• il y a 8 mois
Dans ce nouveau numéro de ZED, Valérie Brochard et les équipes de LCP ont posé leurs caméras dans une classe de 1ère au lycée agricole de la Bretonnière à Chailly-en-Brie (Seine-et-Marne)
Après le visionnage du documentaire : « Moi, agricultrice», les élèves ont échangé avec réalisatrice Delphine Prunault, et avec Gabrielle Dufour, responsable de communication du groupe de réflexion Agridées.
Comment ces futurs agriculteurs conçoivent-ils leur métier ? Les femmes y ont-elles trouvé toute leur place ? Que pensent-ils de la colère de leurs aînés ?

Pour donner la parole aux jeunes, pour les confronter aux enjeux du monde et les aider à décortiquer le travail journalistique, la Chaîne parlementaire apporte ses films et pose ses caméras dans un établissement scolaire.
Une classe visionne et étudie un documentaire avec l'un de ses professeurs et échange ensuite avec l'auteur ou le réalisateur lors d'un débat animé par Valérie Brochard, parce qu'il n'y a pas d'âge pour questionner le monde et ses images.

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Transcription
00:00:00 [Musique]
00:00:23 Bienvenue dans Z, la zone d'éducation documentaire.
00:00:26 Pour vous donner la parole et vous aider à décortiquer le travail journalistique,
00:00:30 LCP apporte ses films et pose ses caméras dans un établissement scolaire.
00:00:34 Mais là, on est au milieu des moutons, pourquoi ?
00:00:36 On est dans un lycée agricole, appelé la bretonnière du coup.
00:00:39 Qui se trouve où ?
00:00:40 À Chahy-André.
00:00:41 Et vous allez regarder quel documentaire ?
00:00:43 Moi, agricultrice.
00:00:44 Alors vous savez quoi ? On va laisser les téléspectateurs le regarder eux aussi
00:00:47 et on se retrouve tous ensemble dans votre CDI.
00:00:49 [Musique]
00:01:03 Allez les filles !
00:01:04 [Musique]
00:01:13 Allez ! Hop !
00:01:14 [Musique]
00:01:16 Elle est contente ? Allez viens !
00:01:17 Allez ! Hop !
00:01:19 Tiens tu continues de les pousser un peu.
00:01:21 Allez !
00:01:22 Allez !
00:01:23 [Musique]
00:01:24 Allez, allez !
00:01:25 [Musique]
00:01:28 Allez !
00:01:29 [Musique]
00:01:30 Allez là !
00:01:31 [Musique]
00:01:32 Allez on y va !
00:01:33 [Musique]
00:01:34 C'est presque une vocation pour moi ce métier là.
00:01:36 C'est un mode de vie, une vocation, je ne sais pas trop comment l'expliquer.
00:01:39 [Musique]
00:01:41 Dès mon enfance, assez petite, je me suis toujours passionnée pour l'agriculture.
00:01:46 Mais j'ai grandi là-dedans et en fait j'adorais ça, aller sur les tracteurs.
00:01:50 Mon père il me mettait à tenir le volant, il enclenchait la première et il me disait tu vas tout droit.
00:01:54 Et puis lui il était derrière à décharger le maïs.
00:01:57 Et voilà, mais moi j'avais 6 ans là, 6-7 ans, l'âge d'Adèle.
00:02:01 [Bruit de moteur]
00:02:04 J'ai fait la connaissance de Cécile, un beau matin d'été en Bretagne.
00:02:09 Alors monte ton oeil.
00:02:11 Je vais te mettre un peu des huiles essentielles.
00:02:16 [Bruit de moteur]
00:02:19 Quand on s'est installés tous les deux avec Anthony,
00:02:22 on a fait le choix de créer une société qu'on appelle le Gaec.
00:02:26 Où du coup on était tous les deux associés à part entière à 50/50.
00:02:32 Moi en tant que femme aujourd'hui je me sens très bien dans mon statut de chef d'exploitation.
00:02:40 Je pense que si on revient 60 ans en arrière,
00:02:43 je ne suis pas sûre que ma grand-mère avait l'autorisation de s'asseoir à table
00:02:48 et de la ramener comme elle voulait sur les décisions qu'il fallait prendre sur la mise en culture ou autre,
00:02:54 ou sur la vente du bétail.
00:02:56 [Bruit de moteur]
00:02:59 Et donc finalement moi je suis arrivée en terrain conquis si on veut.
00:03:03 Mais c'est grâce à toutes ces femmes de la génération d'avant
00:03:07 qui ont toujours eu des revendications et qui ont été chercher un petit peu la reconnaissance des femmes dans le milieu.
00:03:14 Est-ce que tu as du respect, de l'admiration pour elles ?
00:03:18 Ah oui, je leur dis merci en tout cas, voilà.
00:03:21 [Musique]
00:03:24 Mais Dieu que ce chemin fut long.
00:03:27 Il leur a fallu plus de 60 années pour passer de l'invisibilité sociale
00:03:32 à la reconnaissance pleine et entière de leur statut.
00:03:36 De paysanne sans profession, au métier subi, scellé par le mariage,
00:03:42 jusqu'à devenir des actrices incontournables du monde agricole et de son avenir.
00:03:47 [Musique]
00:03:50 Pourquoi cette conquête a-t-elle été aussi lente ?
00:03:54 Comment ont-elles revendiqué et surtout gagné la bataille de l'intérieur ?
00:03:59 [Musique]
00:04:01 Voici le récit d'une injustice sociale oubliée de l'histoire de l'émancipation des femmes,
00:04:07 racontée par les pionnières qui ont mené ce combat de l'ombre.
00:04:12 [Musique]
00:04:37 [Musique]
00:04:49 Cette quête personnelle prend sa source dans cette ferme.
00:04:54 Celle où ma grand-mère maternelle a grandi, élevé ses vaches
00:04:59 et cultivé la terre pendant plus de 40 années.
00:05:03 [Musique]
00:05:06 J'y retrouve le berceau de ma petite enfance dans les années 1970.
00:05:11 Celle des jours heureux, autour des cochons, poules et vaches.
00:05:16 [Musique]
00:05:21 Celle des jeux interdits dans ces clapiers à lapin
00:05:25 où je m'enfermais pour empêcher ma grand-mère de les dépiauter.
00:05:29 [Musique]
00:05:37 C'est bien plus tard, en remontant le fil de sa vie,
00:05:41 que j'ai compris à quel point elle n'avait été aux yeux de la loi
00:05:45 qu'une travailleuse clandestine, abattant pourtant le même labeur qu'un homme.
00:05:50 [Musique]
00:05:54 Grand-mère aimante et pudique, elle ne s'apitoyait jamais sur son sort.
00:05:59 Je conserve d'elle ses photos et l'enregistrement sonore de ses souvenirs.
00:06:05 Voici Denise, son sourire discret et sa voix tendre.
00:06:12 Je me suis mariée le 25 novembre 1941.
00:06:16 On était sous le joug des Allemands.
00:06:20 Nous, dans les fermes, on arrivait à manger.
00:06:24 Parce qu'on avait du lait, du beurre, du blé, tout.
00:06:29 Alors, je tâchais de partager aux mères de famille.
00:06:32 Je leur donnais une demi-livre de beurre, un petit peu de ci, un petit peu de ça.
00:06:37 Enfin, on tâchait de partager. Je partageais.
00:06:40 Parce que c'est vrai que je trouvais que tout le monde avait des enfants à nourrir.
00:06:44 C'est surtout pour les enfants aussi.
00:06:47 Ça a été terrible. Terrible, terrible.
00:06:51 En sillonnant les routes et chemins de nos campagnes,
00:06:59 j'ai cherché à rencontrer une paysanne de sa génération.
00:07:03 Une militante de la première heure, qui s'est affranchie d'une vie soumise.
00:07:10 Musique douce
00:07:13 Michou Marcus et ses 90 saisons.
00:07:26 Comme si je poursuivais la conversation avec ma grand-mère.
00:07:30 Musique douce
00:07:37 Alors, quand je me suis mariée, c'est la coutume ici.
00:07:40 Papa est venu, j'étais sa fille chérie.
00:07:44 Il m'a mis la couronne sur la tête.
00:07:46 Quand il m'a mis la couronne sur la tête, il a pleuré.
00:07:49 Ça m'a serré le cœur.
00:07:54 Il m'a dit, mais tu sais, moi j'ai peur que tu ne te trouves pas bien, là.
00:08:03 Et moi, je ne me demande pas pourquoi.
00:08:07 20 ans, tu parles, une gamine.
00:08:10 Alors je commence à goûter les bienfaits de la cohabitation.
00:08:15 Pour moi, ça a été 4 années de puratoire.
00:08:19 La cohabitation. Un fléau pour les jeunes épouses de cette époque.
00:08:26 Elles vivent sous le toit de leurs beaux-parents pendant des années,
00:08:30 sous l'emprise d'une génération enfermée dans ses traditions.
00:08:35 J'étais complètement écrasée.
00:08:41 Je n'osais rien faire.
00:08:43 Il faut aller chercher une pièce, il faut aller faire n'importe quoi.
00:08:47 J'étais toujours la belle-fille qui était là, disponible.
00:08:50 Voilà, il fallait être disponible.
00:08:52 Et surtout pas sortir. J'avais le droit de rien.
00:08:55 Il fallait que je...
00:08:57 Quand je voulais faire ça, il fallait que je demande à mon beau-père.
00:09:01 - Mais finalement, tu servais à quoi ?
00:09:04 - À rien. Le bouche-trou.
00:09:07 Je me sentais écrasée.
00:09:11 Et alors, habituée à la liberté, j'ai tout fait.
00:09:15 Qu'est-ce que j'aimais voir de cette fenêtre-là ? On voyait loin.
00:09:20 - Les rencontres avec les jeunes catholiques du village
00:09:24 offrent à Michou et son mari leur rare échappatoire.
00:09:28 - On s'est aperçus qu'on était toutes logées à la même enseigne.
00:09:33 Et cet abbé Robert, il s'appelait l'abbé Robert, il nous dit
00:09:37 "Vous ne pouvez pas rester comme ça, il faut partir.
00:09:40 "N'ayez pas peur, partez.
00:09:43 "Ce n'est pas normal qu'un couple soit comme ça. Vous partez."
00:09:50 - Michou et Jean osent briser cette vie cloisonnée
00:09:54 et trouvent refuge dans une métierie des beaux-parents
00:09:57 laissée à l'abandon.
00:09:59 - On ne s'est jamais embrassés devant mes beaux-parents.
00:10:05 Jamais. 24 ans.
00:10:07 Là où on a été amoureux, notre bulle de miel, ça a été ici.
00:10:11 Quel bonheur !
00:10:13 Il n'y avait qu'une chaumière, c'était la terre battue.
00:10:17 Mais c'était le paradis.
00:10:19 C'était plein de rats et de souris, mais c'était le paradis.
00:10:23 - Événement de la vie moderne, le 21e salon des arménagers
00:10:33 a ouvert ses portes, proposant à la ménagère moderne
00:10:36 ses commodités et ses magies.
00:10:43 Dans ces années d'après-guerre marquées par l'exode rural,
00:10:47 un mouvement de jeunesse connaît une véritable apogée
00:10:50 dans les campagnes françaises.
00:10:52 Celui de la Jeunesse agricole catholique, la JAC.
