• il y a 7 mois
Michel Onfray passe en revue l’actualité de la semaine dans #FaceAMichelOnfray. Présenté par Laurence Ferrari.

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Transcription
00:00 *Générique*
00:11 Et on se retrouve pour Face à Michel Onfray, notre rendez-vous du week-end sur CNews et sur Europe 1.
00:17 Désormais bonjour Michel.
00:18 Bonjour Laurence.
00:19 Ravie de vous retrouver pour cet entretien radio-télévisé.
00:22 On va passer une heure à dialoguer, à introduire un peu de philosophie dans les vagues de l'actualité de la semaine si vous le voulez bien.
00:29 On va parler de la mort de Bernard Pivot, vous le connaissez bien, vous l'aimiez bien, animateur phare d'Apostrophe, de Bouillon de Culture,
00:35 amoureux de livres, de football et de bonne chair, le dernier des éducateurs populaires à la littérature dites-vous, on va l'évoquer dans un instant.
00:43 Le rire, peut-on rire de tout ? La question se pose à la lumière de ce qui se passe autour de certains militants qui se font passer pour des humoristes et qui ne sont pas drôles.
00:51 Comment est-on passé du rire au ricanement ? Qu'est-ce que le rire ? Voilà des thèmes de philosophie qu'on va aborder aujourd'hui.
00:58 La liberté d'expression, évidemment, une valeur qui vous est chère, Michel, qui était l'objet de la rencontre à laquelle vous avez participé il y a quelques jours à Perpignan avec Éric Nolot.
01:07 Pourquoi cette notion fondamentale de notre République est à ce point-là stigmatisée aujourd'hui et par qui ?
01:14 Enfin, De Gaulle, bien sûr, notre héros national, à la faveur des commémorations du 8 mai 45 et avant les célébrations du débarquement de Juin en Normandie.
01:23 La guerre est gagnée, voici la victoire, c'est la victoire des Nations Unies et c'est la victoire de la France.
01:29 On réécoutera un extrait de son discours radio du 8 mai 45.
01:33 Et puis, on entendra aussi Philippe Seguin qui, des années plus tard, en 1992, alors qu'il bataillait contre le traité de Maastricht pour préserver la souveraineté de la France,
01:43 rappelait qu'on ne joue pas impunément avec les peuples et leur histoire.
01:48 Il dénonçait une Europe technocratique, c'est absolument prémonitoire et ça, vous me l'avez souvent dit.
01:53 Voilà pour le menu, Michel Onfray, tout va bien ? On y va ? On se lance.
01:56 On commence par un tout petit mot, si vous le voulez, sur les manifestations pro-palestiniennes qui se sont déroulées encore cette semaine,
02:01 que ce soit à Sciences Po ou à la Sorbonne où les forces de l'ordre ont procédé à de nombreuses interpellations.
02:07 Ça a été aussi l'occasion d'un échange musclé entre deux hommes politiques.
02:11 D'un côté, François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains aux Européennes, et de l'autre, Louis Boyard de la France Insoumise.
02:18 On va écouter un extrait de ce dialogue au milieu des UE des manifestants.
02:22 Les gens qui sont incapables depuis le 7 octobre de dire que le Hamas est une organisation terroriste n'ont aucun honneur.
02:28 Et ça lisse le mal.
02:29 Je le dis, c'est bon, je le dis, je le dis, maintenant je vous pose la question.
02:32 Est-ce que vous condamnez le fait que 15 000 enfants...
02:36 On est venu pour rien, voyez. Un député de la France Insoumise a reconnu que le Hamas est une organisation terroriste.
02:40 Est-ce que vous condamnez le fait que 15 000 enfants aient été tués par Israël ?
02:42 C'est Chiffre-et-Guindou, Monsieur Boyard.
02:44 C'est Israël qui les bombarde. Vous voyez, vous êtes incapables de répondre à la question.
02:47 Voilà pour un tout petit extrait de ce dialogue qui a duré plusieurs minutes en réalité.
02:52 Est-ce qu'il a eu raison, Monsieur Bellamy, de ne pas laisser le terrain libre, le champ libre réellement à la France Insoumise ?
02:59 Sur le principe, il a eu raison. Et puis je rappelle qu'on a ici quelqu'un qui est, je crois, agrégé de philosophie,
03:04 et puis quelqu'un qui est un peu, je dirais, désagrégé d'un petit peu de tout.
03:08 Et on voit...
03:09 - Mickey député ? - Oui.
03:11 - Ah oui, Mickey député. - Oui.
03:12 Vous savez, les découpages électoraux qui permettent à certains d'être sûrs d'être élus
03:17 - Parce que ça a été fait sur mesure. - Le suffrage universel, Michel.
03:18 Oui, mais on peut avoir un regard critique aussi sur le suffrage universel.
03:21 C'est quand même étonnant que les ciseaux aient si bien fonctionné pour fabriquer des circonscriptions sur mesure,
03:26 à tel ou tel, qui ne seraient pas élus si vraiment il y avait eu une élection au suffrage universel autrement pratiquée.
03:31 Mais enfin, le problème n'est pas là.
03:32 Il est qu'effectivement, on a d'un côté quelqu'un qui parle correctement le français, qui a des arguments, qui développe,
03:36 et puis de l'autre côté, quelqu'un qui veut s'y faire et qui nous donne les chiffres du Hamas, quoi.
03:41 Et immédiatement, pour ne pas répondre à la question, il pose une autre question,
03:45 et c'est une autre question qui fait partie des éléments de langage de la France insoumise.
03:49 Bon, moi j'ai vu ça assez régulièrement, vous avez des gens qui vous insultent et puis après, ils s'en vont.
03:52 - On va en parler, vous avez vécu ça. - Là, on est un peu dans la même logique.
03:55 C'est-à-dire que moi, je souhaiterais du débat.
03:57 Et je souhaiterais qu'on puisse même interviewer des jeunes, comme ça, en disant,
04:00 "Dites donc, vous là qui défendez la cause palestinienne, on va parler de la Palestine.
04:03 Expliquez-nous ce qu'est la Palestine, expliquez-nous ce qu'est la cause palestinienne, expliquez-nous...
04:06 - L'histoire. - L'histoire.
04:07 Parlez-nous un peu d'Yasser Arafat, expliquez-nous les accords de paix,
04:11 qu'est-ce qu'il y avait par exemple en Israël à telle époque, ou dans les terres de Palestine,
04:15 qui était le grand moufti de Jérusalem, qui a collaboré avec Adolf Hitler, etc.
04:19 Pour qu'on puisse avoir la certitude, un peu comme des gens qui passent le permis de conduire,
04:23 pour avoir le droit de conduire, il faut montrer qu'on en est capable.
04:25 Il y a un moment donné où il faudrait qu'on puisse montrer qu'on est capable d'être député.
04:28 Il ne suffit pas d'être élu par des jeux, les jeux que je viens de signaler tout à l'heure,
04:32 juste de faire savoir qu'on connaît un peu l'histoire, on connaît un peu la politique,
04:36 et qu'on oppose des arguments aux arguments et non pas des vociférations aux arguments.
04:39 – Il ne s'agit pas seulement des députés, il s'agit aussi de ceux qui manifestaient ce jour-là,
04:44 non seulement devant le Sciences Po ou la Sorbonne, mais surtout Place de la République.
04:48 Je vais vous faire écouter des slogans que je trouve absolument inacceptables,
04:51 qui ont été tenus donc au Place de la République, qui disent
04:55 "Varsovie, Treblinka, Gaza, on n'avait dit plus jamais ça".
04:59 Écoutez, et on réagit.
05:01 "Varsovie, Treblinka, et maintenant Gaza, on n'avait dit plus jamais ça"
05:22 C'est insupportable de comparer ce qu'a été Treblinka,
05:26 qui était l'un des six camps d'extermination des nazis ou des millions de juifs en Périt,
05:31 à ce qui se passe à Gaza, Michel Lempreil.
05:34 – Oui, mais on ne va pas faire de la morale moralisatrice en disant "c'est bien, c'est pas bien",
05:37 mais faisons un peu de travail philosophique, c'est-à-dire un travail généalogique.
05:40 D'où ça vient, cette phrase-là ? C'est une formule, elle a été écrite, elle a été pensée.
05:44 – Elle leur a été donnée à ces jeunes.
05:46 – Bien sûr, c'est un élément de langage.
05:47 – C'est un élément de langage.
05:48 – Le mégaphone, et puis il se met à beugler quelque chose,
05:51 tout le monde reprend, et puis voilà, ça sert de pensée.
05:53 Je veux dire que si vraiment on veut remonter en arrière et contextualiser,
05:56 ça fait à peu près une trentaine d'années
05:58 qu'on fait un mauvais usage de la question juive pour utiliser la formule de Marx.
