• il y a 7 mois
"Je n'ai pas vocation à intervenir dans l'éditorial de La Provence ou des médias de manière générale", assure ce mardi sur France Inter Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM. Après avoir racheté le quotidien La Provence, le site d'information économique La Tribune, lancé La Tribune du Dimanche et acheté 10% du capital de M6, l'armateur va bientôt prendre les rênes de la filiale médias du groupe Altice, qui englobe notamment RMC et BFMTV. Ce rachat doit encore obtenir les autorisations de l'Arcom et de l'Autorité de la concurrence.

Rodolphe Saadé explique qu'en acquérant La Provence, Corse Martin ou encore La Tribune du Dimanche, il a "mis en place un pôle presse" et qu'il lui fallait donc "créer des complémentarités avec un pôle audiovisuel". Il voit donc l'acquisition de BFMTV comme une "belle opportunité". Il insiste également rapidement sur la différence entre ses médias et ceux appartenant à son concurrent Vincent Bolloré, se mettant du côté de "la nuance". "Le positionnement de la division médias du groupe CMA CGM est nuancé et donne la possibilité de voir les choses de manière un peu plus réaliste", ajoute-t-il.

Retrouvez les entretiens de 7h50 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50

Category

🗞
News
Transcription
00:00Il est 7h49, Sonia De Villers, votre invitée ce matin est le PDG de CGA-CGM, le troisième
00:07armateur mondial ! Qui était conviée hier soir à l'Elysée
00:11pour le dîner d'Etat donné en l'honneur de Xi Jinping et qui demain inaugurera à
00:15Marseille un immense centre de recherche et de développement implanté à la pointe rouge
00:20et baptisé Tangram.
00:21Cela se fera à nouveau en présence d'Emmanuel Macron.
00:24Vous ne vous quittez plus ! Bonjour Rodolphe Saadet !
00:28Bonjour Sonia De Villers ! Tangram a pour vocation de former les collaborateurs
00:32du groupe, ils sont environ 180 000, à tout ce qui va bouleverser votre métier à commencer
00:36par la transition énergétique.
00:38Vous vous êtes engagé à atteindre le zéro émission carbone en 2050, c'est tout bientôt
00:442050 ! Vos bateaux sillonnent les mers du monde entier et consomment une masse colossale
00:49de carburant.
00:50La promesse est-elle tenable ? C'est un véritable challenge qu'en 2050
00:54on soit carbone zéro.
00:56Mais en tout cas au vu de la situation climatique dans le monde, il est important qu'une compagnie
01:00maritime comme la nôtre prenne les deux vents et essaye de mettre en place un plan d'action
01:05certes ambitieux mais faisable.
01:07Vous consommez combien de tonnes de carburant chaque année ?
01:10Nous consommons 8 millions de tonnes de carburant pour propulser le navire.
01:13C'est ça, vous avez environ 600 navires ? Nous avons 650 navires porte-conteneurs
01:18qui sillonnent les mers du globe et qui consomment évidemment du carburant pour pouvoir allier
01:24un port à l'eau.
01:25C'est une flotte que vous renouvelez pour pouvoir arriver à cette flotte propre ?
01:31Bien sûr, sur les 650 navires, nous obéirons des navires qui sont propulsés au gaz naturel
01:36liquéfié.
01:37Le LNG nous permet de réduire nos émissions de CO2 de l'ordre de 20%, ce qui n'est
01:43certes pas suffisant mais c'est un bon début.
01:44Nous avons également en commande des navires propulsés au méthanol.
01:48Le méthanol nous permet de réduire nos émissions de CO2 de manière plus importante, de l'ordre
01:52de 60 à 70%.
01:54Donc les mesures sont mises en place, les investissements sont colossaux, nous avons
01:58investi plus de 15 milliards de dollars dans le verdissement de notre flotte de navires
02:02porte-conteneurs.
02:03C'est ça, mais un patron de l'aéronien qui était il y a quelques semaines à ce
02:05micro, nous disait que les compagnies avaient beau dépenser des fortunes pour renouveler
02:10justement leur flotte aérienne, il n'y avait pas assez de biocarburant sur le marché.
02:14Vous constatez la même chose ?
02:15Aujourd'hui nous avons les mêmes difficultés, on nous promet du carburant nouveau ou carburant
02:21vert dans les années à venir, mais pour l'instant c'est vrai, force est de constater
02:24qu'il n'y en a pas assez.
02:25Alors en quelques semaines, Rodolphe Saadé, je vous le dis parce que ça impacte directement
02:30votre marché, la question c'est est-ce que ça nous impacte nous consommateurs en
02:33Bouchesne ? En quelques semaines, la mer Rouge, qui est un lieu de transit essentiel pour
02:38le transport maritime, est devenue un théâtre de guerre.