00:10:57 Animée par des prêtres progressistes,
00:11:03 elle offre de l'espérance à des milliers de jeunes filles
00:11:06 tentées par une vie meilleure à la ville.
00:11:10 Le mouvement les sort de l'isolement,
00:11:13 participe à l'émancipation des futurs couples
00:11:16 et leur redonne de la fierté pour les faire rester à la terre.
00:11:20 De la JAC émergent des leaders emblématiques.
00:11:29 Raymond Lacombe, futur patron du syndicat de la FNSEA,
00:11:33 est son premier patron.
00:11:35 Marie-Thérèse, responsable de la section féminine.
00:11:39 Une pionnière qui va incarner le changement
00:11:42 d'une vie plus moderne pour les paysannes.
00:11:45 La JAC, que Michou rejoint dès son adolescence,
00:11:54 est la matrice de son engagement.
00:12:01 - Alors, ce qui m'a fait bouillir, je me revois encore
00:12:05 quand le recenseur est venu et puis il faisait son truc,
00:12:10 alors tâte de poêlée, tâte de ci, tâte de là,
00:12:14 fallait tout dire, hein, et puis il me dit "et vous ?
00:12:18 Vous, je mets ça au travail."
00:12:21 Je dis "comment ? Ah oui, et non, c'est pas possible."
00:12:25 Et puis, il me dit "et vous, vous, je mets ça au travail."
00:12:29 "Ah oui, et non, vous n'avez pas de métier."
00:12:32 "J'ai l'agricultrice, c'est pas un métier."
00:12:35 "Ah non, c'est pas reconnu comme un métier."
00:12:38 "Moi, j'ai fait un bon."
00:12:40 Alors je lui ai dit "mon homme, mais moi, je mettrais pas ça en SLS,
00:12:44 je mettrais CENT, parce que je suis mère de famille,
00:12:48 je soigne les poulets, je vais travailler à la vigne,
00:12:52 je vais travailler, et c'est pas un métier, ça."
00:12:55 Je lui ai dit "mon homme, ça."
00:12:58 "Mon mari." Et revient le réunion syndicale.
00:13:01 Le président leur avait dit "il faudrait que les femmes bougent,
00:13:05 et qu'elles prennent une position aussi."
00:13:08 Il faudrait une femme qui mobilise comme ça,
00:13:11 il a fallu une qui est de la volonté, qui est de la femme.
00:13:14 "Et mon mari ?" Il a dit "oui, j'en connais une, c'est la mienne."
00:13:19 Et c'est comme ça.
00:13:21 Alors moi, qui venais de râler à cause de ça,
00:13:24 on me donnait un tremplin pour voir des femmes dans notre métier,
00:13:29 que j'ai été partagée à 100%.
00:13:32 Et mon mari m'a toujours poussée.
00:13:34 Cette fermière landaise qui arpente ses terres et pousse ses oies
00:13:40 est la présidente bénévole d'un des groupes féminins de vulgarisation agricole.
00:13:46 En plus de son mandat à la FNSEA,
00:13:50 Michou embarque ses amis de la JAC
00:13:53 dans ses groupements pour les aider à conquérir une identité professionnelle.
00:13:58 Les femmes se forment à la comptabilité,
00:14:01 participent à des voyages d'études,
00:14:03 et prennent toute leur place dans ce métier
00:14:06 où il faut bien des bras pour accompagner la modernisation agricole en cours.
00:14:11 Sans parler de la révolution de l'habitat,
00:14:14 dont elles sont les moteurs pour améliorer leurs conditions de vie.
00:14:18 Moi, je voulais faire avancer le monde agricole.
00:14:21 La première chose, sortir les femmes de chez elles.
00:14:25 D'abord, qu'elles voient autre chose.
00:14:27 Et leur enlever le manche qu'elles avaient toujours à la main.
00:14:31 Parce qu'elles avaient autre chose à faire qu'avoir le manche à la main.
00:14:35 Et j'étais ravie quand la TVA est arrivée.
00:14:38 Parce que là, on a dit "attends".
00:14:40 Alors nous, on a formé les femmes à fond,
00:14:42 à faire la comptabilité.
00:14:44 Et comme ça, elles ont...
00:14:46 Alors je leur disais "vous savez, celui qui a l'argent, tient le pouvoir".
00:14:50 Est-ce que vous seriez d'accord pour que votre femme vienne faire un stage analogue ?
00:14:54 Bien sûr.
00:14:56 Seulement, ça pose un problème très difficile pour que ma femme se libère,
00:15:01 étant donné qu'elle assure l'attendance à la maison,
00:15:06 l'éducation des enfants et leur formation.
00:15:10 Les mentalités rurales ont encore du chemin à parcourir
00:15:15 à l'aube de bouleversements qui vont secouer la société française.
00:15:20 Quelle écho cette ébullition va-t-elle connaître dans les campagnes et chez les paysannes ?
00:15:33 C'est ce qui m'a poussée à rencontrer Marie-Paul,
00:15:38 dont les événements de mai 68 vont bouleverser la vie.
00:15:43 Aînée d'une fratrie de 10 enfants,
00:15:46 elle a vu sa mère s'user à la tâche
00:15:49 et va s'engager dans le syndicalisme pour défendre les petits paysans
00:15:53 et la cause des femmes de la terre.
00:15:56 Ma mère, elle n'avait pas de numéro de sécurité sociale,
00:16:02 elle avait celui de mon père.
00:16:04 C'est aussi quand même un monde,
00:16:07 de ne pas avoir d'existence sociale à soi.
00:16:10 Quand tu es enfant et surtout adolescente, tu rêves de quoi ?
00:16:14 De partir. Pardon ? De partir !
00:16:16 J'ai envie de me tirer de là, je ne veux pas rester dans ce milieu-là.
00:16:19 Je me suis dit je vais faire des études, je vais aller à l'école,
00:16:22 et puis je ferai autre chose, mais je ne veux pas rester,
00:16:25 je ne veux pas devenir paysanne comme ma mère, non jamais.
00:16:28 Donc j'ai passé le bac en 67,
00:16:31 et je me suis dit bon je vais en fac, je continue, je vais en fac.
00:16:35 Quand j'ai dit ça à mon père, il m'a dit non mais ça ne va pas,
00:16:39 la fac c'est fait pour les fils de bourgeois,
00:16:41 ce n'est pas fait pour les filles de paysans.
00:16:43 C'est en quoi il n'avait pas tort,
00:16:45 je crois qu'à cette époque-là, on était 3% de fils et filles d'ouvriers et de paysans
00:16:51 à fréquenter la fac.
00:16:53 Puis 68 est arrivé,
00:16:57 et là on a soulevé le couvercle de la marmite, c'était quand même pas mal.
00:17:01 Pendant que le quartier latin s'embrase,
00:17:05 à Nantes se joue un événement singulier.
00:17:08 Paysans, ouvriers et étudiants écrivent ensemble les mots de la révolte.
00:17:14 Marie-Paul est de toutes les manifestations.
00:17:18 En mai 68, je m'éclate,
00:17:21 parce que d'abord, je n'étais vraiment pas politisée du tout avant.
00:17:25 Je trouvais ça formidable.
00:17:28 Qu'est-ce qu'il y avait de formidable ?
00:17:30 D'une part qu'on peut changer des choses,
00:17:32 que ce n'est pas inéluctable,
00:17:34 que le milieu social dans lequel on a vécu,
00:17:37 on peut se sortir de là, on peut faire autre chose.
00:17:40 Il y avait un mouvement paysan
00:17:42 qui réfléchissait à la vie sociale.
00:17:47 Avec les syndicats ouvriers,
00:17:49 il y a un paysan, que je connais bien,
00:17:54 qui se ramène avec une pancarte "Place au peuple".
00:17:57 Et ils ont été mettre cette pancarte
00:18:00 en haut de la fontaine de la place royale à Nantes.
00:18:02 Et cette photo, elle est magnifique.
00:18:05 C'est la liberté retrouvée.
00:18:08 - Surtout pour les femmes ?
00:18:09 - Oui, surtout pour les femmes.
00:18:11 Pour les paysannes, oui,
00:18:13 puisqu'elles n'avaient droit à rien.
00:18:15 C'est vrai, elles n'avaient droit qu'à travailler.
00:18:18 Depuis la révolte des tracteurs en 68,
00:18:25 Marépole s'est engagée auprès de Bernard Lambert,
00:18:29 fondateur de l'association des paysans-travailleurs,
00:18:32 la future Confédération paysanne.
00:18:35 Un mouvement qui dénonce l'exploitation des petits paysans
00:18:39 et combat l'agriculture capitaliste.
00:18:42 Marépole participe même à organiser ce premier rassemblement
00:18:46 en soutien au centroi du Larzac,
00:18:49 menacé d'expulsion par le pouvoir
00:18:52 et son projet d'extension du camp militaire.
00:18:55 Son militantisme relève à la fois d'un combat social, politique,
00:19:01 et féministe.
00:19:03 - C'est un syndicat bouillonnant d'idées.
00:19:10 Ce sont des jeunes paysans qui sont attentifs
00:19:13 à ce que leurs compagnes ne soient pas leurs esclaves.
00:19:17 Moi, je participe, par exemple,
00:19:19 aux journées paysans-travailleurs de Fontenay-sous-Bois.
00:19:23 On était un petit groupe bien décidé.
00:19:26 On fait voter un amendement qui dit
00:19:29 que le paysan ne peut pas se considérer comme paysan-travailleur,
00:19:33 un homme qui passe son temps à lire son journal
00:19:36 pendant que sa femme s'échine aux travaux ménagers.
00:19:39 Et c'est adopté. C'est formidable.
00:19:41 - A l'unanimité ?
00:19:43 - Je pense que ceux qui étaient contre n'ont pas dû oser se manifester.
00:19:47 - Il faut dire qu'entre-temps, une autre révolution s'est déclenchée.
00:19:58 - Environ 2000 femmes, souvent jeunes, quelques fois plus âgées,
00:20:01 défilent de la République à la Nation à l'appel du MLF,
00:20:05 le Mouvement de Libération de la Femme.
00:20:08 Les militantes féministes de 1971 réclament en toute priorité
00:20:12 une sexualité heureuse et déchargée des angoissants problèmes matériels.
00:20:17 Elles revendiquent la contraception libre et gratuite
00:20:20 et la liberté de l'avortement.
00:20:22 - Contraception ! Avortement ! Libre et gratuite !
00:20:27 - Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement.
00:20:31 Il suffit d'écouter les femmes.
00:20:33 Actuellement, qui s'en préoccupe ?
00:20:36 La loi les rejette non seulement dans l'opprobre,
00:20:39 la honte et la solitude,
00:20:41 mais aussi dans l'anonymat et l'angoisse des poursuites.
00:20:44 - Membre de la Commission féminine de la FNSEA,
00:20:52 Michou est associée aux réunions de concertation
00:20:55 autour de la loi légalisant l'avortement.
00:20:58 L'agricultrice landaise côtoie ainsi
00:21:02 l'une des plus grandes figures de la Ve République.
00:21:06 - Simone Veil, c'est une femme que j'adorais.
00:21:11 Je garde en souvenir de cette femme qui était profonde.
00:21:15 Elle était d'une gentillesse, d'une douceur, cette femme-tête.
