La Corée du Nord est l‘un des seuls pays au monde où il est illégal pour tout citoyen de quitter le territoire sans avoir reçu une autorisation de l'État. Malgré cette interdiction, plusieurs centaines de Nord-Coréens tentent de fuir le régime de Kim Jong-un tous les ans. Leur but : rejoindre la Corée du Sud, où ils recevront la citoyenneté. Mais comment s’échapper de Corée du Nord ?
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00:00 Le 13 novembre 2017, ce soldat nord-coréen a été filmé en train de s'enfuir en Corée du Sud.
00:05 Poursuivi par des gardes, on le voit franchir la frontière puis s'écrouler sous l'impact des balles.
00:10 Ça s'est passé ici, dans cette zone située à cheval entre les deux Corées.
00:15 Recueilli par des soldats sud-coréens, cet homme fait partie des 34 000 personnes
00:20 qui ont fui la dictature nord-coréenne pour la Corée du Sud depuis 1998.
00:25 Et on estime qu'ils sont environ 15 000 à s'être évadés vers d'autres pays comme l'Australie,
00:31 les Etats-Unis ou les Philippines depuis les années 2000.
00:34 Toutes ces personnes sont considérées comme des traîtres,
00:37 car il est complètement interdit de sortir de Corée du Nord sans autorisation de la dictature.
00:43 Malgré cette interdiction, ils sont plusieurs centaines chaque année à tenter de fuir le pays le plus fermé au monde.
00:50 Ces personnes qui fuient la dictature sont appelées transfuges.
00:53 Le but, rejoindre la Corée du Sud où ils reçoivent la citoyenneté.
00:58 Un périple dangereux qui peut prendre des années.
01:01 Pour y arriver, la plupart traversent au nord, mais certains tentent leur chance par le sud ou encore par la mer.
01:10 Mais comment s'échapper de Corée du Nord ?
01:13 Le chemin qui semble le plus rapide pour atteindre la Corée du Sud, c'est par là.
01:22 La frontière intercoréenne se situe au milieu de ce qu'on appelle la DMZ,
01:26 une zone démilitarisée de 248 km de long et 4 km de large.
01:32 Cette zone tampon a été créée en 1953,
01:35 au moment de la séparation des deux Corées après une guerre de trois ans
01:39 qui a opposé le sud soutenu par les Etats-Unis et le nord communiste soutenu par l'URSS.
01:46 Aujourd'hui, la frontière est surveillée par 1 million de soldats au nord et 600 000 au sud,
01:52 épaulée par près de 30 000 soldats américains.
01:55 Vu du ciel, on peut apercevoir des postes de garde ainsi que des murs de barbelés.
01:59 Et il y aurait près d'un million de mines dispersées dans la bande de terre.
02:03 Bref, la zone démilitarisée est loin d'être pacifique et elle est infranchissable.
02:09 En 20 ans, seuls 20 nord-coréens ont réussi à traverser cette frontière ultra-surveillée.
02:15 En 2012, un soldat de l'armée nord-coréenne a réussi cet exploit sans être détecté.
02:21 Il est passé par un trou dans des barbelés et s'est directement présenté devant un poste de garde sud-coréen.
02:27 Plutôt embarrassant pour les deux pays.
02:29 Aujourd'hui, la frontière inter-coréenne est verrouillée, mais ça n'a pas toujours été le cas.
02:37 En 2018, dans un effort de rapprochement, les deux pays ont signé la déclaration de fin de guerre.
02:43 Parce que oui, officiellement, ils étaient toujours en conflit depuis 71 ans.
02:48 Résultat, les exercices militaires des deux côtés de la frontière ont été suspendus
02:53 et 20 postes de garde ont été détruits.
02:56 Mais la trêve fut de courte durée.
02:58 En 2023, le régime de Kim Jong-un a envoyé un satellite espionner les sud-coréens.
03:03 En réponse, ces derniers ont suspendu l'accord de 2018 et remilitarisé la DMZ.
03:11 Bref, passer par la DMZ, c'est mission impossible.