02:41Qu'est-ce que ça change pour vos bateaux qui arrivent, Dominique Seux vient d'en
02:46parler, massivement de l'Asie, ils arrivent massivement de Chine, donc ils passent par
02:50la mer Rouge ?
02:51Exact, depuis la mi-décembre 2023, la situation dans cette zone géographique a complètement
02:57changé.
02:58Nous sommes obligés de contourner le canal de Suez et de passer par le Cap de Bonne-Espérance.
03:04C'est-à-dire que vous redescendez toute l'Afrique ?
03:06Exactement.
03:07Jusqu'au sud de l'Afrique ?
03:08Jusqu'au Cap et ensuite on remonte.
03:10Donc on rallonge le temps de voyage de l'ordre de deux semaines pour pouvoir rallier Shanghai
03:15au nord de l'Europe ou à la Méditerranée.
03:17Certains de nos navires passent avec une escorte de la marine française que je remercie
03:22de nous permettre de passer par le canal de Suez.
03:25Des cargos sont escortés par des bateaux militaires ?
03:27Certains peuvent être escortés par la marine française et certains de nos navires le font.
03:33Mais la majorité des navires aujourd'hui passent par le Cap de Bonne-Espérance.
03:36Et quand vous apprenez hier soir qu'Israël va bombarder Rafah, vous vous dites que la
03:41situation va évoluer comment ?
03:42On n'est pas prêt malheureusement de s'arranger mais on verra bien.
03:46En tout cas en ce qui nous concerne, nous sommes obligés.
03:48Et ça a fait augmenter les prix du tonnage ?
03:49Ça a fait augmenter les prix parce que le voyage est plus long.
03:51Donc ça coûte plus cher aujourd'hui de faire Shanghai-Le Havre qu'on le faisait avant.
03:55On rajoute deux semaines de voyage donc ça, ça a un coût.
03:5975 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2022, 47 milliards de dollars pour l'année
04:042023.
04:05J'ai presque envie de dire seulement.
04:06C'est une baisse de 36,9%.
04:09Le bénéfice également de l'entreprise a fondu de 25 milliards de dollars en 2022 à
04:133,6 milliards de dollars.
04:15Votre quatrième trimestre, pardonnez-moi, était même dans le rouge.
04:19Ils sont où les super profits ?
04:21Ils sont loin ?
04:22Vous avez raison de poser la question.
04:24Ce qu'on a toujours dit depuis quelques années, c'est que l'industrie du transport
04:27maritime est une industrie cyclique.
04:29On a connu deux années exceptionnelles avec le Covid.
04:33Mais à partir de fin 2023, nous revenons à une période normale où nous faisons face
04:38à la cyclicité des échanges.
04:40Nous sommes une industrie où il y a des hauts et des bas.
04:42A nous de nous adapter.
04:44Donc on est plutôt dans le bas ?
04:45On est plutôt dans le bas ou plutôt dans la normalité des échanges.
04:48D'accord.
04:49Comme tous les armateurs européens, vous bénéficiez d'une fiscalité très avantageuse.
04:53Vous êtes très loin de payer les 25% de l'impôt normal sur les sociétés.
04:58Vous êtes plutôt autour des 2,5%.
05:01La France doit faire face à un déficit budgétaire record.
05:05Elle doit procéder à 20 milliards d'euros d'économie.
05:07Est-ce que vous assumez, Rodolphe Saadé, de priver l'État français de ressources
05:12aussi considérables ?
05:13Peut-être quelques clarifications, Sonia Devillere.
05:16Premièrement, au niveau de l'activité de CMACG, nous avons une activité logistique
05:20et une activité shipping.
05:21L'activité logistique…
05:22Shipping, ça veut dire transport maritime.
05:24Exactement.
05:25L'activité logistique paye l'impôt en totalité.
05:28L'activité de transport maritime bénéficie de la taxe au tonnage qui est une réglementation
05:34qui est appliquée en Europe et qui est appliquée également pour certaines compagnies maritimes
05:38à l'étranger et qui fait qu'on bénéficie, certes, d'un impôt inférieur, mais un
05:42impôt qu'on paye, qu'on gagne de l'argent ou qu'on en perde.
05:45D'accord.
05:46Voilà.
05:47Et par ailleurs, l'activité logistique, elle a beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup
05:50grossi.
05:51Je le dis parce que, comment dire, vous n'êtes pas coté en bourse.
05:55CGA-CGM est un groupe familial que vous avez hérité de votre père, Jacques.
05:59Vous ne dormez pas vraiment sur vos profits, vous les réinvestissez à tout tour de bras.
06:02Vous venez de racheter pour 5 milliards d'euros Bolloré Logistique.
06:06C'est la plus grosse acquisition de toute l'histoire de ce groupe familial.
06:11Exactement.
06:12Le groupe CMA-CGM, aujourd'hui, c'est deux jambes.
06:16Une jambe dans le transport maritime et une jambe dans la logistique.