06:03 C'est-à-dire que quand on utilise "Au radour sur Glane",
06:05 n'importe quand, pour n'importe quoi, "Lashoa", pour n'importe quand, n'importe quoi,
06:09 et beaucoup la gauche nous ont fait savoir que Marine Le Pen, c'était "Au radour sur Glane",
06:14 et puis que c'était aussi "Lashoa", et puis c'était la division d'Azraj,
06:16 et puis Emmanuel Macron lui-même instrumentalisant tout ça.
06:20 Il y a un moment donné où, quand on ne fait plus d'histoire,
06:22 qu'on instrumentalise la question juive,
06:24 il est normal que des gens un peu abrutis puissent tenir ce slogan-là,
06:28 parce que que dit-il ce slogan-là ? Il nazifie les Juifs.
06:32 Il y a quand même un moment donné où il faut faire de l'histoire.
06:35 C'est exactement la même chose avec les éléments de langage du génocide.
06:38 Ces gens, la Boyard et autres, nous disent "il y a un génocide".
06:40 Je rappelle quand même que le génocide, c'est la volonté de détruire intégralement un peuple.
06:44 C'est leur ami Robespierre qui avait fait ça pour les Vendéens,
06:47 en disant "pas un Vendéen ne doit échapper au couteau".
06:52 Les femmes, les enfants, et évidemment des gens qui n'en peuvent mais.
06:57 Là, si vraiment il y avait un génocide, ce n'est pas seulement sur Gaza qu'il y aurait des problèmes,
07:01 c'est sur la Cisjordanie.
07:02 Il faudrait détruire les palestiniens,
07:05 et bien il y aurait aujourd'hui des traitements militaires sur la Cisjordanie.
07:09 Il n'y a rien sur la Cisjordanie, ça n'est donc pas un génocide.
07:12 Ce sont des éléments de langage retournés par tous ces gens-là,
07:14 qui estiment qu'ils instrumentalisent la Shoah à des fins antisémites.
07:18 Et ça fait des années qu'on les laisse faire,
07:20 parce qu'effectivement en banalisant, il y a un moment donné où quand on veut crier vraiment au loup,
07:24 on ne le peut plus, parce que de toute façon plus personne ne sait ce que c'est que la Shoah,
07:27 enfin plus personne dans la jeune génération, très peu savent exactement ce qu'elle est,
07:31 et peuvent dire ces choses-là en se trouvant convaincus qu'effectivement,
07:34 le ghetto de Varsovie, le camp d'extermination de Treblinka,
07:37 et ce qui se passe sur la bande de Gaza, c'est exactement la même chose.
07:41 - Rima Hassan, qui est la candidate sur la liste des européennes pour la France insoumise,
07:45 a même tweeté, mais c'est un peu sa marque de fabrique, de créer comme ça de la polémique,
07:49 "ce que fait Israël à la Palestine n'est pas très différent de ce que la France faisait à l'Algérie".
07:56 C'est une tentative de mêler toutes ces histoires et ces passés.
08:00 - Je peux continuer sur ce sens-là, c'est-à-dire on ne fait pas d'histoire, on ne fait plus d'histoire,
08:03 c'est-à-dire la guerre d'Algérie, si on confie l'écriture de l'histoire de la guerre d'Algérie à Benjamin Storant,
08:08 on sait comment elle sera écrite. Donc il faut écrire vraiment l'histoire de la guerre d'Algérie,
08:12 en n'ayant pas peur du pouvoir algérien. Moi je distingue bien le pouvoir algérien du peuple algérien.
08:18 Quand il m'est arrivé d'aller en Algérie, c'est un grand peuple, c'est un beau peuple,
08:21 ce sont des gens cultivés, francophones, qui ont vraiment le désir de la France,
08:25 qui regardent la télévision française, etc. Et puis vous avez au pouvoir une mafia,
08:29 qui a l'intérêt à laisser croire que la guerre d'Algérie n'est pas terminée,
08:32 qu'il n'y a pas eu des accords déviants. Je rappelle que depuis 1962, l'Algérie est indépendante.
08:35 Qu'a-t-elle fait de cette indépendance l'Algérie ? Je veux bien que nous soyons coupables de tous les maux,
08:39 mais même Simone de Beauvoir, en 1972, dans un livre qui s'appelle "Tout compte fait",
08:43 dit "on n'a quand même pas fait ce qu'on a fait aux côtés du FLN pour obtenir ça,
08:46 c'est-à-dire des femmes voilées, une arabisation de la société, et puis l'islam qui devient une religion d'État".
08:51 C'est Simone de Beauvoir elle-même qui fait cette critique.
08:54 Même les gens de gauche aujourd'hui ne sont pas capables de renvoyer à Simone de Beauvoir en disant
08:57 "c'est peut-être pas l'Algérie qu'il nous aurait fallu défendre".
09:00 Évidemment, quand cette dame défend l'Algérie, la colonisation, etc., ce sont toujours des éléments de langage.
09:05 Faisons vraiment de l'histoire, et nous verrons combien le FLN a massacré des gens du MNR,
09:09 du Mouvement National Algérien, combien les musulmans se sont massacrés entre eux
09:13 pour avoir la domination sur le mouvement d'indépendance en Algérie,
09:17 et qu'on arrête d'accabler sans cesse les Français.
09:19 Il y a eu beaucoup de morts parmi les Algériens, qui ont été commis ces morts
09:23 par des Algériens eux-mêmes pour des raisons d'indépendantisme.
09:26 Voilà pour ce qui était de l'Algérie.
09:28 Un mot de l'antisémitisme, parce que cette semaine, il y avait le dîner annuel du CRIF.
09:32 Le Premier ministre Gabriel Attal a pris la parole, notamment à l'Assemblée nationale,
09:36 parce que les actes d'antisémitisme ont littéralement explosé dans notre pays depuis le 7 octobre.
09:41 J'aimerais juste que l'on écoute un tout petit extrait de son discours à l'Assemblée nationale,
09:45 où il dit "la France n'a jamais détourné le regard".
09:47 Jamais la France n'a détourné le regard.
09:50 Nous n'avons pas détourné le regard de l'attaque terroriste abominable commise par le Hamas le 7 octobre en Israël.
09:59 Et nous ne détournons pas le regard de la situation humanitaire dramatique à Gaza.
10:05 Je vous remercie, M. le Président Chassaigne, d'avoir fait mention des otages israéliens et français à Gaza.
10:10 Je le dis parce que c'est tellement rare, venant malheureusement de la nupes,
10:15 et notamment de la France insoumise, qui n'a jamais de mots pour nos otages.
10:19 Et je le dis, ces indignations sélectives, elles doivent cesser.
10:25 Elles doivent cesser de la part de ceux qui font toujours entendre une voix contre Israël,
10:32 mais qui sont sans voix face au Hamas et à ses exactions qui sont commises.
10:36 Voilà pour Gabriel Attal, des indignations sélectives. Vous validez ou pas, Michel Attal ?
10:41 Non, parce que moi j'ai vu l'intégralité de son intervention,
10:44 et j'ai presque pensé pendant la première partie que j'aurais plaisir à dire du bien de Gabriel Attal,
10:50 parce qu'il nous disait effectivement qu'il fallait aller voir du côté de la France insoumise.
10:53 Et puis après, il n'a pas pu s'empêcher d'aller voir du côté aussi du Rassemblement national.
10:56 Il les a renvoyés d'Ozado.
10:57 Voilà. Il fait de la politique politicienne.
10:59 Et puis en même temps, il met un coin entre le Parti communiste français et la France insoumise.
11:03 Il y était déjà le coin.
11:04 Oui, mais c'est une façon de dire faisons exploser ça.
11:06 Si le PC pouvait se prendre deux points de plus, et si Mélenchon pouvait se prendre deux points de moins...
11:10 C'est de la politique, vous avez raison.
11:11 C'est de la politique politicienne.
11:12 Et là encore, on instrumentalise.
11:13 Je disais tout à l'heure qu'on avait malheureusement instrumentalisé la question juive depuis des années.
11:17 Ça continue.
11:18 Ça continue.
11:19 Allez, on est en face à Michel Onfray aujourd'hui sur CNews et sur Europe 1.
11:23 Michel, on va parler maintenant du rire et de la liberté dans cette émission.
11:27 Est-ce que ce sont deux notions qui sont... La liberté d'expression, bien sûr.
11:31 Deux notions qui sont compatibles.
11:32 Est-ce qu'on peut les dissocier ou pas ?
11:35 On va écouter la réponse de Rachida Dati, ministre de la Culture,
11:39 interpellée à l'Assemblée nationale sur la liberté d'expression,
11:42 à la lumière de ce qui s'est passé à Radio France,
11:44 où un pseudo-humoriste qui s'appelle Guillaume Meurice a été suspendu d'antenne
11:48 après avoir réitéré un jeu de mots sordide sur Benjamin Netanyahou,
11:52 premier ministre israélien, qui serait selon lui un nazi sans prépuce.
11:55 On va écouter Madame Dati et je vous passe la parole.