03:15 L'autre option pour s'enfuir de Corée du Nord, c'est de passer par la frontière sino-coréenne.
03:19 C'est d'ailleurs par là que la majorité des Nord-Coréens essaient de quitter le pays.
03:23 Les 1416 km qui séparent la Chine de la Corée du Nord suivent principalement le cours de deux fleuves.
03:29 Le Chumen à l'est et le Yalu à l'ouest.
03:32 Pendant longtemps, cette frontière était beaucoup moins gardée qu'au sud.
03:35 Car Pyongyang et Pékin sont historiquement alliés depuis que la Chine a soutenu la Corée du Nord pendant la guerre.
03:42 A la fin du conflit, l'aide économique et politique chinoise a été décisive pour la survie du régime de Kim Il-sung,
03:48 le grand-père de Kim Jong-un actuellement au pouvoir.
03:51 Et malgré des hauts et des bas, la Chine reste aujourd'hui l'un des principaux amis du régime.
03:57 La Chine et la Corée du Nord ont toujours maintenu des relations de haut niveau.
04:00 Mais ce n'est pas pour autant facile d'aller en Chine pour un citoyen nord-coréen.
04:05 Ils traversent en général le fleuve Chumen qui est moins dangereux que le Yalu.
04:09 Ils attendent souvent l'hiver quand le fleuve est gelé ou l'été quand le niveau de l'eau est bas.
04:14 A la frontière, les paysages sont vallonnés, boisés et très peu peuplés.
04:20 Ce qui permet de se cacher des gardes-frontières.
04:22 S'ils se font attraper, ils sont renvoyés en Corée du Nord
04:26 où ils sont enfermés dans l'un des six camps de travail connus du pays.
04:29 Là-bas, en plus d'être forcés à travailler plus de 10 heures par jour,
04:34 ils sont mal nourris, humiliés et torturés.
04:37 Le 9 octobre 2023, 600 transfuges ont été déportés de la Chine vers la Corée du Nord.
04:46 Mais pour ceux qui échappent aux gardes-frontières, le chemin vers la liberté est encore long.
04:51 Objectif, obtenir la citoyenneté sud-coréenne à tout prix.
04:55 Et pour ça, ils ont deux options.
04:57 Première option, l'ambassade de Corée du Sud à Pékin.
05:00 Sur le papier, c'est le plus proche.
05:02 Mais dans les faits, les évadés nord-coréens ne peuvent pas entrer dans le bâtiment
05:07 à cause de nombreux gardes chinois qui le surveillent en permanence.
05:11 Deuxième option, atteindre un pays qui renvoie les nord-coréens vers la Corée du Sud.
05:16 Pour arriver en Mongolie, il faudra traverser le désert de Gobi,
05:20 l'un des endroits les plus arides au monde
05:23 et qui s'éclate avec des températures extrêmes pouvant atteindre 38 degrés en été
05:28 et -25 degrés en hiver.
05:30 Le désert est si impraticable que les chinois l'ont surnommé Gobi Chamois
05:35 qui veut littéralement dire "mur infranchissable".
05:38 C'est d'ailleurs pour ça que la majorité des transfuges nord-coréens
05:41 choisissent d'aller en Thaïlande ou au Vietnam.
05:44 Et c'est un long voyage.
05:46 Plus de 2000 km à vol d'oiseau qu'il faut parcourir en train, en bus et même à pied
05:52 en évitant de se faire repérer par la police.
05:55 Une fois là-bas, les fugitifs se rendent aux autorités qui les envoient en Corée du Sud.
05:59 Et ça, ça peut prendre des années.
06:02 Beaucoup doivent rester cachés en Chine le temps de trouver l'argent nécessaire
06:06 au voyage ou les beaux contacts qui les aideront à passer les frontières.
06:10 Difficile d'avoir des chiffres récents mais en 2004,
06:13 on estimait que 100 000 nord-coréens étaient cachés sur le sol chinois.
06:18 Certains transfuges sont donc aidés par des associations sud-coréennes
06:22 comme l'association Caleb Mission qui a fait sortir plus de 1000 nord-coréens en près de 20 ans.
