t-il concrètement ?
00:02:17 Tensions identitaires ?
00:02:19 Peut-on parler de terrorisme des indépendantistes ?
00:02:23 -On s'arrêtera sur les victimes de l'attaque meurtrière au Fourgon.
00:02:27 L'un des agents pénitentiaires était marié,
00:02:30 avec 2 enfants qui devaient fêter leur 21 ans dans 48 heures.
00:02:34 L'autre agent pénitentiaire décédé était en couple
00:02:38 avec une compagne enceinte de 5 mois.
00:02:40 3 autres sont grèvement blessés.
00:02:42 Ils ont quitté leur foyer en embrassant leur famille
00:02:46 en espérant les revoir ce soir.
00:02:48 Ils sont morts pour l'Etat, en pleine fonction.
00:02:52 Le président de la République a déclaré Eric Dupond-Moretti.
00:02:55 Le regard de Marc Menand.
00:02:57 -Qui est moi, mesdames, rats, surnommé "la mouche" ?
00:03:01 Petit à petit, le détenu libéré au prix du sang d'agent pénitentiaire
00:03:06 a glissé dans la délinquance,
00:03:08 comme si les punitions et la justice n'avaient jamais pu l'arrêter.
00:03:12 Il était pourtant bien connu pour trafic de stupes internationales
00:03:17 entre les Antilles et Marseille.
00:03:19 Il a été le premier ministre de l'Europe à le faire.
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00:17:43 Il a été le premier ministre de l'Europe à le faire.
00:17:47 - On va parler avec vous de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie.
00:17:51 - On va parler avec vous de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie.
00:17:55 Ça chauffe depuis hier à Nouméa.
00:17:58 Il est 4h du matin à 17 000 km de Paris.
00:18:02 Avec des émeutes particulièrement violentes.
00:18:06 Des véhicules incendiés, des magasins pillés,
00:18:10 une usine brûlée, des écoles fermées, couvre-feu.
00:18:14 On a 54 policiers et gendarmes blessés.
00:18:18 - C'est le bilan de ce matin.
00:18:21 - On est en train d'évacuer leurs familles.
00:18:25 D'importants renforts sont en route.
00:18:28 La situation est grave. Que se passe-t-il concrètement ?
00:18:32 - Cette situation couvait à l'approche du vote solennel
00:18:36 d'une réforme constitutionnelle annoncée par Emmanuel Macron
00:18:40 en juillet de l'année dernière.
00:18:43 Il y a 100 personnes dans l'hexagone
00:18:46 qui passionnent en Nouvelle-Calédonie.
00:18:49 Cette réforme va fermer le processus
00:18:53 qui s'était initié avec les fameux accords de Nouméa en 1998.
00:18:58 Accords qui eux-mêmes renvoient aux accords de Matignon de 1988.
00:19:03 C'est l'aboutissement d'un processus de près de 40 ans
00:19:07 qui doit se clore avec cette réforme constitutionnelle.
00:19:11 - Le sujet du dégel du corps électoral.
00:19:15 C'est le fond de cette réforme.
00:19:18 Pour les néo-calédoniens, ça réveille des plaies anciennes,
00:19:22 des plaies centenaires, historiques,
00:19:25 qui renvoient à toute l'histoire de la Nouvelle-Calédonie française
00:19:29 depuis 1853.
00:19:31 - Avec vos moyens nétrotechniques, c'est pour ça qu'on voulait s'arrêter.
00:19:35 Avec votre sens de la pédagogie, on est suspendu à vos lèvres.
00:19:39 Depuis le 4 mai, les indépendantistes multiplient une série d'actions.
00:19:45 C'était des grandes manifestations qui ont réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes.
00:19:49 Il faut voir ce que ça représente dans une île de 270 000 habitants.
00:19:52 C'est absolument massif.
00:19:54 C'est 10 jours pour Kanaki.
00:19:56 Kanaki, c'est le nom que les indépendantistes donnent à la Nouvelle-Calédonie.
00:19:59 Ça se passait bien jusqu'à hier soir.
00:20:02 Des émeutes pour lesquelles on se pose beaucoup de questions.
00:20:05 Est-ce qu'il y a eu une instrumentalisation qui les déclenche ?
00:20:08 On ne sait pas trop.
00:20:10 - Pourquoi ça a dégénéré en émeute ?
00:20:12 Et pourquoi sur cette question du corps électoral ?
00:20:16 - Il faut faire un peu d'histoire des Outre-mer.
00:20:20 On n'en fait pas souvent.
00:20:22 On ne s'y intéresse pas souvent.
00:20:24 La Nouvelle-Calédonie est française depuis 1853.
00:20:28 Au départ, c'était un comptoir anglais que les Français s'approprient.
00:20:31 Ils en prennent possession.
00:20:33 C'est James Cook qui découvre la Nouvelle-Calédonie au XVIIIe siècle.
00:20:40 Les Anglais n'en font pas grand-chose.
00:20:42 Mais les Français vont se l'approprier
00:20:44 parce que cette expansion britannique dans l'Océan Pacifique, ça ne leur plaît pas trop.
00:20:47 Et les Français, que vont-ils faire de la Nouvelle-Calédonie ?
00:20:50 Ils vont en faire une colonie pénitentiaire
00:20:53 pour délester un petit peu le bagne de Cayenne.
00:20:57 Colonie pénitentiaire agricole
00:20:59 avec cette idée qu'on va faire travailler la terre aux déportés
00:21:03 et qu'on va envoyer en Nouvelle-Calédonie.
00:21:05 Et ce qu'il y a, c'est que sur place, en Nouvelle-Calédonie,
00:21:08 il y a déjà du monde.
00:21:09 Les Kanaks, ça fait 3000 ans qu'ils sont sur ce territoire-là.
00:21:13 Et nous allons, les Français vont s'approprier cette terre-là
00:21:17 et parquer les Kanaks dans des réserves
00:21:20 à la manière un petit peu de ce que les Anglais ont fait
00:21:22 avec les Indiens en Amérique du Nord.
00:21:24 Il y a vraiment un parallélisme, je trouve, dans les histoires,
00:21:28 dans l'histoire coloniale française en Nouvelle-Calédonie
00:21:30 et ce qui s'est passé en Amérique du Nord.
00:21:33 Et donc les Kanaks, parqués dans des réserves,
00:21:35 vont être soumis au code de l'indigénat,
00:21:37 c'est-à-dire qu'ils ne sont pas des citoyens français,
00:21:39 ils sont des sujets français,
00:21:40 avec des restrictions de circulation,
00:21:42 des jours de corvée obligatoires,
00:21:44 enfin comme au Moyen-Âge, quand même, il faut s'imaginer ça.
00:21:46 Un impôt de capitation, un impôt par tête,
00:21:49 qui est extrêmement important
00:21:50 et qu'ils doivent payer tous les ans aux autorités françaises.
00:21:53 Alors évidemment, ça ne se passe pas très bien,
00:21:55 vous imaginez bien, il y a beaucoup de révolte,
00:21:57 il y a beaucoup de répression.
00:21:58 En 1887, on recense,
00:22:01 les autorités françaises recensent les Kanaks,
00:22:04 combien sont-ils ? 45 000.
00:22:05 En 1920, ils ne sont plus que 20 000.
00:22:08 Et à ce moment-là,
00:22:09 les autorités françaises considèrent que le peuple Kanak
00:22:12 est voué à disparaître,
00:22:14 est voué à disparaître.
00:22:15 Et ça se dit extrêmement tranquillement, cela.
00:22:18 Voilà.
00:22:19 Et autre élément, vous allez voir, c'est aussi important,
00:22:21 c'est que contrairement à d'autres Outre-mer
00:22:24 où le métissage se fait petit à petit
00:22:26 par le jeu des mariages, par les enfants,
00:22:29 en Nouvelle-Calédonie,
00:22:31 il y a des enfants métisses.
00:22:31 Seulement, administrativement,
00:22:33 les enfants ne sont pas reconnus comme tels.
00:22:35 Soit ils sont Kanaks,
00:22:36 avec le père ou avec la mère,
00:22:37 principalement la mère,
00:22:38 et donc ils vont vivre dans une réserve,
00:22:40 soit ils sont européens,
00:22:41 soit ils sont considérés comme français.
