• il y a 7 mois
Lors du Forum mondial Bâtiments et Climat, en mars 2024 à Paris, les représentants de 70 pays ont signé la Déclaration de Chaillot, une étape importante vers la décarbonation du secteur. L’occasion pour SMART IMPACT de faire le point sur les matériaux biosourcés et géosourcés avec Nadia Hoyet, architecte, anciennement professeure à l’École nationale d'architecture de Versailles. Et de rappeler, entre autres, le potentiel de la terre crue en architecture.

Category

🗞
News
Transcription
00:00Le Zoom de Smart Impact. Je vous présente mon invité, Nadia Aouyé. Bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue. Vous êtes architecte, professeure émérite de l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles,
00:15dans le domaine des matériaux et du développement durable. Vous avez d'ailleurs publié un livre sur ces matériaux et architecture durable aux éditions DUNO.
00:24Il y a un chiffre pour démarrer, pour informer nos téléspectateurs sur la part de la consommation d'énergie en France due aux bâtiments.
00:32C'est 44 % premier secteur en matière de consommation d'énergie. Mais il y a évidemment tout ce qui concerne aussi la production, la construction des bâtiments.
00:44Je vais commencer par une question toute simple, mais la réponse n'est pas forcément évidente. C'est quoi votre définition de l'architecture durable ?
00:50Ça veut dire quoi pour vous ?
00:52Je vais vous répondre simplement. C'est celle qui a le moins d'impact environnemental.
00:57Aussi bien, comme vous l'avez dit, au niveau de son fonctionnement quotidien que dans son élaboration, au moment de sa construction.
01:06Ça, je pense qu'on aura le temps de le détailler.
01:09Pour faire image, on pourrait prendre un archétype de l'habitat. On va dire l'habitat durable qui est le plus durable.
01:19C'est celui qui est construit avec le bois de la forêt d'à côté ou avec la terre qu'on a sous nos pas et avec la seule énergie humaine.
01:29Alors ça, il y a encore des habitats qui sont construits comme ça par certains paysans, par certaines peuplades.
01:36Mais évidemment, l'accroissement démographique nécessite qu'on construise autrement.
01:43Avec effectivement des matériaux, des défis. Comme vous le dites, des bâtiments de plus en plus grands pour loger de plus en plus de monde.
01:52Et ça complique effectivement l'équation de départ. Je vais parler réglementation, tiens, pour démarrer, avec cette RE-2020,
02:00réglementation environnementale qui incite à utiliser, on va parler des matériaux, des matériaux bas carbone.
02:05Ces règles, elles s'appliquent depuis janvier 2022 dans les bâtiments neufs. Est-ce que ça change vraiment la donne pour vous, ça ?
02:12Oui, alors il faut peut-être la resituer dans le contexte réglementaire. En fait, cette réglementation RE-2020, elle a été précédée de réglementations qui s'appelaient RT-2005 et RT-2012.
02:25RT, c'était réglementation thermique, c'est-à-dire qu'on demandait aux bâtiments d'avoir un fonctionnement thermique et énergétique contraint.
02:37Là, on définissait 2005, ça a été une chose, puis 2012, plus dure. Enfin, plus dure et avec d'autres critères.
02:45Réglementation environnementale, ça veut dire quoi ? C'est plus global ?
02:48Là, c'est une réglementation énergétique, oui, c'est ça, qui tient compte de l'énergie qu'il y a dans les matériaux de construction.
03:01C'est-à-dire que quand vous construisez, vous devez donner un bilan énergétique des matériaux qui entrent dans la construction.
03:10Cette énergie qu'on appelle énergie grise peut être énorme pour certains matériaux et c'est celle-là qu'il faut tendre à diminuer.
03:18Et alors donc, on va chercher des matériaux qui sont des matériaux biosourcés, par exemple. Alors j'ai, en préparant l'émission, biosourcés, géosourcés.
03:27Donc là, déjà, il y a des différences qui sont peut-être un peu compliquées. On fait de la pédagogie aujourd'hui.
03:31Matériaux biosourcés, c'est quoi ? C'est le bois, par exemple ?
03:33C'est le matériau qui pousse, oui, c'est ça. C'est le bois, c'est la paille, c'est le chanvre, c'est le lin.
03:39Ce sont des matériaux qui absorbent du CO2 en se constituant. Donc ça, c'est assez précieux.
03:48Bon, si après, il y a besoin d'un peu d'énergie pour les transformer, pour qu'ils entrent dans le bâtiment.
03:54Un autre matériau qui est assez faible, qui a un impact carbone assez faible, ce sont les matériaux qu'on sort du sol sans trop les transformer pour les mettre en œuvre.
04:05Donc c'est la terre, la terre crue. On aura peut-être l'occasion d'en parler un peu plus. Et puis la pierre aussi.
04:11Donc ça, c'est ce qu'on appelle les matériaux géosourcés ?
04:13Ce sont les matériaux géosourcés.
04:15La terre crue, ça veut dire quoi ? On construit en terre crue ?
04:17La terre crue, absolument. Il y a un laboratoire cratère situé à Grenoble qui, depuis plusieurs décennies, fait des recherches sur le sujet.
04:29Il disait que 30% de la population globale du monde habite dans une maison en terre crue.
04:37Donc effectivement, elle est présente dans l'habitat mondial.
04:41Alors là, peut-être que la donne a un peu changé parce que cette étude est un peu lointaine.
04:45Mais il y a aussi 15% de l'habitat traditionnel paysan en France qui est en terre.
