Denis Boutineaud, secrétaire de l'union régionale CGT Construction
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00:00 Il y a trois ans et demi, en septembre 2020, Stéphane Jobert, un jeune couvreur de 27 ans, meurt après avoir chuté d'un toit sur un chantier dans le quartier d'Ansouty, à Bordeaux.
00:09 Son entreprise, reconnue coupable de manquement il y a presque un an, a fait appel de sa condamnation et le deuxième procès se tient aujourd'hui à Bordeaux.
00:16 Notre invité ce matin, Stéphanie Brossard et Denis Boutinot, le secrétaire de l'Union régionale CGT Construction.
00:22 Bonjour Denis Boutinot.
00:24 Bonjour.
00:25 Cette affaire Stéphane Jobert, est-ce que c'est un dossier isolé gravissime ou malheureusement il y en a beaucoup d'autres du même genre ?
00:32 Malheureusement il y a beaucoup d'autres dossiers dans le même genre, à savoir la CGT Construction est partie intervendante dans près de 180 dossiers actuellement en France.
00:44 Donc oui, ce n'est pas un cas isolé et on a beaucoup d'accidents du travail et de morts au travail dans toutes les professions,
00:52 en particulier dans le BTP où ça doit être près de la moitié.
00:57 Et aujourd'hui en mort au travail et du travail, on énombre 1227 salariés décédés avec les accidents de travail plus les maladies professionnelles.
01:08 Donc oui, c'est une problématique de la santé et la sécurité au travail pour les salariés alors que théoriquement c'est une prévogative des employeurs d'assurer la sécurité au travail.
01:18 C'est l'article 4121-1 du Code du travail, c'est une obligation qui est marquée et gravée dans le marbre du Code du travail.
01:26 L'entreprise qui employait Steven Jobert en septembre 2020 a fait appel donc de sa condamnation pour homicide involontaire.
01:32 Est-ce que c'est souvent difficile de prouver dans ce genre d'affaires que la société a pu commettre une faute ?
01:39 Alors ça peut être facilement prouvable, des fois c'est compliqué comme pour Steven Jobert puisqu'il n'y a pas eu d'enquête de police immédiatement.
01:49 Ce qui est d'ailleurs un petit scandale puisque la mort d'un homme a été un peu, j'oserais dire, mis de côté par les forces publiques, c'est incompréhensible.
01:59 C'était un des regrets d'ailleurs du juge parce qu'on n'avait pas tous les éléments nécessaires qui auraient, j'oserais dire, prouvé tous les manquements de l'employeur.
02:10 Certains ont été prouvés par les témoignages mais ça aurait été encore mieux que ce soit la police qui les ait prouvés.
02:16 Bon, l'inspection du travail a fait son enquête, il y a des obligations légales à mettre en oeuvre, elles n'ont pas été mises en oeuvre donc il y a pu y avoir un jugement.
02:22 Mais il a été quand même dommageable qu'il n'y ait pas eu, j'oserais dire, de preuve de démanquement de l'employeur un peu plus fortement, y compris par les forces de l'ordre.
02:33 Néanmoins, en France, si on a un réel manque d'inspecteurs du travail, de contrôleurs Kersat, il faudrait qu'on double ces dispositifs, enfin le nombre de personnels
02:43 pour vraiment qu'on ait un suivi régulier et qu'on empêche d'arriver à des catastrophes telles que celle de Steven Jobert qui est décédé malheureusement.
02:52 L'entreprise parle de faute de la victime qui avait choisi de ne pas s'équiper.
02:57 Hé bien hélas, on a vu lors du procès en première instance que l'entreprise avait mis aucun moyen puisque le père du nouvel employeur avait juste, pour guider les salariés sur le chantier,
03:15 leur avait dit de marcher sur les vis pour ne pas tomber, il leur avait fourni quatre planches.
03:19 Sur un toit en éverité, c'est par là qu'elle est passée à travers Steven.
03:24 Ceci est complètement, je vais presque dire, loufoque parce qu'il y a des sécurités à mettre sur les chantiers, notamment au travail en hauteur.
03:37 Il y a possibilité de mettre des points d'ancrage avec un harnais en certifiant ces points d'ancrage par un organisme de contrôle évidemment certifié.
03:45 Il y a possibilité, il faut mettre des filets, on peut mettre aussi tout le tour des rembords d'antichute, il y a plein de choses qui auraient dû être mises en place et qui n'ont pas été mises en place.