11:58 Sur le sujet justement de l'humour dans les médias,
12:02 est à évoquer avec mesure, mais sans aucune caricature.
12:06 Moi, ça ne me fait pas rire.
12:08 Non, justement, ça ne me fait pas rire, monsieur le député.
12:11 En octobre 2023, l'Arkhom avait mis en garde, de manière très argumentée,
12:16 je vous renvoie aux détails de sa décision,
12:19 France Inter, suite à la chronique de Guillaume Meurice.
12:23 Ces éléments étaient parfaitement connus, de manière aussi rapide, de Guillaume Meurice.
12:29 Malgré cela, Guillaume Meurice a refait sa chronique à l'identique.
12:34 Et donc, s'imposant à nouveau soit à un signalement,
12:38 donc une saisine de l'Arkhom, voire à une sanction de l'Arkhom,
12:42 Radio France ne pouvait pas ne pas réagir.
12:45 Si elle en ferait ma question, c'est est-ce que l'on peut rire de tout ?
12:49 Si c'est drôle, oui. Le problème avec ces comiques, c'est qu'ils ne sont pas drôles.
12:54 Sont-ils comiques ou militants d'ailleurs ? Ça, c'est une autre question.
12:57 Non, ils sont comiques et militants, ça existe.
12:59 On sait bien que Guy Bedot, c'était un comique et il était aussi militant.
13:02 Et Thierry Le Luron, comique et militant lui aussi.
13:04 L'un à gauche, l'autre à droite.
13:05 Et ça n'était pas gênant, parce qu'on savait un petit peu
13:07 quels étaient leurs excès et leurs erreurs.
13:10 C'était pas très grave.
13:12 L'important, c'est la rose.
13:14 Vous vous souvenez de ce moment qui avait mis, je crois, Jacques Martin en ébullition.
13:19 Vous ne saviez pas du tout comment gérer cette chose-là.
13:21 Non, mais ce que je reproche à ces humoristes, c'est de ne pas être drôles.
13:24 Alors, ils peuvent être payés par l'argent public,
13:26 mais vous prenez le texte de Guillaume Meurice et vous n'y mettez pas le ricanement.
13:30 Et finalement, ce sont des gens qui écrivent des textes,
13:32 ils ne sont même pas capables d'improviser.
13:34 Mais ils écrivent des textes avec un ton de ricanement, on appelle ça de l'humour.
13:37 Donc, on est passé du rire au ricanement.
13:39 Oui, c'est-à-dire que vous enlevez le ricanement, vous lisez le texte et c'est un tract.
13:42 C'est un tract et c'est toujours les mêmes qui prennent.
13:45 C'est toujours les mêmes choses qui sont dites.
13:47 Le fascisme, c'est Marine Le Pen.
13:48 La gauche, c'est toujours des gentils.
13:50 Et puis, un petit peu contre Macron, parce qu'il trouve que c'est pas assez de gauche.
13:53 Et puis, on y a droit.
13:54 Mais bon, ils le feraient avec humour, ce serait très bien.
13:56 Mais ils ne sont pas drôles.
13:58 Moi, je me souviens que Coluche était capable d'inventer, d'improviser.
14:01 Il était sur Europe 1, je crois, où il ne décrivait pas ses plaisanteries.
14:04 Donc, il était obligé de les inventer.
14:06 - Il y avait quelques dérapages à la clé.
14:08 Mais bon, aujourd'hui, ça ne serait plus possible.
14:10 - Non, ce n'est plus possible.
14:12 Mais voilà, ce qu'on appelle les dérapages, il faut les tolérer et les accepter aussi.
14:15 Moi, je suis contre la censure de Guillaume Meurice.
14:17 Juste dire que ce n'est pas drôle, voilà.
14:19 Mais en même temps, si on écoute France Inter, on sait quel type d'humour il y a.
14:23 Si on écoutait Radio Courtoisie, qui est des comiques à Radio Courtoisie, on connaîtrait aussi leur humour.
14:27 - Mais si on écoute Europe 1, on n'agace pas.
14:29 Et on sait très bien ce qu'on écoute.
14:31 Et là, c'est drôle, c'est intelligent et c'est cultivé.
14:33 Quelle est la fonction du rire ?
14:35 Alors là, peut-être, plaçons-nous sur un plan plus philosophique, Michel Onfray.
14:38 Qu'est-ce que le rire ?
14:40 - Écoutez, on parle toujours de Bergson qui nous dit que c'est du mécanique plaqué sur du vivant.
14:43 Ce n'est pas très facile à comprendre.
14:45 Parce qu'on pourrait même imaginer qu'aujourd'hui, si on vous met un implant dans le cerveau,
14:48 c'est du mécanique et c'est plaqué sur du vivant, que c'est très drôle.
14:50 Les puces d'Elon Musk, ça ne marche pas très bien.
14:53 - Les implants neuronaux.
14:55 - Et donc, ce n'est pas franchement le meilleur livre de Bergson.
14:59 Il y a un moment donné où on attend des choses.
15:01 Et si quelqu'un marche, on attend qu'il se déplace d'un point à un autre.
15:04 Et s'il trébuche, évidemment, il y a quelque chose qui se passe entre A et B.
15:08 Et c'est l'inattendu qui surgit.
15:10 C'est le surgissement de l'inattendu.
15:12 Donc dans des plaisanteries, des jeux de mots, les contrepétries, par exemple.
15:17 Vous dites quelque chose.
15:18 Quel beau métier, professeur.
15:19 C'est une contrepétrie.
15:20 - Il y a une fonction dans le rire ?
15:21 - Oui, évidemment, c'est de produire cette détente.
15:24 C'est de faire de telle sorte que du tragique surgisse quelque chose qui le rend drôle,
15:29 qui nous fait rire ou sourire.
15:31 Alors après, il y a du comique politique.
15:33 C'est-à-dire qu'il y a eu pendant très longtemps des bouffons du roi,
15:36 qui avaient la marotte.
15:37 La marotte, c'était l'équivalent du sceptre pour le roi.
15:39 Et qui accompagnait le roi, qui pouvait dire au roi un certain nombre de choses.
15:43 Vous avez vraiment la possibilité de le critiquer.
15:45 Guillaume Meurice, si vraiment il était très critique et très drôle et très libre,
15:49 ça se saurait et ce serait un bouffon et on pourrait vraiment le payer avec l'argent public.
15:52 Simplement, il y a un moment donné où le roi peut dire stop.
15:54 Ça suffit.
15:55 Et de temps en temps, il y a des bouffons pour lesquels ça s'est mal fini, ça s'est mal terminé.
15:59 Je ne pense pas qu'il y ait des bouffons en Corée, qu'il y en ait en Russie,
16:02 qu'il y en ait en Iran, par exemple.
16:04 Mais on en a à France Inter.
16:06 - Encore un tout petit mot sur le rire.
16:07 Est-ce que le rire rend heureux ?
16:08 Ou pas forcément ?
16:09 Ce qui nous amène à la réflexion.
16:11 Et puis, c'est véritablement ce qui nous différencie de l'animal.
16:15 - Oui, on sait.
16:16 - On sait, mais bon.
16:17 - C'est la phrase de reprise par Rabelais, "le rire est le propre de l'homme".
16:20 Mais simplement, il y a des comiques drôles et d'autres pas drôles.
16:23 Moi, je ne suis pas, par exemple, la scatologie ne me fait pas rire.
16:27 Je ne vais pas en accalmer certains.
16:29 Mais on sait que certains sont capables de faire rire des salles entières,
16:31 uniquement avec des blagues de petits garçons qui découvrent toutes ces parties, etc.
16:37 Et puis, il y a des comiques qui ne passent plus.
16:39 Quelqu'un comme Raymond Devos, par exemple, ça n'existe plus,
16:42 ce jeu avec le langage.
16:43 Mais il faut aussi connaître le langage, la syntaxe, la grammaire.
16:46 - Des proches ? Pareil, des proches, ce serait compliqué.
16:49 - Des proches, ce serait probablement compliqué.
16:51 Je ne pense pas que des proches étaient un homme de gauche,
16:53 mais il a bien caché le fait qu'il était un homme de droite.
16:55 Donc, ça pouvait éventuellement passer.
16:56 Et puis, à un moment donné, il plaisante sur le cancer,
16:58 puis on découvre qu'il a eu un cancer.
17:00 Donc, ça autorise à dire un certain nombre de choses comme celle-ci.
17:02 Et puis, des gens comme Fernandelle qui ne font plus rire, par exemple.
17:05 On écoute les plaisanteries de Fernandelle.
17:07 - Ou de Desuet. - Ou de Bourville.
17:09 Fernand Reynaud aussi, par exemple.
17:11 Oui, parce que c'est Desuet, parce que ça ne marche plus.
17:13 C'est-à-dire que le comique, il est daté.
17:15 Et ce que des gens comme Guillaume Meurice ne savent pas,
17:17 c'est que leur comique est déjà daté.
17:18 C'est du comique des années 1970, du siècle dernier.