00:21:19 Mais volontaire.
00:21:21 J'ai trouvé les femmes du MNF quand j'allais au ministère de la Santé.
00:21:25 Elles allaient trop loin.
00:21:27 Toutes ces dames bien passantes qui sont bien un truc comme ça,
00:21:32 moi, la petite agricultrice, je serais presque passée.
00:21:35 Alors j'écoutais. Elles parlaient très bien, tu sais.
00:21:38 Et puis elles étaient...
00:21:41 Elles avaient l'air...
00:21:43 Comme ça.
00:21:44 Et moi qui suis toujours comme ça,
00:21:47 j'ai toujours eu un complexe à cause de ça.
00:21:50 De ne pas faire une étude des agricultrices, des cultéreuses.
00:21:55 - C'est pourtant une héroïne solaire que le public découvre dans un film
00:22:03 tordant le coup au cliché sur le monde agricole.
00:22:07 Il est réalisé par un cinéaste du réel, Bernard Artygue.
00:22:11 - Tu peux m'amener ce soir à la gare ?
00:22:14 - Regarde où ?
00:22:15 - Altesse.
00:22:16 - Pourquoi Altesse ?
00:22:18 - Parce que j'ai une réunion de la FNU GEDA.
00:22:20 - Encore une réunion de la FNU GEDA cette semaine ?
00:22:22 - Bon sang, alors on doit avoir la vâteuse.
00:22:24 C'est pas malin, ça.
00:22:25 - Je pars ce soir, je reviens demain soir, je préparerai tout.
00:22:28 - La semaine dernière, c'était pas déjà la FNU GEDA ?
00:22:30 Et c'était la F...
00:22:32 - Non, la semaine dernière, c'était le ministère de la Santé.
00:22:35 - Ah bon ?
00:22:36 - Mais là, je préparerai tout.
00:22:38 - Ça m'arrange pas parce qu'on a pas de vâteuse ce soir.
00:22:41 - Mais c'est ce soir.
00:22:43 Mais ce soir, je vous ferai manger avant de partir.
00:22:45 - Ouais.
00:22:46 - Et je préparerai... Si on revient demain, je préparerai tout.
00:22:49 - Oui, mais à la rigueur.
00:22:51 Oui, ça va, c'est à 11h.
00:22:53 Moi, je peux y aller, oui.
00:22:55 On va finir de manger, de toute façon.
00:22:57 - Mais viens me mener.
00:22:58 - Hein ?
00:22:59 - Comme ça, tu auras la voiture de verre si t'en as besoin.
00:23:01 - Oui. D'accord.
00:23:03 - Jeannot !
00:23:14 - Oui ?
00:23:15 - Je reviendrai plus tard, hein.
00:23:16 - Ah mais dis donc, reviens vite, hein.
00:23:17 - Je vais faire taper mon rapport et je vais pas chercher Isabelle.
00:23:20 - Oh là là, comme ça ! Mais il faut qu'on soit dans une archive...
00:23:22 À 50 ans, Michou se bat un lassablement pour les femmes rurales, encore trop isolées.
00:23:28 - Où êtes-vous, de groupement, là, pour les permis de conduire des femmes ?
00:23:33 Oui, pour celles qui ont 35 et 40 ans, vous savez, il y en a quelques-unes qui attendent maintenant.
00:23:37 C'est urgent.
00:23:38 Jamais elles ne feront la démarche si on les aide pas à se grouper.
00:23:42 Il faut absolument, écoutez, passer des articles sur le journal.
00:23:45 Et puis vous n'avez qu'à désigner des délégués régionales, leur dire
00:23:49 qu'elles recrutent toutes les personnes qui n'ont pas le permis entre 40 et 50 ans.
00:23:53 Mais oui, mais si on veut rompre l'isolement en milieu rural, il faut qu'elles puissent partir toutes seules,
00:23:57 il ne faut pas attendre d'avoir un chauffeur.
00:23:59 Non, non.
00:24:00 Bah, il faut se dépêcher, quand même, depuis le temps que ça traîne.
00:24:05 Pourquoi, en 1983, autant d'agricultrices n'avaient pas encore leur permis de conduire,
00:24:11 ce précieux sésame de leur autonomie ?
00:24:31 Dans cette France rurale, chrétienne et conservatrice, où le féminisme peine à s'imprégner,
00:24:37 j'ai fait la connaissance d'un trio de militantes paysannes, des résistantes.
00:24:43 Monique, ancienne ouvrière à l'usine, Bernadette, sa belle-sœur,
00:24:55 et Marie-Hélène n'attendent pas la loi pour conquérir, chacune à leur manière,
00:25:00 leur propre indépendance financière.
00:25:03 Les deux belles-sœurs, installées avec leur mari,
00:25:11 trouvent le moyen de garantir l'égalité avec leurs époux.
00:25:15 C'est vrai que là, nous, on s'est dit, si on n'essaie pas de trouver notre place,
00:25:20 on ne l'aura jamais.
00:25:21 C'était une copine, qui était féministe aussi, Martine,
00:25:25 qui nous a dit "pourquoi vous ne feriez pas ensemble quelque chose sur la ferme ?"
00:25:29 On en a parlé après aux hommes, on a fait une réunion en leur disant
00:25:33 "on vous propose ça, de travailler toutes les trois, d'avoir une production de moutons".
00:25:39 Ils ont réagi comment ?
00:25:42 Ça les a un petit peu...
00:25:44 Mais ils ont accepté.
00:25:49 Oui, ils étaient assez ouverts.
00:25:55 Moi, je me rappelle très bien les premières naissances d'Agnoux.
00:26:00 Franchement, c'était... on avait réussi.
00:26:03 C'était quelque chose.
00:26:05 Comme toutes les femmes qui se sont installées,
00:26:07 je pense qu'après, il faut que tu prouves doublement que tu es capable de faire.
00:26:13 Ce n'était pas forcément facile, et on s'est battu pour ça.
00:26:16 Et ça a marché.
00:26:18 Oui, ça a marché.
00:26:20 À 24 ans, mariée et jeune maman, Marie-Hélène fait un choix plus radical.
00:26:31 Elle devient son propre patron.
00:26:37 Un jour, mon voisin m'a dit "mais on n'aurait jamais cru que tu y aurais arrivé".
00:26:46 Et pour moi, c'est violent, des phrases comme ça.
00:26:49 Ça t'a renvoyé à quoi ?
00:26:51 Tu m'as regardée faire, et puis m'est chinée à tout.
00:26:56 Et maintenant, tu me dis ça ?
00:26:58 Tu m'as vue pleurer, tu m'as vu pas y arriver des fois.
00:27:02 Tu m'as vu... "Eh bien, j'y suis arrivée quand même".
00:27:05 Voilà.
00:27:06 Et c'est pour ça que je dis, comme des dettes,
00:27:08 je me dis, quand t'entends ça, tu te dis "c'est une réussite quelque part".
00:27:14 Parce qu'il t'arrivait parfois de pleurer ?
00:27:16 Ah ben remarque !
00:27:18 Je crois que j'ai braillé, braillé, braillé.
00:27:21 Braillé, ça veut dire pleurer. J'ai beaucoup pleuré.
00:27:25 J'ai beaucoup pleuré.
00:27:26 Atteler un outil, par exemple,
00:27:28 moi il me fallait des fois une demi-heure avant d'y arriver,
00:27:32 alors que les gars, ils le faisaient en cinq minutes.
00:27:34 J'avais des astuces pour porter des sacs de 50 kilos,
00:27:39 mais j'étais en force.
00:27:41 J'ai eu de la chance, le corps a suivi.
00:27:44 J'avais un corps costaud.
00:27:47 Pour te dire, mon père, huit jours avant de mourir,
00:27:51 j'ai dû te le dire, il me dit "mais tu dis que j'ai travaillé,
00:27:55 mais tu t'es pas regardée.
00:27:57 T'as vu comment toi tu as travaillé ?"
00:27:59 Il m'a dit ça, papa.
00:28:01 J'ai dit "là, ça donne envie de pleurer".
00:28:05 Ça, ça donne envie de pleurer.
00:28:09 Parce que, bon, il a reconnu,
00:28:14 et puis il venait aider, il voyait ce qui se passait.
00:28:17 Mais bon, voilà.
00:28:21 Ça, c'est mon histoire.
00:28:23 Elles ont été avant-gardistes, car jusque-là,
00:28:32 les femmes sont irrayées entre leur désir d'indépendance
00:28:36 et la tradition d'une certaine docilité.
00:28:40 Elles battent bien le pavé, mais c'est plus souvent en épouse
00:28:45 et mère de famille défendant les revenus de leur foyer
00:28:48 et l'avenir de leurs enfants.
00:28:50 En 1969, dans la Manche.
00:28:54 En 1972, en Bretagne,
00:28:56 où elles participent activement à l'historique grève du lait.
00:29:00 Manifestation de femmes d'agriculteurs de Normandie.
00:29:03 Pourquoi les femmes ? Jean-François Robinet.
00:29:05 Eh bien, il y a tout d'abord une belle vache normande ici.
00:29:08 En 1980, où elles investissent les Champs-Elysées.
00:29:13 Un an plus tard, au Mans, les adhérentes de la FNSEA
00:29:17 soutiennent leurs époux en guerre ouverte
00:29:20 contre la ministre socialiste, Edith Cresson.
00:29:23 Mais en 1983, en Bretagne,
00:29:27 plus d'un millier de femmes revendiquent cette fois
00:29:31 un statut pour elles-mêmes.
00:29:34 Toutes ces femmes d'agriculteurs ont réclamé le droit
00:29:37 d'être reconnues agricultrices.
00:29:39 Des dossiers restent en attente.
00:29:41 Statut de co-exploitante, retraite complémentaire
00:29:43 et remplacement en cas de maternité.
00:29:45 Elles veulent faire aboutir ces revendications.
00:29:47 Les jeunes agricultrices qui ont fait le choix de ce métier
00:29:52 entendent avoir une parité de vie
00:29:56 avec ce qu'elles auraient pu trouver à l'extérieur.
00:30:01 Qui est cette femme qui, ce jour-là, mène la fronde ?
00:30:05 40 années après ce document, je l'ai retrouvée chez elle.
00:30:12 Anne-Marie Crolet, retraitée et militante plus que jamais.
00:30:20 - On s'est battues, notamment avec d'autres copines,
00:30:26 sur le statut des femmes, justement pour essayer
00:30:29 de faire en sorte que cette injustice soit corrigée.
00:30:33 Moi, je disais souvent, le tracteur, un vieux tracteur
00:30:36 de 30 ans ici, était mieux assuré que moi, en cas d'accident.
00:30:40 Mais c'était complètement débile, quand même.
00:30:43 Et donc, ça se faisait qu'on se taisait.
00:30:46 Jusqu'au jour où on s'est putues.
00:30:49 - Élue à 26 ans à la tête du Centre des jeunes agriculteurs
00:30:54 de son département, l'une des premières femmes en France,
00:30:58 elle dirige une équipe essentiellement masculine
00:31:01 et marque les esprits par son autorité.
00:31:04 - Vous avez le goût du pouvoir ?
00:31:10 - Oui.
00:31:14 - Oui ?
