Deuxième partie : La pluralité des défis dans le contexte européen, rencontres suivi d’une séance de dédicaces 14h45 : Quelles actions en faveur des forêts primaires dans le contexte européen ? - Quelle est la place des forêts primaires dans les réflexions européennes ? Avec : * Marco Onida, team leader Forest, DG Environnement de la Commission Européenne - Quelles actions pour des forêts plus sauvages en UE ? Avec : * Gilbert Cochet, naturaliste, agrégé de l'Université, attaché au Muséum National d'Histoire Naturelle, expert au Conseil de l'Europe, président de Forêts sauvages et * Béatrice Kremer-Cochet, naturaliste, agrégée de l'Université, experte au Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel, vice-présidente de Forêts sauvages - Qu'est-ce que la libre évolution en forêt ? Avec : *Jean-Claude Génot, écologue et vice-président de Forêts sauvages - L'agroforesterie dans le projet de forêt primaire ? Avec : *Emmanuel Torquebiau, chercheur émérite du CIRAD (Montpellier), spécialiste d'agroforesterie tropicale ; membre des conseils d'administration de l'Association française d'agroforesterie et de l’association Francis Hallé pour la forêt primaire Modération : Erwan Cherel, chargé de mission à l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)
Category
🗞
NewsTranscription
00:00:00 Merci à tous d'être venus en nombre aujourd'hui.
00:00:07 On va passer à la session suivante.
00:00:10 Je vais inviter les intervenants à venir me rejoindre sur scène.
00:00:13 Marco Onida, Gilbert Cochet et Béatrice Crémer-Cochet et Emmanuel Torcobio.
00:00:19 Est-ce qu'on peut me dire à la régie si Jean-Claude Génaud est en ligne et s'il
00:00:25 nous entend bien ?
00:00:26 Jean-Claude nous rejoindra à 15h.
00:00:46 Pour commencer cette session, on voit que l'initiative de l'association Francis Salé
00:00:54 est un modèle d'inspiration pour l'Europe, pour le vieux continent.
00:00:59 Mais ça pose aussi la question de quel est le contexte européen dans lequel il va se
00:01:05 déployer.
00:01:06 On peut penser notamment à la résolution du Parlement européen en 2009 qui incitait
00:01:13 les États membres à préserver les aires de wilderness, pour reprendre le terme en
00:01:18 anglais, qui a permis notamment d'identifier les espaces de naturalité en France, en
00:01:28 Europe.
00:01:29 Et aussi la stratégie biodiversité à l'horizon 2030 qui fait un focus particulier sur les
00:01:37 vieilles forêts, les old-growth forests.
00:01:40 Mais je vais laisser la parole à Marco pour qu'il puisse nous présenter ce contexte
00:01:45 européen un peu plus en détail.
00:01:47 Merci Erwan, bonjour tout le monde.
00:01:51 Merci Francis, Eric pour cette invitation.
00:01:54 Je m'excuse pour mon accent italien et mes fautes de français.
00:01:59 En quelques minutes, je vais parler de, comme vous voyez sous le titre, la place des forêts
00:02:08 primaires dans les réflexions européennes.
00:02:09 Je commencerai par dire que c'est quelque chose de tout à fait nouveau.
00:02:14 Il y a quelques années, on n'en parlait certainement pas.
00:02:18 Moi-même, je ne suis pas forestier, je suis juriste d'origine, je travaille depuis 5
00:02:23 ans.
00:02:24 Eric m'a promu parce qu'il m'a fait directeur.
00:02:26 En directeur, il a à peu près 60 à 80 personnes qui travaillent pour lui.
00:02:32 Moi j'en ai deux.
00:02:33 Je suis chef des secteurs, mais bon, je suis dans le secteur qui est responsable pour la
00:02:38 protection des forêts européennes et on a vraiment beaucoup à faire.
00:02:41 Je vous présente un peu le contexte.
00:02:44 Bon, ça c'est pour vous, déjà vu, c'est de la banalité, mais juste le contexte de
00:02:51 cette initiative européenne, entre autres pour les forêts primaires, c'est la prise
00:02:59 de conscience du fait que dans le temps, on voyait les trois piliers du développement
00:03:05 durable, économie, société et environnement, un peu comme trois piliers parallèles, qui
00:03:12 finalement n'est pas du tout le cas parce que le pilier environnement, biosphère, c'est
00:03:17 ce qui permet à la société et à l'économie d'exister.
00:03:20 Donc on a renversé un peu, et ça c'est juste le contexte politique qui a changé à cause
00:03:28 de de grosses crises, changement climatique et biodiversité.
00:03:32 Et bon, ça évidemment, c'est des choses que vous connaissez très bien.
00:03:37 La crise de biodiversité est aussi grave que la crise climatique.
00:03:43 Et finalement, c'est un aspect important parce que les deux choses vont ensemble.
00:03:48 On ne peut pas penser de résoudre la crise climatique sans passer à la biodiversité.
00:03:55 Moi, je me suis rendu compte, par exemple, qu'en Scandinavie, dans le domaine forestier,
00:04:04 on a convaincu les gens qu'il faut renoncer à la biodiversité parce que les monocultures,
00:04:10 les plantations, l'agriculture forestière est bien pour le climat.
00:04:14 Et donc, même si c'est mauvaise pour la biodiversité, c'est nécessaire et ce n'est
00:04:18 pas du tout le cas.
00:04:19 Ce n'est vraiment pas du tout le cas.
00:04:20 Donc, l'Union européenne, vous connaissez peut-être, a mis comme première priorité
00:04:29 du programme de la actuelle commission le Pacte vert, qui a évidemment, entre autres,
00:04:38 un grand volet de protection de la nature.
00:04:41 Et donc, les premiers enseignements qu'on a tirés, c'est évidemment qu'il faut,
00:04:49 là je reviens maintenant aux forêts, il faut changer complètement de paradigme parce
00:04:55 qu'il faut dire aussi qu'en Europe, surtout aussi les ONG, l'opinion publique n'a jamais
00:05:03 été très attentive sur la situation des forêts européennes.
00:05:06 On a toujours regardé hors de l'Europe.
00:05:08 Donc, les forêts, l'Amazonie, typiquement l'Afrique, l'Indonésie, évidemment,
00:05:14 il y avait raison pour faire ça, mais le monde forestier européen nous a convaincu
00:05:21 que tout allait bien.
00:05:22 Et finalement, ce n'est pas le cas parce que les forêts européennes sont en énorme
00:05:25 souffrance.
00:05:26 Justement, pour les éléments qui ont été mis en évidence tout à l'heure, les monocultures
00:05:32 ne sont pas résilientes et sont en souffrance, et surtout il n'y a pas de biodiversité.
00:05:39 Je n'ai pas trop le temps de rester sur ça.
00:05:42 Il faut aussi penser au long terme.
00:05:46 Il nous manque énormément de données sur ce qui se passe.
00:05:52 Donc, il faut améliorer le monitorage et évidemment faire face au changement climatique.
00:05:56 Alors, en 2020, la Commission européenne a adopté une nouvelle stratégie pour la
00:06:03 biodiversité d'ici 2030, suivie par une nouvelle stratégie pour les forêts en 2021.
00:06:10 Un des éléments de cette stratégie est la protection des 30% des écosystèmes terrestres
00:06:17 et de ces 30%-10% de protection stricte.
00:06:20 Pour revenir aux forêts, une des choses que la Commission a fait, c'était de… il y
00:06:29 a différents volets législatifs qui se sont développés.
00:06:33 Vous avez peut-être entendu parler de la proposition de la directive sur la restauration
00:06:38 de la nature, qui a complètement paralysé l'Europe avant l'été parce qu'il y a
00:06:44 eu une polarisation politique très importante entre les partis populaires et les autres
00:06:48 partis politiques avec une tentative de tuer cette proposition par les partis populaires,
00:06:54 qui n'a pas réussi, qui a échoué.
00:06:56 Mais quand même, les débats restent très difficiles et ça a un peu paralysé tous
00:07:02 les débats sur les autres choses.
00:07:04 Mais au-delà de ça, on a, voilà, c'est ce que je disais tout à l'heure, la protection
00:07:09 des 30% des écosystèmes terrestres et maritimes et un tiers protection stricte.
00:07:15 Et donc, on a reçu 3 ou 4 lignes directrices et là, je vais vous présenter brièvement
00:07:29 les lignes directrices qu'on a publiées sur les forêts primaires et subnaturelles.
00:07:35 Il y en a eu aussi, par exemple, et ça c'est très intéressant ce qu'elle disait tout
00:07:38 à l'heure, Elodie et Marc-André, par exemple, il y a des lignes directrices sur la gestion
00:07:44 forestière proche à la nature, ce qui est exactement ce qui a été mentionné, le ProSilva.
00:07:48 Mais ça c'est un autre chapitre, je n'ai pas trop le temps de rester sur ça maintenant.
00:07:52 Et donc, la commission a décidé de publier ces lignes directrices pour définir, cartographier,
00:08:01 surveiller, protéger strictement les forêts primaires et subnaturelles en Union Européenne.
00:08:05 Alors, il y a eu toute une discussion sur le terme, bon ici on parle de forêts primaires,
00:08:11 mais subnaturelles, pour nous c'était des forêts anciennes, mais on nous a dit, et
00:08:16 le gouvernement français a été très, très, très, ils ont insisté énormément d'utiliser
00:08:25 le terme subnaturelle et pas ancienne.
00:08:27 Ne me demandez pas pourquoi, mais je pense que j'ai même interrogé Eric et les associés
00:08:35 scientifiques, finalement c'est le terme subnaturel qu'on doit utiliser.
00:08:39 Alors, effectivement c'est quelque chose de nouveau, parce que jusqu'il y a quelques
00:08:44 années on n'en parlait pas, on ne savait, ce n'était pas vraiment un débat.
00:08:49 Mais dans ces 10% de protection stricte, la stratégie biodiversité demande d'inclure
00:08:54 toutes les forêts primaires et subnaturelles qui restent dans l'Union Européenne.
00:08:58 Sauf qu'on ne sait pas exactement combien il y en a.
00:09:01 On sait qu'il y a 2-3% des forêts européennes tombent dans la définition des primaires
00:09:06 ou subnaturelles.
00:09:07 Alors ces lignes directrices, tout d'abord ce qu'ils font c'est de définir.
00:09:10 Alors la définition des forêts primaires est relativement facile, parce qu'elle a
00:09:13 été reprise d'une définition qui existe déjà par l'FAO.
00:09:16 Donc elle était relativement facile de trouver un accord entre experts, parce que c'est
00:09:24 des lignes directrices.
00:09:25 Donc ce n'est pas de la législation, mais elle a été quand même développée ensemble
00:09:29 avec les experts de tous les États membres, pour essayer d'avoir un consensus, afin
00:09:32 que les États membres, justement parce que ce n'est pas de la législation contraignante,
00:09:38 les utilisent.
00:09:39 Parce que si on les avait imposées nous comme commission avec nos experts, les États membres
00:09:43 auraient pu dire "voilà, nous on s'en fout, c'est votre vision".
00:09:46 Donc c'est quelque chose de partagé.
00:09:47 Et donc là, ce que vous voyez, c'est la définition des forêts primaires, qui est
00:09:53 la première chose.