00:22:43 Et là, ils vont vivre avec les européens,
00:22:45 avec les français.
00:22:46 Vous voyez, c'est que malgré le métissage génétique,
00:22:49 la coupure est radicale
00:22:51 entre le monde Kanak d'un côté
00:22:53 et le monde Colomb.
00:22:55 Pourquoi je vous raconte tout cela ?
00:22:56 Parce qu'évidemment,
00:22:57 vous saisissez que ça explique bien des choses aujourd'hui
00:23:00 sur la question du corps électoral,
00:23:01 qui est l'objet du conflit politique
00:23:03 aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie.
00:23:05 Il y a une bataille démographique,
00:23:07 il y a une bataille du nombre,
00:23:09 qui commence en fait
00:23:10 dès que les Kanaks vont accéder à la citoyenneté française.
00:23:13 Ça se fait en 1946,
00:23:14 au moment du grand mouvement global de décolonisation.
00:23:18 Et puis, progressivement,
00:23:20 lorsque les Kanaks vont accéder aux droits de vote.
00:23:23 Parce que dans les années 50-60,
00:23:25 juste après cette phase de décolonisation,
00:23:27 la question va tout de suite se poser
00:23:29 est-ce qu'on fait voter les Européens, les Blancs ?
00:23:33 Est-ce qu'on fait voter les Français ?
00:23:35 Parce que c'est comme ça que les Kanaks appellent
00:23:37 les Européens sur place, avec les Kanaks.
00:23:39 Ou bien est-ce qu'on sépare ?
00:23:40 Est-ce qu'on fait un collège électoral unique ?
00:23:42 Ou bien est-ce que l'on fait des collèges électoraux séparés ?
00:23:45 L'enjeu étant, évidemment,
00:23:47 le contrôle des organes de pouvoir de la Nouvelle-Calédonie.
00:23:51 Et tout ça survient au moment
00:23:53 où la France prend conscience de la valeur
00:23:55 de ce territoire qu'est la Nouvelle-Calédonie.
00:23:57 Parce que c'est le moment où on découvre le nickel.
00:23:59 Le nickel qui a une importance démesurée
00:24:01 dans l'industrie aujourd'hui.
00:24:03 Ça va considérablement corser, si vous voulez,
00:24:05 la situation en Nouvelle-Calédonie jusqu'à aujourd'hui.
00:24:08 L'une des plus grosses réserves mondiales de nickel.
00:24:12 On marque une pause, on revient sur ce sujet.
00:24:14 On revient aussi sur le profil de Mohamed Amra.
00:24:16 On revient aussi sur le profil
00:24:18 des deux agents pénitentiaires des CDA tout de suite.
00:24:21 On retourne sur le plateau de Face à l'Info.
00:24:27 Dans un instant, on parlera avec vous, Marc Menand,
00:24:30 du profil de ces deux agents pénitentiaires
00:24:33 et puis leur formation. Qui sont-ils ?
00:24:35 - Comment est-ce qu'on appelle ? - Qui sont ces gens ?
00:24:37 Qui sont les surveillants ?
00:24:39 Ceux qui sont là, emprisonnés volontaires
00:24:41 pour qu'on essaie de dormir tranquille.
00:24:43 Et avec Charlotte Dornelas, qui est Mohamed Amra,
00:24:48 dit sa 13e mention a priori sur son casier judiciaire.
00:24:52 Comment se fait-il qu'on soit arrivés là ?
00:24:54 Et le rapport du Sénat sur les nains de trafic,
00:24:57 on en parle dans un instant.
00:24:59 Comme on disait avec Charlotte ce matin,
00:25:01 on se disait que vous, téléspectateurs de Face à l'Info,
00:25:04 vous êtes beaucoup plus informés que les sénateurs
00:25:07 qui ont écrit ce rapport.
00:25:09 Dimitri, passionnant de s'intéresser
00:25:12 sur ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie,
00:25:14 tir à balles réelles, émeute, violences comme on n'en a jamais vues.
00:25:19 La Nouvelle-Calédonie, vous le disiez,
00:25:21 possède l'une des plus grosses réserves mondiales de nickel.
00:25:25 - Absolument. Pourquoi c'est important de le signaler ?
00:25:28 Parce que la France en prend conscience dans les années 1960
00:25:32 et au moment où les canaques accèdent à une forme de citoyenneté,
00:25:37 accèdent à la citoyenneté française, au droit de vote,
00:25:39 et alors que les autorités se disaient peut-être
00:25:42 qu'il est temps de leur donner plus de pouvoir,
00:25:46 à ce moment-là, la découverte du nickel fait que
00:25:49 les autorités françaises se disent que
00:25:51 c'est peut-être pas une si bonne idée que cela.
00:25:53 Et donc va se mettre en place cette bataille du corps électoral.
00:25:57 Alors il faut rappeler qu'au début des années 1970,
00:25:59 on est en pleine vague tiers-mondiste
00:26:01 et c'est à ce moment-là que les canaques de Nouvelle-Calédonie
00:26:05 vont adopter la cause indépendantiste.
00:26:08 C'est à ce moment-là vraiment qu'elle émerge,
00:26:10 au moment où en plus les canaques font énormément d'enfants,
00:26:13 font beaucoup plus d'enfants que les Européens,
00:26:16 que les métropolitains, ceux qui viennent de métropole.
00:26:21 Et donc les canaques sont voués à devenir majoritaires.
00:26:23 Et alors là on est en 1972,
00:26:25 le Premier ministre de l'époque, Pierre Messmer,
00:26:27 écrit à son secrétaire d'État au Dom-Tom
00:26:30 une lettre qui reste dans l'histoire,
00:26:32 qui est très connue en Nouvelle-Calédonie,
00:26:34 qui s'appelle "La circulaire Messmer".
00:26:36 Je vous lis le texte,
00:26:37 vous allez tout comprendre des ressorts finalement de cette crise,
00:26:40 pourquoi le dégel du corps électoral aujourd'hui en Nouvelle-Calédonie
00:26:43 fait qu'on aboutit à des émeutes d'une telle violence.
00:26:45 Écoutez ça, le Premier ministre français, 1972,
00:26:49 vous allez le lire à l'écran, je vous le lis à voix haute.
00:26:51 "La Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement,
00:26:54 bien que vouée à la bigarure multiraciale,
00:26:56 est probablement le dernier territoire tropical non indépendant au monde
00:27:00 où un pays développé puisse faire émigrer ses ressortissants.
00:27:03 Il faut saisir cette chance ultime de créer un pays francophone supplémentaire.
00:27:07 La présence française en Calédonie ne peut être menacée,
00:27:10 sauf guerre mondiale,
00:27:11 que par une revendication nationaliste des populations autochtones.
00:27:15 À court et moyen terme,
00:27:16 l'immigration massive de citoyens français métropolitains
00:27:20 ou originaires des départements d'outre-mer
00:27:22 devrait permettre d'éviter ce danger
00:27:24 en maintenant ou en améliorant le rapport numérique des communautés."
00:27:28 Voilà, Pierre Messmer, Premier ministre de la France 1972,
00:27:31 il parle de quoi là ?
00:27:32 D'une opération de peuplement de la Nouvelle-Calédonie
00:27:35 avec le but assumé et avoué de diluer le poids relatif des Kanaks.
00:27:41 C'est un grand remplacement à l'envers, si vous voulez, d'une certaine manière.
00:27:44 - Mais complètement, complètement.
00:27:45 - Alors ce sont ces souvenirs-là...
00:27:47 - Comme quoi ça marche dans les deux sens.
00:27:48 - Ce sont ces souvenirs-là qui remontent aujourd'hui
00:27:51 dans la crise du dégel du corps électoral,
00:27:53 qui se combinent d'ailleurs à des souvenirs extrêmement douloureux,
00:27:56 ceux des événements sanglants de 1984-88,
00:27:59 période terrible en fait en Nouvelle-Calédonie,
00:28:02 avec des dizaines de morts qui s'achèvent dans un bain de sang
00:28:05 avec la prise d'otage de la grotte d'Uvea.