00:31:16 - Éleveuse de port avec son mari, à l'heure du productivisme galopant,
00:31:22 elle est déterminée à ne pas reproduire la vie corsetée de sa mère,
00:31:26 qu'elle a tant vu souffrir.
00:31:29 Anne-Marie le dit dans un livre,
00:31:35 qui la propulse sur le devant de la scène.
00:31:38 - Agricultrice, c'est toujours difficile à dire.
00:31:49 Agriculteur, ça va mieux.
00:31:51 Je voulais l'être, mais pas comme ma mère.
00:31:53 - Vous avez une triple vie, parce que vous êtes épouse et mère de famille,
00:31:57 vous avez deux enfants.
00:31:59 Vous êtes agricultrice et militante syndicale.
00:32:02 - Je crois que beaucoup de femmes mènent beaucoup de vies à la fois.
00:32:05 - Deux sûrement, trois c'est plus rare.
00:32:07 - Disons que j'ai une vie syndicale,
00:32:09 donc une vie de militante qui est importante, c'est vrai.
00:32:12 - Vous avez une sacrée santé pour mener trois vies comme ça.
00:32:15 - Je suis robuste, non ?
00:32:17 - Vous êtes pas tentée ?
00:32:19 - Je voulais pas faire honte aux agricultrices.
00:32:22 C'est ça que j'avais, mon boulot au ventre, c'était ça.
00:32:25 Le représenter dignement.
00:32:27 Donc je m'étais pincée, j'avais dit à Anne-Marie,
00:32:30 il faut que tu sois à la hauteur de ces femmes
00:32:33 pour montrer que les agricultrices peuvent être à la hauteur.
00:32:36 - Son ascension médiatique fait d'elle l'agricultrice de la revendication.
00:32:41 Elle va jusqu'à apostrophé la ministre déléguée aux droits des femmes, Yvette Roudy.
00:32:46 - Je crois que, madame la ministre,
00:32:48 ce que j'entends pour les femmes agriculteurs,
00:32:51 c'est qu'elle sait justement, au niveau législatif,
00:32:54 que votre ministère veuille bien aller comme action directe,
00:33:00 concrète vers la reconnaissance d'un statut.
00:33:02 Statut juridique, statut social.
00:33:05 Sans parler de la retraite, qui est un véritable scandale,
00:33:08 mais une jeune femme attrape un accident à 25 ans sur une exploitation
00:33:11 et avec les machines qu'on a aujourd'hui, c'est fort possible.
00:33:14 Elle n'a pas le droit à aucune indemnisation.
00:33:16 - Je peux vous garantir que ce sera fait au moins dans les trois ans à venir.
00:33:20 Le statut de l'agricultrice.
00:33:22 - On était conscientes que si nous, on se prenait pas collectivement en charge,
00:33:27 fallait pas compter sur personne.
00:33:29 Fallait convaincre nos pères, fallait convaincre tout le monde.
00:33:32 Et ça, ça a été très long, très long.
00:33:35 On défendait notre peau.
00:33:37 Bah oui, on défendait notre peau.
00:33:39 - Au pouvoir depuis cinq ans,
00:33:46 la gauche a reconnu les syndicats minoritaires
00:33:49 et notamment celui des travailleurs paysans auxquels appartient Marie-Paul.
00:33:54 Elle choisit alors de conduire la lutte sur un autre front.
00:33:59 - Il fallait obtenir un statut,
00:34:03 mais on allait pas l'avoir tout de suite comme ça, en claquant des doigts.
00:34:07 Et je me disais, si on obtient des droits sociaux, des vrais droits sociaux,
00:34:11 qu'on obtient par exemple un vrai congé maternité,
00:34:14 ça veut dire qu'on reconnaît le travail des femmes.
00:34:16 Donc après, il faudra bien que derrière, ils nous donnent un statut,
00:34:20 qu'on soit reconnu, qu'on ait une carte de protection sociale,
00:34:25 notre propre numéro de protection sociale,
00:34:27 qu'on soit inscrite à la MSA,
00:34:29 qu'on ait les mêmes droits que les hommes.
00:34:32 C'est pour ça qu'on s'est bagarrés sur le congé maternité.
00:34:35 En plus, c'était quand même nécessaire
00:34:39 parce que pendant cet hiver-là,
00:34:41 on a fait témoigner des gynécos, des toubibs
00:34:43 qui nous disaient que c'était des catastrophes quand même,
00:34:46 qui s'organisaient comme ça,
00:34:48 quand il n'y avait pas de congé maternité,
00:34:50 qui voyaient des choses abominables dans le corps des femmes,
00:34:54 au travail tout le temps, pas de repos.
00:34:57 On les a fait témoigner ces gens-là quand même.
00:34:59 On a un syndicat minoritaire, mais on a un gouvernement de gauche.
00:35:02 Alors on s'appuie là-dessus,
00:35:03 on demande rendez-vous à Yvette Roudy,
00:35:05 qui était ministre du droit des femmes.
00:35:07 Elle nous dit, les filles, banco !
00:35:09 On est en campagne électorale.
00:35:11 Je dis à Fabius, demain, il va dans le Morbihan,
00:35:14 je lui dis d'annoncer le doublement du congé maternité.
00:35:17 Et ça se fait comme ça.
00:35:20 C'est assez incroyable, cette histoire.
00:35:22 -Elles obtiennent 8 semaines de congé maternité en 1986,
00:35:30 alors que les femmes salariées bénéficient du double
00:35:34 depuis déjà 6 ans.
00:35:38 Vous ne verrez pas de photos officielles
00:35:40 de ces négociations menées par tous les syndicats.
00:35:43 Cette lutte ne fait guère la une des journaux,
00:35:46 jusqu'à ce petit matin, enfin.
00:35:49 -France Inter, il est 8h.
00:35:51 -Bientôt, on ne dira plus "femme d'agriculteur"
00:35:58 ou encore "femme agriculteure",
00:36:00 mais sans doute "agricultrice",
00:36:02 c'est-à-dire femme et chef d'exploitation à part entière.
00:36:07 En 1988, leurs premiers statuts officiels entrent en vigueur.
00:36:12 Elles sortent de la clandestinité sociale
00:36:15 et peuvent devenir co-exploitantes avec leurs maris.
00:36:19 Mais c'est une première victoire en trompe-l'œil.
00:36:23 -Il y a eu des maris qui n'ont pas voulu, ça, c'est sûr.
00:36:28 Dans les fermes, il n'y avait pas beaucoup de revenus,
00:36:31 et tout l'argent passait à la modernisation en ricole,
00:36:34 soit dans l'élevage, soit dans les tracteurs.
00:36:36 Et puis, un sou est un sou.
00:36:38 On disait, oui, mais si on dépense plus
00:36:41 pour assurer mieux, au niveau de sa retraite,
00:36:48 au niveau de son statut, l'agricultrice,
00:36:52 zut, il y aura moins d'argent pour investir.
00:36:56 -J'ai reçu chez moi des fois des groupes de filles
00:36:59 qui étaient en formation agricole.
00:37:01 C'était le formateur qui me demandait de leur parler du statut.
00:37:05 Et quand je disais aux filles,
00:37:07 "La cotisation que votre mari va payer, c'est que dalle,
00:37:10 "c'est 2 000 euros par an, et vous croyez qu'il regarde
00:37:13 "à 2 000 euros quand il achète un tracteur ?
00:37:16 "Oh, bah, quand même, quand même, ça fait des sous."
00:37:20 J'ai dit, "Mais vous êtes au courant du prix du matériel ?
00:37:23 "C'est le poids de la tradition et du patriarcat."
00:37:26 "Oui, bien sûr."
00:37:27 "Mais c'est terrible, quand même, d'être soumise à ça."
00:37:30 Moi, ça me révulse.
00:37:33 -L'avancée de leurs droits est une longue marche
00:37:37 gagnée à tout petit pas.
00:37:39 10 ans plus tard, en 1999,
00:37:42 celles qui ne sont pas co-exploitantes
00:37:45 obtiennent le titre de conjoints collaborateurs.
00:37:48 Elles accèdent à une retraite complémentaire,
00:37:51 une meilleure protection sociale,
00:37:53 mais encore faut-il à l'époque qu'elles soient mariées
00:37:56 et que leurs époux donnent leur accord écrit.
00:37:59 Ce n'est qu'en 2010 que la loi leur garantit
00:38:02 l'égalité des droits avec leur mari ou conjoint.
00:38:06 -La création du GEC entre époux est une disposition
00:38:10 qui était attendue depuis plus de 30 ans
00:38:13 par tous les agriculteurs en France.
00:38:15 Elle est la reconnaissance du travail des femmes d'agriculteurs
00:38:18 et des conjoints d'agriculteurs dans notre pays.
00:38:21 -Sans parler enfin du congé maternité
00:38:24 égal à celui des salariés,
00:38:26 qu'elle ne décroche qu'en 2019.
00:38:29 La partie est-elle alors gagnée pour les femmes de la terre ?
00:38:36 On pourrait le croire avec cette image.
00:38:42 Depuis 2017, le patron de la puissante FNSEA
00:38:45 est une femme, Christiane Lambert.
00:38:48 Sa place est-elle seulement un symbole
00:38:51 ou le système de la vie de la femme ?
00:38:54 -C'est seulement un symbole ou le signe
00:38:57 d'une révolution profonde dans ce milieu de bras musclés.
00:39:01 Comment cette éleveuse de port
00:39:08 qui rêvait d'être agricultrice dès l'âge de 8 ans,
00:39:11 qui s'est battue pour s'installer seule à 19 ans,
00:39:14 a-t-elle conquis le pouvoir ?
00:39:17 De quelle façon dirige-t-elle ce monde d'hommes
00:39:22 et comment défend-elle la cause des femmes ?
00:39:25 -Il y a 20 ans, il y a 30 ans,
00:39:29 une femme n'aurait pas pu être présidente de la FNSEA.
00:39:32 Ce n'était pas possible.
00:39:34 Entendre dire par un commercial qui vient à la maison,
00:39:37 quand il vient vers moi, "Il est où, le patron ?
00:39:40 "Il est où, le patron ?" "C'est moi."
00:39:42 Ca m'a aussi forgé un tempérament de battante.
00:39:45 Je connais des agriculteurs et des responsables
00:39:48 qui sont machos, oui, c'est vrai, et qui assument.
00:39:51 Ils ne disent pas les femmes, ils disent les bonnes femmes.
00:39:54 C'est très agaçant, et ça dure, et ils sont incurables.
00:39:57 Il n'y en a pas beaucoup, mais que de temps en temps
00:40:00 ils fassent des blagues un peu limites, moi je stoppe,
00:40:03 je leur dis "Stop, stop."
00:40:05 Je sais que je suis très attendue par les femmes, je le sais.
00:40:10 Et je sais que j'ai un rôle à jouer
00:40:13 de personne en responsabilité, visible et influente,
00:40:16 qui doit les aider, et qui doit aider aussi
00:40:19 à ce qu'on casse un peu les codes et le plafond de verre.
00:40:22 – La question c'est, pourquoi dans le syndicat que vous présidez,
00:40:25 il y a si peu de femmes membres du bureau,
00:40:29 membres du conseil d'administration ?
00:40:32 – On n'est pas aux 25% de femmes chefs d'exploitation,
00:40:35 mais peu à peu, on améliore les choses,
00:40:38 mais ça ne se fait pas en 2-3 ans,
00:40:41 il faut plusieurs années pour y arriver.