00:09:54 Je ne parle pas des forêts subnaturelles ici, parce que le thème aujourd'hui c'est
00:09:58 la forêt primaire.
00:09:59 Mais par exemple, la réserve maçonne, elle me semblait tomber très bien dans la définition
00:10:06 des forêts subnaturelles, parce qu'avec tout ce qui a été dit, ça me semblerait
00:10:11 exactement qu'elle mérite une protection stricte au sens de ces lignes directrices.
00:10:16 Donc ces lignes directrices demandent de cartographier ces forêts, parce qu'elles peuvent sembler
00:10:23 surprenantes avec toute la science qu'on a déployée, les géographes, les forestiers
00:10:30 en Europe, mais il n'y a vraiment pas encore une cartographie sûre et certaine sur les
00:10:37 forêts primaires et les forêts subnaturelles en Europe.
00:10:40 Il y a souvent des décalages entre les données qui sont récoltées par les scientifiques
00:10:47 ou par les forêts privées et ce qui est accessible par le public.
00:10:52 Donc on a demandé, chaque état membre doit se pencher sur ça, utiliser les systèmes
00:11:02 des SIG pour arriver à une cartographie claire de ces forêts et de mettre ça évidemment
00:11:12 à la disposition du public.
00:11:14 Maintenant, ce qui passe dans ce moment, je reviendrai à la fin, c'est qu'il y a un
00:11:20 peu un débat, parce que certaines agences au niveau de certains pays membres nous disent
00:11:26 que si nous diffusons les données sur les forêts primaires et subnaturelles, il y a
00:11:31 un risque que les propriétaires les coupent parce qu'ils ne veulent pas tomber dans la
00:11:34 définition de protection stricte.
00:11:36 Donc il vaut mieux garder ces données secrètes plutôt que de dire qu'il y a ce risque,
00:11:43 parce que les gens ont peur de ce qui peut se passer, une fois qu'il y a la protection
00:11:47 stricte, évidemment on ne peut plus couper.
00:11:48 La deuxième chose, le deuxième volet, c'est la surveillance, donc la surveillance structurelle
00:11:54 et régulière des forêts primaires et subnaturelles, afin de vérifier un peu ce qui se passe,
00:12:01 l'incidence de la gouvernance, des mesures de gestion, des perturbations et surtout l'incidence
00:12:07 des changements climatiques.
00:12:09 Et tout ça pour arriver à terme à la protection stricte.
00:12:14 Donc ce que je disais tout à l'heure, les États membres doivent identifier et protéger
00:12:21 strictement 10% des écosystèmes terrestres, donc y compris toutes les forêts primaires
00:12:27 et subnaturelles, dès qu'il est clair que ces forêts répondent aux critères qu'on
00:12:37 retrouve dans les lignes directrices.
00:12:38 Il faut dire que, si je peux revenir un moment sur la définition, la définition des forêts
00:12:47 subnaturelles, vous la retrouvez, là je n'ai pas le temps d'en parler trop en détail,
00:12:53 mais elle est toute expliquée dans ce document, il y a des critères, des indicateurs, et
00:12:59 je suis sûr que vous pouvez directement voir quelle est l'utilité.
00:13:06 Voilà, donc protection stricte, alors qu'est-ce que ça veut dire protection stricte ? Parce
00:13:12 que là c'est la deuxième question, donc protection stricte, oui mais quoi ? Alors
00:13:16 il y a un parallèle, un autre document qui a été développé par la Commission européenne
00:13:22 ensemble avec les États membres, dans un comité des experts des États membres qui
00:13:26 s'appelle NADEG, qui établit qu'est-ce que ça veut dire protection stricte.
00:13:31 Et là il y a tout, bon disons en bref, une forêt ne peut certainement pas être cultivée,
00:13:39 mais il y a des activités humaines qui sont encore permis, donc par exemple collecte des
00:13:44 champignons, tout ça, évidemment dans les limites de ce qui est la tolérance des écosystèmes,
00:13:49 mais ça ne veut pas dire que c'est des forêts qui ne peuvent pas être accessibles au public,
00:13:53 au contraire.
00:13:54 Il y a après, dans cette ligne d'éditrice, tout un volet sur ce qu'on peut faire pour
00:14:03 financer la protection stricte, parce qu'évidemment, oui, j'arrive à la fin, je pense que c'est
00:14:07 la fin, évidemment la grosse question, et là je reviendrai quand on fera la table
00:14:14 ronde, la grosse question c'est comment gagner la participation surtout des forêts privées,
00:14:18 parce qu'on a 60% de forêts privées en Europe et 40% de forêts publiques en moyenne,
00:14:22 et donc évidemment c'est toujours la question comment financer, comment pouvoir obtenir
00:14:28 un revenu si on ne vend pas le bois, et tout ça.
00:14:31 Et là donc il y a toute une explication de ce qu'ils peuvent être les fonds européens.
00:14:37 Et à la fin, il y a un calendrier indicatif pour la mise en œuvre de cette ligne d'éditrice,
00:14:41 donc là vous voyez les Etats-membres devaient déjà, au début de cette année, produire
00:14:47 leurs engagements pour les zones de protection stricte selon cette ligne d'éditrice NADEG,
00:14:54 et à la fin de cette année, ils doivent, mais je répète, c'est pas contraignant,
00:15:01 donc c'est une invitation politique, même si les Etats-membres et les parlementaires
00:15:07 européens ont appuyé politiquement la stratégie biodiversité, donc on est tous d'accord
00:15:13 qu'il faut le faire, mais avant la fin de cette année, on attend l'élaboration de
00:15:17 la méthode de restation de la cartographie par tous les Etats-membres, et d'ici 2025,
00:15:23 la cartographie, d'abord pour les forêts primaires publiques et souveraines publiques,
00:15:28 et après pour les privées, et plus tard, en 2029, la protection stricte mise en œuvre.
00:15:34 Mais il y a aussi clairement indiqué que dans la mesure où c'est clair qu'une forêt
00:15:39 tombe dans cette définition, il faut la protéger immédiatement, c'est le principe de précaution,
00:15:44 il ne faut pas attendre, et ça c'est très important.
00:15:47 Voilà, c'est la présentation de la ligne d'éditrice, je reviendrai sur certains éléments
00:15:51 après.
00:15:52 Merci beaucoup.
00:15:53 Merci beaucoup Marco.
00:15:56 Merci pour cette présentation du cadre politique européen dans lequel peut se déployer la
00:16:03 protection des forêts primaires.
00:16:05 Une petite astérix, en France on parle de protection forte plutôt que de protection
00:16:12 stricte, mais c'est un statut particulier français qui soulève d'autres questions
00:16:17 mais qu'on abordera peut-être plus tard par la suite.
00:16:19 Je vais laisser la parole à Gilbert et Béatrice qui vont pouvoir nous présenter justement
00:16:25 quel type d'initiative on peut retrouver en Europe dans ce cadre-là.
00:16:28 Avant de vous présenter ce petit diaporama, ce powerpoint, si vous voulez, on nous a fait
00:16:44 appel parce que nous sommes un petit peu des fantasains sylvestres de la ruralité, c'est-à-dire
00:16:53 que nous agissons un peu de partout, notamment par l'acquisition foncière pour préserver.
00:17:01 C'est un moyen, ce n'est pas le seul loin de là bien entendu, mais c'est un moyen
00:17:08 et voilà ce que je voudrais vous évoquer.
00:17:11 On nous a demandé de parler des actions pour les forêts plus sauvages en Union européenne
00:17:19 et j'ai beaucoup aimé le "des forêts" parce qu'effectivement si vous regardez cette carte
00:17:25 qu'on a reproduite dans notre ouvrage "Le repréhense sauvagé", on voit très bien
00:17:29 que d'abord il n'y a pas une seule forêt, mais bien plusieurs types de forêts en Europe.
00:17:34 Vous avez la forêt la taïga, c'est-à-dire la forêt sub-boréale, c'est les petits sapins
00:17:42 qui sont représentés là sur la carte.
00:17:44 Vous avez la forêt à feuillage caduc de plaine comme la forêt de Biello-Viesa,
00:17:50 qui recouvre une grande partie de l'Europe également.
00:17:54 Vous avez les forêts d'altitude, avec également, quand on monte suffisamment en altitude,
00:17:59 des résineux et puis vous avez la forêt méditerranéenne.
00:18:02 Donc voilà, ce n'est pas une forêt européenne, mais bien des forêts européennes.
00:18:06 La deuxième chose qu'on voit bien sur cette carte, c'est que contrairement à ce qui se passe
00:18:11 à latitude équivalente sur le continent nord-américain, la forêt prend une place
00:18:17 extrêmement importante en Europe.
00:18:18 Elle couvrait, à la sortie de la dernière glaciation, à peu près 80% du territoire européen.
00:18:24 Et ça, c'est dû à une particularité géographique par rapport aux États-Unis et au Canada.
00:18:31 Vous avez une bande de montagne qui fait nord-sud et qui va stopper les pluies assez rapidement,
00:18:38 aussi bien à l'est qu'à l'ouest.
00:18:40 Ici, si vous regardez bien, je n'ai pas de pointeur, donc je vais vous montrer simplement.
00:18:45 Les chaînes de montagne sont alignées ouest-est, ouest-ouest, c'est comme vous voulez.
00:18:49 Donc toutes les influences de l'océan Atlantique peuvent pénétrer assez profondément en Europe.
00:18:55 Et il n'y a que vraiment à l'extrême est de l'Europe que vous trouvez des précipitations
00:19:00 trop faibles pour qu'il y ait installation de forêts.
00:19:02 Et ce sera donc les steppes qu'on trouve notamment en Russie et en Ukraine.
00:19:07 Tout le reste, c'est de la forêt.
00:19:08 Alors cette forêt, évidemment, elle n'est plus tout à fait sauvage.
00:19:12 Et puis elle a beaucoup évolué avec le temps, avec notamment les différentes glaciations
00:19:18 qui sont apparues.
00:19:19 Et donc même dans un type de forêt, si je prends la forêt méditerranéenne,
00:19:23 on parlait de variations génétiques tout à l'heure, Francis soulignait cet aspect-là.
00:19:28 Et là, le yo-yo des glaciations qui a repoussé les forêts vers le sud à chaque épisode
00:19:33 de glaciation successive a entraîné un isolement géographique de certaines espèces suffisamment
00:19:40 long dans le temps.
00:19:41 Un épisode de glaciation, c'est à peu près 100 000 ans.
00:19:43 Suffisamment long dans le temps pour qu'il y ait des mutations qui se produisent,
00:19:47 et donc une diversification génétique.
00:19:48 Et donc si on prend les trois péninsules, l'Espagne, l'Italie et la péninsule balkanique,
00:19:55 et bien c'était qu'un seul exemple, vous avez trois sortes de pains.
00:19:59 Le pain noir d'Autriche, le pain à l'Aricio et le pain de Salzman qui dérivent d'un
00:20:03 même ancêtre commun mais qui ont donné des variants suite justement à ces différentes
00:20:09 glaciations.
00:20:10 Pour passer les diapositives...
00:20:13 J'y vais à pied.
00:20:17 Un aspect intéressant qu'on va évoquer là, il se trouve qu'on se posait des questions
00:20:27 tout à l'heure sur la forêt, comment elle était, etc.
00:20:31 On a des réponses.
00:20:33 Là, on est en haute loire, et au fond de ce lac, on a des sédiments.