00:28:08 Donc après cet épisode d'Uvea, tout le monde,
00:28:11 les autorités françaises, les indépendantistes du FLNKS,
00:28:15 veulent trouver une issue.
00:28:16 Ça donne les fameux accords de Matignon
00:28:18 qui sont signés par Michel Rocard
00:28:20 juste après l'élection de François Mitterrand,
00:28:23 la réélection de François Mitterrand en 1988.
00:28:25 Uvea, je rappelle, ça se passe en plein pendant la campagne électorale.
00:28:28 Le contexte était extrêmement tendu.
00:28:30 Et donc ces accords de Matignon, qu'est-ce qu'ils disent ?
00:28:33 10 années de transition pour un petit peu apaiser les choses,
00:28:36 pendant lesquelles on va faire des réformes sociales et politiques, etc.
00:28:39 avant un référendum que l'on programme en 1998.
00:28:42 Mais disons, ça passe vite. On arrive en 1998,
00:28:45 tout le monde craint de rebasculer dans les violences.
00:28:47 Qu'est-ce qu'on va faire ?
00:28:48 On va signer de nouveaux accords, des accords de Nouméa,
00:28:51 que cette fois on va baptiser accord de décolonisation.
00:28:53 Rendez-vous compte de la force de ce terme
00:28:55 par rapport à l'actualité que nous avons aujourd'hui.
00:28:57 Il faut rappeler que la décolonisation, officiellement,
00:28:59 elle a eu un demi-siècle plus tôt, en 1946,
00:29:02 avec la fin de l'indigénat.
00:29:03 Donc ça n'est pas du tout anecdotique.
00:29:05 Et là, l'État français va faire des concessions assez étonnantes.
00:29:08 On va créer différents corps électoraux, selon les élections.
00:29:12 Pour les grandes élections nationales, l'élection présidentielle,
00:29:14 tout le monde vote en Nouvelle-Calédonie.
00:29:16 En revanche, pour les élections provinciales,
00:29:18 on va restreindre le corps électoral.
00:29:20 Il faut avoir au moins 10 ans d'ancienneté
00:29:22 sur le territoire néo-calédonien.
00:29:24 Et pour les référendums d'autodétermination
00:29:27 qui sont programmés dans les accords de Nouméa,
00:29:29 les trois référendums qui ont eu lieu récemment,
00:29:32 2018, 2020, 2021, on restreint encore un peu plus le corps électoral.
00:29:36 Avec cette question, et c'est Mathieu qui me le faisait remarquer tout à l'heure,
00:29:39 mais après tout, sur des sujets comme ça,
00:29:41 référendum d'autodétermination, n'est-ce pas logique
00:29:44 de laisser au peuple historique le privilège de voter ?
00:29:48 Ou est-ce qu'il faut inclure tout le monde
00:29:50 avec le risque de fausser le résultat ?
00:29:52 Ce n'est pas une question si évidente que cela.
00:29:54 Sachant qu'au passage, malgré tout,
00:29:56 vous privez une partie de vos électeurs, de vos citoyens français,
00:29:58 vous les privez légalement du droit de voter.
00:30:00 Donc ce ne sont des questions qui ne sont pas évidentes.
00:30:03 25 ans plus tard, aujourd'hui, qu'est-ce qui s'est passé ?
00:30:07 Les trois référendums ont eu lieu,
00:30:09 ils se sont soldés par une victoire du "oui" au maintien dans la France.
00:30:13 Donc c'est une défaite pour les indépendantistes,
00:30:14 qui l'ont assez mauvaise, il faut bien le dire,
00:30:16 et qui cherchent des prétextes pour remettre une pièce
00:30:18 dans le jukebox indépendantiste, d'une certaine manière.
00:30:21 Ils l'ont trouvé avec cette réforme constitutionnelle
00:30:25 prévoyant le dégel du corps électoral.
00:30:27 Ce qu'ils disent, c'est qu'avec ce dégel,
00:30:29 on va encore un peu plus diluer la voie canaque,
00:30:32 la voie indépendantiste dans le jeu électoral néo-calédonien.
00:30:35 Voilà comment on en arrive à la situation d'aujourd'hui.
00:30:38 - Dimitri, pour terminer, il faut dire que la Nouvelle-Calédonie
00:30:42 a une haute valeur stratégique pour la France.
00:30:44 - Absolument.
00:30:45 Comme tous les territoires d'outre-mer, je le précise,
00:30:47 mais c'est vrai qu'en Nouvelle-Calédonie,
00:30:49 encore un peu plus parce que le nickel,
00:30:51 parce qu'il faut rappeler qu'on est dans le Pacifique Sud.
00:30:53 La Nouvelle-Calédonie, on est en plein milieu
00:30:56 de cette fameuse zone géostratégique dont tout le monde parle,
00:30:59 l'Indo-Pacifique, qui est le théâtre de la grande rivalité
00:31:02 entre la Chine et les États-Unis.
00:31:05 Ça explique que les indépendantistes
00:31:07 soient des interlocuteurs extrêmement difficiles,
00:31:10 parce qu'ils savent la valeur de leur territoire.
00:31:11 Ça explique aussi les concessions faites par les autorités françaises
00:31:15 qui confinent parfois à la lâcheté d'une certaine manière.
00:31:18 C'est vrai que là, ce que le Premier ministre a dit cet après-midi,
00:31:21 on votera la réforme constitutionnelle,
00:31:23 mais on attendra peut-être la ratification
00:31:26 qui doit passer par une réunion du Congrès à Versailles.
00:31:29 Ça explique les mensuétudes, certaines tolérances
00:31:32 des autorités françaises à l'égard de cette violence
00:31:34 en dépit de ce qu'on fait, c'est-à-dire qu'on envoie le GIGN,
00:31:38 les renforts de gendarmes, dans une situation sécuritaire
00:31:40 qui est absolument catastrophique à l'heure où l'on se parle
00:31:42 en Nouvelle-Calédonie.
00:31:43 Merci beaucoup pour ce précieux dossier
00:31:46 sur la Nouvelle-Calédonie, mon cher Dimitri.
00:31:48 GIGN qui est mobilisé toute la journée
00:31:51 pour, après l'attentat meurtrier,
00:31:55 je reprends les mots de Mathieu Bocoté,
00:31:57 "attentat à guerre" ou "attaque meurtrière" ce matin dans l'heure.
00:32:02 Alors avant de vous donner la parole, Marc Menon,
00:32:06 il y a des mots qui choquent sur les réseaux sociaux,
00:32:09 des mots qui bouleversent.
00:32:11 Au-delà de ce que l'on a déjà remarqué ce matin,
00:32:14 enfin au-delà de cette attaque meurtrière,
00:32:16 c'est la double peine.
00:32:17 Regardez ce que dit l'Humanité.
00:32:19 110e mort au travail.
00:32:21 Regardez ce que dit Mathilde Panot.
00:32:23 C'est un accident du travail,
00:32:25 ce qui s'est passé ce matin dans les attaques,
00:32:29 dans cette attaque dans l'heure, l'attaque au fourgon
00:32:33 qui a vu la mort de deux agents pénitentiaires, mon cher Marc.
00:32:36 Un était marié avec deux enfants qui allaient avoir 21 ans dans 48 heures.
00:32:42 L'autre était en couple et sa femme est enceinte de 5 mois
00:32:48 et on parle d'accident du travail.
00:32:50 - Oui, avec Samuel Paty aussi, accident du travail.
00:32:54 Voilà, il ne peut plus y avoir la moindre conscience citoyenne,
00:33:00 la moindre respectabilité de ceux qui sont victimes de ce type d'attaque.
00:33:05 Alors, sont vraiment les pestiférés de la société ces gens qui sont indispensables
00:33:10 parce que les prisons se remplissent,
00:33:12 aujourd'hui dans une cellule d'une maison d'arrêt,
00:33:15 ils sont cinq ou six et vous avez un surveillant pour 100 détenus.
00:33:21 Et imaginez la force de caractère qu'il faut avoir.