00:40:43 C'est un peu une course d'obstacles, il faut avoir la santé,
00:40:46 il faut avoir un conjoint qui partage,
00:40:48 il faut tenir sa place sur l'exploitation,
00:40:50 il faut être reconnu par ses pairs, il faut être réélu.
00:40:53 Alors c'est vrai aux féminins et aux masculins,
00:40:55 mais c'est un petit peu plus compliqué pour certaines femmes.
00:40:58 Je l'ai vu, plus compliqué pour certaines femmes,
00:41:00 et certaines ont capitulé.
00:41:02 – Les places, ça se gagne.
00:41:04 Est-ce qu'on veut, nous, les femmes, en gagner ou pas ?
00:41:07 Il faut le savoir, c'est tout, c'est simple.
00:41:10 Un homme ne laissera jamais sa place,
00:41:12 ni en politique, ni dans les structures agricoles,
00:41:15 ni dans les chambres consulaires des métiers, tout ça, non, jamais.
00:41:19 Si on veut le pouvoir, on y va, et on ne gélit pas.
00:41:23 C'est sûr que la classe politique a toujours eu du mal à comprendre
00:41:28 le milieu agricole, je ne dirais pas le mot mépris.
00:41:31 – Une injustice ?
00:41:35 – Oui, injustice, ça c'est clair.
00:41:37 Tant qu'on ne faisait pas de bruit,
00:41:40 vous savez, il ne faut pas se faire de l'illusion,
00:41:42 ne faisons pas suffisamment de bruit.
00:41:45 Les politiques réagissent à quoi ?
00:41:47 On ne leur faisait pas peur.
00:41:49 – C'est un mot difficilement revendiqué dans le monde agricole,
00:42:00 et pourtant, féministe, ces combattantes l'ont été.
00:42:05 Elles ont su dépasser une forme d'empêchement social,
00:42:10 un patriarcat que leurs maris avaient eux-mêmes subis.
00:42:13 Mais pourquoi tant d'autres sont-elles restées silencieuses ?
00:42:18 Ont-elles souffert d'asservissement, d'une indifférence de la société ?
00:42:24 Oserais-je le dire, d'un mépris de classe ?
00:42:28 Comme d'autres pionnières, Michoud a été décoré de la Légion d'honneur,
00:42:33 une reconnaissance bien symbolique de la République,
00:42:37 pour celle qui, jusqu'en 2000, a osé dire le dédain politique
00:42:41 envers les retraités agricoles.
00:42:43 – Alors j'ai fait des réunions dans tous les départements de France,
00:42:50 sur ça, où il y avait le préfet, où il y avait le ministre qui était là,
00:42:55 je leur disais, vous avez oublié, elles sont oubliées,
00:42:59 elles sont délaissées.
00:43:01 J'ai été la voix des jeunes, des gens sans voix.
00:43:07 C'est là que je suis fière, de ces petites femmes
00:43:10 qui ne se plaignaient jamais, qui étaient presque dans la misère,
00:43:15 mais qui vivaient avec pas de chauffage, pas de rien, mais tu te rends compte.
00:43:20 C'est elles que je pensais.
00:43:23 – Cette injustice envers celles qui ont pleinement contribué
00:43:27 à faire de l'agriculture une richesse nationale,
00:43:31 ma grand-mère, veuve à 60 ans, l'a subie elle aussi,
00:43:36 comme la génération suivante.
00:43:39 Marie-Paul, elle, avait juré qu'elle n'en ferait pas sa vie,
00:43:48 et pourtant, en plus de son mandat à la Confédération Paysanne,
00:43:52 elle sera éleveuse de moutons, puis fromagère,
00:43:56 en accord avec ses valeurs.
00:44:00 [Bruits de la maison]
00:44:05 Aujourd'hui, elle perçoit une retraite inférieure au minimum vieillesse,
00:44:16 mieux lotie encore que des milliers d'autres.
00:44:20 – Je suis partie avec zéro de capital.
00:44:23 Donc, on va continuer notre vie avec notre aide de misère.
00:44:28 Et j'ai 820 euros de retraite en tout et pour tout.
00:44:32 J'ai un conjoint qui a heureusement une bonne retraite,
00:44:36 mais si j'étais toute seule, je ne sais pas comment je ferais.
00:44:39 J'y arriverais, puisque j'ai l'habitude de gérer les situations de crise,
00:44:43 mais c'est pesant de vivre toujours comme ça,
00:44:46 en comptant tout et en se limitant sur tout.
00:44:49 C'est vraiment très difficile.
00:44:51 Je trouve ça inhumain, un peu inhumain.
00:44:58 [Musique]
00:45:02 Comment se construit la nouvelle génération, héritière de ce long combat ?
00:45:11 Les nouvelles pousses de l'agriculture choisissent ce métier par passion.
00:45:19 Elles incarnent la relève indispensable d'une profession
00:45:23 dont la moitié des forces vives partira à la retraite dans les 10 prochaines années.
00:45:28 Issue de 10 générations de paysannes,
00:45:43 Cécile s'est installée dès l'âge de 22 ans,
00:45:46 alors qu'elle a pourtant connu la faillite de ses parents.
00:45:50 Je suis quelqu'un de très optimiste,
00:45:52 mais je garde toujours dans un petit coin de ma tête
00:45:55 que j'ai vu aussi le revers du métier et de la facette agricole.
00:45:59 J'ai vu mes parents galérer.
00:46:01 J'ai vu ma mère et mon père aller au travail
00:46:04 et se lever tous les matins en sachant qu'ils perdaient de l'argent.
00:46:07 J'ai vu ma mère négocier avec les techniciens
00:46:10 pour qu'au moins sur la dernière paie des cochons,
00:46:13 ils lui laissent de quoi faire un caddie de course.
00:46:16 J'étais petite, j'avais 6-7 ans, mais j'ai vu ça.
00:46:20 J'aurais pu être en colère après l'agriculture,
00:46:25 mais je m'en suis plutôt servie comme une force.
00:46:28 Parce que dans tous les choix que je fais, je sais qu'il faut rester.
00:46:32 Déjà qu'il faut faire attention,
00:46:34 et je garde toujours dans un coin de ma tête
00:46:36 qu'il faut rester humble dans ce qu'on fait.
00:46:38 Mais je ne me suis jamais revendiquée autre que fille d'agriculteur.
00:46:43 J'ai jamais attendu qu'on me donne la parole.
00:46:46 Quand j'ai une idée, je la balance.
00:46:49 J'ai de la chance d'avoir évolué dans un milieu
00:46:53 où on ne m'a jamais empêché d'apprendre le métier,
00:46:58 d'évoluer dans un milieu où je ne suis pas la seule.
00:47:02 Je suis une femme, je suis une femme,
00:47:05 et je suis une femme, je suis une femme.
00:47:08 Je ne m'ai jamais empêchée d'apprendre le métier,
00:47:12 d'évoluer dans mon métier.
00:47:14 J'ai un mari aussi qui ne m'a jamais rabaissée
00:47:17 et qui m'a toujours considérée comme son égale,
00:47:20 que ce soit dans le couple ou dans l'exploitation.
00:47:23 Mais je me suis rendue compte qu'il y a beaucoup de femmes aujourd'hui
00:47:26 encore qui sont isolées
00:47:28 et qui n'ont pas forcément cette chance-là
00:47:31 d'être écoutées à leur juste valeur sur les exploitations.
00:47:35 Donc quand une fille, moi, me demande un stage,
00:47:38 je ne peux pas dire non.
00:47:40 Des fois, on arrête un peu de prendre des stagiaires,
00:47:43 on fait une pause, c'est vrai qu'on prend beaucoup de stagiaires,
00:47:46 mais si c'est une fille, elle a forcément sa place.
00:47:49 C'est comme ça.
00:48:02 Audacieuse et solidaire,
00:48:05 jeunes agricultrices et paysannes
00:48:07 chamboulent le modèle agricole dominant
00:48:10 pour des pratiques plus respectueuses de l'environnement.
00:48:13 C'est en Anjou, près des Cotou du Léon,
00:48:19 que j'achève ma quête au pays des femmes de la terre,
00:48:22 chez Nadej Vigneron.
00:48:25 Petite fille d'agricultrice,
00:48:28 elle élabore des vins bio et naturels.
00:48:31 Des fois, on les voit mal,
00:48:33 mais on repassera, je les mettrai...
00:48:35 Ah oui, tu vois, il y en a une aussi.
00:48:37 Je mettrai une personne à repasser dans tous les vins.
00:48:40 Dans ce monde resté longtemps une affaire d'hommes,
00:48:44 où une légende éloignait les femmes des caves
00:48:47 quand elles avaient leur règle de peur de faire tourner le vin,
00:48:50 leur place est en plein essor.
00:48:53 Mais elles doivent encore et toujours prouver leur légitimité
00:48:57 quand elles dirigent seules leurs exploitations
00:49:00 et subissent un sexisme ordinaire.
00:49:03 En 2017, mon compagnon a eu des soucis de santé.
00:49:10 En pleine vendange, il m'a dit que je partais en soins,
00:49:13 que je me débrouillais.
00:49:16 Je me suis retrouvée avec une seule vendangeuse
00:49:19 et mes 3 enfants.
00:49:21 Ça a été très difficile, surtout que j'étais en congé parental,
00:49:24 mon petit avait pas de nounou,
00:49:26 il a fallu en catastrophe trouver une nounou.
00:49:29 J'ai réussi à vendanger ce millésime-là
00:49:32 sans savoir me servir d'une dupressoire, de la pompe, de rien,
00:49:35 grâce aux collègues.
00:49:37 Ça a été vraiment la solidarité viticole.
00:49:40 Je me suis dit après coup, quand mon compagnon est rentré de soins
00:49:43 et qu'il m'a dit "on arrête tout, je suis pas capable de faire ce métier,
00:49:47 on vend tout, on se sépare",
00:49:50 je lui ai dit "non, on se sépare,
00:49:53 mais par contre je reprends le domaine seul".
00:49:56 Et après vous les superposez, mais vous faites gaffe
00:49:59 parce qu'il y en a qui sont trop remplis de superposés quand vous pouvez.
00:50:03 Ça faisait 15 ans quand même, 15 ans qu'on avait notre domaine
00:50:07 et 15 ans que j'en rêvais, que je me disais "bah mince,
00:50:10 moi aussi je suis vigneronne et je me sentais pas vigneronne
00:50:13 parce que j'avais jamais fait mon vin".
00:50:15 Et ça, ce rêve-là, c'est ça qui m'a permis de me dire
00:50:18 "je vais peut-être me planter, mais je vais au moins essayer".
00:50:21 J'ai essayé de faire mon vin et puis je verrai,
00:50:24 ça marche pas, mais au moins j'essayerai.
00:50:27 Je crois que le déclic s'est produit au Salon des Anonymes 2018.
00:50:31 C'est un salon où je reçois tous les clients professionnels
00:50:34 qui viennent du monde entier quand même.
00:50:36 Ils étaient tous là à attendre à mon stand,
00:50:38 à faire la queue, à se pousser pour s'essayer.
00:50:41 Et là je me suis dit "purée la vache, c'est ça que procure mon métier".
00:50:45 Et du coup je suis ressortie de là en me disant "je vais continuer".