03:55 Le fait d'avoir un harnais de sécurité avec un antichute etc. ils ne l'avaient pas à disposition puisque c'était dans un camion et le camion n'était pas là.
04:06 Bref, c'est les aléas de chantier mais ça n'avait pas été prévu, ça n'avait pas été pensé.
04:12 Ce qui est dommage c'est qu'on envoie des salariés sans réfléchir aux chantiers, sans leur mettre la sécurité nécessaire en œuvre.
04:19 Et là, on voit ça trop souvent et il suffit de regarder nos toits, je voudrais dire, combien de salariés sont réellement en sécurité en travaillant en hauteur.
04:29 Aujourd'hui, plus de la moitié des accidents du travail dans le BTP sont des accidents de chute de hauteur.
04:35 On devrait aujourd'hui vraiment arrêter ce jeu très dangereux d'envoyer les salariés sans sécurité sur les chantiers.
04:45 - Il est 7h49 sur France Bleu Gironde, le deuxième procès de l'affaire Steven Jobert.
04:50 Ce tient aujourd'hui à Bordeaux, on en parle ce matin avec notre invitée Denis Boutinot, le secrétaire de l'Union régionale CGT Construction.
04:55 Le principal problème selon vous c'est qu'il n'y a pas assez de contrôle de l'inspection du travail, notamment ?
05:02 - Il n'y a pas assez de contrôle de l'inspection du travail parce que tout simplement ils ne sont pas assez nombreux.
05:06 Il n'y a pas assez de contrôle des contrôleurs Karsat, des ingénieurs Karsat, ils ne sont pas assez nombreux.
05:12 Il faut vraiment qu'on embauche des personnels pour mettre en sécurité les salariés.
05:17 La France est le recommande européen des accidents du travail, plus qu'on a 3,53 accidents mortels sur 100 000 salariés.
05:27 La Suède est à 0,46 par exemple, les Pays-Bas sont à 0,46.
05:33 Donc on a une vraie problématique à ce niveau là.
05:38 Il faut savoir que sur les Jeux Olympiques on a une expérience qui a été faite,
05:43 où il y a une charte qui a été signée avec les organisations syndicales, la Société Solidéo,
05:47 qui est la société qui va livrer les ouvrages des Jeux Olympiques.
05:50 Et sur tous les Jeux Olympiques, du moins du périmètre de la Société Solidéo, il n'y a pas eu d'accident mortel.
05:59 Il y a eu des accidents du travail, quatre fois moins que dans les accidents en général dans le BTP,
06:03 mais il n'y a pas eu d'accident mortel. Pourquoi ? Parce qu'il y a eu plus de contrôle d'inspection du travail,
06:07 il y a eu 1 300 contrôles, il y a eu un travail qui a été fait avec les organisations syndicales,
06:12 il y a eu des engagements des entreprises, il y a eu un réel engagement sur cette charte sociale pour mettre en sécurité les salariés.
06:23 Donc les accidents du travail ce n'est pas une fatalité, les accidents du travail ça peut être limité,
06:29 enfin il faudrait étendre qu'il n'y en ait plus, mais ça peut être très limité si on met les gens en sécurité, si on met des contrôles.
06:36 - S'il y a plus de contrôles, s'il y a plus de formations peut-être des entrepreneurs, des salariés eux-mêmes ?
06:41 - Alors oui évidemment il faut les deux, la formation des entrepreneurs, la formation des salariés.
06:45 - Ça n'est pas assez fait en France ?
06:47 - La problématique c'est qu'aujourd'hui pour être entrepreneur d'une entreprise du BTP,
06:52 il faut avoir travaillé deux ans, enfin du moins prouver qu'on a travaillé deux ans dans cette profession-là.
06:59 Avoir travaillé ce n'est pas forcément être formé à la sécurité de ses salariés.
07:06 Le cas de l'affaire qui nous concerne c'est que la chef d'entreprise a en effet connu ce métier par le biais de son père,
07:18 mais n'avait jamais exercé en tant que tel dans cette profession,
07:22 et le fait c'est qu'elle a des responsabilités sur des vies humaines qu'elle ne peut pas assurer parce qu'elle n'a pas la formation.
07:31 - Merci beaucoup Denis Boutinot d'avoir été notre invité ce matin.
07:35 Je vous rappelle que vous êtes le secrétaire de l'union régionale CGT Construction.
07:39 Merci à vous, bonne journée.
07:41 de Sur France Bleu.
07:42 J'ai en interview à récouter également en vidéo sur francebleu.fr