00:33:27 Comment vous allez décider un jour de vous abstraire de la société,
00:33:32 d'une vie où on a des instants d'insouciance
00:33:35 pour être avec ceux qui représentent la misère de la misère de notre monde,
00:33:41 c'est-à-dire ceux qui sont dans la délinquance, qui ont perdu tout repère,
00:33:45 qui sont capables de toutes les violences.
00:33:47 C'est ça, pour un tout petit salaire.
00:33:49 Ce qui fait que quand vous êtes là face à eux,
00:33:52 c'est vous qui êtes dans la cage.
00:33:55 Ils vous disent "mais t'es un crevard, toi t'as vu ce que tu gagnes"
00:33:59 et on les charrie comme ça, de temps en temps on cherche à les happer.
00:34:03 Qu'ont-ils pour se défendre ?
00:34:05 Pour le moment, restons dans la cellule,
00:34:08 dans ce travail du quotidien, de cet enfermement que l'on s'est choisi.
00:34:13 On a simplement un sifflet,
00:34:15 parce qu'il n'est pas question d'avoir une arme.
00:34:17 Et pourquoi ?
00:34:18 Parce que l'un des prisonniers pourrait prendre l'arme
00:34:21 et retourner contre ceux qui sont là pour faire respecter l'ordre.
00:34:24 Alors simplement, vous avez votre sifflet,
00:34:28 et si vous êtes agrippé, eh bien à vous de souffler
00:34:32 et que les collègues là-haut, sur le point de surveillance, s'aperçoivent
00:34:37 et là, eh bien vous n'avez plus qu'à compter les secondes
00:34:40 en espérant qu'ils seront arrivés avant que le pire ne vous élimine de la société.
00:34:47 Comment on devient un "maton" comme on dit ?
00:34:50 Ce n'est pas beau comme mot "maton" ?
00:34:51 Tout de suite, on sent le mépris.
00:34:53 Un policier n'est pas toujours aimé,
00:34:55 mais bon, il est de la police.
00:34:57 Là, il est "maton".
00:34:59 Il est celui qui se retrouve avec ses personnages infréquentables,
00:35:04 il faut qu'il soit vraiment moins que rien.
00:35:07 Alors, la formation actuellement, il faut avoir le brevet élémentaire.
00:35:13 Et là, vous passez un concours avec des épreuves écrites,
00:35:18 quelques petites dictées, quelques petits éléments de connaissances.
00:35:20 On vérifie que vous êtes capable de courir,
00:35:23 votre capacité physique à l'action.
00:35:26 Et puis, si vous êtes parmi les retenus, il y a un entretien.
00:35:30 Là, ce sera une formation de 8 mois à Agen,
00:35:35 à l'École nationale d'administration pénitentiaire.
00:35:39 Là, on vous forme à la psychologie, on vous forme à la du combat,
00:35:43 on vous forme au tir.
00:35:46 Donc, tous les éléments qui sont théoriquement indispensables.
00:35:49 Et puis après, eh bien voilà,
00:35:51 vous vous retrouvez dans ces murs.
00:35:54 Tous les jours, quand vous quittez votre famille,
00:35:57 c'est pour aller vous retrouver derrière les barreaux.
00:36:00 Vous allez être celui qui détient les clés.
00:36:03 Il y a ce que j'ai évoqué tout à l'heure, ces provocations.
00:36:07 Et puis, ce sentiment qu'à tout moment, vous êtes dans la fragilité.
00:36:14 Il n'y a que dans l'émirat d'or où vous avez les armes.
00:36:18 Bah oui, parce qu'on a déjà vu des prisonniers s'échapper
00:36:22 dans des conditions, des attaques à la roquette.
00:36:25 On a vu ceux qui s'envolaient par des hélicoptères.
00:36:28 Et puis, il y a également ceux qui sont devant la porte d'entrée
00:36:31 qui ont une arme. Le reste, c'est donc le sifflet.
00:36:34 Et parmi ces gens, on leur demande
00:36:38 s'ils veulent être volontaires éventuellement
00:36:42 pour assurer les déplacements.
00:36:43 Alors, les déplacements, c'est l'hôpital.
00:36:45 Les déplacements, c'est aussi aller au tribunal.
00:36:49 C'est éventuellement d'une prison à l'autre.
00:36:53 Et là, vous entrez dans l'ESP.
00:36:56 - L'ESP ? - L'ELSP.
00:36:58 Équipe locale de sécurité pénitente.
00:37:00 - Voilà. Il y a 9 équipes comme ça. - Ceux qui ont le droit de sortir.
00:37:03 - Ceux qui ont le droit de sortir.
00:37:05 Alors, eux, leur travail, c'est uniquement d'assurer ces transferts.
00:37:11 Alors, on pourrait se dire, bon, bien, obéitoirement,
00:37:14 leur formation est à l'aide d'une exigence énorme.
00:37:17 Oui, c'est une belle formation avec de l'exigence,
00:37:19 mais elle est rapide. 3 semaines.
00:37:21 Alors, il y a les sports de combat.
00:37:24 Il faut être capable de ceinturer.
00:37:26 C'est le gars qui vous saute dessus.
00:37:28 Il faut être capable également de répondre à un tir.
00:37:32 Mais là, ce serait une petite arme.
00:37:34 Je dirais presque un petit pistolet de rien du tout
00:37:37 qui vous sera donné.
00:37:40 C'est un 9 mm avec simplement 15 cartouches.
00:37:44 Et ces 15 cartouches doivent offrir la réplique.
00:37:50 Vous avez un petit gilet pare-balle.
00:37:52 Alors, il ne faut pas rigoler avec ces choses-là.
00:37:54 Et puis, vous avez celui qui est le chauffeur.
00:37:56 Chauffeur d'un véhicule,
00:37:58 comme tout à chacun peut en posséder s'il est artisan.
00:38:01 On pourrait se dire que quand vous avez la charge
00:38:04 de ces gaillards qui sont prêts à tout,
00:38:06 on le sait depuis longtemps,
00:38:09 ils sont moins d'un véhicule blindé.
00:38:10 Non, pas du tout.
00:38:12 C'est la petite camionnette de tout le monde.
00:38:14 Alors, on vous forme. On vous forme comment ?
00:38:16 Eh bien, à la dextérité du volant.
00:38:19 Marche avant, marche arrière dans des conditions invraisemblables.
00:38:22 Si vous êtes coincé, par exemple, à un péage.
00:38:25 Et voilà comment, chaque jour, le matin,
00:38:30 on vous dit quelle sera l'équipe à laquelle vous appartiendrez
00:38:35 et quels seront les points où vous devrez vous rendre.
00:38:38 Ce qui fait que j'ai appelé tout à l'heure
00:38:42 et j'ai eu la chance de joindre deux surveillants
00:38:46 qui participent à ces actions.
00:38:48 Alors, je leur dis, mais est-ce que vous frémissez le matin quand vous vous levez ?
00:38:52 Non, on a d'abord le sens de voir.
00:38:56 On sait que c'est déterminant.
00:38:59 Il y a les parties, quand on est...
00:39:04 On a des transferts qui sont...
00:39:07 Avec différentes catégories.
00:39:09 La une, la deux, la trois, la quatre.
00:39:11 Alors là, c'était une catégorie où vous avez un véhicule d'accompagnement supplémentaire.
00:39:16 Mais vous avez vu l'accompagnement ? C'est là encore.
00:39:18 C'est une voiture de rien du tout et toujours avec les 9 mm.
00:39:22 Et quand vous arrivez au péage, vous devez ralentir.
00:39:26 En revanche, quand on est avec les gros, gros caïds,
00:39:31 les soldats ou des terroristes, vous pouvez avoir des motards,
00:39:34 vous avez le GIGN, le RAID qui vous accompagnent.
00:39:37 Et ce matin, donc, on a eu ces hommes qui sont partis.
00:39:42 Imaginez celui qui a ses deux gaillards de 21 ans.
00:39:46 Dans deux jours, c'était l'anniversaire.
00:39:49 "Allez, salut les gamins, je pense à vous."