00:50:49 [Musique]
00:50:57 Ce qui a été plus compliqué, c'est quand j'ai voulu passer à l'étape supérieure.
00:51:01 C'est-à-dire que dès l'année suivante,
00:51:04 j'ai repris le domaine officiellement en 2019,
00:51:07 et dès 2020, j'ai voulu créer ma société de négociations.
00:51:10 Et au bout du deuxième refus, ou du troisième même, je compte plus,
00:51:14 je crois que j'ai eu trois refus,
00:51:16 et au bout du troisième j'ai eu ma conseillère bancaire,
00:51:19 et puis j'étais encore à lui parler chiffres.
00:51:21 Et là elle me sort "mais c'est pas une question de chiffres,
00:51:23 c'est parce que vous êtes une femme, toute seule,
00:51:25 que vous venez de reprendre votre entreprise, c'est trop prématuré".
00:51:28 Et puis oui, elle m'a bien fait comprendre que c'était le côté
00:51:31 "femme, seule, avec trois enfants".
00:51:34 Et là ça m'a mis en colère.
00:51:35 Et donc j'ai écrit un courrier à la banque en disant
00:51:38 "ben écoutez, envoyez-moi les arguments notifiés par écrit,
00:51:41 et puis ils ont intérêt d'être argumentés
00:51:43 parce que derrière ils vont être regardés".
00:51:45 Parce que si c'est l'argument et celui auquel je pense,
00:51:48 vous n'avez juste pas le droit de faire ça.
00:51:50 Donc je ne vais pas citer la banque, parce qu'au final ils m'ont suivie,
00:51:53 mais je leur ai dit "là c'est clair, vous allez me prêter,
00:51:56 sauf sinon ça ira loin".
00:51:58 Que dirait ta grand-mère si elle savait aujourd'hui
00:52:05 que sa petite fille est vigneronne ?
00:52:08 Si aujourd'hui elle voyait le résultat,
00:52:10 et puis le fait que finalement c'est difficile,
00:52:15 mais ça fonctionne, ça marche.
00:52:17 Si elle arrivait à goûter mes vins,
00:52:19 je pense qu'elle serait fière au final.
00:52:21 Oui, elle serait quand même fière de voir sa petite fille vigneronne,
00:52:25 travaillant la terre comme elle l'a fait.
00:52:28 Voilà.
00:52:32 Nadej, Michou et les autres.
00:52:39 Je les quitte avec le sentiment d'avoir rencontré des femmes dignes,
00:52:43 qui partagent la noblesse de ce métier,
00:52:46 conscientes aussi que le combat continue.
00:52:50 Le sacrifice demandé aux femmes est plus important que le sacrifice aux hommes.
00:53:01 Donc il faut que les femmes soient conscientes,
00:53:04 et les jeunes, que rien n'est acquis.
00:53:08 Je compte sur la nouvelle génération pour changer de modèle.
00:53:11 Je suis admirative de ce qu'elles font.
00:53:13 Ça peut être que les jeunes qui peuvent changer ça,
00:53:16 et notamment les femmes.
00:53:18 Avoir été avec des vaches, avoir pu sentir la terre,
00:53:25 ça te construit.
00:53:27 Et ça c'est une chance.
00:53:29 Parce que la terre te le rend bien quand même.
00:53:32 C'est un métier merveilleux.
00:53:36 Tu vois pousser, tu te plaintes de quelque chose,
00:53:39 tu donnes la vie.
00:53:40 C'est comme une maternité, tu donnes la vie.
00:53:43 Je dis mais mon Dieu que la nature est belle.
00:53:47 Le travail de la Nouvelle-Écosse
00:53:51 a été réalisé par la coopération de l'Université de Paris
00:53:55 et la Société des Arts de Paris.
00:53:58 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:02 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:06 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:10 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:14 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:18 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:22 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:26 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:30 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:34 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:38 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:42 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:46 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:50 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:54 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:54:58 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:55:02 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:55:06 Le travail a été réalisé par la Société des Arts de Paris.
00:55:10 Bonjour les élèves !
00:55:12 Merci de nous accueillir dans votre lycée agricole, en plein cœur de la Seine-et-Marne.
00:55:17 Je sais que vous avez plein de questions à poser à nos invités,
00:55:21 mais juste avant, je voulais savoir ce que vous avez pensé de ce film.
00:55:25 Comment vous l'avez perçu ? Dites-moi.
00:55:29 Je le trouve super intéressant et que ça raconte bien l'histoire de l'évolution de la femme dans le milieu agricole.
00:55:38 Est-ce que tu étais étonnée que, par exemple, le statut de l'agricultrice soit reconnu si tard ?
00:55:46 Oui, parce que la place de la femme n'a pas trop lieu sur la ferme.
00:55:50 On a du mal à voir les femmes sur l'exploitation, donc c'est plutôt compliqué.
00:55:55 On peut imaginer qu'à l'époque c'était encore plus compliqué que ça.
00:55:59 Quand on voit les dates, quand la femme a pu vraiment avoir ses dates pour les congés maternités ou autres,
00:56:06 c'est vraiment choquant. On pensait que ça aurait été fait plus tôt.
00:56:09 En fait, ça a été fait si tard et c'est ce qui est vraiment malheureux.
00:56:13 Est-ce que vous êtes tous issus d'un milieu agricole ? Est-ce que dans votre famille on fait tous de l'agriculture ?
00:56:18 Non.
00:56:19 Non ? Alors, levez la main. Ceux qui… Oui, c'est Maxime, c'est ça ?
00:56:23 Toi, tu viens d'un milieu agricole ?
00:56:26 Non, mais mes oncles, oui.
00:56:28 Tes oncles ? OK. Et vous, dites-moi un peu, dans quel domaine… Oui, dis-moi.
00:56:32 Moi, je veux travailler avec les vaches têtières.
00:56:35 OK.
00:56:36 Donc, depuis que je suis jeune, en fait, parce que je ne suis pas du tout du milieu agricole,
00:56:40 mais j'ai rencontré une personne et cette personne-là a une fille.
00:56:43 Et du coup, sa fille, c'est elle qui m'a fait découvrir le milieu agricole depuis que je suis petite,
00:56:48 depuis que j'ai 6 ans. Et j'allais toujours avec elle à la ferme, occuper des aliments.
00:56:51 Et pour moi, c'est une passion.
00:56:53 OK. Tu t'es dit, ça t'a traversé l'esprit, que peut-être ce serait plus difficile pour toi en tant que fille, femme ?
00:56:59 Oui, ça oui. Je le savais, je m'en doutais.
00:57:01 Quand je voyais, moi, par rapport à un homme travailler, je me suis dit, je vais avoir plus de complications.
00:57:05 Mais ça ne m'a jamais mis en tête que je serais plus faible que les autres ou que je n'y arriverais pas.
00:57:11 En fait, on voit surtout que la femme a tout autant les mêmes droits qu'un homme
00:57:15 parce qu'une femme peut très bien faire le même métier qu'un homme, simplement.
00:57:20 OK. Bon, on va passer à vos questions puisque vous avez énormément travaillé.
00:57:25 Et on commence avec toi, Théo.
00:57:27 J'ai une question pour Delphine Pruneau. C'est pourquoi avoir choisi ce sujet ?
00:57:32 Alors, ce sujet et ce film, en fait, il est le fruit d'une très longue réflexion et puis aussi de tout un parcours.
00:57:43 Comme vous l'avez compris dans le film, je suis une petite fille d'agriculteur.
00:57:49 Ma grand-mère était agricultrice. Elle n'avait pas le titre, malheureusement.
00:57:53 Mais c'est pour ça aussi que je lui dédie le film.
00:57:56 Et puis, tout au long de ma carrière, j'ai commencé comme journaliste à la radio.
00:58:00 Dans les années 90, c'est évidemment une époque que vous ne connaissez pas.
00:58:03 On parle du siècle dernier. À la radio, en fait, je couvrais le salon de l'agriculture.
00:58:09 J'allais tous les ans, en fait, au salon rencontrer les éleveurs, etc.
00:58:14 Et puis ensuite, quand j'ai commencé à travailler à la télévision, j'avais toujours, en fait, mes racines, mes origines.
00:58:19 Je faisais que j'étais toujours intéressée par l'agriculture parce que mes parents, enfin mon papa, n'a pas été agriculteur.
00:58:25 Mais il a travaillé dans le secteur agricole.
00:58:27 Et pour ce qui concerne les femmes, j'ai été, en fait, assez bouleversée.
00:58:32 En 2010, donc je vous parle de ça, c'était il y a 14 ans.
00:58:36 En 2010, j'ai réalisé un reportage.
00:58:39 Nous étions à l'époque dans une grande crise, comme malheureusement l'agriculture en traverse trop régulièrement.
00:58:46 C'était la crise du lait.
00:58:48 Et j'étais allée rencontrer, en fait, des agriculteurs qui étaient en pleine faillite.
00:58:53 Et j'avais rencontré les épouses.
00:58:56 Et je me disais, mais mince, les femmes payent un lourd tribut dans toute cette histoire.
00:59:03 Elles travaillent énormément, elles sont passionnées en plus.
00:59:06 Elles aimaient la ferme.
00:59:08 Mais voilà, elles n'avaient pas… J'avais la sensation qu'elles étaient sacrifiées, en fait.
00:59:14 Et tout ça est remonté quelque part.
00:59:17 Et j'ai commencé ce qu'on appelle l'enquête.
00:59:20 Et c'est comme ça que j'ai eu envie, en fait, de raconter cette histoire qui n'avait jamais été racontée,
00:59:27 c'est-à-dire le long combat des femmes pour obtenir un statut.
00:59:31 Mais je pense, en fait, j'ai eu vraiment envie de réparer ce que je crois et ce que je pense être une injustice.
00:59:38 On poursuit avec Brennan.
00:59:40 Combien de temps avez-vous mis pour réaliser ce documentaire ?
00:59:43 Entre le premier temps de l'écriture et le moment où j'ai livré ce qu'on appelle,
00:59:49 alors vous allez apprendre dans votre jargon, le PAD, le prêt à diffuser,
00:59:54 c'est-à-dire en gros le film prêt à être diffusé sur LCP.
01:00:00 Il s'est écoulé près de deux années.
01:00:03 Alors moi j'ai une question pour Gréa-Barrièle Dufour.
01:00:06 Qu'avez-vous pensé du documentaire "Moi, agricultrice" ?
01:00:10 En fait, il a changé mon regard sur les femmes.
01:00:13 Il a changé mon regard sur les agricultrices.
01:00:15 J'ai eu une prise de conscience en regardant ce film.
01:00:17 Et la ruralité, c'est un milieu que je connais peu.
01:00:20 Je n'ai pas grandi dedans, je n'ai pas les racines agricoles.
01:00:23 Donc, par contre, je travaille dans le milieu agricole.
01:00:26 C'est un milieu que j'apprécie énormément.
01:00:29 Et le film de Delphine m'a permis de comprendre, je dirais avec mes tripes, un peu le monde agricole.
01:00:37 C'est-à-dire, je le comprenais intellectuellement.
01:00:39 Je le comprenais aussi en tant que consommatrice.
01:00:42 En tout cas, j'ai eu cette prise de conscience.
01:00:45 Et c'est un peu comme si on porte des lunettes.