04:53Oui, donc c'est pas... J'étais en train de me dire, mais ça concerne d'autres pays, d'autres civilisations, d'autres sociétés.
05:01Ça existe en France aussi ?
05:02Oui, oui.
05:03Terre crue, pourquoi on dit terre crue ? C'est de la terre.
05:05C'est de la terre. C'est de la terre, mais elle n'est pas cuite.
05:07C'est-à-dire que la différence entre une brique de terre crue qu'on appelle adobe et la brique de terre cuite, c'est 1000 degrés.
05:17Donc de l'énergie et donc un bilan carbone qui est évidemment pas du tout le même.
05:21De la même façon, les termes acier vert ou béton vert, quand je les prononce, je me dis que c'est un oxymore, une contradiction dans les termes.
05:31Donc on peut quand même faire baisser le bilan carbone de l'acier ou du béton ?
05:37Oui, oui.
05:38Comment ?
05:39Et ces deux matériaux majeurs de l'industrialisation vont devoir le faire parce qu'ils sont extrêmement consommateurs à la fois d'énergie pour être produit,
05:54et leur fabrication même dégage du CO2. Et ces deux aspects, dégagement de CO2 et puis consommation énergétique, sont travaillés par les industriels pour être diminués.
06:10C'est ce qu'on appelle l'acier vert ou le béton vert.
06:14Est-ce que vous trouvez que l'appellation est un peu exagérée quand même ?
06:18C'est une façon de dire qu'on va travailler l'acier autrement et qu'il a des qualités, qu'il est un peu décarboné.
06:28Mais ça va rester beaucoup plus carboné que les matériaux biosourcés ou géosourcés, évidemment.
06:36Est-ce qu'il y a des contraintes quand même ? Je reviens aux matériaux biosourcés, le bois, la paille, le chanvre, le lin, vous les avez cités.
06:44Oui.
06:45Est-ce qu'il y a des contraintes dans leur utilisation ? C'est-à-dire qu'on ne peut pas les utiliser pour tout type de chantier, de bâtiment, vous voyez ce que je veux dire ?
06:53Oui, oui, tout à fait. Finalement, la bonne construction, c'est celle qui emploie le bon matériau au bon endroit.
07:02C'est certain qu'on ne pourra pas faire une tour de 30 étages en terre ou en bois.
07:13Toutefois, les pays du Nord construisent des immeubles de 10 niveaux en bois quand même.
07:19C'est vrai que les matériaux biosourcés ont des limites techniques qui ont été dépassées justement par les matériaux de l'industrie.
07:35Je pense que la grosse limite, elle est mentale. C'est-à-dire que s'ils ne se développent pas beaucoup, la terre, par exemple, qui peut permettre de construire beaucoup de choses
07:48et qui est là en énorme quantité quand vous faites des routes ou des infrastructures, vous sortez beaucoup de terre.
07:57Et donc là, c'est quelque chose de disponible. Et si on ne l'emploie pas, c'est qu'il y a encore des freins.
08:05Une sorte de blocage mental ou l'impression qu'on revient en arrière dans le temps, d'une certaine façon, c'est ça ?
08:09Oui, peut-être. Et pourtant, il y a une chose rigolote. La terre, elle peut être mise en œuvre de beaucoup de façons.
08:17Mais il y a une façon, c'est de faire du pisé. Le pisé, c'est entre deux banches. On tasse la terre entre deux banches.
08:24Ça ne vous fait pas penser au béton coulé entre deux banches ? Oui, c'est ça. Et aujourd'hui, il y a des gens qui construisent en terre,
08:33qui utilisent la technologie du béton, c'est-à-dire les banches maintenant en acier, etc., qui se manipulent plus facilement que celles en bois,
08:40et qui construisent en terre en pisé. Voilà, ça ouvre des perspectives. C'est vrai qu'on parle de la consommation des bâtiments.
08:48On essaie de construire des bâtiments. Alors déjà, on peut considérer que c'est mieux de rénover que de détruire et reconstruire. Ça, c'est un point de départ.
08:55Mais on construit des bâtiments avec des matériaux biosourcés, géosourcés. Très bien. Ensuite, faire en sorte qu'ils consomment peu d'énergie ou même
09:05qu'ils en produisent plus qu'ils n'en consomment. Ça, c'est vraiment l'architecture durable dans les projets d'aujourd'hui ? On voit ça de plus en plus ?
09:12Oui, c'est-à-dire qu'elle est équipée de panneaux solaires ou de chauffe-eau solaire. Oui, de géothermie, etc. Donc effectivement, si elle ne consomme presque pas
09:29pour se chauffer ou se refroidir parce qu'elle a été bien conçue, bien isolée, etc., et qu'elle a des panneaux solaires sur le toit, elle est à énergie positive.
09:40C'est ça. Ce sont les bâtiments à énergie positive. Il nous reste une minute. Je voudrais qu'on parle quand même de ce forum mondial bâtiment climat qui a abouti.
09:48C'était à Chaillot le 8 mars, l'adoption par des représentants de 70 pays de ce qu'on a appelé la déclaration de Chaillot. Beaucoup parlent d'un texte fondateur.
09:59Oui, ça peut l'être parce que finalement, c'est une déclinaison des accords de Paris sur un secteur de production extrêmement consommateur. Donc là, c'est assez fort.
10:11Bon, alors après, qui fera les réglementations ? Si c'est la finance et les lobbies derrière, là, bon, ça changera pas trop la donne. Mais si ça ouvre aussi à des partages d'expérience
10:25et si ça ouvre aux nouveaux récits qu'il faut absolument inventer, y compris dans l'architecture, c'est positif.
10:32Merci beaucoup. On termine là-dessus. Merci, Dindia Oyey. A bientôt sur Bismarck. On passe à notre rubrique start-up. On parle alimentation avec une alternative à la viande.

Recommandations