06:19Et la dernière acquisition qu'on a réalisée dans Bolloré Logistique nous permet d'accroître
06:25ce pôle-là.
06:26Pourquoi la logistique ? Parce que la logistique est complémentaire au transport maritime.
06:30Nous avons de nombreux clients qui nous demandent des solutions de bout en bout.
06:35Avec la logistique, on arrive à leur offrir cette solution-là.
06:38En plus de ça, la logistique est moins cyclique que ne l'est le transport maritime.
06:42Et Bolloré Logistique, comme son nom l'indique, c'est un morceau de l'empire Bolloré.
06:46Bolloré, ça a des deux familles qui ont gardé le contrôle sur leur groupe.
06:49Deux clans qui se sont implantés dans le transport, dans les ports et qui se sont diversifiés
06:54dans les médias.
06:55Quelle relation vous entretenez avec Vincent Bolloré ?
06:58Est-ce que vous êtes des rivaux ? Est-ce que vous êtes des alliés ?
07:00Est-ce que vous êtes des adversaires ?
07:02Nous entretenons d'excellentes relations avec la famille Bolloré et j'ai beaucoup
07:05d'estime pour Vincent Bolloré.
07:07Je suis Rodolphe Saadé, je gère mon groupe de la manière la plus efficace qui soit,
07:11que ce soit dans le transport maritime, la logistique ou même dans les médias.
07:15Alors les médias, vous avez racheté La Provence, Le Quotidien Marseillais, Corse Matin,
07:19prix 10% du capital d'M6, 15% du Média en ligne brute.
07:23Vous voilà futur propriétaire, ça n'est pas encore validé par les autorités de la
07:27concurrence d'Altice Média pour 1,5 milliard d'euros, c'est-à-dire BFM et RMC, radio
07:32et télé.
07:33Pourquoi BFM ?
07:34Pourquoi pas ? Je trouve que ce qui est important c'est qu'avec La Provence, Corse Matin,
07:39La Tribune Dimanche, nous avons mis en place un pôle presse.
07:44Il fallait créer des complémentarités avec un pôle audiovisuel et BFM était sur le
07:49marché et je considérais que c'était vraiment une belle opportunité, c'est une très belle
07:53société.
07:54Est-ce que c'est le maximum de l'influence qu'on puisse s'offrir en France, BFM et
07:58RMC ?
07:59Je ne le regarde pas comme une influence, je le regarde comme une activité qu'on peut
08:02développer et c'est là où moi j'interviens en tant que nouvel actionnaire en leur donnant
08:05des moyens à BFM pour pouvoir grandir, se développer à l'international et être encore
08:11plus rentable qu'aujourd'hui.
08:12Est-ce que vous allez leur donner des moyens, est-ce que vous allez leur donner des garanties
08:14d'indépendance ? Je rappelle qu'à La Provence, il y a eu juste après la visite d'Emmanuel
08:18Macron à Marseille, un litige avec la direction de la rédaction qui s'est mise en grève
08:22pour une durée illimitée.
08:24Vous avez finalement accordé à La Provence la signature d'une charte d'indépendance.
08:27Qu'est-ce que vous allez offrir comme garantie à BFM TV ?
08:30Je ne vais pas revenir sur l'épisode de La Provence où il y a eu une qui n'était
08:36pas bonne, la direction a pris ses responsabilités, je les soutiens à 1000%, maintenant on est
08:41passé à autre chose.
08:42La Provence est en discussion avec la direction pour mettre en place une charte pour que
08:47tout le monde se sente à l'aise, je n'ai pas vocation moi à intervenir dans l'éditorial
08:53de La Provence ou des médias de manière générale, moi ce que j'essaie de faire
08:57c'est développer ces médias-là, leur donner des moyens financiers pour se développer
09:01et je laisse ensuite.
09:02Est-ce que vous êtes un groupe qui offre une contre-proposition aux médias de Vincent
09:06Bolloré ? On y revient à Vincent Bolloré, vous êtes face à face, lui le JDD, vous
09:10la tribune, lui CNews, vous BFM TV, vous êtes des concurrentes directes, vous êtes en frontale
09:15sur plusieurs segments médiatiques.
09:16Ce n'est pas comme ça que je le vois, moi je trouve au contraire, ça donne la possibilité
09:20aux téléspectateurs d'avoir le choix et c'est ça qui est important dans un pays
09:24comme la France, c'est d'avoir un choix, exactement.
09:26D'accord, donc vous défendez une ligne politique qui n'est pas celle des médias
09:29de Vincent Bolloré ? Je suis dans la nuance, à nouveau je ne défends pas, je ne suis
09:33pas pour ou contre, je trouve que le positionnement aujourd'hui de la division média du groupe
09:40CMA-CGM est nuancé, elle donne la possibilité de voir les choses de manière un peu pluraliste.
09:45C'est une ligne macroniste ? C'est une ligne de CMA-CGM.
09:48Merci, Rodolphe Saadet.
09:50Je vous en prie.
09:51Et merci Sonia De Villers, 7h59.

Recommandations