06:28 [Traduction en Coréen]
06:38 Ceux qui ne sont pas aidés par des associations n'ont pas d'autre choix que de faire appel à des passeurs
06:43 pour franchir la frontière sino-coréenne et ça, ça coûte des millions d'euros.
06:49 [Traduction en Coréen]
06:52 Ceux qui ne sont pas aidés par des associations n'ont pas d'autre choix que de faire appel à des passeurs
06:57 pour franchir la frontière sino-coréenne et ça, ça coûte des millions d'euros.
07:02 En 2019, le prix pouvait aller jusqu'à 16 000 dollars.
07:06 En 2016, il était d'environ 8 900 dollars.
07:10 Et avant 2012, il était possible de traverser pour moins de 3 500 dollars.
07:15 Mais en 2012, tout a changé avec l'arrivée de cet homme au pouvoir.
07:20 [Traduction en Coréen]
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07:41 [Traduction en Coréen]
07:44 Le dictateur paranoïaque a totalement cadenassé le pays.
07:48 Des forces spéciales ont rejoint les gardes-frontières et à certains endroits, il y a des soldats tous les 5 mètres.
07:54 Pour rener le tout, plusieurs centaines de caméras ont été ajoutées des deux côtés de la frontière.
07:59 Ce qui explique pourquoi ces dernières années, le nombre de Nord-Coréens qui ont fui le pays a été divisé de plus de la moitié.
08:06 En 2011, ils étaient 2 706 et en 2019 seulement 1 047.
08:12 La pandémie de Covid-19 a fini de mettre un stop à toute tentative d'évasion.
08:18 Pour éviter la propagation du virus, Kim Jong-un a pris des mesures drastiques.
08:23 On peut voir que des barbelés ont été ajoutés à la frontière sino-coréenne entre 2020 et 2023.
08:29 Maintenant, les soldats tirent à vue sur tous ceux qui essaient de traverser la frontière sino-coréenne.
08:35 En 2021 et 2022, seulement une soixantaine de personnes se sont enfuies.
08:39 Bref, il est de plus en plus compliqué de s'enfuir de Corée du Nord.
08:44 En 2020, la Chine a mis en place un plan de détente contre le Nord.
08:49 La coût de la détente a augmenté d'environ 10 fois.
08:52 Et les Russes et la Chine ont mis en place des gestes de soutien pour les Nord-Coréens.
09:03 C'est pourquoi, la situation de la résilience des Nord-Coréens est difficile à améliorer.
09:08 Quasi impossible donc de passer par les frontières. Mais il existe une dernière façon de s'échapper.
09:14 Par la mer.
09:15 En 2021, un Nord-Coréen a fait une traversée de 6 heures à la nage.
09:20 Pendant sa traversée, il est apparu 10 fois sur des caméras de surveillance sud-coréenne
09:25 et a déclenché 2 alarmes sans que les soldats ne s'en inquiètent.
09:29 Mais ces traversées à la nage sont ultra rares.
09:32 La côte est gardée par des soldats, des mines et des fils électriques.
09:36 Et même une fois en mer, c'est compliqué.
09:38 Officiellement, les eaux territoriales sont délimitées par la Northern Limit Line.
09:42 Sauf que la Corée du Nord ne la reconnaît pas.
09:45 Et y envoie ses bateaux patrouillés.
09:47 Malgré ça, certains transfuges ont réussi à rejoindre le Japon sur des embarcations de fortune.
09:52 En 2011, une embarcation de 9 personnes a été retrouvée par les gardes-côtes japonais.
09:58 Ils avaient dérivé vers la péninsule de Noto en pensant se diriger vers la Corée du Sud.
10:03 C'est le 3e cas recensé depuis 1987.
10:07 Si les transfuges nord-coréens risquent autant leur vie, c'est parce qu'ils n'ont pas vraiment le choix.
10:12 Depuis 1989, la Corée du Nord aurait été en récession 14 fois.
10:27 Soit plus d'une année sur deux.
10:29 Le pic de la crise économique s'est déroulé entre 1994 et 1997.