17:21 C'est un comique contemporain de Georges Marchais, de Raymond Bain et du premier Chirac.
17:25 Donc, on a juste envie de leur dire, inventez un peu,
17:27 ce que fait d'ailleurs bien Gaspard Proust,
17:29 qui lui, est un vrai comique de son temps.
17:31 - Encore une facette du dossier de la liberté d'expression
17:33 qu'on est en train d'explorer avec vous, Michel Onfray.
17:35 Ce qui s'est passé à Perpignan, lors du premier printemps de la liberté d'expression
17:39 auquel vous avez participé, et il était organisé par,
17:41 et présidé par Éric Nolot.
17:43 Des débats ont été perturbés par des militants,
17:46 la mouvance sans doute d'extrême gauche.
17:48 On va écouter une toute petite séquence,
17:50 et puis vous allez nous dire comment vous,
17:52 qui étiez sur scène, avez ressenti ce qui s'est passé dans la salle.
17:55 - D'accord. Voilà.
17:59 Voilà.
18:01 - Ça s'appelle un troupeau de meutes, c'est une meute.
18:03 C'est un troupeau de meutes.
18:05 - Fachons ! Fachons ! Fachons ! Fachons !
18:19 - Voilà, pour expliquer à nos auditeurs, vous êtes sur scène avec Éric Nolot,
18:28 et des gens se lèvent en brondissant des pancartes.
18:30 Ils disent que c'est un comportement de meute.
18:32 Ils ne sont pas là pour dialoguer.
18:34 - Oui, bon, je découvre, mais...
18:36 Enfin, je découvre l'image.
18:38 Il y a eu avant et il y a eu après.
18:40 Et donc, il y a des gens qui ont sifflé,
18:42 puis des gens qui ont fait des houx, etc.
18:44 Je dis, vous sifflez comme des oiseaux, c'est pas terrible,
18:46 et vous faites des houx comme des chouettes, des hiboux,
18:48 puis ils s'en vont, puis je dis, maintenant, vous chassez en meute.
18:50 Enfin bon, ça a été... Voilà.
18:52 Puis une dame qui dit, je vous ai fait un long poème,
18:54 où elle a commencé à me traiter de façon...
18:56 Et évidemment, ça a ennuyé tout le monde.
18:58 Ça a révolutionné la poésie. Un poème comme ça, on n'avait jamais vu.
19:00 Donc, j'ai traité par l'humour, par l'ironie,
19:02 et pas du tout par...
19:04 Donc, il faut voir dans quelle configuration ça se joue,
19:06 parce que ce que ces gens-là montrent,
19:08 c'est qu'ils ne veulent pas du dialogue.
19:10 Moi, je veux bien traiter de fachos.
19:12 Fachos, c'est fasciste. Fasciste, c'est quoi ?
19:14 Je porte la chemise brune, je défends une idéologie
19:16 contre la démocratie, contre la République,
19:18 contre les Juifs, etc. Ce sont ces gens-là
19:20 qui sont des fascistes, des vrais.
19:22 Je rappelle quand même que dans le national-socialisme,
19:24 il y a socialisme. Je rappelle quand même que le premier,
19:26 celui qui invente le fascisme, Mussolini,
19:28 vient du socialisme,
19:30 et que ces gens-là devraient quand même s'interroger.
19:32 Ce sont eux, aujourd'hui, qui refusent le débat, la démocratie,
19:34 la République, l'échange, le dialogue,
19:36 parce qu'ils insultent, ils s'en vont.
19:38 Quand j'ai commencé à répondre, la dame est partie.
19:40 Les autres, ils ont balancé leur...
19:42 Comme les animaux, ils font leurs petits excréments,
19:44 disons "je balise mon territoire et je m'en vais".
19:46 C'est ça. C'est qu'ils ne veulent pas dialoguer.
19:48 Ils ne veulent pas débattre, avez-vous ?
19:50 Ils ne veulent pas dialoguer, ils ne veulent pas débattre,
19:52 du simple fait que nous soyons aperpignants.
19:54 Je me suis mis calmement à Éric Nolot, que j'aime beaucoup,
19:56 et qui m'invite à un débat, j'y vais.
19:58 - Sur la liberté d'expression. - Sur la liberté d'expression.
20:00 Et après, un peu naïf, on me dit "tu vas chez Louis Haliot ?"
20:02 Je dis "non".
20:04 "Tu vas à Perpignan ?" Je dis "ben oui, mais alors,
20:06 c'est lui le maire de..."
20:08 Bon, Louis Haliot me pardonne, je ne savais pas qu'il était maire de Perpignan.
20:10 Et alors ?
20:12 C'est-à-dire que j'ai vu une dame, après, pendant les signatures,
20:14 prof de philo, qui me dit "c'est formidable",
20:16 j'ai dit à mes collègues, à Michel Onfray, "c'est bien, salue-le de notre part",
20:18 il m'a dit "bon, moi j'y vais, les autres ont dit "non, j'y vais pas,
20:20 parce que si on sait que j'y vais, etc."
20:22 Donc vous voyez le climat de terreur.
20:24 L'idée qu'on puisse penser la question de la liberté d'expression
20:26 dans la ville dirigée par Louis Haliot,
20:28 on est un fasciste.
20:30 L'idée qu'on puisse réfléchir sur ce sujet dans une ville,
20:34 en ne sachant pas du tout quel est le montage financier,
20:36 moi je ne sais pas quelle est la part de la municipalité
20:38 dans cette manifestation,
20:40 ça n'est pas possible.
20:42 - Mais vous pensez que c'est seulement lié au fait que ce soit
20:44 dans cette ville-là, ou c'est plus généralement
20:46 la liberté d'expression qui est mise en cause ?
20:48 - Bien sûr, allons au-delà de moi,
20:50 ça a été le cas pour Alain Finkielkraut,
20:52 ça a été le cas pour Silvia Nagazinsky,
20:54 c'était le cas pour François Hollande, ancien président de la République.
20:56 On prend ce qu'on veut d'un des livres de François Hollande,
20:59 mais il a été déchiré, déchiqueté quand même par des étudiants.
21:02 Je suis contre ça, même si le livre est mauvais,
21:04 je ne parle pas de François Hollande, je le dis sérieusement.
21:06 Si le livre est mauvais, on le démontre.
21:08 Et moi je suis un libéral au sens 18e siècle du terme.
21:12 Le libéralisme est devenu au 19e siècle, avec le capitalisme, ce qu'on sait,
21:15 c'est-à-dire le pouvoir donné au marché.
21:17 Mais le libéralisme au 18e, celui de Voltaire, si vous voulez,
21:19 qui était aussi un libéral au sens économique,
21:21 mais ça se tenait à l'époque, c'était la possibilité de dire
21:24 parlons librement, publions librement, éduquons librement,
21:28 quand il y avait une présence forte, une domination forte de la religion.
21:31 Aujourd'hui, la domination forte de la religion n'est pas la religion catholique,
21:34 c'est la religion de l'islam.
21:36 Donc l'affranchissement que souhaitait Voltaire aujourd'hui,
21:38 à l'endroit des religions dominantes,
21:40 c'est un affranchissement qu'on doit pouvoir souhaiter,
21:42 nous aussi aujourd'hui, justement, revendiquer la liberté d'expression pour ça.
21:46 La liberté d'expression.
21:48 Voilà, pour cette première partie de Face à Michel Onfray.
21:51 On fait une petite pause, mon cher Michel.
21:53 Et on se retrouve, bien entendu, sur CNews et sur Europe 1, tout de suite.
21:56 Et on se retrouve pour la seconde partie de Face à Michel Onfray,
21:59 sur CNews et sur Europe 1.
22:01 Michel, on a parlé il y a quelques instants de la liberté d'expression,
22:03 de l'histoire, on va parler de littérature.
22:05 Parce que Bernard Pivot nous a quittés cette semaine,
22:07 journaliste incroyable, disparu à l'âge de 89 ans,
22:09 animateur culte d'Apostrophe, de Bouillon de Culture.
22:13 Il a aussi passé 15 ans à l'Académie Goncourt,
22:15 5 ans en tant que président.
22:17 Il nous a fait tant lire, c'est le titre de Paris Match,
22:19 cette semaine, dans son très joli numéro.
22:22 Je sais que vous l'aimiez beaucoup, vous avez été reçus à plusieurs reprises
22:25 par Bernard Pivot. On va juste l'écouter.
22:27 C'était en 1981, c'était l'introduction de l'émission Apostrophe.
22:32 Écoutez.
22:33 Bonsoir à tous.
22:35 On m'a raconté cette histoire que je trouve délicieuse
22:37 et que je voudrais vous raconter à mon tour.
22:38 La scène se passe dans un lycée, probablement au lycée,
22:40 au fameux lycée Papillon.
22:42 Un inspecteur demande à un élève de lui citer les noms de trois Français,
22:46 trois grands Français qui se sont particulièrement illustrés
22:48 au cours de l'histoire de France.