00:20:38 À côté, on est dans un endroit qui s'appelle Llandos, sur le plateau.
00:20:42 On a des sédiments qui sont dans des tourbières.
00:20:45 Dans ces tourbières, on va faire ce qu'on appelle un carottage.
00:20:49 On va sortir une carotte, et ensuite, cette carotte, on va l'analyser.
00:20:53 Elle va nous donner, en fonction du temps, les différents polènes.
00:20:58 C'est pour ça qu'on parle du diagramme polynique.
00:21:00 Les différentes polènes et donc les différentes espèces.
00:21:03 C'est assez extraordinaire, tout ce qu'on peut dire sur ces diagrammes polyniques.
00:21:08 Ici, il faut se dire que la carotte est faite dans ce sens-là.
00:21:15 Il faudrait la redresser, si vous voulez.
00:21:20 Là, on est à peu près il y a 10 000 ans.
00:21:22 On sort de la glaciation.
00:21:26 Et là, c'est maintenant.
00:21:28 Si je me mets debout, comme ça, si vous voulez, et on remet de la plombe,
00:21:33 ça fait beaucoup de choses qui changent.
00:21:35 Je suis là sur 10 000 ans d'histoire.
00:21:39 En dessous de moi, 10 000 ans d'histoire.
00:21:42 On peut regarder.
00:21:43 Ça commence.
00:21:46 Vous avez ici, par exemple, du pain sylvestre.
00:21:49 En dessous, vous avez d'autres arbres intéressants.
00:21:56 Des saules.
00:21:58 On verra après d'autres arbres.
00:22:03 Et puis, il y a des bouleaux bêtus.
00:22:07 Vous voyez le paysage des bouleaux, des pains sylvestres.
00:22:11 C'est le paysage actuel de la toundra.
00:22:14 C'est facile.
00:22:15 Ensuite, on avance dans le temps.
00:22:17 En avançant dans le temps, on se rend compte qu'on a Quercus,
00:22:21 le chêne qui apparaît et qui se développe bien.
00:22:25 C'est assez étonnant.
00:22:27 À cette époque-là, il fait plus chaud qu'aujourd'hui.
00:22:30 Il y a pratiquement 2-3 degrés de plus.
00:22:33 La nature a géré ça.
00:22:36 Ensuite, en 6600 avant aujourd'hui,
00:22:45 c'est très précis, la haîtresse apinière s'installe.
00:22:50 Ça, c'est la haîtresse.
00:22:54 Au-dessus, vous avez le sapin.
00:22:56 Donc, installation de la haîtresse apinière.
00:22:59 Au bout d'un moment, ça diminue.
00:23:02 Ça diminue, ça diminue.
00:23:05 C'est une néolithique.
00:23:06 Le bonhomme coupe pour pouvoir mettre ses moutons,
00:23:11 pour pouvoir cultiver.
00:23:13 On le voit là-dessus.
00:23:15 Et puis, ça descend.
00:23:18 Ensuite, il y a un petit trou.
00:23:21 Ce petit trou, c'est en fait les barbares qui sont arrivés
00:23:31 et qui ont pris la place.
00:23:34 Ensuite, on arrête la culture.
00:23:40 À ce moment-là, on voit une poussée très importante
00:23:44 du pain sylvestre.
00:23:45 On a déboisé, ensuite on a abandonné.
00:23:50 Le pain sylvestre s'est développé.
00:23:52 Ensuite, on a recommencé à cultiver.
00:23:57 Et on voit un deuxième secteur, c'est aujourd'hui,
00:24:02 la déprise agricole avec le développement du pain sylvestre.
00:24:08 On a vraiment une histoire très précise.
00:24:14 Dans le jaune, c'est l'empire romain.
00:24:19 Puis, il y a le blanc à côté, c'est les barbares.
00:24:22 Et puis, après, tout ça, c'est aujourd'hui.
00:24:27 - Le jaune, c'est les céréales.
00:24:30 - Voilà.
00:24:30 - Les pollenes de céréales.
00:24:31 - C'est pas assez grand.
00:24:34 Là.
00:24:35 Pas assez, mais c'est merveilleux.
00:24:39 C'est très intéressant, parce que si vous voulez,
00:24:43 on ne peut pas nous la refaire.
00:24:45 On ne peut pas nous dire que c'était une forêt,
00:24:48 c'était comme ça.
00:24:49 Là, il est très sapinier d'ici.
00:24:53 Je ne vois pas en quoi elle est différente
00:24:55 des forêts sapinières anciennes que nous avons chez nous.
00:24:59 Des forêts sapinières qui ont 300, 400 ans,
00:25:01 dans des zones très encaissées.
00:25:04 Elles vont avoir une allure qui sera très similaire.
00:25:08 Voilà un point très important.
00:25:13 Les forêts sauvages n'ont pas besoin d'être plantées.
00:25:18 Elles se régénèrent toutes seules.
00:25:19 Et ça, ce n'est pas une forêt.
00:25:21 C'est une plantation.
00:25:24 C'est vrai que Francis, ce matin, nous disait
00:25:27 qu'une vraie forêt, elle est belle.
00:25:30 Il n'a pas osé dire qu'une plantation, c'est moche.
00:25:33 (Rires)
00:25:35 Donc, voilà.
00:25:37 On peut insister.
00:25:38 (Applaudissements)
00:25:41 C'est moche et c'est un affront à la biodiversité,
00:25:46 à la beauté de la biodiversité.
00:25:48 Il fallait avoir un esprit mal tourné pour planter ça.
00:25:53 Il fallait être un petit peu...
00:25:55 Il y a des études à faire.
00:25:57 (Rires)
00:26:00 Donc, en fait, si on résume, la première action
00:26:03 pour avoir des forêts sauvages, plus de forêts sauvages,
00:26:06 finalement, c'est une non-action.
00:26:09 Ne plantez pas.
00:26:10 Ça pousse tout seul.
00:26:12 Voilà.
00:26:13 Si on veut avoir des forêts plus sauvages,
00:26:15 déjà, il faut commencer par oser laisser le sauvage s'installer,
00:26:19 oser lâcher prise et arrêter de croire qu'on est Dieu le Père
00:26:24 et qu'on est les créateurs.
00:26:26 Tout simplement.
00:26:28 Alors, tout à l'heure, Marco nous parlait des objectifs de l'Europe à 2030.
00:26:33 Donc, 10% de protection stricte.
00:26:36 Pardon ?
00:26:39 Alors, oui, moi, j'aime bien le terme de protection stricte.
00:26:44 Et c'est vrai qu'en France, on a l'art de tourner les mots
00:26:47 pour contourner les lois, en fait, tout simplement,
00:26:52 pour faire à la française, l'exception française.
00:26:55 10% de protection stricte, ça vaut pour tous les territoires
00:27:01 et ça vaut évidemment aussi pour la forêt.
00:27:03 Donc, comme on le disait, il y a en gros deux catégories administratives de forêts,
00:27:10 en France et en Europe, d'une manière générale.
00:27:12 C'est les forêts qu'on va qualifier de forêts publiques,
00:27:14 parce qu'elles appartiennent à une communauté, à l'État, à des communes,
00:27:18 et les forêts privées.
00:27:20 Donc, en France, le taux de forêts privées est un petit peu plus supérieur
00:27:24 à la moyenne française, puisqu'on est à 72% contre 60% en moyenne européenne.
00:27:29 Donc, une grosse action possible au niveau des forêts privées.
00:27:33 Et les forêts publiques, c'est tout le reste,
00:27:36 donc avec à peu près 16% qui appartiennent à l'ONF en France.
00:27:39 Et le reste, c'est de la forêt communale.
00:27:42 Donc, au niveau des forêts publiques, il y a bien sûr déjà des choses qui se font.
00:27:48 Donc, je vois qu'il y a eu un petit réarrangement,
00:27:51 il doit y avoir une petite modification de la mise en page,
00:27:54 puisqu'une partie du commentaire disparaît sous la photo.
00:27:58 Donc, déjà, première action possible, qui est déjà mise en place,
00:28:02 c'est les réserves biologiques intégrales, créées par l'ONF.
00:28:06 Donc, c'est une action évidemment très positive.
00:28:08 Ce sont, comme la forêt de la Massane, qui n'est pas une réserve biologique intégrale,
00:28:12 mais qui pourrait être assimilée à cela, des laboratoires à ciel ouvert,
00:28:15 que l'ONF a créé pour voir un petit peu comment évoluent les forêts
00:28:19 en fonction de différentes variations normales,
00:28:23 notamment le changement climatique qu'on observe actuellement.
00:28:26 Malheureusement, ces réserves biologiques intégrales en France métropolitaine sont très petites.
00:28:31 Alors, il existe l'équivalent, bien sûr, dans les autres pays européens,
00:28:34 ça ne s'appellera pas tout à fait comme ça, mais le principe est le même.
00:28:37 La plus grande réserve biologique intégrale qui existe en France,
00:28:40 elle fait un petit peu plus de 2 000 hectares,
00:28:43 donc on est très loin de nos 70 000 hectares de futures forêts primaires.
00:28:46 Et elle est située dans le Vercors, c'est la réserve des hauts plateaux du Vercors.
00:28:51 Les parcs nationaux. Alors là, les parcs nationaux, par contre,
00:28:55 on commence à rentrer dans la cour des grands, parce que c'est plusieurs dizaines de milliers d'hectares en général.
00:29:00 En France, pour vous donner un exemple, la future forêt primaire
00:29:06 qu'on espère voir se mettre en place grâce à l'association Francis Salé,
00:29:11 70 000 hectares, c'est à peu près la taille du parc du Mercantour.
00:29:15 Donc vous voyez que quelque part, ce projet n'a absolument rien du topique,
00:29:19 puisqu'il y a déjà des choses plus ou moins similaires qui sont mises en place.
00:29:23 Sauf que dans le parc de Mercantour, on n'est pas dans la libre évolution totale,
00:29:26 puisqu'il y a une pression de pastoralisme qui est encore très forte.
00:29:31 Le parc de la Vanoise, qui a été le premier parc national français, fait 60 000 hectares.
00:29:36 Et le parc du Mercantour fait 90 000 hectares à peu près.
00:29:41 Donc vous voyez l'ordre de grandeur.
00:29:45 Le parc des Écrins, pardon.
00:29:49 Le parc des forêts dans le Grand Est fait 100 000 hectares,
00:29:52 mais il n'y a que 3 000 hectares qui est en réserve biologique intégrale,
00:29:55 donc effectivement en libre évolution.
00:29:59 Ce qui est intéressant, c'est que le premier parc national en libre évolution en Europe de l'Ouest,
00:30:05 ça a été le parc national suisse.
00:30:07 Et ça c'est intéressant parce que le parc national suisse a été créé en 1914,
00:30:11 donc on a un siècle de recul sur la libre évolution.
00:30:14 Et c'est là qu'il y a des observations très intéressantes qui ont été faites,
00:30:19 et notamment par rapport à une question qui a été posée tout à l'heure.
00:30:23 Vous avez des zones de clairière dans le parc national suisse,
00:30:27 même après un peu plus d'un siècle de libre évolution.
00:30:32 [Bruit de clavier]
00:30:34 Oui, on évoquait tout à l'heure la préservation grâce à l'acquisition foncière,
00:30:48 par le monde associatif, et ça c'est vraiment intéressant.