00:39:52 Il embrasse sa femme, bien sûr,
00:39:54 et quand il arrive à l'endroit où le devoir l'appelle,
00:39:59 il le trouve les collègues du jour et on leur dit
00:40:02 "Voilà, vous allez vous rendre de Rouen-Evreux et le transfère."
00:40:08 Et vous vous installez dans cette camionnette,
00:40:13 vous n'avez pas d'arme véritable au cas où,
00:40:18 et vous êtes tirés comme des chiens.
00:40:20 Je reprends l'expression du ministre de la Justice.
00:40:25 A peine le temps de voir ceux dont vous êtes victime,
00:40:28 les balles vous abattent.
00:40:30 Il y en a deux actuellement qui sont en train de lutter contre la mort.
00:40:35 Et tout ça pour 2200 euros par mois.
00:40:39 Pardon, Charlotte, je laisse continuer.
00:40:54 Ce que nous a montré ce qui s'est passé ce matin,
00:40:57 je pense que la première chose, c'est la montée en puissance
00:41:01 de ces réseaux criminels qui est décrite en long, en large et en travers
00:41:07 par tous les gens qui ont affaire à ce trafic-là
00:41:10 de manière professionnelle ces dernières années.
00:41:12 Il y a des conséquences prévisibles à cette montée en puissance
00:41:15 des réseaux criminels qui avaient été prévues par certains
00:41:18 et sciemment ignorées par d'autres.
00:41:20 Et je pense qu'à la tristesse aujourd'hui,
00:41:23 chez beaucoup de ces gens-là se mêle très largement la colère.
00:41:25 Parce que nous nous sommes habitués de manière assez générale
00:41:28 et notamment les responsables, à vivre dans un pays
00:41:30 où des dizaines de personnes sont déjà abattues par an
00:41:33 en lien avec le trafic de drogue.
00:41:35 Alors il y a ce qu'on appelle de manière un peu générale
00:41:37 les règlements de compte, les trafiquants qui se tuent entre eux.
00:41:40 Il y a les gamins qui sont employés dans le trafic
00:41:42 qui, eux, sont également abattus ou jambisés, comme il dit,
00:41:47 c'est-à-dire on leur tire dans les jambes pour les menacer
00:41:49 ou dans le cadre de ce trafic de drogue.
00:41:52 On a vu des innocents, des complets innocents
00:41:55 être victimes collatérales de ce trafic.
00:41:57 On a un policier quand même à Avignon, Eric Masson,
00:42:00 qui était mort en s'approchant d'un point de deal.
00:42:03 C'est déjà quelque chose que l'on connaissait
00:42:05 et cette manière de s'organiser, de sortir des armes de guerre
00:42:09 et d'être capable de tuer froidement quelqu'un,
00:42:11 c'est quelque chose que le trafic de drogue nous avait déjà montré.
00:42:15 Ces criminels n'ont pas de limite,
00:42:17 en tout cas certainement pas celle du respect de la vie.
00:42:21 La vie vaut infiniment moins que leur business.
00:42:23 Il n'y a aucune raison que ça s'arrête
00:42:25 et ça fait longtemps que ça dure.
00:42:27 Le détenu, lui, en effet, il s'appelait Mohamed Amra,
00:42:30 vous le disiez tout à l'heure, il a 30 ans.
00:42:32 Il était incarcéré en raison de multiples condamnations.
00:42:35 Les 12 mentions au casier sont pour des délits mineurs.
00:42:41 Il y a vol avec effraction, notamment, refus d'obtempérer.
00:42:44 Il y a beaucoup de choses.
00:42:45 Violence avec usage ou menace d'une arme,
00:42:49 association de malfaiteurs, vol avec extorsion.
00:42:51 Mais il y a aussi deux mises en examen, en l'occurrence,
00:42:54 l'une pour complicité d'assassinat en bande organisée, quand même,
00:42:57 et une autre pour tentative d'homicide,
00:42:59 notamment liée au trafic de drogue, quand même.
00:43:02 Et ces victimes, dont Marc vient de dresser
00:43:06 un portrait plus professionnel,
00:43:08 ils ont 52 et 35 ans, en effet,
00:43:10 et ils laissent deux veuves, dont lui est enceinte,
00:43:13 et deux enfants qui sont désormais orphelins.
00:43:17 Alors, on a eu plusieurs réactions politiques,
00:43:19 vous l'avez dit tout à l'heure.
00:43:20 Celle qui m'intéresse très directement,
00:43:22 c'est celle d'Éric Dupond-Moretti,
00:43:23 et un peu plus largement, celle d'Emmanuel Macron.
00:43:26 Mathieu nous rappelait tout à l'heure
00:43:28 la réaction d'Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux,
00:43:30 quand des magistrats du siège, donc en toute indépendance,
00:43:33 et par ailleurs, après avoir prêté serment,
00:43:35 ont parlé devant le Sénat de la réalité du trafic de drogue,
00:43:38 en l'occurrence à Marseille,
00:43:39 et prévoyant, justement, le basculement dans cette violence inouïe.
00:43:43 On a un garde des Sceaux qui, à ce moment-là,
00:43:46 a réagi en disant qu'il ne fallait pas le dire comme ça,
00:43:47 que c'était très pessimiste, et on le sait,
00:43:49 qu'ils les ont pris à huis clos en allant à Marseille
00:43:52 pour leur passer une soufflante.
00:43:54 Alors, un, c'est très original quand même
00:43:56 quand vous êtes sous serment
00:43:57 et que vous livrez au Sénat la réalité
00:44:00 de ce qu'est votre travail quotidien
00:44:02 dans la lutte contre le trafic de drogue,
00:44:03 vous faire engueuler par la suite par le garde des Sceaux.
00:44:05 Deuxièmement, et le Conseil supérieur de la magistrature
00:44:07 l'avait noté, c'était une atteinte à l'indépendance des pouvoirs,
00:44:11 en l'occurrence, puisqu'il s'agissait de magistrats du siège
00:44:14 qui ne sont pas sous l'autorité directe
00:44:16 dans l'exercice de leur fonction
00:44:17 et dans la manière dont ils le racontent,
00:44:18 du garde des Sceaux.
00:44:19 Et là, on retrouve un peu le même problème,
00:44:22 si je puis me permettre, aujourd'hui.
00:44:24 Pourquoi ?
00:44:25 Éric Dupond-Moretti a évidemment exprimé son émotion
00:44:27 et il a eu raison de le faire,
00:44:29 il a exprimé le deuil que ressent le pays tout entier,
00:44:32 il a eu raison de le faire,
00:44:33 mais il a réagi sur une chose.
00:44:35 Il a dit "Nous ne laisserons pas passer,
00:44:37 "ils seront châtiés",
00:44:38 et Emmanuel Macron, je reprends son mot,
00:44:40 a dit "Nous serons intraitables".
00:44:42 Alors, je note que la sanction, en l'occurrence,
00:44:44 c'est la seule chose qui ne relève pas
00:44:46 du pouvoir du garde des Sceaux.
00:44:47 Les magistrats sont indépendants, encore une fois,
00:44:49 et au tribunal, ces hommes-là se retrouveront
00:44:51 devant des magistrats qui, eux,
00:44:53 en fonction de la loi, des moyens qui leur seront donnés,
00:44:56 des éléments de preuves qu'ils auront
00:44:57 et de l'enquête par rapport à la procédure pénale qui sera faite,
00:45:01 eux décideront de la punition qui sera accordée.
00:45:04 Le rôle d'Éric Dupond-Moretti, le rôle d'Emmanuel Macron,
00:45:07 c'est de donner les moyens
00:45:09 et dans une certaine manière de contraindre
00:45:11 l'écriture de la loi, ces magistrats être intraitables.
00:45:14 Mais ils ne le seront pas, eux, parce que ce n'est pas leur métier.
00:45:17 Et c'est la même chose, il y a une confusion
00:45:19 et derrière cette confusion, j'insiste là-dessus,
00:45:21 parce que j'y vois, moi, toute l'impuissance du politique
00:45:24 qui ne sait plus comment réagir à ça.