22:50 L'élève n'hésite pas, il répond tout de suite Platini, Rocheteau, Lopez.
22:53 Évidemment, l'inspecteur remarque un peu l'étonnement et lui dit
22:56 "Je pensais que vous m'auriez cité, je ne sais pas,
22:59 Rousseau, Clémenceau et De Gaulle."
23:03 "Oh", répond l'élève, "si en plus il faut citer les remplaçants."
23:06 L'émission de ce soir a pour thème
23:08 "Comment donner le goût de l'histoire aux enfants et aux grands aussi."
23:12 Voilà Bernard Pivot, 1981.
23:14 C'était une merveille en réalité cette émission, et lui aussi.
23:18 Oui, ça tenait aussi beaucoup à sa personne,
23:21 à la qualité humaine de cet homme extraordinaire.
23:23 Moi j'ai eu l'occasion de le voir à plusieurs reprises
23:27 et déjà la première fois quand je suis invité,
23:29 ma maison d'édition, Gratia à l'époque, me dit
23:32 "Tu te calmes, tu prends un bain chaud, tu restes au denton."
23:35 C'était un rêve en vérité.
23:36 Oui, c'était ça, c'était "Attention, on joue gros."
23:38 Des millions de téléspectateurs à l'époque.
23:40 Et je reste tranquillement, et d'un seul coup le téléphone sonne,
23:43 j'étais en train de lire et c'était Bernard Pivot qui me dit
23:45 "Bon, je vous appelle, c'est votre première émission,
23:47 vous allez voir, ça va bien se passer."
23:49 Une gentillesse incroyable.
23:50 Par la suite, quand il a quitté la télévision,
23:52 dans ces cas-là, vous savez, les gens vous tournent le dos,
23:54 vous n'existez plus.
23:55 Il y a un moment donné, il a dit
23:56 "Je ne reçois plus de livres, c'est un peu dommage."
23:58 Et moi je l'avais contacté pour lui dire
24:00 "Je veux faire de la philo avec vous."
24:02 Enfin, beaucoup de choses.
24:03 Vous êtes nourri de certaines émissions,
24:05 avec des rencontres avec des philosophes, lesquels ?
24:07 Bien sûr.
24:08 Jean Kélivitch avec sa mèche rebelle,
24:10 quand Pivot lui dit "La philo c'est quoi, ça sert à quoi ?"
24:12 "Ça sert à rien, ça sert à rien."
24:14 "C'est sûr que si on fait, c'est quand même beaucoup mieux."
24:17 Et puis on se dit "C'est incarné."
24:19 Il y avait la beauté de François Châtelet avec ses demi-lunes,
24:21 ses grands cheveux blancs, comme ça, sa calvitie,
24:23 qui était en train de parler avec une veste en volo,
24:25 si je me souviens bien.
24:26 Il y avait Michel Serres, il y avait René Girard,
24:29 il y a eu Bernard-Henri Lévy, Glucksmann,
24:31 on découvre les nouveaux philosophes en 77 avec eux.
24:33 D'un seul coup, la chemise échancrée de l'un,
24:35 les baskets de l'autre, les cigarettes de l'époque, etc.
24:38 Et puis je crois que tous les philosophes,
24:40 ou presque, y sont allés, sauf ceux qui...
24:42 sauf les institutionnels, Code, Leuze, etc.
24:45 Mais les autres qui ont fait franchir un pas à la philosophie
24:49 en disant "Elle peut ne pas être universitaire,
24:51 elle peut ne pas être ennuyeuse, pour rester polie."
24:54 On les a vus chez Bernard Pivot et c'était formidable.
24:56 Moi, j'ai envoyé mon premier livre chez Grasset par La Poste
24:59 parce que j'avais entendu Michel Serres
25:01 parler des cinq sens chez Bernard Pivot.
25:03 Il a été question de Château d'Ikème à cette occasion-là.
25:06 Je peux le dire maintenant, il est décédé,
25:08 mais je veux dire qu'il avait écrit des pages magnifiques,
25:10 Michel Serres, sur Ikème,
25:11 il avait été invité par Alexandre de Lursadus à Ikème
25:13 pour le remercier, et il a confié à cette occasion
25:16 qu'il n'avait jamais bu d'Ikème.
25:18 On appelle les philosophes qui sont capables de vous parler du réel
25:20 sans l'avoir expérimenté véritablement.
25:22 - J'aimerais juste qu'on écoute le générique d'Apostrophes
25:24 qui nous a tous marqués.
25:25 On va entendre les quelques notes du premier concert
25:28 au port-piano de Rachmaninov, que l'on entend.
25:31 C'était la culture pour tout le monde.
25:35 C'était un éducateur populaire à la culture.
25:38 Je pense qu'on va écouter la musique. Allez-y.
25:41 - Oui, écoutez, il y a des beaux textes de Malraux.
25:44 Ce ne sont pas tant des textes que ça a été dit,
25:46 mais lors des inaugurations de la culture
25:48 ou ce genre de choses, où on parlait à l'époque de mass-médias.
25:51 - C'est ça.
25:52 - Et où la télévision était un instrument formidable
25:54 d'éducation populaire.
25:55 C'est-à-dire que Malraux disait, avec le général de Gaulle,
25:58 que l'Académie française, que les grands lieux,
26:01 pouvaient arriver chez les gens les plus modestes.
26:04 Quand mes parents ont eu une télévision,
26:07 ils n'avaient pas les moyens d'acheter une télévision,
26:08 mais les voisins leur en ont offert une.
26:10 Ils en avaient acheté une, etc.
26:12 Le premier soir, c'était les Perses d'Échile.
26:14 Vous vous rendez compte ?
26:16 Avec Jean Pratt, si je me souviens, Jean Pierre...
26:18 Je ne sais plus, en fait, pardon.
26:19 Je ne sais plus de qui est la mise en scène,
26:21 qui était l'auteur, mais d'un seul coup,
26:23 les Perses d'Échile, avec une espèce de déclaration
26:25 irratique comme ça, bien, on a dit "spécial".
26:28 C'est-à-dire qu'en gros, l'idée de pouvoir avoir
26:30 les Perses d'Échile à 20h30 sur le service public,
26:32 on se dit, on ne prenait pas les gens pour des imbéciles.
26:34 Donc la télévision, c'était un instrument d'éducation populaire.
26:37 Et il a fait ça, Bernard Pivot, avec tous les sujets.
26:40 Politique, littérature, sociologie.
26:42 Il a été drôle.
26:43 Bien sûr qu'il a parlé de cuisine sur son plateau.
26:45 - Et de football. Il adorait le foot.
26:47 - Mais je me souviens, il arrivait avec sa valise
26:50 et il disait "voilà, il va y avoir 4 personnes qui vont parler,
26:53 chacun un quart d'heure, etc."
26:55 Il avait ses fiches, il avait tout lu.
26:57 Un jour, je ne veux pas dire que j'ai écouté toutes les émissions,
26:59 mais un jour, il a invité quelqu'un
27:01 qui avait traduit deux volumes de Pléiades,
27:03 un roman chinois.
27:05 Et c'est la première fois que je fais l'émission
27:07 sans avoir lu l'intégralité,
27:09 évidemment 2000 pages de Pléiades,
27:11 plus les 4 ou 5 autres bouquins.
27:13 Et de fait, il lisait les livres.
27:14 Et parfois, quand certains auteurs qui n'écrivent pas leurs livres
27:16 se trouvaient sur son plateau,
27:18 ils disaient "oui, vous dites ceci"
27:20 et il disait "non, je ne vais pas dire ça".
27:22 - Il lisait vraiment, chaque mot,
27:24 peut-être la lecture en diagonale, comme certains font.
27:26 - Mais bien sûr, je l'ai entendu dire à l'occasion de cette commémoration
27:30 qu'il lisait entre 300 et 400 pages par jour.
27:33 Mais il ne faisait que ça.
27:35 - Il n'y faisait que ça.
27:36 - Mais quand même.
27:37 Vous avez des gens qui ont des plateaux télé,
27:39 qui s'occupent de livres, qui ne lisent pas les livres,
27:41 et qui ont des gens qui leur ont fait des...
27:43 - Il vaut mieux lire les livres quand on interroge un auteur.
27:45 - Il vaut mieux les interroger.
27:47 - Celui qui a lu le livre et qui pose effectivement les bonnes questions,
27:49 lui, il rebondissait, il était capable d'oublier une question
27:52 parce qu'elle avait été traitée,
27:53 mais d'en inventer une autre qui n'aura pas été traitée
27:55 mais qui se trouve induite par le propos qui a été tenu.
27:58 Et puis je dois rappeler quand même qu'il y a des choses extravagantes.
28:00 C'est-à-dire que j'ai aussi vu cette émission de télévision,
28:02 Bernard-Henri Lévy invité avec Maurice Bardèche, collaborateur notoire.
28:06 Un type qui n'a jamais, Bardèche, regretté d'avoir été collabo.