00:30:51 Forêt Sauvage, c'est une association que nous avons créée il y a une quinzaine d'années,
00:30:56 et nous achetons régulièrement des terrains pour les préserver.
00:31:00 Et on s'est rendu compte que ça existe en Suisse, avec Pro Natura par exemple,
00:31:07 dans les Carpathes aussi, dans les Carpathes roumaines notamment,
00:31:11 il y a eu une action qui se fait en Bavière, au Royaume-Uni.
00:31:17 La National Trust, ils ont deux millions d'adhérents,
00:31:21 donc quand ils font un appel à dons pour acheter, ça va vite.
00:31:26 C'est important de souligner le côté citoyen,
00:31:32 donc mobilisation du monde associatif qui prend en main cette protection.
00:31:38 La propriété, c'est quelque chose de très important dans notre pays,
00:31:49 c'est très puissant, plus puissant que la protection réglementaire.
00:31:54 Bien sûr, avec toutes ces actions, on a des marqueurs qui montrent que ça progresse.
00:32:03 La cigonne noire, qui n'existait pas du tout dans notre pays, est venue s'installer.
00:32:08 Il y a maintenant presque 80 couples qui sont installés,
00:32:11 qui progressent régulièrement avec la préservation et d'autres espèces.
00:32:23 - Merci beaucoup. Je retiens un mot, parce qu'il va me permettre de faire la transition.
00:32:30 Lorsqu'on voyait ces plantations et non pas cette forêt,
00:32:34 on se disait que peut-être que la non-action suffit pour avoir de la forêt qui revient.
00:32:40 En parlant de non-action, on parle aussi de libre évolution.
00:32:45 Je vais laisser la parole à Jean-Claude Jénaud,
00:32:49 s'il est en ligne et s'il nous entend bien,
00:32:52 qui va nous parler de la libre évolution dans les forêts
00:32:55 et qu'est-ce que ça représente cette libre évolution.
00:32:58 Jean-Claude, est-ce que tu nous entends ? Est-ce que tu es parmi nous ?
00:33:04 Est-ce que j'ai une information dans l'équipe technique pour me dire où on en est avec Jean-Claude Jénaud ?
00:33:12 - Je vous entends. Est-ce que vous m'entendez ?
00:33:16 - Oui, on t'entend, c'est parfait.
00:33:18 - Bonjour à tous.
00:33:20 - C'est parfait. On te voit maintenant en plus de t'entendre.
00:33:25 Je te laisse la parole. Tu as 15 minutes, Jean-Claude.
00:33:28 - Oui, pour que je puisse commencer, il faut que j'ai ma présentation.
00:33:36 Pour l'instant, je ne pense pas que je puisse partager mon écran.
00:33:40 Donc, il faut que je voie ça avec le service technique.
00:33:43 Partager l'écran.
00:34:01 - Est-ce que vous voyez ma présentation ?
00:34:18 - Oui, on voit ta présentation.
00:34:20 - Première photo.
00:34:23 - Oui, c'est bon, ça défile.
00:34:26 - Je peux démarrer ?
00:34:29 - C'est parti.
00:34:31 - Bonjour à tous. Je me présente, Jean-Claude Jénaud, écologue.
00:34:36 Je suis vice-président de Forêt Sauvage et membre et conseiller de l'association
00:34:42 Francis Salé pour la forêt primaire.
00:34:44 Je dois donc vous parler de la libre évolution en forêt.
00:34:50 D'abord, qu'est-ce que la libre évolution ?
00:34:52 Est-ce qu'il existe une définition ? La réponse est oui.
00:34:55 Cette définition nous a été donnée par une coordination qui s'est créée
00:35:01 il y a quelques années, qui s'appelle la coordination libre évolution clé.
00:35:05 C'est un collectif d'une douzaine d'associations de protection de la nature,
00:35:09 dont d'ailleurs l'association Francis Salé pour la forêt primaire et membres,
00:35:13 qui travaillent sur ce sujet, qui creusent les questions,
00:35:16 notamment les problèmes liés aux conséquences de la libre évolution,
00:35:22 qui essayent évidemment d'en faire la promotion et de mettre en œuvre
00:35:26 des projets concrets sur le terrain.
00:35:28 Pour la clé, un espace est en libre évolution quand il est sans activités extractives,
00:35:34 qu'est-ce qu'on entend par là ? Pas de coupe de bois, pas d'activités agro-pastorales,
00:35:38 pas de chasse, pas de pêche, et sans activités intrusives,
00:35:41 pas de sport ou de loisirs de pleine nature, qu'ils soient bruyants ou pas bruyants.
00:35:47 Dans la littérature, ce qui accompagne le plus souvent la terminologie libre évolution,
00:35:52 c'est les qualificatifs de sauvage, libre, spontané ou dynamique.
00:35:57 Ce qu'on va voir, c'est que très peu d'aires protégées et très peu d'espaces
00:36:03 qu'on dit en libre évolution répondent à tous les critères
00:36:07 qui ont été posés dans la définition de la clé.
00:36:10 D'ailleurs, si on fait un bref petit bilan des aires protégées,
00:36:16 des forêts qui sont protégées en libre évolution,
00:36:19 la catégorie qui correspond le mieux, c'est la catégorie des réserves intégrales strictes de l'UICN,
00:36:25 l'Union internationale pour la conservation de la nature, c'est la catégorie 1A.
00:36:29 Et en fait, des réserves biologiques intégrales répondant à cette catégorie,
00:36:34 ne représentent qu'1,6% des forêts domainianes en France, soit 0,16% des forêts métropolitaines.
00:36:41 C'est vraiment très peu de choses.
00:36:42 Et encore, on chasse les cervidés, les ongulés sauvages, dans la plupart des réserves biologiques intégrales françaises.
00:36:49 Pour les réserves naturelles nationales forestières,
00:36:52 un bilan fait par Réserve naturelle de France il n'y a pas très longtemps,
00:36:56 montre que seulement 7,5% de leurs forêts sont réellement en libre évolution.
00:37:02 Et encore, libre évolution avec chasse.
00:37:05 Quant aux parcs nationaux qui ont un statut particulier de protection propre à l'intérieur,
00:37:10 pour certains espaces, à l'intérieur de la zone cœur,
00:37:13 0,6% seulement des forêts des parcs nationaux bénéficient d'une protection stricte et rigoureuse.
00:37:19 Cette fois, évidemment, sans chasse et sans coupe de bois.
00:37:23 Donc on le voit, c'est effectivement pas si facile que ça de mettre en application la libre évolution.
00:37:31 Quelles sont les catégories de forêts, les grands types de forêts,
00:37:34 les grands types de situations forestières pour lesquelles on parle de libre évolution ?
00:37:39 Tout d'abord, évidemment, les vieilles forêts, les forêts multiséculaires, ça va de soi.
00:37:43 Ça fait plusieurs siècles qu'elles sont en libre évolution.
00:37:45 Donc là, généralement, elles sont protégées, mais ce n'est pas le cas.
00:37:49 Et d'ailleurs, celles qui ne le sont pas sont très menacées actuellement au niveau de l'Union européenne.
00:37:54 Je reviens quand même sur ces forêts multiséculaires.
00:37:58 Elles qualifient de milieux à haute naturalité.
00:38:02 Pour ceux qui ne sauraient pas, la naturalité d'une forêt, en tout cas,
00:38:06 elle se définit grâce à un certain nombre d'indicateurs.
00:38:09 Et on peut considérer par une définition vraiment raccourcie que c'est à la fois l'intégrité biophysique,
00:38:16 à la fois la spontanéité des processus écologiques,
00:38:21 et troisièmement, la continuité spatio-temporelle de la forêt.
00:38:26 La deuxième catégorie, le deuxième grand type de situation qu'on rencontre dans énormément de régions de France,
00:38:31 c'est ce qu'on appelle la nature férale.
00:38:33 Ce sont des forêts que les géographes qualifient d'accrues forestiers,
00:38:36 ou de boisements spontanés qu'on trouve dans beaucoup d'endroits où il y a eu ce qu'on appelle une déprise agricole.
00:38:42 Donc on parle d'une terre agricole, d'une prairie, d'une culture.
00:38:45 Et ensuite, la dynamique et la succession végétale se met en place vers une forêt.
00:38:49 Donc il y a énormément d'endroits comme ça en France.
00:38:52 Selon certaines statistiques, il y aurait 5 millions d'hectares en France de terres sans usage,
00:38:57 mais sans usage, à prendre entre guillemets aussi,
00:39:00 parce qu'il y a forcément ou de la chasse, ou de la cueillette, ou des loisirs,
00:39:03 voire quand même un peu de coupe de bois.
00:39:05 Donc voilà, c'est quand même une grosse catégorie qui rentre dans le champ de la libre évolution.
00:39:12 Et la troisième catégorie dont je vais parler plus en détail maintenant,
00:39:17 ce sont à la fois des forêts, mais qu'on laisse aussi en libre évolution.
00:39:22 Là, j'ai parlé de terres agricoles qui partent vers la forêt,
00:39:25 mais il y a aussi des forêts exploitées,
00:39:27 et à un moment donné, le propriétaire décide de la protéger,
00:39:30 de la laisser donc évoluer librement.
00:39:33 Et ça, c'est le cas de figure, pourquoi je vous le présente ?
00:39:35 Parce que c'est le cas de figure qui se présentera au projet de forêt primaire.
00:39:38 La forêt primaire, si elle s'installe quelque part,
00:39:41 elle s'installera à partir de forêts secondaires, de forêts très artificielles,
00:39:45 de forêts changées par la silviculture depuis des siècles.
00:39:47 Donc elle ne partira pas au très peu de terres agricoles.
00:39:51 Et ça, c'est des exemples que je connais bien,
00:39:55 parce que j'ai choisi de vous en présenter, qui concerne ma région,
00:39:58 les Vosges du Nord.
00:39:59 Ce n'est pas un hasard non plus, puisque les Vosges du Nord,
00:40:01 c'est une des régions d'études de la mise en place de cette forêt primaire,
00:40:05 avec un massif forestier de 80 000 hectares, dont 42 000 appartiennent à l'État.
00:40:09 Donc la première RBI que je vous présente, je vais vous présenter plusieurs exemples.
00:40:13 Pourquoi je vous les présente ?
00:40:14 Pour vous dire que même quand une réserve biologique intégrale est petite,
00:40:18 de petite dimension, elles sont de petite dimension, vous allez voir,
00:40:21 et sur un pas de temps de libre évolution relativement court,
00:40:24 20 ans, ce qui n'est pas grand-chose pour une forêt,
00:40:26 elle apporte déjà des informations intéressantes.
00:40:29 C'est assez riche en enseignements, sur le plan, je dirais,
00:40:32 pédagogique, scientifique, écologique et autres.
00:40:35 Et donc, voilà.
00:40:37 La première réserve intégrale, elle s'appelle le Hensberg,
00:40:39 et vous voyez que dans cette réserve, il y a 12 %,
00:40:42 vous ne le voyez pas, mais vous voyez une photo de bouleau,
00:40:44 ce qui n'est quand même pas commun dans les Vosges du Nord.
00:40:47 12 % de la RBI, qui fait 100 hectares, et qui existe depuis 20 ans, est en bouleau.
00:40:51 Pourquoi ? C'est un héritage de la Seconde Guerre mondiale.