01:00:47 À un moment donné, on met les lunettes et on ne voit plus tout à fait le monde de la même façon.
01:00:51 Donc ce film, d'abord, il m'a touchée en tant que femme.
01:00:53 Il m'a touchée en tant que professionnelle.
01:00:55 Et il a touché, je vais le dire, avec mes tripes.
01:00:59 Et avec un regard qui a changé après ça.
01:01:03 On continue avec Lauriane.
01:01:05 J'avais une question pour vous, Gabrielle Dufour.
01:01:07 C'est quoi Agridé ?
01:01:09 Agridé, c'est un think tank de l'entreprise agricole.
01:01:12 Par exemple, les questions peuvent être sur les gaz à effet de serre.
01:01:18 Comment une entreprise agricole peut diminuer ses émissions de gaz à effet de serre
01:01:23 tout en continuant à avoir un développement économique intéressant ?
01:01:28 Une autre note, ça peut être les compétences.
01:01:31 Quelles compétences il va falloir pour demain, pour les jeunes agricultrices, agriculteurs que vous allez peut-être devenir ?
01:01:36 Quelles compétences vous allez devoir avoir pour répondre aux enjeux de demain ?
01:01:41 Qui sont, oui, le climat, l'environnement, le monde qui change, la souveraineté alimentaire.
01:01:47 Il faut quand même nourrir tout le monde.
01:01:49 Donc c'est tous ces enjeux-là.
01:01:52 Nous, on essaie de regarder vers le futur.
01:01:55 D'essayer de comprendre de quoi le monde va être fait demain.
01:01:58 Et de quoi vous, en tant qu'agricultrice, agriculteur,
01:02:01 vous allez avoir besoin en termes de compétences, d'accompagnement, etc.
01:02:05 pour devenir des agriculteurs en phase avec votre temps.
01:02:08 Vous travaillez sur quoi là particulièrement ?
01:02:10 Sur les femmes ?
01:02:11 Il y a beaucoup de sujets.
01:02:13 Il y en a un par exemple, c'est la féminisation des conseils d'administration, des coopératives.
01:02:19 Vous voyez ce que c'est à peu près ?
01:02:21 Coopérative, des groupements de producteurs et de productrices.
01:02:25 Et puis les conseils d'administration, ce sont des lieux de décision.
01:02:29 C'est là où se décide tout.
01:02:31 Le monde agricole, il est organisé autour de collectifs.
01:02:35 Et donc, les femmes, elles ne sont que 10% dans ces conseils d'administration.
01:02:40 C'est que plus on monte dans les lieux de pouvoir,
01:02:42 plus les femmes sont absentes, pour plein de raisons différentes.
01:02:45 Nous, on essaie de comprendre les raisons pour lesquelles il y a...
01:02:48 Quels sont les freins ?
01:02:50 Ça peut être les freins qui sont intérieurs aux femmes.
01:02:52 Et puis il y en a beaucoup aussi des freins extérieurs.
01:02:54 Donc, nous ensuite, on va faire des propositions pour dire
01:02:57 comment faire émerger le plus possible, comment faire monter les femmes,
01:02:59 comment leur faire prendre confiance en elles
01:03:01 et qu'elles aient leur place dans le monde agricole.
01:03:04 On continue avec toi, Angèle.
01:03:06 Moi, j'avais une question pour vous, Gabrielle Dufour.
01:03:08 Qu'est-ce qui vous a tant donné envie de rejoindre Agridé ?
01:03:11 Alors, j'ai un parcours un peu atypique,
01:03:15 puisque je ne suis pas du tout issue du monde agricole.
01:03:18 J'ai travaillé pendant 18 ans dans la santé.
01:03:20 Et ensuite, j'ai bifurqué vers l'agriculture.
01:03:23 Et ensuite, de fil en aiguille,
01:03:25 j'ai fait de la vulgarisation sur les réseaux sociaux.
01:03:28 En fait, ça a été mon entrée un peu dans l'univers des réseaux sociaux.
01:03:33 J'ai raconté mes préjugés sur l'agriculture,
01:03:36 parce que moi, je viens d'une famille très écolo
01:03:38 et qui avait beaucoup de préjugés sur l'agriculture.
01:03:41 Donc, j'ai raconté ces préjugés sur les réseaux sociaux.
01:03:44 Et puis, je me suis ouverte une porte vers un monde.
01:03:47 J'ai découvert plein de gens. J'ai fait un réseau.
01:03:49 Et comme ça, j'ai rencontré mon patron actuel de Agridé.
01:03:53 Et c'était une évidence pour moi que c'était le bon endroit où je devais être.
01:03:56 Vous parliez des préjugés qu'on peut avoir sur l'agriculture.
01:04:00 Est-ce que vous, vous en avez entendu ?
01:04:03 Est-ce que ça vous arrive parfois d'être choquée, surpris, ému
01:04:09 par des réflexions qu'on peut tenir sur vos études,
01:04:12 sur le futur métier que vous allez faire ? Non ?
01:04:15 Oui, dis-moi.
01:04:17 Oui, bien sûr.
01:04:19 Quand on voit que des fois, dans certains endroits,
01:04:22 on nous dit "Qu'est-ce que tu veux faire plus tard ?"
01:04:25 et qu'on répond "Agriculteur", des fois, la première réaction des gens,
01:04:28 c'est de dire "Oui, tu n'as pas gagné d'argent, tu es une femme,
01:04:33 potentiellement, tu pourrais ne pas y arriver."
01:04:36 Et c'est plutôt décourageant, mais on doit essayer d'être fort
01:04:40 et de dire "Si, on peut réussir, même si on est une femme, c'est possible."
01:04:44 Oui, je l'ai entendu souvent.
01:04:46 On me l'a déjà dit aussi quand j'étais en classe, en troisième.
01:04:50 Dans le circuit scolaire du collège, on me le disait souvent.
01:04:54 Et moi, je ne les écoutais pas, parce que pour moi, je m'en fichais.
01:04:57 Parce que pour moi, c'est une passion, mais pour moi, il n'y a pas plus fort que ça.
01:05:01 Pour les personnes passionnées, il n'y a pas plus fort.
01:05:03 Il y a un terme qui revient souvent dans le film, c'est l'invisibilité sociale.
01:05:08 Vous l'avez compris comment, ce terme ?
01:05:10 L'invisibilité sociale, pour les femmes, pour les agricultrices.
01:05:13 Tu l'as compris comment, toi, Léa ? Je te vois réagir.
01:05:16 J'ai compris quand, par exemple, on disait que les femmes ne pouvaient pas faire ce métier
01:05:23 et que les femmes restaient assises et ne s'occupaient que des enfants.
01:05:27 Alors que c'est faux, parce que dans le documentaire, on voit par exemple que justement,
01:05:31 les femmes, elles travaillent dur, très dur, parce que c'est vrai qu'on n'a pas la même force physique qu'un homme.
01:05:38 Du coup, c'est vrai que quand on porte des charges lourdes, c'est vrai qu'on a du mal, mais on arrive quand même.
01:05:46 Bien sûr. On continue avec Léa, c'est ça ? C'est toi, justement.
01:05:51 Moi, j'ai une question pour Delphine Pruneau. Est-ce que vous avez eu des partenaires lors de ce projet ?
01:05:56 Même si j'en suis l'autrice et la réalisatrice, c'est toujours un travail d'équipe.
01:06:03 Le fait de filmer ces femmes avec un caméraman ami de 30 ans qui s'intéresse aux questions agricoles,
01:06:15 qui s'intéresse à la question des femmes, ce n'était pas anodin.
01:06:19 C'est toujours un travail d'équipe et c'est toujours important de s'entourer, surtout dans un projet aussi personnel,
01:06:29 de s'entourer de personnes que vous connaissez bien, qui vous connaissent bien, avec qui vous pouvez échanger librement
01:06:37 et qui, en plus, le temps de la fabrication du film, le temps du tournage, peuvent aussi vous apporter des idées.
01:06:44 Ou dire peut-être que tu n'oses pas assez parler de ta grand-mère, mais vas-y, parle de ta grand-mère.
01:06:51 On continue avec Coraline. Pourquoi avoir choisi ces femmes et comment elles étaient trouvées ?
01:06:55 Je me suis dit qu'il était intéressant de mettre en avant ces femmes courageuses,
01:07:03 qui avaient en plus de leur travail dans l'exploitation, qui avaient leur vie de mère de famille,
01:07:11 et qui prenaient surtout ce temps-là pour aller dans les ministères,
01:07:17 soit par le biais des syndicats ou par des groupements féminins, parce que ça existait déjà à l'époque,
01:07:25 et qui, du coup, étaient des figures exceptionnelles.
01:07:30 Moi, je participe, par exemple, aux journées paysans-travailleurs de Fontenay-sous-Bois.
01:07:35 On était un petit groupe bien décidé. On fait voter un amendement qui dit
01:07:41 "ne peut pas se considérer comme paysan-travailleur un homme qui passe son temps à lire son journal
01:07:46 pendant que sa femme s'échine aux travaux ménagers". Et c'est adopté. C'est formidable !
01:07:52 Moi, je me rappelle très bien les premières naissances d'Agnoux.
01:07:57 Franchement, c'était... Bon, on avait réussi, quoi. C'était quelque chose.
01:08:02 Comme toutes les femmes qui se sont installées, je pense qu'après, il faut que tu prouves doublement
01:08:07 que tu es capable de faire. Ce n'était pas forcément facile, et on s'est battu pour ça, et ça a marché.
01:08:14 Oui, et ça a marché.
01:08:16 Est-ce qu'elles ont accepté facilement les 4, 5 personnages principaux de votre film ?
01:08:22 Est-ce qu'elles ont toutes dit "oui, bien sûr, Banco" ?
01:08:24 Globalement, elles ont accepté, je pense, assez facilement quand on s'est rencontrés.
01:08:31 Parce qu'elles ont compris pourquoi je faisais ce film. Elles ont compris que c'était aussi mes racines.
01:08:37 J'ai senti de leur part une fierté et une envie de raconter cette histoire pour les autres générations.
01:08:46 Et notamment, peut-être aussi, pour la vôtre. Celle qui, demain, va...
01:08:52 Enfin, qui représente l'avenir de l'agriculture. Et donc, cette histoire, elles se sont dites "voilà, il faut la raconter".
01:08:58 On ne l'a jamais racontée, il faut la raconter.
01:09:01 Avez-vous eu des difficultés à réaliser ce reportage, notamment des personnes contre ce projet ?
01:09:06 Je vous mentirais si je vous disais que je n'avais pas entendu certaines qui me disaient
01:09:12 "non, je n'ai pas envie de reparler de cette histoire, c'est trop douloureux pour moi".
01:09:17 On continue avec toi, Angèle.
01:09:19 À la suite de la sortie du reportage, avez-vous eu des retours négatifs ? Si oui, quelle a été votre réaction ?
01:09:26 Alors, après la première diffusion du documentaire sur LCP, j'ai eu la chance d'être invitée, en fait, dans beaucoup de projections.
01:09:38 Et très sincèrement, je n'ai jamais eu de réflexion ou de critique déplacée.
01:09:46 J'ai même assisté à des moments très émouvants, notamment dans un cinéma rural, dans une salle dans un village,
01:09:57 où est organisé depuis de nombreuses années un festival pendant une semaine, que des films dédiés à la ruralité.