28:09 Et les deux étaient sur le même plateau et se sont écharpés,
28:12 et c'est toujours est-il qu'à l'époque on pouvait faire se rencontrer
28:14 et Bernard-Henri Lévy et Maurice Bardèche.
28:16 - Ce débat-là existait.
28:17 - Impossible aujourd'hui.
28:18 - Quand on parle de Bernard Pivot, on peut aussi citer Jacques Chancel.
28:20 C'était des grands passeurs de culture.
28:21 - Exactement, vous avez raison.
28:23 Le grand échiquier, moi aussi, a fait une partie de ma culture,
28:26 notamment de la musique classique,
28:28 où on avait des grands pianistes, des grands pianistes en céline.
28:31 - Rostropovich.
28:32 - Rostropovich était capable de faire le spectacle en plus.
28:35 C'était pas un modiano de la musique, il était volubile.
28:38 Et il y avait une espèce de façon pour les gens de communier,
28:42 on voyait, par les gens qui écoutaient, ou même Brassens,
28:44 je me souviens de Brassens, de Voss, Raymond de Voss.
28:47 Et on était, la télévision rentrait chez nous,
28:50 ou on entrait sur le plateau.
28:51 C'est-à-dire qu'il n'y avait pas cette idée du "regardez-moi, c'est moi le seigneur".
28:54 Bernard Pivot servait les livres,
28:56 nombreux de gens qui s'occupent de livres aujourd'hui se servent des livres.
28:58 Lui, il était là, il disait "je fais un salon, rentrez, vous êtes chez vous".
29:01 Et où je suis, chez vous, et je fais ce salon littéraire,
29:03 et on avait l'impression vraiment qu'on pouvait, je sais pas,
29:05 peut-être allumer une cigarette, boire un petit verre de vin en l'écoutant.
29:08 - Et ça a changé aujourd'hui, tout ça ? - Complètement.
29:10 - Michel Enfroy. - Oui, complètement.
29:11 - C'est-à-dire que la télé n'est plus devenue un outil d'éducation à la culture ?
29:15 - Non. - C'est devenu alors un outil de travail ?
29:18 - C'est un instrument de propagande walkiste, la plupart du temps.
29:20 J'ai vu l'autre jour, sur une chaîne culturelle d'État,
29:23 une représentation d'une pièce de théâtre, ou d'un donjon,
29:27 enfin, on reconnaît plus personne.
29:29 Moi, cet été, à Bayreuth, pour assister à la Tétralogie,
29:33 je connais bien, depuis très longtemps, j'écoute la Tétralogie,
29:35 et là, je ne reconnaissais pas qui était sur scène,
29:37 je dis "qui sont ces personnages ?"
29:39 Donc des personnages qui ont été ajoutés, avec des enfants qui courent partout,
29:43 parce que l'or du rhin, c'était eux, etc.
29:45 Donc aujourd'hui, c'est le prétexte du walkisme.
29:47 C'est-à-dire, là encore, je disais tout à l'heure
29:49 que pivot server les livres alors que des gens se servent des livres,
29:51 vous avez aussi, à une époque, des musiciens qui servaient la musique,
29:55 des metteurs en scène qui servaient la pièce de théâtre ou l'opéra.
29:58 Aujourd'hui, ils se servent.
29:59 Alors, qu'ils inventent des opéras eux-mêmes,
30:01 qu'ils créent des opéras, qu'ils écrivent un livret,
30:03 même qui s'inspire de Don Juan, par exemple,
30:05 où Don Juan est une femme de couleur,
30:07 ou Gennarell, etc.
30:09 Ce que l'on voudra.
30:10 Ou le commandeur est en chaise roulante,
30:12 je n'ai rien contre ça, pourvu que ce ne soit pas fait dit,
30:14 et qu'on ne le fasse pas dire à Don Giovanni,
30:16 enfin à Mozart, puisque le livret a été fait par Da Ponte,
30:20 et qu'il faut respecter ces choses-là.
30:22 Donc je pense qu'aujourd'hui, effectivement,
30:23 la culture est un instrument de domination sociale,
30:25 loin de l'éducation populaire,
30:27 que pivot ne faisait pas le malin en disant "je connais",
30:29 il voulait juste dire "j'ai envie que vous aimiez",
30:31 mot passant, parce que Valéry Giscard d'Estaing va vous en parler,
30:34 ou Zola, parce que François Mitterrand va vous en parler.
30:37 - Bon, c'était des émissions extraordinaires.
30:39 Hommage à Bernard Pivot.
30:41 On continue, face à Michel Lomprez sur CNews et sur Europe 1.
30:44 On va parler de toute autre chose, Michel.
30:46 La famille, les pères, les pères de famille.
30:49 Parce qu'Emmanuel Macron, cette semaine,
30:51 a donné une interview au magazine féminin Elle,
30:53 dans lequel il a bourgué beaucoup de sujets de société,
30:55 notamment le fait d'imposer un devoir de visite
30:58 pour les pères démissionnaires,
30:59 ceux qui, après un divorce, ne viennent plus voir leurs enfants.
31:01 On va juste écouter un tout petit extrait
31:03 de ce que dit le président de la République,
31:04 et on va parler de la place du père aujourd'hui.
31:06 - Je veux qu'on puisse ouvrir ce débat,
31:09 qui est au fond à la fois un débat sur la parentalité
31:12 et un débat sur l'égalité entre les femmes et les hommes,
31:15 qui est celui d'instaurer un devoir de visite,
31:18 un devoir d'accompagnement jusqu'à l'âge adulte des enfants.
31:22 Quand il y a un père, il faut qu'il exerce tous ses devoirs,
31:26 et que la maman, quand elle est dans cette situation-là,
31:29 puisse exiger des visites régulières.
31:32 Elle doit pouvoir s'assurer que le père aussi,
31:35 il est auprès de l'éducation nationale,
31:37 dans les réunions parents-prof quand il faut,
31:39 et qu'il est partie prenante de l'éducation de l'enfant.
31:42 C'est un devoir d'être parent,
31:43 et c'est un devoir qui ne s'arrête pas au moment du divorce ou de la séparation.
31:47 - Voilà, c'est une évidence,
31:48 mais il faut peut-être la rappeler de temps en temps.
31:50 Monsieur L'Enfraide ?
31:51 - Peut-être déjà une question de méthode,
31:52 c'est-à-dire que je ne comprends pas que...
31:53 Enfin, je comprends, c'est une façon de dire,
31:55 mais normalement, les pères n'existent pas, n'existent plus.
31:58 Un père peut être une mère, une mère peut être un père,
32:00 on nous fait savoir qu'une grand-mère peut être un père si elle le veut,
32:02 enfin, c'est le discours dominant.
32:03 - C'est dans l'idéologie dominante, c'est ça ?
32:05 - Oui, absolument. Il y a la théorie du genre, etc.
32:07 Donc, voilà.
32:08 Et là, d'un seul coup, on dit le père, le père, le père, le père.
32:10 Formidable. Moi, je suis pour le père.
32:12 Et hommage à...
32:13 - Il ne faut pas qu'on oublie le père.
32:14 - Mais il a raison, simplement.
32:15 On aimerait bien qu'il puisse comprendre aussi que la GPA,
32:18 c'est aussi la GPA de deux femmes sans père,
32:20 c'est aussi un être à qui on dit "tu n'auras jamais de père".
32:22 - Elle est interdite en France.
32:23 - Elle est interdite en France et elle est autorisée...
32:25 - On ne va pas recommencer sur la GPA.
32:26 - Elle est autorisée ailleurs et quand elle est autorisée ailleurs,
32:28 elle est tolérée en France.
32:29 C'est une façon macronienne de dire "vous n'avez pas le droit,
32:32 mais vous avez tout de même le droit en même temps".
32:34 Si les pères sont majeurs, essentiels, etc.,
32:36 quand je dis majeurs, qu'ils jouent un rôle de père,
32:38 alors oui, il a raison, mais qu'ils le disent vraiment, concrètement.
32:42 Là, on dit "devoir d'aimer".
32:45 - Devoir de visite, en fait.
32:46 - Oui, mais ça veut dire quoi ?
32:47 - Combien de pères, une fois le divorce, vont avancer ce carapace ?
32:50 - Vous avez raison.
32:51 - Plus de nouvelles, plus de sons, plus d'images.
32:53 - Il peut se révéler quelque chose de très rapide
32:54 qui consiste à dire "tous les pères qui ne paieront pas les pensions alimentaires
32:57 iront en prison".
32:58 - Ah, mais il n'y a plus de place en prison.
33:00 - Non, mais justement, on fait des trucs en disant...
33:02 - Vous en montrez quoi ?
33:03 - Parce que ça, c'est très facile à faire,
33:04 les pères qui organisent leur insolvabilité,
33:06 les pères qui ne paient pas,
33:07 et puis vous vous plaignez en disant "ça n'arrive pas à la maison", etc.