00:40:53 Il y a eu des combats terribles en 1945 entre l'armée américaine et l'armée allemande.
00:40:57 Toute cette zone a été bombardée, la forêt a été détruite sur de vastes endroits,
00:41:01 et quand les forestiers ont repris possession de la forêt,
00:41:04 ce sont des forêts domanières, ils ont essayé évidemment de reboiser.
00:41:07 À l'époque, on reboisait en quoi ? En pin silvestre et surtout en épicéa,
00:41:10 et ça a marché plus ou moins.
00:41:12 Et il y a des endroits où ça n'a pas marché du tout,
00:41:14 parce qu'il y avait tellement d'obus qui remontaient à la surface,
00:41:16 notamment des munitions phosphores qui mettaient le feu,
00:41:19 que certains forestiers ont laissé des parcelles comme ça.
00:41:22 Et c'est cette parcelle dont on a hérité.
00:41:24 Aujourd'hui, elle est créée en réserve intégrale depuis 2000,
00:41:28 et ces bouleaux que vous voyez, ils ont 70 ans.
00:41:30 Donc qu'est-ce qui se passe ? Le bouleau est une espèce colonisatrice,
00:41:33 il va céder la place à l'essence, on va dire, d'ria,
00:41:36 l'essence d'ombre qui va dominer ici dans les Gauches du Nord, à savoir le hêtre.
00:41:39 On voit d'ailleurs des troncs de bouleaux au sol avec le fameux amadouvier du bouleau.
00:41:45 Donc voilà, on a littéralement une étape de la civilisation de cette forêt tempérée
00:41:50 qui est sous nos yeux, qui se déroule et qui va lentement et sûrement
00:41:54 aller jusqu'à la disparition totale du bouleau.
00:41:57 Autre élément intéressant dans ce trésor, il y avait une petite prairie,
00:42:02 dite prairie synergétique, fauchée pour la chasse, pour les servilets.
00:42:07 20 ans après, on observe qu'effectivement, la nature est en horreur du vide,
00:42:12 le genet a colonisé, la ronce, des bouleaux, même des hêtres sont venus,
00:42:18 ils sont même d'ailleurs taillés toujours par les cerfs, et les cerfs,
00:42:21 malgré la pression de pâturage qu'ils peuvent exercer en forêt,
00:42:25 n'empêchent pas quand même le retour de la forêt, parce que je pense
00:42:29 qu'ils préfèrent aller se nourrir sur des prairies en herbe bien plus intéressante,
00:42:37 parce que là, ce que vous voyez, c'est une accumulation de la matière organique
00:42:41 et c'est moins intéressant pour eux, moins riche.
00:42:45 Autre élément intéressant dans cette réserve intégrale de 100 hectares,
00:42:48 c'est qu'il y a une petite zone qui a été plantée en épicéa à la belle époque,
00:42:52 et évidemment, les sécheresses récentes de 2018-19 et autres,
00:42:56 plus les scolites ont mené à cette situation que vous voyez,
00:43:00 et là c'est intéressant parce qu'il n'y a pas de coupe qui sera exercée,
00:43:04 et ce qui va être intéressant à suivre comme phénomène, c'est est-ce que
00:43:08 cette pécière, cette plantation d'épicéa, va redonner naissance à de l'épicéa,
00:43:12 puisqu'il reste des épicéas vivants, qui peuvent de nouveau coloniser,
00:43:15 ou bien les feuillus vont tenter leur chance et vont s'installer à la place,
00:43:19 ce qui devrait être le cas.
00:43:21 Or, le problème, c'est que sous cette pécière, qui avait à peu près 60 ans,
00:43:27 peut-être l'âge des bouleaux d'ailleurs, il y a un humus très épais,
00:43:31 un sol très acide, et c'est extrêmement difficile pour les espèces de feuillus
00:43:34 d'y faire leur chemin.
00:43:36 Autre phénomène qui est très intéressant à suivre, déjà maintenant,
00:43:41 mais là, dans le futur, le plus proche, c'est qu'à côté de cette réserve intégrale,
00:43:46 il y a des forêts exploitées. Là, vous voyez sur cette image,
00:43:49 en haut à gauche, une haie très exploitée, c'est-à-dire avec des fortes éclaircies,
00:43:53 ce que l'ONF appelle la scie d'éculture dynamique, et en bas, ce que vous avez,
00:43:57 c'est une haie très, qui depuis 20 ans, n'est plus coupée,
00:44:00 donc qui a accumulé de la biomasse.
00:44:02 Donc, ce qui est intéressant, c'est de voir si, comme certains le pensent,
00:44:05 la haie futée trop éclairée, ce qui dégrade d'ailleurs les sols,
00:44:09 et qui favorise les vapeaux de transfération, résistera moins bien,
00:44:12 ou pas, au réchauffement climatique.
00:44:15 Donc ça, ça va être un phénomène très intéressant, alors qu'en bas,
00:44:18 dans les canopées denses, avec une ambiance forestière maintenue,
00:44:21 au sol, et plus d'humidité, on peut penser que la forêt sera plus résiliente
00:44:26 et plus résistante.
00:44:28 On a une autre réserve intégrale de 150 hectares,
00:44:31 qui s'appelle la réserve du Nonental, qui est une post-tempête,
00:44:34 c'est-à-dire, elle a été créée après l'ouragan Lotar, le 26 décembre 1999,
00:44:38 qui a fait pas mal de dégâts dans les Bouches du Nord,
00:44:40 et là, ce que vous voyez, c'est des phénomènes de réitération
00:44:42 extrêmement intéressants qu'on ne voit pas en temps normal.
00:44:44 L'un à gauche, sur une chandelle, et l'autre à droite, sur un arbre
00:44:48 qui a été courbé par la tempête.
00:44:50 Parce que généralement, après les tempêtes, les forestiers
00:44:54 ne laissent pas systématiquement les chandelles.
00:44:58 Enfin, la réserve intégrale transfrontalière, c'est d'ailleurs la réserve
00:45:02 qui pourrait servir d'embryon à la future forêt primaire,
00:45:06 elle fait 480 hectares, 200 côté français, 280 côté allemand.
00:45:10 Elle est déjà intéressante, là on est côté français,
00:45:12 et on a trouvé là, tout récemment, une espèce très très intéressante,
00:45:16 selon Laurent Larieux, grand spécialiste des vieilles forêts,
00:45:19 c'est l'hymne-chevelu, un champignon un peu corail, comme ça,
00:45:22 qui pousse donc sur les arbres morts, et on voit déjà des beaux calibres
00:45:26 d'arbres morts au sol, ce qui commence à être intéressant
00:45:29 en termes de naturalité et de vieillissement.
00:45:34 Mais là aussi, elle n'a que 20 ans.
00:45:38 Mon dernier exemple, je le prends non pas dans les Vosges du Nord,
00:45:41 mais dans le sud des Vosges, que j'ai visité très récemment,
00:45:44 et c'est un phénomène très intéressant, là on a 80 années de recul,
00:45:48 c'est un ancien pâturage, dans le massif des Ballons des Vosges,
00:45:52 dans le Ballon d'Alsace en l'occurrence, et on est sur des fortes pentes,
00:45:56 on est sur un sol granitique, plus riche que les grès des Vosges du Nord,
00:46:00 et donc vous voyez, la forêt a repris ses droits, évidemment,
00:46:04 et surtout, ce qu'on trouve maintenant, c'est l'if,
00:46:08 qui est une espèce qui est devenue très rare dans nos forêts,
00:46:11 qui aurait dû être présente beaucoup plus, mais elle a été éliminée
00:46:14 par l'homme pour des raisons de toxicité des fruits,
00:46:18 et notamment des graines par rapport aux animaux,
00:46:21 aux animaux domestiques qui étaient utilisés d'ailleurs pour l'attraction animale,
00:46:24 et autres, et puis pour les animaux qui pâturaient.
00:46:27 Donc le retour de l'if est très intéressant,
00:46:30 on a vraiment un milieu qui n'est pas touché,
00:46:33 et qui permet le retour d'espèces qui avaient complètement disparu,
00:46:36 à partir sans doute d'une station primaire.
00:46:39 Et enfin, dernier exemple, d'un siècle de libre évolution,
00:46:44 ça on le sait par les documents historiques,
00:46:47 dans les Vosges du Nord, il y a un secteur situé en Lorraine
00:46:50 qui s'appelle le Pays de Bitsch, qui fait à peu près 20 000 hectares,
00:46:53 sur la frontière allemande, et qui entre 1620 et 1720,
00:46:57 en gros, a été vidé de sa population, pour deux raisons,
00:47:02 la première c'est la guerre de Trenton, qui a fait vraiment des ravages,
00:47:05 des villages ont disparu, ils n'ont jamais été reconstruits d'ailleurs,
00:47:08 et le petit H glaciaire, on est au cœur du petit H glaciaire,
00:47:13 qui est caractérisé par des grandes sécheresses, des gels tardifs,
00:47:16 ce que ne supportent pas certains arbres, notamment le chêne,
00:47:19 et des hivers très froids et longs.
00:47:21 Alors vous me direz, si ce n'était que cet épisode historique,
00:47:24 qu'est-ce qu'on a comme élément à se mettre sous la dent,
00:47:27 pour juger que c'est intéressant, parce qu'on a des données sur la forêt ?
00:47:30 Eh bien oui, on dispose d'un atlas topogéographique du Comté de Bitsch,
00:47:34 établi en 1758, et qui est un document exceptionnel,
00:47:37 par la qualité des cartes, par le descriptif, certes ce n'est pas quantitatif,
00:47:41 à l'époque on ne faisait pas trop dans le quantitatif, mais plus dans le qualitatif,
00:47:44 et d'ailleurs j'ai souligné en gras certaines des phrases,
00:47:47 une des plus belles forêts du royaume, avec beaucoup de gros bois,
00:47:50 sans qu'il dise ce qu'il entend par gros bois,
00:47:53 les gros bois aujourd'hui chez les forestiers c'est entre 50 et 70 cm de diamètre,
00:47:58 et beaucoup d'êtres et de chênes, mais le constat qui est fait par le grouillet du roi
00:48:03 qui vient voir ces forêts, c'est qu'elles sont vieillissantes,
00:48:07 et notamment beaucoup de chênes morts, mais des êtres vigoureux,
00:48:10 et comment se fait-il qu'on ait cette situation ?
00:48:13 Eh bien tout simplement parce que le chêne a toujours été favorisé par l'homme,
00:48:16 depuis très longtemps, depuis le néolithique on peut dire que l'homme a façonné les forêts.
00:48:20 En pleine, le chêne a substitué beaucoup le hêtre, dans beaucoup d'endroits,
00:48:24 même s'il y a des stations de chênes, il y a beaucoup d'endroits où on dit que c'est de l'aîtré chêné,
00:48:29 mais en fait c'est de l'aîtré, où le chêne fait difficilement son chemin,
00:48:35 et il faut des grandes trouées, alors que le hêtre évidemment est ultra dominant en tant qu'essence d'eau.
