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Transcription
00:00 Alors peut-être vous lui reconnaîtrez une conviction cohérente en tous les cas,
00:05 pas de "en même temps sur l'Europe", justement.
00:08 Il parle de souveraineté européenne comme il l'a toujours fait.
00:11 Est-ce que vous diriez que c'est un discours qui acte d'un sceau fédéral,
00:14 comme on l'a beaucoup lu ces derniers temps ?
00:16 En réalité, Emmanuel Macron pousse en effet pour que l'Europe signifie
00:22 la dépossession de plus en plus grande de nos États de leurs fonctions essentielles.
00:27 Et de ce point de vue-là, je voudrais revenir, avant qu'on revienne au discours peut-être,
00:30 mais sur ce qu'on a appris hier soir de l'interview qu'il a donnée à la presse quotidienne régionale,
00:36 Emmanuel Macron nous dit qu'il veut lancer un débat sur la mutualisation de la dissuasion nucléaire
00:44 avec les pays européens.
00:46 Et cette expression est d'une gravité exceptionnelle.
00:50 Qu'est-ce qui est grave ?
00:51 Parce que là, nous touchons au nerf même de la souveraineté française, de la souveraineté nationale.
00:57 D'abord, quand même, rappelons-le, ce n'est pas être pro-européen que d'avancer dans cette voie,
01:00 parce que, en fait, ça n'a aucun sens.
01:03 La dissuasion nucléaire, elle repose bien sûr sur la maîtrise d'une technologie
01:07 qui coûte très cher aux Français, qui est un investissement historique de notre pays,
01:10 et en déposséder les Français, c'est évidemment une forfaiture pour le président de la République
01:15 s'il devait aller dans cette direction.
01:17 Mais cette forfaiture serait absurde, parce que cette technologie repose dans son utilisation
01:22 sur un système institutionnel. Pour que l'armée allemande aille intervenir sur un théâtre d'opération,
01:28 il faut que le Parlement allemand se réunisse, qu'il lui donne un mandat, qu'un débat ait lieu
01:33 et que les conditions précises d'ouverture du feu soient définies par les députés allemands.
01:37 La dissuasion nucléaire, elle repose sur l'inverse, sur la légitimité très forte d'un président de la République
01:43 élu au suffrage universel, qui peut décider seul d'engager les forces armées nationales
01:47 et d'ouvrir potentiellement le feu nucléaire sans avoir eu au préalable de validation du débat parlementaire.
01:53 Mais monsieur Bellamy, je pourrais vous opposer à l'argument à savoir que,
01:58 est-ce que ce n'est pas absurde également que les Italiens en bénéficient de la protection américaine
02:04 et non pas de la protection française, quand il s'agit justement d'utiliser potentiellement l'arme atomique ?
02:09 Mais d'abord, ils en bénéficient déjà, parce que la dissuasion nucléaire française, elle bénéficie déjà à toute l'Europe.
02:15 C'est déjà un élément de réassurance pour toute l'Europe et pour le coup, ça n'est pas nouveau.
02:18 Ça n'a jamais été dit exactement comme ça. Il y a toujours une ambiguïté volontaire.
02:23 Déjà Nicolas Sarkozy...
02:24 Ce qu'on interprète comme étant nos intérêts vitaux.
02:27 D'abord, l'ambiguïté, elle est volontaire en effet, parce que c'est le principe de la dissuasion.
02:32 Mais Nicolas Sarkozy a déjà formulé de manière très claire le fait que les intérêts vitaux de l'Europe
02:37 faisaient partie des intérêts vitaux de la France. Donc, il n'y a pas de nouveauté de ce point de vue-là.
02:42 Donc il n'y a pas de rupture avec ce que dit Emmanuel Macron.
02:44 Mais pour le coup, la grande rupture, c'est quand Emmanuel Macron dit qu'il veut mutualiser la dissuasion dans sa pratique.
02:49 Qu'est-ce que ça veut dire, demain ?
02:50 Ça veut dire qu'on pourrait proposer aux pouvoirs étatiques des autres pays européens
02:56 de faire intervenir la dissuasion française ?
02:58 Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ?
03:00 Est-ce que ça ne veut pas dire un rapport plus français plutôt qu'un rapport plus américain ?
03:03 Je ne sais pas ce qu'il veut dire.