33:10 - Le gouvernement a mis en place un prélèvement automatique pour les salariés.
33:13 - C'est ça, mais vous auriez un endroit où vous auriez huit jours
33:16 à réfléchir sur ces questions-là.
33:17 Je vous assure que peut-être ça ferait réfléchir un certain nombre d'hommes
33:20 qui s'en vont et qui, une fois qu'ils ont trouvé,
33:22 préfèrent deux femmes de 30 ans plutôt qu'une de 60,
33:24 donc effectivement, ils refont des foyers,
33:27 et puis ils ont une nouvelle famille,
33:29 ils ont des enfants qui ont l'âge de leurs petits-enfants éventuellement, etc.
33:33 Et là, on dit "on va décréter le devoir de père".
33:35 - Oui, mais la prison, ça n'arrangerait pas le lien familial.
33:37 - Je vous assure que...
33:38 - On est d'accord.
33:39 - Non, mais il y a pas mal de pères de famille qui ne voudraient pas partir huit jours.
33:41 Je veux pas deux ans de prison, entendons-nous bien.
33:43 Mais je veux dire, des pères de famille à qui on dirait
33:45 "si vous ne payez pas, vous ferez un petit séjour de huit jours en prison",
33:48 eh bien je vous assure que les pensions alimentaires seraient versées.
33:50 Et là, ce serait bien plus concret que de décréter le devoir d'aimer.
33:53 On ne décrète pas le devoir d'aimer, d'autant qu'aujourd'hui, on délègue l'amour.
33:56 On délègue l'amour, par exemple, avec les personnes âgées,
33:58 qu'on envoie dans des EHPAD.
34:00 On veut plus d'hospices, donc on change tout ça.
34:02 Et on dit "maintenant, les vieux, on s'en débarrasse".
34:04 Et les gens qui vont s'en occuper, on les paie pour ça.
34:06 Je voudrais qu'il ait raison de mettre un peu d'humanité,
34:09 mais qu'il n'ajoute pas en même temps de l'inhumanité dans un certain nombre d'autres endroits.
34:12 On est en face à Michel Onfray, sur CNews et sur Europe 1.
34:16 Michel Onfray, on va continuer à débattre de la place des pères.
34:18 On a interrogé les Français sur cette idée d'imposer un devoir de visite
34:23 pour les pères de famille des missionnaires.
34:25 Écoutez les réponses des Français.
34:26 Je trouve qu'il y a beaucoup de choses très intéressantes dans ce qu'ils nous disent.
34:29 Et je vais vous faire réagir après.
34:31 Pour que l'enfant se sente en confiance, je pense que c'est important d'avoir la présence des deux parents.
34:36 Forcer le père qui n'a pas forcément envie d'être présent pour son enfant,
34:39 ce n'est pas forcément une bonne idée.
34:41 Si le père a des indécendants de violence, ou des choses comme ça, vis-à-vis des enfants,
34:47 évidemment, il vaut mieux éviter.
34:49 J'ai toujours vécu avec ma mère, même quand mes parents se sont séparés.
34:51 Mais mon père a quand même été là, et c'est une bonne chose.
34:54 Pour l'accompagnement de l'enfant, je pense à mon frère, nos Allemands.
34:57 L'accompagnement d'un papa, c'est important.
34:59 Je pense que c'est un peu aussi à la volonté de l'enfant,
35:01 s'il veut ou pas que son père soit présent.
35:04 Il doit être là pour ses enfants, et c'est important de les accompagner tout au long de leur vie,
35:07 que ce soit à l'école, etc.
35:08 Rien ne doit être par force.
35:10 Donc, si une personne, que ce soit un père ou une mère, n'a pas envie d'être dans la vie de ses enfants,
35:15 si on l'oblige, je ne pense pas que ça va faire du bien pour l'enfant,
35:19 que les parents soient obligés à être impliqués.
35:22 Donc, pour moi, il ne faut jamais obliger.
35:24 Michel Onfray, il y a plein de choses dans ce qu'on vient d'entendre.
35:27 C'est la volonté de l'enfant. Non, en vérité, ce n'est pas la volonté de l'enfant, ce n'est pas l'enfant qui décide.
35:31 Par force, est-ce qu'on obtient quoi que ce soit par force ?
35:34 Michel Mais non, bien sûr. C'est ça, le problème.
35:36 C'est-à-dire que si un père a décidé de s'en...
35:38 Ou une mère, ça existe aussi.
35:39 C'est-à-dire que si un parent a décidé de s'en aller...
35:41 C'est plus rare.
35:42 C'est plus rare, Michel.
35:43 On va ouvrir le débat.
35:45 Non, je n'ai pas de chiffres en tête, mais ça existe aussi.
35:47 C'est comme la pédophilie, c'est toujours les pères.
35:50 Il y a aussi des cas de pédophilie avec des mères.
35:52 On est entièrement d'accord.
35:53 Oui, oui, mais si on veut vraiment faire de la sociologie...
35:55 Les femmes ne sont pas exemples ni de violences, ni de perversions.
35:56 Absolument.
35:57 Et donc, il y a des gens qui décident du jour au lendemain d'abandonner leurs enfants.
36:00 Et ça ne les gêne pas du tout.
36:02 Et ce n'est pas parce qu'un juge vous dira que vous avez le devoir d'aimer vos enfants, que vous allez les aimer.
36:08 C'est-à-dire que ça se passe comment ?
36:09 Vous allez au domicile de la mère ou du père, ou celui qui est à la garde des enfants,
36:13 ou dans un bistrot à côté, ou dans une salle de je ne sais pas quoi, ça ne rime à rien.
36:16 Cette façon d'inviter à la morale, en plus de ça, est problématique.
36:20 C'est pourquoi je préfère que la loi soit respectée.
36:22 Je pense que nous avons un arsenal français qui devrait bien pouvoir marcher sans qu'on fasse une révolution,
36:26 et que les pensions alimentaires soient payées déjà.
36:29 Ce qui est une façon de montrer, pour ne pas dire de l'affection,
36:31 mais faire de telle sorte que les mères n'aient pas besoin, ou les pères,
36:34 n'aient pas besoin de porter sur les épaules la totalité de la charge de l'éducation des enfants
36:39 pendant que le monsieur est parti avec des gazelles de 30 ans.
36:43 - Michel Onfray, on va parler maintenant des commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le 8 mai 1945.
36:49 Le président Macron, toujours lui, a ravivé la flamme du soldat inconnu sur l'Arc de Triomphe
36:53 pour célébrer ce 79e anniversaire, avant de partir à Marseille pour accueillir une autre flamme, la flamme olympique.
36:59 On va écouter, si vous le voulez bien, cette cérémonie qui est toujours, je trouve, très émouvante.
37:05 On entendra tout à l'heure le chant des partisans.
37:07 À chaque fois, je trouve que c'est important de faire de l'histoire, en réalité,
37:10 de rappeler ce que c'est le 8 mai 1945. C'est des gens qui ne savent pas ce qu'est le 8 mai 1945.
37:13 J'aimerais juste écouter le discours originel du général de Gaulle à la radio.
37:18 Il était 15h, le 8 mai 1945, le général annonce la victoire aux Français. Écoutez.
37:22 - La guerre est gagnée. Voici la victoire.
37:28 C'est la victoire des Nations unies et c'est la victoire de la France.
37:35 L'ennemi allemand vient de capituler devant les armées alliées de l'Ouest et de l'Est.
37:42 Le commandement français était présent et parti à l'acte de capitulation.
37:48 Honneur, honneur pour toujours à nos armées et à leurs chefs.
37:55 Honneur à notre peuple, que des épreuves terribles n'ont pu réduire ni fléchir.
38:02 Honneur aux Nations unies qui ont mêlé leur sang à notre sang,
38:07 leurs peines à nos peines, leur espérance à notre espérance
38:13 et qui aujourd'hui triomphe avec nous. Ah ! Vive la France !
38:19 - Voilà comme c'était incarné, comme c'était soulevé de terre, cette date du 8 mai 1945 de Gaulle.
38:26 - Oui, et il dit quelque chose qu'on ne dit évidemment pas aujourd'hui,
38:29 c'est que cette guerre n'aurait pas été gagnée sans les soviétiques.
38:31 - Oui, il dit les alliés de l'Est et de l'Ouest.
38:34 - C'est pourquoi j'allais y venir en disant qu'il a une écriture de l'histoire qui est subtile,
38:38 c'est-à-dire que pour qui sait entendre, il y a un mélange de vérité historique et de légende.
38:42 La vérité historique, c'est que bien sûr il y a eu les Américains,
38:45 mais moi qui suis né dans un village chambois, la poche de Falaise est terminée,
38:49 j'ai été éduqué très vite et très tôt par mon père, sur le fait qu'il n'y avait pas que les Américains,
38:53 il y avait les Anglais, il y avait les Canadiens, il y avait les Polonais qui ont beaucoup fait,
38:56 et dont on a assez peu parlé, et d'autres, des Néo-Zélandais, etc.