00:48:40 Donc là ce qui s'est passé c'est que les êtres ont monté, étant plus vigoureux,
00:48:44 malgré évidemment les conditions climatiques du petit âge glaciaire,
00:48:48 les branches du hêtre, les branches de la canopée sont rentrées dans les branches maîtresses des grands chênes,
00:48:57 et donc a fini par les faire dépérir, mais ce n'est pas seulement au niveau de la canopée que ça s'est passé,
00:49:02 cette compétition s'est aussi passée par les racines,
00:49:05 puisque là les êtres diffusent des substances toxiques pour les autres espèces concurrents,
00:49:10 c'est le phénomène dit d'allélopathie, qui est bien connu pour pas mal d'espèces, et le hêtre en particulier.
00:49:15 Donc on voit bien que si vous laissez la libre évolution, c'est la nature qui décide quelle est l'espèce qui va rester,
00:49:22 alors que là, toutes ces chênées qui existaient avant, elles étaient faites de l'homme,
00:49:26 on éliminait systématiquement le hêtre, parce que c'était une essence surtout considérée comme essence pour le bois de chauffage,
00:49:32 alors que le chêne avait bien d'autres valeurs pour les tanins, pour les glands bien sûr, pour la glandée,
00:49:37 et évidemment pour la construction et la construction navale en particulier.
00:49:41 La libre évolution en forêt finalement, qu'est-ce que ça provoque ?
00:49:45 On voit finalement quand on va laisser les forêts en libre évolution, quelle que soit la durée,
00:49:50 mais évidemment plus la durée est longue et plus l'intérêt et le degré de naturalité vont augmenter.
00:49:56 Là c'est l'accumulation de la biomasse, c'est assez net, par exemple la réserve forestière intégrale,
00:50:01 dont je parlais tout à l'heure, transfrontalière, le volume moyen d'un peuplement dans les Rouges du Nord,
00:50:08 c'est en gros 238 mètres cubes à l'hectare, et bien au bout de 20 ans, dans la réserve forestière,
00:50:13 on est à 500 mètres cubes, c'est normal, on n'exploite plus de bois, on ne sort plus de bois,
00:50:18 on n'exporte plus de matière organique, donc forcément il y a une accumulation.
00:50:22 Il y a aussi une augmentation du bois mort en volume, mais attention,
00:50:26 on est tombé justement sur quelque chose de paradoxal dans cette réserve forestière transfrontalière,
00:50:31 c'est qu'il y a un protocole coste, une placette à l'hectare qui est suivie côté français côté allemand,
00:50:37 en gros évidemment c'est le même protocole, heureusement,
00:50:41 et on a trois comptages maintenant, il y a eu l'état zéro à 2000, il y a eu à peu près 2010-2013,
00:50:47 et puis il y a eu maintenant, tout récemment, avec 20 ans de recul, trois comptages.
00:50:53 On a vu que finalement il y avait une petite baisse du bois mort, pourquoi ?
00:50:57 Tout simplement dans le protocole, on compte évidemment les restes de houppiers,
00:51:02 les bois morts, les branches qui sont au sol, et surtout les souches.
00:51:06 Or là, on n'exploite plus de bois, donc il n'y a plus évidemment les houppiers rémanents qui restent au sol,
00:51:11 et il n'y a plus les souches, et comme il n'y a pas eu beaucoup de chablis,
00:51:14 parce que finalement on part d'une forêt relativement à bois moyen,
00:51:17 c'est-à-dire entre 30 et 50 cm de diamètre hauteur d'homme,
00:51:21 on ne peut pas évidemment avoir des bois morts qui se font comme ça en une vingtaine d'années,
00:51:27 sauf par la concurrence et sauf par la sécheresse pour ce qui est des espèces les plus sensibles,
00:51:32 à savoir les piscères.
00:51:33 Jean-Claude, excuse-moi de te couper, il te reste deux minutes pour ta présentation.
00:51:38 J'ai bientôt fini.
00:51:39 Merci.
00:51:40 Il y a une augmentation de ce qu'on appelle les dendro-micro-habitats,
00:51:42 vous savez tout ce que c'est, les fentes, les cavités naturelles, les décolements d'écorces,
00:51:47 l'enrichissement du sol avec le bois mort, et puis évidemment la stratification verticale, horizontale,
00:51:54 et la diversité des classes de diamètre.
00:51:57 Quelle est l'avenir pour la libre-évolution, et surtout pour les forêts en libre-évolution ?
00:52:02 Donc la situation actuelle, telle qu'elle est connue, c'est qu'on peut estimer,
00:52:07 et notamment dans les zones protégées, il y a à peine 0,6 % qui répondent aux critères
00:52:13 que je vous ai définis tout à l'heure, 0,6 % en libre-évolution.
00:52:16 Alors que la stratégie nationale des aires protégées pour 2030 prévoit 10 % en protection forte,
00:52:21 mais la protection forte, ça peut être de la chasse dans les réserves intégrales,
00:52:25 c'est du pâturage dans les zones au cœur des parcs nationaux,
00:52:27 et c'est de la coupe de bois dans certaines réserves naturelles forestières.
00:52:30 Donc évidemment, on est loin, loin encore d'avoir mis au bout du jour la libre-évolution
00:52:37 comme outil de conservation.
00:52:41 Et dans un contexte où le climat est hors de contrôle, je pense plus que jamais
00:52:45 que la libre-évolution va devenir incontournable.
00:52:47 L'homme va devoir céder la place à la nature.
00:52:50 Face au recul du trait de côte, face au glissement de terrain dans les montagnes,
00:52:55 face aux inondations et aux méga-feux, il faudra effectivement accepter
00:52:59 de laisser plus la place à de la nature autocontrôlée.
00:53:03 Pour moi, la forêt en libre-évolution, c'est un lieu d'humilité,
00:53:07 pour reprendre l'expression d'Aldo Léopold, c'est un lieu de liberté,
00:53:11 c'est aussi un lieu de dissidence face à l'administration de la planète,
00:53:15 pour reprendre l'expression du sociologue Rodolphe Christin,
00:53:19 et c'est aussi de la poésie et de la beauté qu'a évoqué Gilbert tout à l'heure.
00:53:26 Et ça, je pense que c'est quelque chose pour lequel je rejoins tout à fait Francis Salé.
00:53:31 Je vous remercie.
00:53:33 (Applaudissements)
00:53:41 Merci beaucoup Jean-Claude pour cette présentation.
00:53:44 Très rapidement, puisque le temps nous manque, je passe la parole à Emmanuel Torcobio
00:53:50 pour nous présenter le rôle de l'agroforestorique dans le projet de forêt primaire.
00:53:56 Merci beaucoup. Je vais terminer cette série de présentations
00:54:00 en vous faisant sortir de la forêt, si je peux dire.
00:54:05 Je vais vous parler du rôle que l'agroforesterie pourrait jouer
00:54:09 dans la mise en place de cette forêt primaire que nous appelons tous de nos voeux.
00:54:13 Je viendrai dans quelques instants sur la définition de l'agroforesterie
00:54:17 pour ceux qui hésiteraient encore à savoir exactement ce que c'est.
00:54:20 Mais d'abord, réfléchissons à la forêt elle-même, cette forêt primaire,
00:54:26 et aux caractéristiques qu'elle va avoir.
00:54:31 Elle ne va pas vivre toute seule, elle ne va pas être isolée dans un vide.
00:54:36 La forêt primaire, elle va être dans un contexte, elle va être dans un environnement,
00:54:43 elle devra être intégrée dans un territoire.
00:54:47 Elle ne vit pas toute seule comme ça, dans un néant autour d'elle.
00:54:51 Et cette caractéristique est très importante.
00:54:54 La forêt, ce sera un tout, ce sera cette zone en libre évolution
00:54:59 qui sera fortement protégée, où les accès seront excessivement réduits.
00:55:06 Mais réfléchissez à la manière dont existent les arbres, les forêts que vous connaissez.
00:55:13 Difficile de dire "ici c'est la forêt, et là c'est plus de la forêt".
00:55:19 La lisière de la forêt, elle n'est pas abrupte.
00:55:24 Ce sera difficile de dire à quel moment exactement commence cette forêt primaire,
00:55:28 et à quel moment finit cette forêt primaire.
00:55:31 Et c'est ça la question sur laquelle je voudrais vous emmener maintenant,
00:55:34 cette histoire de lisière de la forêt.
00:55:37 La lisière de la forêt, ce n'est pas coupée au couteau.
00:55:41 La lisière de la forêt primaire, ce sera une zone de transition.
00:55:46 En gros, ce sera une zone dans laquelle on va passer d'un endroit où les caractéristiques forestières seront totales,
00:55:53 côté complètement protégée,
00:55:57 à une zone où les caractéristiques forestières seront moins évidentes,
00:56:02 côté non protégée, de l'autre côté de cette lisière floue.
00:56:06 En gros, notre forêt,
00:56:10 elle se terminera dans une espèce de gradient écologique qui sera flou,
00:56:16 où ce sera sans doute difficile à certains endroits de dire
00:56:20 "est-ce qu'on est encore en forêt ou est-ce qu'on n'y est plus ?"
00:56:23 Et ça, ça peut être très utile, parce que ça va nous permettre d'intégrer justement cette forêt
00:56:28 dans ce qui va l'entourer.
00:56:30 Voilà de quoi je voudrais vous parler maintenant.
00:56:33 Pour vous faire comprendre mieux ça, rien de tel qu'un petit diagramme
00:56:38 qui devrait apparaître normalement.
00:56:42 Le diagramme qui est lié à ma présentation.
00:56:50 Voilà.
00:56:58 Ce petit diagramme que j'emprunte à l'UICN
00:57:01 vous montre ce que peut être une zone protégée théorique.
00:57:07 Notre forêt, on espère que ce sera un grand ensemble quelque part,
00:57:13 mais en gros on n'en sait rien dans le détail, comment ça va se présenter.
00:57:18 Il y aura sans doute peut-être des zones très protégées, des zones moins protégées,
00:57:23 et plusieurs zones protégées, peut-être séparées les unes des autres, qui sait ?
00:57:27 Il faut intégrer tout ça dans le territoire dans lequel ça va exister.
00:57:30 Supposons donc que notre forêt soit constituée de ces quatre zones-coeurs
00:57:35 que vous voyez en vert foncé sur ce diagramme,
00:57:38 qui sont les zones en libre évolution totale, complètement protégées.
00:57:42 Ces zones-coeurs, pour que ça fonctionne, on va tenter de les relier entre elles
00:57:47 par un principe qu'on peut appeler un principe de corridor.
00:57:50 Vous voyez ici que différents types de corridors ont été illustrés.
00:57:54 Un corridor linéaire, assez étroit.
00:57:56 Un corridor paysage, en haut à gauche,
00:57:59 qui est quelque chose de plus large, plus épais, peut-être plus volumineux.
00:58:02 Un corridor qu'on peut appeler un corridor tremplin,
00:58:05 où il y aurait des éléments plus forestiers, mais séparés les uns des autres.
00:58:09 Et donc, dans cette deuxième teinte de vert, on est dans quelque chose
00:58:13 qui est plus complètement à la forêt primaire, mais qui est encore un peu à la forêt primaire,
00:58:17 sans l'être complètement.
00:58:19 Et tout ça, ça s'intègre dans une zone en vert encore plus clair sur ce diagramme,
00:58:24 qu'on peut appeler la zone tampon,
00:58:26 qui est une zone encore au-delà de ces zones assez intensivement protégées,
00:58:31 qui sont les zones dans lesquelles il y a un passage,
00:58:34 ce gradient, cette transition, cette lisière floue dont je vous parlais à l'instant,
00:58:39 entre ce qui est forestier et ce qui ne l'est pas.