10:35 Quand une famine a entraîné la mort de 600 000 à 1 million de nord-coréens.
10:40 En fait, les nord-coréens aujourd'hui font des fictions pour des raisons totalement différentes qu'à l'origine.
10:45 Ils veulent généralement rejoindre leur famille qui est déjà partie.
10:48 Et parfois, ils vont simplement chercher la liberté et la démocratie.
10:51 En 2017, Amnesty International estimait à 200 000 le nombre de prisonniers politiques dans le pays.
10:57 Un terme qui peut englober tout type de condamné.
11:00 Comme ces deux adolescents condamnés à 12 ans de travaux forcés pour avoir regardé des kédramas.
11:06 Beaucoup de nord-coréens quittent la dictature en espérant une vie plus confortable.
11:11 Mais en réalité, le choc culturel peut être violent.
11:15 Quand ils arrivent en Corée du Sud, les transfuges sont d'abord interrogés par la police.
11:20 Pour vérifier qu'ils ne sont pas des espions envoyés par le régime.
11:23 Ils reçoivent ensuite la nationalité sud-coréenne.
11:26 Ensuite, ils vont dans un institut qui s'appelle le Hanawon.
11:29 Qui veut dire, mot à mot, l'institut de l'unité.
11:32 Ils y passent trois mois.
11:33 Ils reçoivent des cours de choses qu'ils ne connaissent pas.
11:37 C'est-à-dire l'adaptation finalement à la démocratie.
11:40 Savoir utiliser sa carte bleue.
11:42 Savoir utiliser internet.
11:43 Mais également des cours d'anglais.
11:45 Et puis également des cours de civilisation.
11:48 Mais après cette période, ils sont lâchés dans la nature.
11:51 Et il n'est pas rare qu'ils cumulent plusieurs jobs pour joindre les deux bouts.
11:54 56% des transfuges font partie de la classe populaire.
11:57 Et près de 25% d'entre eux se situent même dans la catégorie de revenus la plus basse du pays.
12:03 Dernière difficulté pour s'adapter à leur nouvelle vie en Corée du Sud.
12:07 Les préjugés.
12:08 Ils ont un petit peu l'impression que ce sont des ploucs.
12:10 C'est un petit peu dur ce que je dis.
12:11 Mais pourquoi ? Parce qu'ils ne s'habillent pas comme eux.
12:13 Parce qu'ils ne parlent pas comme eux.
12:15 Parce qu'ils n'ont pas les mêmes références.
12:17 Donc tout ça, ça crée une véritable désillusion.
12:20 Et beaucoup m'ont dit qu'on préfère essayer d'émigrer au Canada, en Europe, en Australie.
12:27 Parce que là-bas, on sera des vrais étrangers, comme n'importe quel autre étranger.
12:32 Dans de rares cas, certains transfuges regrettent leur défection et décident de retourner dans leur pays natal.
12:38 On les appelle les doubles transfuges.
12:40 Malgré tout ce qui se passe, ils aiment leur pays et ils sont attachés à leurs dirigeants.
12:45 Quand je dis cela, il faut comprendre cela avec un autochtonement qui dure depuis la naissance.
12:51 Et bien évidemment, leur retour est pris en charge par les Nord-Coréens et par la propagande nord-coréenne
12:58 qui montre que si vous allez au sud, vous ne serez pas heureux.
13:02 Selon les chiffres officiels, ils seraient 30 à être retournés en Corée du Nord entre 2012 et 2021.
13:09 Mais ces chiffres seraient en réalité plus élevés.
13:12 En 2022, environ 18% des transfuges nord-coréens étaient prêts à retourner dans leur pays.
13:19 On tenait à faire une petite précision à la fin de cette vidéo.
13:22 On ne saura jamais précisément le nombre de Nord-Coréens qui ont fui leur pays.
13:25 Certains sont encore cachés à l'étranger.
13:27 La Corée du Nord ne communique pas du tout sur ce sujet et la plupart des chiffres proviennent du gouvernement sud-coréen.
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13:37 Et d'ailleurs, on a sorti un podcast "Décode" par Explore Media. Il est disponible en description.
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