38:59 Parce qu'il y a une espèce de jurisprudence du jour le plus long,
39:02 c'est les Américains qui arrivent, et c'est John Wayne qui arrive avec sa Jeep,
39:07 et puis le crétin de français c'est Bourville qui est là,
39:09 et on se dit la mythologie écrite par les Américains...
39:12 - Vous imitez bien Bourville, après.
39:15 - J'ai de la peine à voir que la France c'est ça, dans le jour le plus long, c'est incroyable.
39:19 Mais les soviétiques, jamais.
39:21 - D'autant plus qu'il y a la guerre en Ukraine, alors on les efface depuis la photo.
39:25 - Oui, mais moi déjà je n'étais pas de ceux qui pensaient que,
39:27 puisque Poutine envahissait l'Ukraine, puisque ce fasciste rouge,
39:32 aujourd'hui on le voit faire défiler les chars avec le drapeau soviétique,
39:36 le drapeau de la foissile et le marteau, a décidé d'envahir l'Ukraine,
39:39 il fallait condamner Dostoïevski, Pouchkine, Tchaïkovski, Rachmaninoff, etc.
39:44 Qu'est-ce que c'est que ce délire ?
39:45 Il y a un moment donné où l'histoire de la Russie, de l'Union soviétique pour le coup,
39:48 à l'époque où elle était soviétique, a rendu possible la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
39:52 - Le nombre de morts russes lors de la Deuxième Guerre mondiale.
39:55 - Bien sûr, et donc il y a un moment donné, on va inviter un ambassadeur, je ne sais quoi,
39:59 c'est un peu problématique.
40:00 - On ne peut pas inviter Poutine.
40:02 - Il est chef de l'État, qui se débrouille, c'est son boulot.
40:05 Je serai chef de l'État, j'y réfléchirai.
40:08 - Je crois que c'est plus...
40:09 - Je ne sais pas comment il faut faire, je ne dis pas qu'il faut l'inviter,
40:12 je dis que peut-être il y a quelque chose à faire pour inviter quelqu'un
40:15 qui serait à l'occasion de dire que ces millions de morts soviétiques
40:19 ne sont pas une quantité négligeable, et opération de...
40:22 Ce qui reçoit bien Xi Jinping, il reçoit bien etc.,
40:25 il a reçu Poutine en son temps, etc., un chef de l'État.
40:28 Ce n'est pas quelqu'un qui a des vapeurs, c'est quelqu'un qui sait
40:31 qu'il est l'incarnation d'un État et qu'il faut rencontrer
40:35 ceux qui incarnent des États.
40:37 - On aura l'occasion d'en reparler au moment des commémorations
40:40 du débarquement de Jouy en Normandie, parce que là il y aura tous les chefs d'État alliés
40:43 qui seront là.
40:44 Je ne résiste pas au plaisir de vous faire juste écouter un tout petit extrait
40:46 du chant des partisans qu'on a entendu le 8 mai cette semaine,
40:50 entonné par la garde nationale.
40:53 Parce que voilà, c'est toujours un chant mythique, évidemment,
40:56 de la résistance française.
40:58 - Oui, alors bon, il faudra aussi s'expliquer sur le rôle de la résistance
41:01 dans la libération.
41:03 Elle est beaucoup symbolique, et puis il y a des gens qui sont arrivés
41:06 au secours de la victoire un peu tardivement.
41:08 Moi si j'aime le général de Gaulle, c'est parce que chez lui,
41:10 ça commence le 18 juin 1940.
41:11 - Exactement.
41:12 Allez, on va continuer en parlant de l'Europe, évidemment,
41:15 parce que c'est l'Europe de la paix, c'est celle qu'on nous a vendue,
41:18 en tout cas les pères fondateurs de l'Europe nous ont vendues,
41:20 justement, le fait qu'il n'y aurait plus jamais de guerre mondiale
41:22 comme la seconde.
41:24 On va écouter ce que disait en 1992, on fait un petit saut dans le temps,
41:27 Philippe Seguin, souverainiste, gaulliste, lorsqu'il bataillait
41:31 contre le traité de Maastricht.
41:33 Écoutez, il a des accents prémonitoires.
41:35 - Oui.
41:36 - Qu'on ne s'y trompe pas.
41:38 La logique du processus de l'engrenage économique et politique
41:44 mis au point à Maastricht est celle d'un fédéralisme au rabais,
41:50 fondamentalement antidémocratique, faussement libéral,
41:55 résolument technocratique.
41:57 L'Europe qu'on nous propose n'est ni libre, ni juste, ni efficace.
42:03 Elle enterre la conception de la souveraineté nationale
42:07 et des grands principes issus de la Révolution.
42:11 1992 est littéralement l'anti-1789.
42:17 Bon cadeau d'anniversaire que nous font les pharisiens du bicentenaire
42:23 pour les 200 ans de cette République qu'ils encensent dans leur discours
42:29 et risquent de ruiner par leurs actes.
42:33 - Quel discours Michel Onfray ?
42:34 - Génial ! Ça c'est un discours gaulliste.
42:36 - L'Europe ni libre, ni juste, ni efficace.
42:38 - Bien sûr. Il fait partie des rares hommes politiques que j'ai rencontrés.
42:42 Il était à l'époque président de l'Assemblée nationale.
42:45 On l'avait fait rencontrer au moment de Maastricht.
42:48 Il avait été formidable. Je lui ai dit "Mais qu'est-ce que vous faites chez ces gens-là ?
42:51 Prenez le RPR et faites-en quelque chose."
42:54 Il m'a dit "Je viens déjà de la gauche, je ne peux pas.
42:57 Je suis pipi de la nation, j'ai le sens de la République, de l'autorité, etc."
43:00 Ensuite, quand il y a le débat avec Mitterrand, il se laisse faire
43:03 parce que Mitterrand a instrumenté son maladie.
43:05 - Très malade. On en a écouté un extrait il y a quelques années.
43:07 - Le pire dans cette affaire, c'est Chirac,
43:10 qui apparaissait sur scène avec des grands V comme ça,
43:12 avec le général de Gaulle, la croix de Lorraine.
43:14 Ça, c'est un discours gaulliste.
43:16 Chirac a dit "Allez, on se rallie aux idées de Giscard d'Estaing
43:19 qui était européiste, fédéraliste et de Mitterrand."
43:22 Chirac aurait très bien pu choisir cette option-là.
43:25 Il aurait d'ailleurs pu nommer Philippe Séguin Premier ministre.
43:28 Simplement, il a dit "Il était insupportable, il balance les cendriers,
43:31 moi je ne veux pas bosser." - Il avait du caractère.
43:33 - Mais oui, mais Chirac en avait aussi.
43:35 Il avait des associations et de l'État.
43:37 Chirac aurait dit "Cet homme porte un projet qui est vraiment le projet gaulliste,
43:40 j'en fais un Premier ministre et peut-être la France n'en serait pas là où elle est aujourd'hui."
43:43 - Il y a un sondage intéressant qui a été fait par l'IFOP pour West France,
43:46 Michel, sur l'Europe, qui dit qu'une majorité de Français
43:49 expriment un sentiment négatif désormais à l'égard de l'Europe.
43:52 46% disent ressentir de l'inquiétude,
43:55 25% disent avoir confiance,
43:58 16% sont indifférents, 10% seulement optimistes.
44:01 Ça veut dire que l'Europe est un motif d'inquiétude aujourd'hui.
44:04 - Ça veut dire que les gens ont compris au bout de 30 ans.
44:07 C'est-à-dire que moi, il y a 30 ans, je disais ça, j'étais sur ces positions
44:10 de Philippe Séguin, j'étais sur les positions de Jean-Pierre Chevènement,
44:13 j'étais sur les positions de Philippe de Villiers, qui étaient les mêmes.
44:16 Et simplement, les gens aujourd'hui découvrent que, ah ben oui, alors bon,
44:19 évidemment, les gens qui ont 30 ans aujourd'hui, ils ne sont pas coupables de ne pas le souvenir.
44:22 Pas forcément la culture de ces choses-là. Mais d'un seul coup, on ne discute plus sur des idées,
44:25 on regarde juste. Et si vous dites "l'Europe a décidé ceci", on se dit "Oh, elle a sûrement
44:28 décidé quelque chose contre moi." On voit que l'Europe, elle décide contre les peuples
44:31 et pas pour les peuples. - Bon, écoutez, on continuera à parler de l'Union européenne
44:34 puisque de toute façon, on est en pleine campagne des élections européennes
44:37 et qu'on aura l'occasion peut-être de revenir sur les programmes.
44:39 Ça vous intéresse pour la prochaine émission, les programmes des candidats ?
44:42 - Volontiers, faisons ça. - Bon, allez, merci beaucoup Michel Onfray
44:44 pour cette émission face à Michel Onfray sur Europe 1 et sur CNews.
44:48 Bonne journée à vous sur nos deux antennes.