00:58:43 Enfin, autour de cette zone tampon, se trouve le paysage existant, adjacent,
00:58:49 dans lequel l'homme est présent, toujours présent, a toujours été présent sans doute,
00:58:53 et va continuer à être présent.
00:58:55 Et il faut faire le lien avec ce paysage adjacent modifié par l'homme.
00:59:00 Eh bien, dans ces trois zones, les corridors, la zone tremplin et la zone adjacente,
00:59:11 le meilleur candidat que nous avons, c'est quelque chose qui s'appelle agroforesterie.
00:59:18 Pourquoi ? C'est là que vient la définition de l'agroforesterie.
00:59:23 Parce que l'agroforesterie, c'est une technique d'occupation de l'espace rural, on va dire,
00:59:28 qui a pour principe d'associer des arbres à d'autres activités de mise en valeur du paysage agricole.
00:59:37 Que ce soit des activités d'agriculture classique ou des activités d'élevage.
00:59:41 En gros, en agroforesterie, on fait du mélange.
00:59:45 On fait du mélange entre des arbres et de l'agriculture.
00:59:49 Vous comprenez que si on introduit, donc, et si on fait en sorte que dans un paysage qui est autour de la forêt,
00:59:55 dans lequel il commence à y avoir peut-être un peu d'agriculture,
00:59:59 on essaie de maintenir une quantité assez importante d'arbres,
01:00:02 eh bien on va garder cette caractéristique forestière assez forte
01:00:07 et on va pouvoir la faire diminuer progressivement au fur et à mesure qu'on s'éloigne de la forêt.
01:00:13 En gros, on peut, mais j'exagère à peine, Francis me dirait que j'exagère,
01:00:19 mais en gros, on peut faire jouer à l'agroforesterie le rôle de la forêt sans la forêt.
01:00:25 Pourquoi ? Parce que l'agroforesterie a tout un tas d'avantages en termes de protection de la biodiversité,
01:00:32 protection du sol et de l'eau, en termes de réponse au changement climatique,
01:00:37 que ce soit son atténuation ou l'adaptation au changement climatique,
01:00:41 et enfin parce que l'agroforesterie, et ce n'est pas à la moindre de mes remarques,
01:00:45 mais surtout avec ce dont nous avons déjà parlé aujourd'hui, l'agroforesterie, c'est sacrément beau.
01:00:51 Un paysage agroforestier dans lequel vous avez un mélange entre des parcelles boisées, des parcelles agricoles,
01:00:57 un paysage hétérogène diversifié, ça a de la gueule par rapport à, par exemple,
01:01:03 un paysage de monoculture ou de plantation d'arbres.
01:01:07 Voilà donc ce qu'on essaie de proposer et ce que, moi, mon rôle spécialiste de l'agroforesterie
01:01:14 et membre du conseil d'administration de l'association Francis Salé,
01:01:17 j'essaie de faire passer pour que nous essayions de voir comment ce principe d'agroforesterie
01:01:23 va pouvoir nous permettre cette intégration de la forêt dans ce qui l'entoure.
01:01:27 Quelques exemples.
01:01:29 Un des exemples les plus spectaculaires et les plus connus, c'est ce qu'on appelle des agroforées.
01:01:35 Qu'est-ce que c'est une agroforée ? C'est une forêt simplifiée.
01:01:40 Ça ressemble à une forêt naturelle, à s'y méprendre.
01:01:44 D'ailleurs, dans les zones tropicales où on a découvert ces agroforées à l'origine,
01:01:48 il y a beaucoup de spécialistes des forêts qui, lorsqu'ils ont vu ces agroforées au début,
01:01:53 ont pensé que c'était de magnifiques forêts naturelles spontanées.
01:01:56 Mais les agroforées, ce sont en réalité des plantations d'arbres,
01:02:00 mais pas des plantations comme la forêt des Landes,
01:02:02 des plantations d'une grande diversité d'espèces, certaines de la forêt voisine,
01:02:07 d'autres pour des usages différents, des fruits, du bois, dans les zones tropicales,
01:02:13 beaucoup d'autres applications.
01:02:15 Mais même ici, chez nous, en zone tempérée,
01:02:17 toutes les applications médicamenteuses ou cosmétiques sont très importantes pour tout un tas d'espèces.
01:02:23 On peut planter ces agroforées en faisant quelque chose d'un peu simplifié par rapport à une forêt naturelle,
01:02:32 un peu moins dense, mais néanmoins très dense,
01:02:35 et qui fonctionne vraiment comme une forêt naturelle
01:02:38 dans laquelle la collecte se fait avec des méthodes douces, non intrusives,
01:02:43 d'un certain nombre de productions choisies pour être importantes dans cette agroforée.
01:02:48 Si vous allez un peu plus loin, dans mon gradient de diminution de la caractéristique forestière,
01:02:55 on peut penser aux zones agricoles qui vont entourer la forêt.
01:02:59 Dans ces zones agricoles, on peut imaginer quelque chose qu'on pourrait appeler,
01:03:03 c'est un néologisme que j'emprunte à mon ami Bruno Sirvin,
01:03:06 l'arbrement des zones agricoles,
01:03:10 c'est-à-dire introduire le plus possible d'arbres dans ces zones,
01:03:14 de sorte qu'on puisse certifier de l'agriculture,
01:03:17 mais que ce soit une espèce d'agriculture arborée.
01:03:20 Il y a quelque chose que vous connaissez bien, dont on parle très souvent actuellement,
01:03:24 ce sont les fameuses haies.
01:03:26 Les fameuses haies qui peuvent entourer les parcelles agricoles,
01:03:29 qui font le célèbre bocage que nous aimons tant en France.
01:03:32 C'est une forme d'arbrement du paysage agricole.
01:03:35 Mais vous pouvez aussi imaginer des alignements d'arbres dans les parcelles,
01:03:41 ou vous pouvez aussi imaginer des arbres dispersés,
01:03:44 complantés avec les cultures ici et là dans les parcelles.
01:03:47 Vous pouvez aussi imaginer,
01:03:49 et là il faut faire preuve d'imagination et partir un peu sous les tropiques,
01:03:53 des cultures par exemple sous les arbres,
01:03:56 notamment les cultures qui aiment l'ombre.
01:03:58 Ici en zone tempérée, on n'en a pas beaucoup,
01:04:00 mais en cherchant bien, on peut trouver des légumes.
01:04:02 Tout à l'heure, Francis parlait de maraîchage autour de la forêt primaire.
01:04:06 Mais si vous allez en zone tropicale,
01:04:08 le café et le cacao sont des cultures cultivées sous des arbres d'ombrage.
01:04:12 Une plantation de café ou de cacaoillé,
01:04:15 c'est une parcelle agroforestière qui est densément boisée
01:04:18 et sous laquelle il y a une culture régulièrement récoltée.
01:04:22 Troisième exemple dont je vais vous parler,
01:04:24 c'est l'association des arbres,
01:04:27 qu'on va pouvoir intégrer dans ces dynamiques d'agroforesterie,
01:04:30 avec l'élevage.
01:04:32 C'est très important parce qu'il y a de nombreuses formes d'élevage
01:04:36 qu'on peut associer à des arbres.
01:04:39 Soit parce que vous pouvez conduire votre élevage, vos troupeaux,
01:04:42 dans un environnement arboré.
01:04:45 Les vaches, les moutons, les chèvres sont comme nous.
01:04:49 À l'ombre, il fait meilleur, notamment dans les périodes un peu chaudes.
01:04:53 On a constaté depuis très longtemps que lorsque vous avez un troupeau de vaches
01:04:58 qui est conduit dans des champs où il y a par-ci par-là des arbres,
01:05:01 les vaches aiment bien se mettre à l'abri des arbres.
01:05:04 Conduire le troupeau dans un environnement semi-arboré,
01:05:09 ça permet d'avoir des conditions où la physiologie des troupeaux est meilleure
01:05:15 parce qu'ils sont moins soumis aux contraintes de la forte chaleur
01:05:21 ou d'ailleurs du froid trop important en hiver.
01:05:24 En fin d'été notamment, les pâturages dans lesquels il y a des arbres par-ci par-là
01:05:30 durent plus longtemps.
01:05:32 En septembre, maintenant, ici, il y a encore de l'herbe verte.
01:05:36 Mon ami Fabien Balaguet, le directeur de l'association française d'agroforesterie,
01:05:42 dit que les arbres, c'est le frigo de la période estivale.
01:05:47 Je voulais en prendre cette belle formule.
01:05:50 Enfin, la deuxième manière d'associer les arbres à l'élevage,
01:05:55 c'est de nourrir les animaux avec les arbres.
01:05:58 On l'a oublié, mais il y a moins d'un siècle encore, ici chez nous en Europe,
01:06:03 le freine, le charme, l'être,
01:06:07 étaient utilisés régulièrement pour tournir les troupeaux avec leurs feuilles.
01:06:13 On récoltait les branchages pour alimenter les troupeaux
01:06:17 avec ce fourrage qui a très souvent des caractéristiques nutritives
01:06:21 meilleures que le fourrage de plantes annuelles.
01:06:26 Sans parler évidemment de la fameuse glandée dont vous avez tous entendu parler.
01:06:31 Les cochons étaient autrefois nourris avec des glands.
01:06:34 On a des exemples encore très vivants de ce genre de choses.
01:06:40 Il suffit d'aller en Espagne, où il y a une méthode d'utilisation du sol qui s'appelle la DSA,
01:06:45 qui consiste à conduire des troupeaux de porcs dans des grands espaces
01:06:50 où sont conservés ou vont à planter des chaînes verts ou des chaînes lièges.
01:06:55 À la saison des glands, les cochons sont sous les chaînes et se nourrissent des glands.
01:06:59 Puis, lorsque la saison des glands est finie, les porcs sont rentrés à l'étable
01:07:03 et c'est une culture de céréales qui est entretenue sous ces arbres.
01:07:06 Vous voyez une association très importante entre des arbres, de l'élevage
01:07:10 et des cultures agricoles classiques.
01:07:15 Voilà plusieurs exemples qu'on peut trouver pour alimenter ce gradient
01:07:20 en périphérie autour de notre forêt primaire.
01:07:24 On peut bien entendu trouver toute une sorte de situation intermédiaire
01:07:28 entre les exemples que je viens de vous citer en les mélangeant entre eux.
01:07:31 Et puis, d'une manière générale, on peut imaginer que ce paysage
01:07:37 qui va entourer la forêt primaire soit une espèce de mosaïque diversifiée
01:07:43 de toute une série d'usages tels que ceux que je viens de vous décrire
01:07:46 qui auront des caractéristiques proches de ceux d'une forêt, sans être ceux d'une forêt,
01:07:52 mais en tout cas ne seront pas ceux d'une monoculture, qu'elle soit de plantes annuelles ou d'arbres.
01:07:58 Voilà l'idée que nous avons d'essayer de faire jouer ce jeu à l'agroforesterie
01:08:07 autour de notre future forêt primaire.
01:08:09 Bien entendu, ça ne se fera pas dans un claquement de doigts
01:08:12 parce que c'est un petit peu compliqué à inventer.
01:08:14 On a énormément d'exemples de ça qui fonctionnent très bien en zone tropicale.