00:45:26 Alors, on explique, on constate,
00:45:28 ils constatent de manière assez juste, aujourd'hui tous,
00:45:30 l'horreur qu'on a sous les yeux
00:45:32 et derrière, la réaction politique,
00:45:34 elle est relativement inadaptée dans les mots,
00:45:36 encore une fois, qui sont employés
00:45:38 par rapport au pouvoir qu'ils ont et au métier
00:45:41 qui est le leur.
00:45:43 - Justement, le Sénat a publié un rapport,
00:45:46 aujourd'hui, et il est franchement très inquiétant,
00:45:48 Charlotte, quand, retenez ?
00:45:50 - Il y a un mot qui est utilisé au début de ce rapport-là,
00:45:52 qui est celui de "submersion"
00:45:54 et la France, décrite par les sénateurs,
00:45:56 est confrontée à une menace existentielle.
00:45:59 Il y a plusieurs angoisses qui ressortent énormément de ce rapport.
00:46:02 Il y a d'abord, un, le fossé qui devient béant,
00:46:06 les failles béantes, c'est utilisé par les sénateurs,
00:46:08 entre les criminels et la réaction de l'État,
00:46:11 c'est-à-dire toute la chaîne pénale des policiers à la justice.
00:46:15 Fossé que l'on voit, évidemment, dans ce qui s'est passé aujourd'hui.
00:46:18 La deuxième chose qui inquiète énormément les sénateurs
00:46:21 et qui avait provoqué la colère d'Éric Dupond-Moretti,
00:46:23 c'est la corruption, de plus en plus présente.
00:46:26 Or, il y a quand même une question qu'il faut poser aujourd'hui.
00:46:29 Qui a donné les informations sur ce trajet ?
00:46:31 Le trajet, il n'est pas noté dans les PV.
00:46:34 Donc, soit c'est le détenu lui-même,
00:46:36 avec le téléphone qu'il n'a pas le droit d'avoir dans sa cellule,
00:46:38 mais parce que les magistrats ont aussi insisté là-dessus,
00:46:41 sur le fait que les prisons, notamment pour les trafiquants de drogue,
00:46:44 n'étaient plus hermétiques au trafic de drogue.
00:46:46 Ils prenaient même l'exemple en disant que ces trafiquants,
00:46:49 quand ils étaient emprisonnés, étaient capables d'ordonner
00:46:52 des mises à mort et des assassinats, le trafic déjà,
00:46:57 mais même des mises à mort.
00:46:58 Donc là, il y a une question qui se pose.
00:47:00 Comment, sur ce trajet, est-ce que c'est le détenu lui-même ?
00:47:02 Et d'ailleurs, pour quelle raison ?
00:47:04 Qui sont les gens qui sont venus ?
00:47:05 Sont-ils venus le libérer ?
00:47:06 Sont-ils venus le chercher pour obtenir des informations ?
00:47:09 S'il était impliqué dans le trafic,
00:47:11 toutes ces questions-là se posent.
00:47:12 Mais là, la question, elle se pose aussi.
00:47:14 Elle se posera inévitablement.
00:47:16 La question des armes et du trafic d'armes
00:47:19 qui est très lié au trafic de drogue,
00:47:21 là, c'est évident pour tout le monde.
00:47:23 Et donc, la question de la prison que je viens de citer
00:47:25 sur la question du trafic est également très présente
00:47:29 et ce côté, la prison, qui ne fait plus peur.
00:47:31 Alors, pour le coup, je vais reprendre les mots de Mathilde Pannot,
00:47:34 les sénateurs expliquent que c'est finalement un risque du métier,
00:47:37 désormais, de passer par la prison quand on est trafiquant.
00:47:40 Ce n'est pas les sénateurs qui le pensent comme ça,
00:47:42 mais ils expliquent que pour les trafiquants,
00:47:44 c'est devenu un risque du business
00:47:46 et que, finalement, comme le trafic se poursuit,
00:47:48 ce n'est pas si grave que ça.
00:47:50 Or, souvenez-vous de la réaction d'Éric Dupond-Moretti,
00:47:52 j'insiste un peu, quand les magistrats ont dressé ça
00:47:54 et qu'aujourd'hui, les sénateurs l'écrivent dans leur rapport.
00:47:56 C'était une réaction non pas de stupeur et de détermination,
00:48:00 mais une réaction de colère à l'égard des magistrats qui avaient parlé.
00:48:04 Et ce rapport, la première chose qu'il fait, c'est qu'il objective,
00:48:06 enfin, j'ai envie de dire, vous disiez tout à l'heure
00:48:08 que les téléspectateurs de Facial Info étaient mieux informés,
00:48:11 apparemment, en tout cas, ces derniers mois,
00:48:13 que les sénateurs avant cette commission d'enquête.
00:48:15 Mais moi, je vous assure qu'en lisant le rapport,
00:48:16 c'est un sujet qui m'intéresse depuis longtemps
00:48:18 parce qu'il me terrorise, à vrai dire,
00:48:20 sur l'avenir de ce qu'il pourrait devenir
00:48:23 et de ce que pourrait devenir la France.
00:48:25 Et dans ce rapport-là, je n'ai pas appris grand-chose,
00:48:28 non pas parce que je suis mieux renseignée
00:48:30 ou que j'ai le nez dedans,
00:48:31 simplement parce que les acteurs, en l'occurrence, de terrain
00:48:34 qui sont confrontés à ça,
00:48:35 racontent ça depuis des années et des années.
00:48:38 Donc le rapport est très complet, il est extrêmement bien fait,
00:48:41 mais c'est un rapport qui aurait été encore plus utile
00:48:45 il y a 20 ans, me semble-t-il.
00:48:47 Et ils exposent plusieurs points,
00:48:49 notamment la réalité de ce trafic de drogue.
00:48:52 Alors, évidemment, un trafic ultra souple,
00:48:55 extrêmement malléable, adaptable à l'infini
00:48:58 et extrêmement rapide et ultra violent,
00:49:01 avec une explosion générale de l'offre et de la demande.
00:49:04 Alors, ils disent la transformation du cannabis,
00:49:06 qui est beaucoup plus dangereuse,
00:49:07 l'explosion de l'offre et de la demande de cocaïne.
00:49:10 Ils parlent de l'explosion des opioïdes de synthèse.
00:49:13 Le fentanyl, qui est le plus connu,
00:49:15 c'est 80 000 morts aux États-Unis l'année dernière
00:49:17 et, nous disent les sénateurs, de plus en plus détectés,
00:49:20 c'est encore marginal en Europe et en France,
00:49:23 mais c'est de plus en plus détecté dans les ports
00:49:25 par où arrive la drogue.
00:49:26 Donc c'est maintenant qu'il faut s'en inquiéter, évidemment.
00:49:28 C'est comme le krach,
00:49:29 comme on s'en inquiétait un peu tard,
00:49:31 une fois qu'il était en train de se répandre un peu partout.
00:49:33 Explosion des drogues de synthèse,
00:49:34 897 nouvelles drogues de synthèse répertoriées.
00:49:38 Je ne sais pas si on réalise bien.
00:49:40 Et surexposition et sous-dotation des outre-mer
00:49:44 par rapport à ce trafic et à la manière dont il s'organise.
00:49:47 Ça aussi, nous en avions beaucoup parlé.
00:49:49 Infiltration du trafic partout, gestion implacable,
00:49:52 argent phénoménal, violence exacerbée,
00:49:54 sophistication, nous disent-ils, de tous les procédés.
00:49:57 Et nous, politiquement, à chaque fois qu'il est question de drogue,
00:50:00 nous en sommes à débattre de la dépénalisation du cannabis.
00:50:03 Je ne sais pas si on se rend compte de notre déconnexion lunaire,
00:50:07 lunaire par rapport à ce qui est d'abord le cannabis qui est consommé,
00:50:11 déjà, premièrement,
00:50:12 et deuxièmement, ce qui inonde aujourd'hui
00:50:15 à la fois le pays et donc des personnes bien réelles,
00:50:18 et notamment chez les plus jeunes.
00:50:20 Alors, outre cette réalité bien connue,
00:50:22 on le disait, des téléspectateurs de Face à l'Info,
00:50:24 qu'explorent ces sénateurs sur la réponse
00:50:27 que l'État apporte à cette menace en effet existentielle ?