03:04 Moi, c'est ce qui existe déjà, par exemple, les Italiens avec les Américains, c'est ce qui existe.
03:08 C'est-à-dire qu'il y a cette possibilité-là,
03:12 qu'Emmanuel Macron, potentiellement avec cette interview, dénonce aujourd'hui.
03:15 Et c'est pour cela qu'il propose une réflexion.
03:18 Mais d'ailleurs, permettez-moi de dire que je suis très inquiet qu'ils mettent sur le même plan
03:21 le fait que les pays européens portent la bombe américaine avec la dissuasion française.
03:27 Parce que, est-ce que cette mutualisation veut dire que demain,
03:29 on devrait aussi demander l'accord de nos alliés américains
03:33 pour pouvoir mettre en œuvre la dissuasion nucléaire française ?
03:36 - Peut-être l'éviter. - Objectivement.
03:37 - C'est peut-être l'éviter. - Pardon de le dire, mais
03:39 ça devient vraiment du très grand n'importe quoi.
03:43 Et un chef de l'État français ne devrait pas dire ça.
03:46 L'ambiguïté stratégique, ça ne consiste pas à parler à tort et à travers
03:50 de ce qui constitue aujourd'hui la clé absolue de la sécurité nationale.
03:55 C'est-à-dire, effectivement, cette dissuasion qui est fondée par définition d'abord sur le silence.
04:01 On doit, quand on est chef d'État, on doit d'abord apprendre à se taire sur
04:06 ce qui constitue, encore une fois, le cœur de notre modèle de sécurité.
04:10 Et surtout, le point central, c'est que je vois bien les attaques contre notre souveraineté.
04:14 Je vois bien aujourd'hui à quel point, par exemple, la coalition allemande au pouvoir,
04:19 d'autres pays européens voudraient pouvoir obtenir
04:24 que la France ne garde pas pour elle-même la maîtrise de l'emploi du feu nucléaire.
04:29 Je voudrais à quel point, je vois à quel point,
04:31 beaucoup en Europe voudraient pouvoir contrôler notre dissuasion nucléaire.
04:35 Et nos partenaires européens veulent nous affaiblir sur un sujet aussi stratégique,
04:39 important, même vital, que celui de l'arme nucléaire.
04:42 Bien sûr, parce que...
04:43 Alors, on peut parler encore d'unité au sein de l'Europe ou de défense européenne ?
04:47 Mais vous savez, l'Europe, c'est normal. L'Europe, ce sont des États qui ont chacun leurs intérêts,
04:52 qui ont chacun leurs priorités, leurs lectures géopolitiques.
04:57 Et l'Europe, c'est un combat. C'est un combat de tous les jours, avec des amis, bien sûr,
05:01 avec des alliés, mais avec des amis, vous n'êtes pas toujours d'accord sur tout.
05:04 Et ça suppose évidemment que les Français soient capables de défendre leurs intérêts.
05:08 On a plutôt l'impression que c'est un combat interne plutôt qu'externe aujourd'hui.
05:12 Le grand problème, ce n'est pas que, par exemple, le chancelier allemand
05:17 veuille défendre les intérêts de l'Allemagne en faisant en sorte que la France devienne
05:22 un élément complémentaire, un élément qu'il maîtriserait demain
05:26 dans cette maîtrise du feu nucléaire, qui est une singularité française.
05:29 Le problème n'est pas que l'Allemagne défende ses intérêts.
05:31 Le problème, c'est que le chef de l'État français ne défende pas les intérêts de la France.
05:34 C'est ça le vrai problème aujourd'hui.
05:36 Vous voulez dire qu'Emmanuel Macron ne défend pas aujourd'hui les intérêts de son propre pays ?
05:40 Quand je vais à Berlin et que je rencontre...
05:42 L'accusation est quand même forte.
05:43 Quand je vais à Berlin et que je rencontre les autorités allemandes,
05:46 effectivement, j'entends très souvent revenir cette petite musique de la mutualisation
05:50 de la diffusion nucléaire française. Et je comprends les Allemands d'avoir cet agenda.
05:53 Mais moi, ce que je ne comprends pas, c'est que le chef de l'État français soit prêt à y concourir.
05:57 Et c'est ça qui me paraît d'une grâce bien plus.

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