01:08:19 En zone tempérée, il y en a un petit peu moins, mais on commence à en voir.
01:08:23 Je vous ai parlé de l'Espagne tout à l'heure.
01:08:25 Mais il y a réellement une gouvernance à inventer.
01:08:29 Comment gérer ces terres-là ?
01:08:31 L'agriculture industrielle de notre époque a oublié les arbres.
01:08:35 Si ce n'est pour produire des fruits ou du bois, on ne met plus d'arbres dans les zones rurales désormais.
01:08:40 Or là, je vous parle de mettre des arbres pour tout un tas d'autres raisons,
01:08:43 par exemple pour maintenir de la biodiversité ou répondre aux changements climatiques.
01:08:48 Donc ça, ce sont des démarches qui sont vraiment nouvelles.
01:08:52 Il y a une vraie gouvernance, un statut juridique de ces terres, sans doute peut-être à inventer.
01:08:58 Les objectifs dont parlait Eric ce matin, de travailler avec les gens, les partenaires,
01:09:04 qui vont inventer avec nous cette nouvelle manière de mettre en place la forêt primaire,
01:09:10 devraient pouvoir échanger avec nous sur les options possibles.
01:09:14 On voit dans cette zone agroforestière autour de la forêt primaire un véritable labo de recherche à ciel ouvert
01:09:20 dans lequel on pourrait vraiment mettre en place toute une série de recherches pour inventer ce nouvel espace
01:09:27 qui est un complément de la forêt primaire mais qui permettrait de bien la protéger et l'intégrer à son environnement.
01:09:35 Afin d'essayer de répondre à cet objectif, l'association francissalée pour la forêt primaire
01:09:44 a monté un partenariat avec l'association française d'agroforesterie dont je fais aussi moi-même partie
01:09:49 et je crois qu'il y a des représentants dans la salle, pour essayer de travailler ensemble,
01:09:53 nos deux associations, pour voir comment on pourrait réfléchir ensemble à inventer
01:09:59 cette fameuse lisière floue de la forêt primaire. Je vous remercie.
01:10:04 [Applaudissements]
01:10:06 Merci beaucoup Emmanuel.
01:10:09 Donc on va passer à la phase de questions.
01:10:12 On va faire très rapidement parce qu'on doit finir à 16h et il est 16h-3.
01:10:19 Donc s'il y a des questions dans la salle, je vois que les mains se lèvent.
01:10:24 Bonjour. Je voulais savoir ce que vous pensiez des projets qui consistent à planter des arbres,
01:10:39 par exemple dans une prairie, à laisser après en libre-évolution, c'est-à-dire à pousser, entre guillemets,
01:10:44 l'obtention d'une forêt, par rapport au projet justement de libre-évolution pure,
01:10:48 sachant que c'est beaucoup plus lent, la libre-évolution, qu'au vu de l'urgence climatique,
01:10:53 c'est dans 100 ans ou 200 ans, ce sera peut-être trop tard, d'obtenir tous les bienfaits de la forêt
01:10:59 en termes de restructuration des sols, de cycles de l'eau, enfin tout ce que ça apporte.
01:11:04 Et du coup, je voulais savoir ce que vous pensiez de ces projets-là.
01:11:07 Est-ce que c'est positif, même si évidemment beaucoup moins qu'avoir quelque chose en libre-évolution,
01:11:13 ou alors complètement contre-productif ?
01:11:16 Je peux tenter rapidement de vous dire quelques éléments de réponse.
01:11:22 Vous savez, un arbre qui a germé, il est généralement en bien meilleure santé
01:11:29 et il pousse mieux qu'un arbre qui a été planté. C'est aussi simple que ça.
01:11:33 Et j'ose prendre ça comme point de départ.
01:11:36 Alors bien sûr, l'arbre qui a germé sur place, il va pousser un peu lentement au début,
01:11:44 et pendant les premières années, il sera moins impressionnant que l'arbre qui a été planté,
01:11:49 peut-être dans des dimensions un petit peu plus grandes, et qui a été fortement aidé au début.
01:11:53 Mais l'arbre qui a germé à l'endroit où il va passer sa vie, il a des racines bien meilleures.
01:12:00 Et donc, au bout de quelques années, il va rattraper l'arbre qui a été planté,
01:12:05 et il va finalement devenir plus grand, plus vigoureux, et en meilleure santé surtout que l'arbre qui a été planté.
01:12:13 Donc oui, je pense qu'on peut protéger des arbres pour essayer de faire cette espèce de régénération.
01:12:19 J'en prends pour preuve un exemple très connu de nos amis agriculteurs africains.
01:12:26 Dans toute la bande sahélienne, des millions d'hectares, la manière numéro 1 de faire de l'agriculture,
01:12:33 c'est la régénération naturelle assistée. Qu'est-ce que c'est la régénération naturelle assistée ?
01:12:38 Lorsque vous travaillez votre champ, vous observez, vous regardez ce qui pousse spontanément.
01:12:44 Et ce qui pousse spontanément, si ça vous intéresse, si vous savez que c'est un arbre qui va avoir un usage pour vous plus tard,
01:12:50 parce que vous allez récolter des fruits, des médicaments, du fourrage pour vos animaux ou des légumes pour vous, pour vous nourrir,
01:12:57 vous le protégez, et lorsque vous travaillez votre champ, vous allez le contourner.
01:13:02 C'est comme ça que des arbres que vous connaissez tous, le baobab, le karité, existent dans les champs de l'agriculture africaine.
01:13:10 Et c'est une méthode particulièrement efficace. Ces arbres-là, ils sont dans une santé impeccable.
01:13:15 Et la saison sèche au Sahel, ce n'est pas la saison sèche de chez nous. C'est 9 mois par an.
01:13:22 Et bien pendant les 9 mois par an de saison sèche, les arbres issus de la régénération naturelle assistée, ils sont vigoureux, ils sont en bonne santé,
01:13:30 ils sont en bien meilleure santé que tous les arbres que les services forestiers d'Afrique, avec notre conseil souvent,
01:13:37 ont essayé de planter ici et là et qui ont beaucoup de mal à survivre parce qu'ils sont issus de plantations.
01:13:42 Voilà, j'espère avoir répondu à votre question.
01:13:44 On va prendre une dernière question, assez brève s'il vous plaît.
01:13:49 Merci. Toute la journée, on parle de biodiversité. Enfin, je suis totalement convaincu par cette journée.
01:14:00 Mais on a abordé ce matin la position schizophrénique entre la demande de bois qui augmente.
01:14:07 Est-ce qu'il faut aller, je suivais récemment dans le Finistère, un atelier sur le polonia.
01:14:12 Est-ce qu'il faut consacrer des surfaces agricoles avec le statut juridique adéquat pour apaiser les mouvements,
01:14:22 enfin la prise sur les forêts et séparer plus distinctement entre du bois de culture, du bois d'oeuvre, du bois pour la demande
01:14:32 et la protection des forêts, qu'elles soient primaires ou secondaires ?
01:14:41 Oui, c'est une question difficile. Parce que quand on est sur le terrain, c'est au cas par cas.
01:14:49 C'est-à-dire qu'on peut, dans certains cas, faire les deux.
01:14:54 C'est-à-dire faire de la forêt en libre évolution, mais prélever quelques arbres.
01:15:01 Enfin, c'est tiré par les cheveux quand même. Et souvent, on nous le propose.
01:15:06 Maintenant, il faut éviter... Je me souviens, une fois, j'avais fait une conférence et il y avait notamment des Néo-Zélandais qui témoignaient.
01:15:14 Ils témoignaient du modèle Néo-Zélandais de l'époque, c'est-à-dire production très importante, intensive sur certaines surfaces.
01:15:24 Et en contrepartie, on laisse tout le reste, les décors du Seigneur des Anneaux, on n'y touche pas.
01:15:35 Parfois, on s'interroge nous-mêmes sur ces aspects-là.
01:15:39 Mais quand on regarde sur Matisse centrale, par exemple, sur la partie Limousin,
01:15:44 on voit que petit à petit, le côté productiviste intensif prend assez facilement le pas sur l'évolution naturelle.
01:15:56 On le voit au niveau des paysages. Il faut bien voir qu'après, on développe du matériel qui fait que ça vous coupe l'arbre, l'écorce.
01:16:07 Ça fait tout le travail comme ça, en rien de temps. Mais ce n'est plus du tout de la forêt, avec le bûcheron, avec le choix de l'arbre.
01:16:16 Donc, je ne suis pas très confiant dans cette nouvelle approche.
01:16:24 Je rajouterais simplement que quand on parle de forêt en libre évolution, c'est 10% de la surface du territoire.
01:16:32 Donc, on a la possibilité de faire des cultures sur le reste.
01:16:36 Par contre, la vraie question, c'est quel type de culture on fait.
01:16:40 Et je pense que le modèle qu'il faudrait développer, celui qui a été évoqué tout à l'heure, c'est le modèle Pro Silva,
01:16:47 qui finalement s'inspire du fonctionnement de la forêt naturelle,
01:16:50 et certainement pas les plantations d'arbres industriels qui ressemblent à des champs de maïs.
01:16:55 Je voudrais répondre sur ça exactement. C'est une question très pertinente, très importante au niveau politique,
01:17:02 parce qu'il y a un gros débat en Europe sur le modèle d'intégration.
01:17:09 C'est ce qu'on essaie de promouvoir, exactement ce qu'on vient de dire,
01:17:15 d'intégrer l'aménagement plus proche à la nature dans les forêts productives,
01:17:22 ou le modèle de ségrégation, qui est plutôt le modèle américain.
01:17:26 Donc, plantation et protection totale, mais séparées.
01:17:31 Et il y a un risque, effectivement, parce que de plus en plus, on est confronté vers des oppositions,
01:17:40 y compris en France, par des gens qui nous disent "oui, allez-y avec Pro Silva, c'est super génial,
01:17:47 mais ne touchez pas au sud-ouest, dans les Landes, les Pays-Maritimes, ça doit rester, parce que c'est le seul qui amène de l'argent".
01:17:54 Donc, là, c'est un vrai débat politique qui, finalement, est lié à l'éléphant dans la chambre,
01:18:02 si on dit ça en français, "éléphant in the room", c'est comment payer,
01:18:08 comment les prix ne reflètent pas ce qu'on enlève de la nature aujourd'hui,
01:18:17 les prix de bois ne reflètent pas les dommages qu'on cause à la nature.
01:18:20 Mais je pense que je suis pessimiste, mais optimiste en même temps,
01:18:24 parce que le fait que les modèles ségrégatifs et la monoculture doivent quand même céder les pas à l'intégration
01:18:33 est dû au fait que les changements climatiques, maintenant, les forêts monocultures meurent.
01:18:40 Donc, il n'y a que la biodiversité qui peut sauver ces forêts.
01:18:44 Sinon, évidemment, il n'y aura plus d'argent, même dans le sud-ouest, les pins maritimes, un jour,
01:18:49 il n'y en aura plus, parce que les changements climatiques vont les tuer,
01:18:52 et donc il n'y a pas d'autres espèces, je pense.
01:18:55 Merci à tous les cinq. On n'oublie pas Jean-Claude qui est en distanciel.
01:19:02 Merci Emmanuel, merci Marco, merci Béatrice, merci Gilbert pour vos interventions.