00:50:30 Le rapport s'inquiète.
00:50:32 Et d'ailleurs, dans une certaine mesure,
00:50:34 je ne vais pas attaquer les sénateurs qui ont fait ce rapport,
00:50:36 mais le moment où il arrive et ce qui est décrit dans ce rapport-là
00:50:39 signe une sorte de déni généralisé et un réveil extrêmement tardif.
00:50:43 Pourquoi ?
00:50:44 Alors, eux s'en inquiètent du déni global
00:50:47 et en tout cas de l'aveuglement par rapport à la réalité du trafic,
00:50:50 mais le seul fait que ce rapport, aujourd'hui...
00:50:52 Je vous dis, par exemple, les sénateurs expliquent dedans,
00:50:55 ils utilisent ce mot, ils ont découvert en écoutant les gens
00:50:58 le phénomène de jambisation.
00:51:00 Je ne sais pas combien de fois on en a parlé sur ce plateau ces dernières années.
00:51:03 La jambisation, c'est quand, vous savez, ces trafiquants
00:51:05 tirent dans les jambes des gamins qui sont sur les points de deal
00:51:07 pour les intimider ou les faire partir pour prendre la place.
00:51:10 Ça a l'air anecdotique, mais le seul fait que la découverte
00:51:13 de ces mots-là, des mots du trafic
00:51:15 qu'utilisent les policiers depuis des années,
00:51:17 les magistrats connaissent ça par cœur,
00:51:18 ça signe quand même un peu un aveuglement, en effet,
00:51:21 et un fossé entre l'organisation redoutable
00:51:24 de cette criminalité organisée
00:51:26 et la nôtre, forcément, notre réaction
00:51:29 par rapport à ce que nous ne voyons pas,
00:51:31 n'avons pas voulu voir ou ne regardons pas clairement.
00:51:34 Et il y a plusieurs pistes, à la fois d'inquiétude,
00:51:36 qui sont aussi des pistes de travail de ces sénateurs.
00:51:38 Un, la question des relations internationales
00:51:41 et une grosse préoccupation pour nos Outre-mer.
00:51:44 Alors, énorme préoccupation sur les Outre-mer
00:51:46 parce que ce sont devenus des points d'entrée,
00:51:49 de trafic et donc d'exploitation des personnes.
00:51:51 On a parlé beaucoup des mules.
00:51:53 Là, il y a une énorme inquiétude, évidemment, là-dessus.
00:51:55 Une adaptabilité qui est lente
00:51:57 et parfois même encore inexistante.
00:52:00 Aussi, une inquiétude internationale
00:52:01 sur les relations diplomatiques.
00:52:03 Il y a deux pays qui sont beaucoup cités,
00:52:05 c'est Dubaï, parce que c'est un pays de refus
00:52:07 pour beaucoup de trafiquants,
00:52:08 et le Maroc, également pour cette raison,
00:52:11 avec un déficit, on va dire, de réaction
00:52:14 dans la relation diplomatique sur ce terrain-là.
00:52:18 De sérieuses réserves également sur l'Union européenne,
00:52:20 parce que l'Union fait la force,
00:52:21 mais apparemment, pas là-dessus non plus.
00:52:23 Donc là, il parle de cadres législatifs
00:52:25 extrêmement contraignants
00:52:27 et d'une extrême lenteur des décisions
00:52:29 face à des raisons, encore une fois,
00:52:30 d'une souplesse ahurissante.
00:52:32 Deuxième chose, grosse inquiétude sur les ports.
00:52:34 On dit qu'il y a 2 à 10 % des containers
00:52:36 qui sont fouillés ou regardés.
00:52:40 Alors évidemment, parce que ça...
00:52:42 Comment dire ? Ça affaiblit la vitesse
00:52:44 à laquelle vous livrez et délivrez
00:52:46 tout ce qu'il y a dans les containers,
00:52:48 mais donc, par là, arrive énormément de drogue.
00:52:51 Le troisième gros sujet d'inquiétude
00:52:53 et donc d'action,
00:52:55 ce sont les moyens d'action des services répressifs.
00:52:57 La police, magistrats et douanes.
00:52:59 Et également la question de la procédure pénale.
00:53:01 Là encore, combien de fois
00:53:02 on a parlé de ces sujets-là ici ?
00:53:04 Et là, ils expliquent qu'il ne s'agit pas simplement
00:53:06 de retard ou de manque de moyens.
00:53:08 On parle beaucoup de ces sujets-là.
00:53:09 Ils existent, mais d'un problème de priorité.
00:53:12 Et ils prennent des exemples assez récents.
00:53:14 La lutte contre l'embolisation des services,
00:53:16 les outils d'ordre public,
00:53:18 comme PlaceNet, par exemple,
00:53:19 donc le pilonnage sur le terrain.
00:53:21 La réforme de la police judiciaire très récemment
00:53:24 en disant qu'on va prioriser le travail sur le terrain
00:53:27 au détriment du travail, évidemment, très long,
00:53:29 très long du travail d'enquête.
00:53:31 Les risques d'accusation de provocation à l'infraction.
00:53:34 Donc tout le rapport à l'information des policiers.
00:53:37 Évidemment, quand vous cherchez des informations
00:53:39 dans le trafic de drogue,
00:53:40 vous ne bossez pas avec des mecs clean, absolument clean.
00:53:43 Mais cette peur de la provocation à l'infraction,
00:53:46 les policiers expliquent qu'ils se restreignent
00:53:48 dans leur travail par peur d'avoir des problèmes.
00:53:50 On en parle souvent sur les armes.
00:53:52 C'est vrai aussi dans le rapport à l'information,
00:53:54 tout simplement dans les enquêtes.
00:53:56 Et la procédure pénale, elle est absolument inadaptée,
00:53:59 finalement propice à certains moments aux délinquants
00:54:02 avec une complicité ahurissante.
00:54:04 Quand j'entends Eric Dupond-Moretti nous dire
00:54:06 "nous allons apporter la juste réponse",
00:54:07 c'est peut-être là-dessus qu'il faudrait travailler.
00:54:09 Parce que quand vous entendez les dernières mesures,
00:54:11 notamment venues de l'Union européenne,
00:54:13 qui accentuent encore la complexité de la procédure pénale,
00:54:16 ce n'est pas exactement la juste réponse.
00:54:18 La question du renseignement, de l'utilisation du renseignement
00:54:21 sur une menace, encore une fois, existentielle
00:54:25 pour l'intérêt du pays.
00:54:25 La question de la corruption, je vous le disais,
00:54:27 les sénateurs disent qu'elle est actuellement sous-estimée.
00:54:30 Tous les acteurs ont tiré la sonnette d'alarme
00:54:33 devant la commission d'enquête.
00:54:34 Le blanchiment d'argent ultra-efficace
00:54:37 désormais de tous ces trafiquants,
00:54:41 un chiffre, 3,5 milliards d'euros par an
00:54:44 générés en France par le trafic de drogue.
00:54:46 Ça représente simplement la drogue,
00:54:48 14% des saisies qui sont faites par les autorités
00:54:51 et 117 millions d'euros.
00:54:53 Donc, vous voyez, il y a encore de l'argent à prendre.
00:54:54 Et enfin, la dernière chose que nous disent les sénateurs,
00:54:57 c'est la prévention et, dans une certaine mesure,
00:54:59 la bataille culturelle.
00:55:00 Quand je vois certains, aujourd'hui, notamment à gauche
00:55:02 sur les chéquiers politiques, réagir à ce qu'il se passe
00:55:04 et, de manière générale, être absents de cette bataille-là,
00:55:07 je leur rappelle à toutes fins utiles que c'est un...
00:55:10 Alors là, c'est un modèle de capitalisme ultra-agressif
00:55:13 qui a recours à la corruption et à la violence
00:55:15 et qui, par ailleurs, tue très allègrement
00:55:18 les travailleurs qu'ils embauchent.
00:55:21 Il les tue littéralement, cette fois-ci, et volontairement
00:55:23 et, par ailleurs, en faisant vivre un enfer à des quartiers entiers
00:55:25 que ces gens prétendent défendre.
00:55:27 Il serait peut-être temps qu'eux aussi se mettent
00:55:29 à vouloir rentrer dans la bataille.
00:55:31 - Merci infiniment, Charlotte, pour toutes ces précisions.
00:55:35 Demain, Éric Dupond-Moretti recevra les syndicats pénitentiaires
00:55:39 à 14h et l'intersyndical appelle à une journée prison morte
00:55:44 demain, pour information.
00:55:46 Et pardonnez mon émotion, j'ai un petit neveu qui a 21 ans
00:55:50 et qui est en formation, en ce moment, d'agent pénitentiaire
00:55:53 et pour revenir sur ce que vous disiez,
00:55:55 la formation de ELSP, c'est uniquement 4 semaines,
00:55:59 il faut avoir juste 24 ans,
00:56:01 et la première formation pour être agent pénitentiaire,
00:56:03 c'est juste 6 mois, donc comme vous disiez...
00:56:05 - Ils sont remontés à 8 mois.
00:56:07 - D'accord, donc comme on disait...
00:56:09 - Ce que m'a dit le... - D'accord.
00:56:11 Et après, justement, pour pouvoir sortir,
00:56:13 ils n'ont que 4 semaines, ils doivent avoir seulement 24 ans,
00:56:16 ce sont des petits bébés, si vous permettez l'expression,
00:56:18 qui sont sur le terrain et en point, justement,
00:56:21 à ce qui se passe sur place.
00:56:23 Alors hier soir, à cette heure-là,
00:56:24 nous étions en panique avec le sourire,
00:56:26 Mathieu a enquêté, puisque tous les téléphones sonnaient,
00:56:29 presque à la même heure,
00:56:30 des milliers de Parisiens recevaient un message d'alarme
00:56:32 annonçant apparemment une urgence majeure
00:56:35 sur la nécessité de réclamer,
00:56:37 c'était la nécessité de réclamer son QR code pour les JO.
00:56:40 Et 24 heures plus tard, au-delà de l'étonnement,
00:56:43 on avait dit qu'on serait revenu sur ce sujet,
00:56:46 puisque la question qu'on va se poser avec vous,
00:56:49 est-ce que c'est la société de contrôle ?
00:56:51 On s'est quand même sentis un peu en otage.
00:56:54 - C'est le moins qu'on puisse dire.
00:56:55 La société de contrôle se rappelle à nous,
00:56:57 elle fait des progrès et de temps en temps, elle marque une étape.
00:57:00 Alors, le terme "alerte extrêmement grave",
00:57:03 c'était ce qui accompagnait le message.
00:57:05 Je suis curieux de savoir quel terme on utilisera
00:57:07 si jamais il y a une attaque terroriste.
00:57:09 Extrêmement, extrêmement, extrêmement très grave,
00:57:11 je ne sais pas trop, il y a quelque chose,
00:57:12 le vocabulaire n'est pas pondéré.
00:57:14 Notre ami Pascal Proulx, ce matin, a dit
00:57:16 qu'il y avait une dérive des petits hommes gris.
00:57:18 On peut être tout à fait d'accord avec lui,
00:57:20 je pense que c'est la première explication,
00:57:22 c'est le type de dérive administrative qu'on peut connaître.
00:57:24 Mais ça va au-delà, je crois, de la dérive des petits hommes gris,
00:57:28 ce que l'on voit avec un tel message qui sonne comme ça,
00:57:31 soudainement, et qui, avec un exerce de bruit,
00:57:33 qui est là pour occuper tout l'espace sur le mode panique,
00:57:36 c'est que nous basculons progressivement
00:57:38 d'une représentation de la liberté à une autre.
00:57:41 Nous basculons d'une représentation du contrôle social à une autre,
00:57:44 nous basculons, de ce que j'ai appelé avec "donc",
00:57:46 la société de liberté à la société d'autorisation.
00:57:48 Parce que, je résumerais la chose ainsi,
00:57:50 il faut se demander qu'est-ce qui rend possible dans nos vies
00:57:54 le fait que les autorités, le gouvernement,
00:57:56 fassent sonner nos téléphones, ils décident de frapper comme ça,
00:57:59 d'occuper tout l'espace, nous envoient un message,
00:58:02 donc on comprend qu'ils peuvent nous rejoindre en toutes circonstances,
00:58:04 quel que soit le lieu, quel que soit le moment,
00:58:06 ça en dit beaucoup, en fait, sur notre asservissement technologique,
00:58:09 soit à l'État, soit d'ailleurs à les entreprises privées.
00:58:12 Donc de quoi est-ce le symptôme, en quelque sorte ?
00:58:15 On constate tous que la société de contrôle se déploie de plus en plus,
00:58:19 on pourrait dire que l'expérience Covid annonçait une société nouvelle.
00:58:23 Et dans cette société nouvelle, nous sommes,
00:58:25 on a fait un pas, deux pas, trois pas,
00:58:26 on n'est pas encore engagés jusqu'au terme de ce qu'elle peut être,
00:58:29 mais objectivement, on constate que les moyens de contrôle
00:58:32 sont de plus en plus nombreux, d'autant qu'on participe à ça
00:58:35 ne serait-ce que par nos réseaux sociaux, ne l'oublions jamais,
00:58:37 quand on est à l'extérieur, on prend une photo,
00:58:39 on me dit "Ah, je suis très heureux, regardez, je suis en Allemagne,
00:58:41 voyez ma photo en Allemagne", on se signale au public pour tous,
00:58:45 aucun État autoritaire ou totalitaire n'avait rêvé de quelque chose
00:58:49 d'aussi formidable auparavant, une population qui signale
00:58:52 en toutes circonstances, qui donne des tonnes de détails
00:58:54 sur sa vie privée et qui semble fuir la possibilité de la vie privée.
00:58:57 Donc c'est un point de contact entre un appareil technopolitique
00:59:01 de plus en plus, je dirais pas répressif,
00:59:03 mais qui a la possibilité de la répression,
00:59:05 et une population plus docile qu'elle ne l'a jamais été.
00:59:08 Et à travers cela, il y a des débats qui tournent en boucle
00:59:11 sur la question de l'identité numérique au niveau européen,
00:59:14 on ne sait jamais exactement ce que ça peut vouloir dire,
00:59:16 mais on sent que ça porte des dérives nombreuses pour les libertés,
00:59:20 et bien ce que l'on a vu hier, je crois, c'est un signe de plus
00:59:23 de ce que veut dire cette société sous le contrôle numérique intégral.
00:59:27 C'est pas la catastrophe, c'est simplement un signal
00:59:29 d'une société un peu moins libre qu'hier.
00:59:31 - Votre propos ne relative pas quelque peu
00:59:33 de ce qu'on appelait pendant la Covid le complotisme.
00:59:36 - Ah non, non, non, pas du tout même. Pourquoi ? Certains.
00:59:39 Pour une raison simple, je ne crois pas qu'il y a
00:59:41 quelques conspirations que ce soit,
00:59:43 deux petits hommes non pas gris, ceux-là,
00:59:45 mais en costume noir, malveillants, voulant nous soumettre.
00:59:48 Non, c'est pas ça dont on parle ici.
00:59:50 C'est une idéologie qui se déploie.
00:59:52 C'est une habitude qu'au nom de la sécurité,
00:59:54 et là, c'est la question des Jeux olympiques,
00:59:56 mais dans un an, dans deux ans, dans trois ans,
00:59:58 des prétextes à QR code se multiplieront.
01:00:00 La nécessité d'encadrer un peu plus la vie sociale,
01:00:02 les raisons, en fait, les raisons se présentent toujours à nous,
01:00:05 et les gouvernements trouvent toujours dans ces raisons
01:00:08 de détendre un peu plus leur contrôle sur la vie.
01:00:10 À travers cela, je pense qu'on voit la docilité immense
01:00:13 des populations occidentales qui ont accepté ce basculement
01:00:16 dans cette société de contrôle, tout en croyant
01:00:18 qu'elles vivent encore dans une société de liberté.
01:00:20 - Alerte extrêmement grave sur nos libertés.
01:00:23 Tout de suite, l'heure des pros 2. Pascal Praud.
01:00:26 à bientot !