01:10:04 Organisés en fait par des bénévoles.
01:10:06 Vous avez la ville ? On peut peut-être en parler ? C'est où ?
01:10:09 Il se trouve que c'est dans ma région, c'est en Ille-et-Vilaine.
01:10:13 Un des responsables du cinéma est donc un exploitant agricole à la retraite.
01:10:20 Roland, ce qui s'appelle Roland, s'est adressé aux hommes de sa génération.
01:10:26 Roland doit avoir à peu près 70 ans, et dit "quand même, les gars, on n'a quand même pas toujours été très chouettes avec nos femmes".
01:10:35 Et j'ai trouvé ça incroyable. Il ne s'agit pas d'accuser tous les hommes de sexisme.
01:10:42 Les hommes, dans ces périodes que je viens d'évoquer, où ces femmes n'étaient rien,
01:10:47 les hommes étaient aussi les enfants d'une culture très patriarcale.
01:10:56 Ils avaient été élevés comme ça aussi par leurs parents depuis des générations.
01:11:02 Donc, la prise de conscience, elle se fait. Il y a encore du travail quand même, il ne faut pas se le cacher.
01:11:12 Il y a encore du sexisme, et fort heureusement, cette nouvelle génération est incroyable.
01:11:18 Parce qu'elle communique, mais elle est aussi joyeusement déterminée.
01:11:24 J'ai envie de leur poser directement la question.
01:11:28 Les garçons, Brennan par exemple, est-ce qu'aujourd'hui, tu fais la différence entre le travail à la ferme d'un garçon ou d'une fille ?
01:11:37 Ou pour toi, c'est exactement pareil ?
01:11:40 Après, c'est sûr que ce ne sera pas pareil, parce que le niveau du travail qu'on peut leur donner, parfois, ce n'est pas différent.
01:11:47 Ah oui ? En quoi ce serait différent ?
01:11:49 Par exemple, le patron ne pourrait pas donner certaines tâches à une femme.
01:11:54 Il y a des choses qui t'ont choqué dans le documentaire ? Le fait que les femmes soient mises de côté, notamment dans le travail à la ferme, ça t'a choqué ou ça ne t'a pas particulièrement choqué ?
01:12:04 Si après ça m'a choqué, ce n'est pas normal.
01:12:07 Ok. Théo, tu en penses quoi de tout ça ?
01:12:10 Moi, je pense que femmes comme hommes, on a tous le "pouvoir" de faire la même chose.
01:12:16 Si le patron nous demande de conduire un tracteur ou de porter un sac, les deux peuvent le faire.
01:12:22 Après, ça peut être plus compliqué pour l'un des deux, mais il n'y a pas trop de différence.
01:12:29 C'est vrai que cette génération, elle évolue. Bien sûr, allez-y.
01:12:32 Oui, là, on est en train de parler. Il y a un sujet qui est finalement un peu le fil conducteur de toutes ces interventions, c'est les stéréotypes de genre.
01:12:39 Vous connaissez les stéréotypes de genre ? C'est un peu les gens, c'est les tâches qu'on assigne au sexe féminin, au sexe masculin.
01:12:46 Les filles ne sont pas faites pour conduire un tracteur, elles n'ont pas la force physique de faire ce métier.
01:12:53 C'est Ederia, ton prénom ? Tu disais tout à l'heure qu'en troisième, on te disait que ce n'est pas fait pour les filles.
01:13:00 C'est quand même quelque chose qui est, comme c'est un métier qui n'a que 26%, il n'y a que 30% d'agricultrices, donc ça veut dire 70% d'agriculteurs.
01:13:10 Comme dans tous les milieux très masculins, numériquement plus masculins, il y a des représentations.
01:13:16 Donc les filles, on va plutôt faire la comptabilité, enfin c'est à l'ancienne, les anciennes agricultrices faisaient la comptabilité, la traite le matin et le soir.
01:13:24 Il y avait des tâches qui étaient vraiment très assignées à chaque genre.
01:13:27 Heureusement, avec les nouvelles générations, ça change, mais il y a toujours des stéréotypes de genre.
01:13:32 Il y a toujours des stéréotypes qui enferment, et j'insiste, les filles et les garçons dans des rôles.
01:13:38 C'est-à-dire les filles, comme j'ai dit, elles ne sont pas assez fortes, elles ne sont pas faites pour les machines.
01:13:45 Et puis les garçons, par contre, ils doivent être forts. Il y a une espèce d'injonction.
01:13:49 À la force, à la vérité, etc.
01:13:51 Et ça, on le retrouve dans le groupe de travail que je fais à RIT, on le retrouve sur toute la chaîne.
01:13:55 Et ce n'est pas une question d'âge, ce n'est pas que les personnes âgées qui ont des stéréotypes de genre.
01:14:01 Le sexisme, malheureusement, existe dans toute la société, existe dans tous les secteurs.
01:14:07 Existe, se développe et malheureusement ne diminue pas forcément, il est plutôt en recrudescence sur les dernières années, chez les jeunes.
01:14:15 Donc, c'est quelque chose qu'il faut être vraiment vigilant.
01:14:19 Et d'ailleurs, le mot "agricultrice", il faut l'utiliser. Il faut vraiment l'utiliser.
01:14:24 Parce que dans la tête des gens, si vous n'utilisez que le mot "agriculteur", quand on dit "les agriculteurs",
01:14:28 dans la tête des gens, c'est des sociologues qui l'ont montré, on se fait une représentation masculine du métier.
01:14:34 Donc, c'est très important de dire, moi j'essaie de le faire autant que possible, de dire "les agriculteurs" et "les agricultrices".
01:14:41 C'est comme les lycéens et les lycéennes.
01:14:44 On essaie d'utiliser ces mots-là pour dire que, parce que sinon ça procède de l'invisibilisation, ça passe aussi par les mots.
01:14:52 Donc, c'est très important. "Chef d'entreprise agricole", on dit aussi "une chef" avec deux f, "e", "une chef d'entreprise agricole".
01:14:58 C'est très important pour que dans l'imaginaire, qu'on change les imaginaires.
01:15:03 C'est très important qu'on peut les changer avec les images, on peut les changer avec les mots,
01:15:07 c'est quelque chose de sociétal et de systémique.
01:15:11 On continue avec toi Maxime.
01:15:13 Avez-vous des préjugés sur l'agriculture ?
01:15:16 Je viens d'une famille dans laquelle on pensait que les agriculteurs, c'était forcément soit des pollueurs, soit des victimes du système.
01:15:26 Il n'y avait pas d'entre-deux, et on n'en connaissait pas des agriculteurs, donc c'était vraiment des préjugés.
01:15:32 Aujourd'hui, j'ai rencontré beaucoup d'agricultrices et d'agriculteurs différents,
01:15:36 et je me suis aperçue qu'en fait déjà il y a une variété de façons de travailler qui est incroyable.
01:15:41 Il y a des agriculteurs qui font de l'énergie, il y a des agriculteurs qui font tout un tas de choses,
01:15:46 de l'accueil à la ferme, des productions qui sont de plus en plus variées,
01:15:51 qui font de la transformation à la ferme.
01:15:54 Donc il y a des modes de travail qui sont très différents de ce qu'on faisait avant,
01:15:58 mais qui vont vers la modernité, et j'ai découvert la modernité en agriculture.
01:16:04 C'est ça qui a vraiment cassé, et puis les gens, qui a cassé les préjugés.
01:16:08 J'ai une question pour Gabrielle Dufour.
01:16:10 Avez-vous eu des difficultés par rapport à votre ancien métier, à entrer dans le milieu agricole ?
01:16:17 Non, non.
01:16:21 Non, je n'ai pas eu de difficultés à rentrer dans le monde agricole,
01:16:24 parce que je suis venue avec curiosité, en expliquant que j'avais eu des préjugés.
01:16:31 Et ça a beaucoup plu, ça a énormément plu au monde agricole,
01:16:35 parce que c'est un peu une reconnaissance que je leur faisais,
01:16:38 de dire "Avant j'avais des préjugés, maintenant je vous connais, je comprends mieux.
01:16:42 Je comprends non pas qu'ils soient parfaits, mais je comprends vos compromis,
01:16:45 je comprends quel est votre quotidien, je comprends que l'agriculture c'est compliqué, c'est très compliqué".
01:16:50 Donc cet aveu, cette reconnaissance que j'ai eue,
01:16:55 du coup j'ai plutôt été très très bien accueillie dans le monde agricole.
01:16:59 Par contre, porter le sujet des femmes en agriculture ne m'apporte pas que des amis.
01:17:05 Et c'est sans doute le sujet le plus compliqué, notamment sur les réseaux sociaux.
01:17:11 Et pourtant je sais que j'ai un discours qui est nuancé,
01:17:15 dans tout ce que je fais c'est toujours très nuancé, très constructif.
01:17:19 Je n'oppose pas les hommes aux femmes.
01:17:21 Mais vous pouvez nous donner un peu de...
01:17:23 Dites-nous, parce que je reçois des commentaires très négatifs.
01:17:26 Ah oui, des commentaires très négatifs.
01:17:28 C'est ça que l'on a envie de comprendre.
01:17:30 Oui, des insultes sexistes.
01:17:32 Voilà, pour m'expliquer que le sexisme n'existe pas, je reçois des insultes sexistes.
01:17:37 Donc j'ai malheureusement découvert le sexisme en parlant de l'égalité hommes-femmes.
01:17:43 Quand on porte ce sujet publiquement sur les réseaux sociaux,
01:17:47 et je ne suis pas la seule, je me suis aperçue qu'effectivement,
01:17:50 il faut être courageuse, il ne faut pas prendre les choses pour soi,
01:17:55 ce qui est compliqué.
01:17:57 Et j'ai découvert que c'est un sujet qui est extrêmement sensible dans le monde agricole.
01:18:02 Je voudrais vous poser aussi la question du mouvement des agriculteurs,
01:18:07 et donc des agricultrices aussi.
01:18:09 Est-ce que vous avez suivi ce mouvement ?
01:18:11 Oui ?
01:18:13 Comment vous l'avez compris ?
01:18:15 Je t'ai vu réagir, Edina.
01:18:17 Qu'est-ce que tu as compris de ce mouvement des agriculteurs et agricultrices en France ?
01:18:21 Tout simplement, je pense que depuis longtemps, les agriculteurs ont marre.
01:18:25 Parce qu'ils demandent des choses et il y a des choses qui ne sont pas faites.
01:18:29 Après, je dis que ce n'est pas forcément la faute de tout le monde.
01:18:32 Parce qu'aujourd'hui, c'est compliqué, parce que tout augmente, tout devient cher.
01:18:36 Alors si on achète locaux, sachant que le loco c'est aussi cher, c'est compliqué.
01:18:41 Donc il faut faire la part des choses et il faut essayer de trouver des arrangements ou des choses comme ça.
01:18:45 Est-ce que vous en avez parlé, de ces manifestations au sein du lycée ?
01:18:50 Ou même entre vous, c'était un sujet de conversation ?
01:18:54 En soi, que ce soit avec ma famille ou même mes patrons,
01:18:57 on était plus en colère de se dire que les agriculteurs sont obligés de descendre,
01:19:04 qu'ils sont obligés d'aller sur Paris pour se faire entendre,
01:19:07 dans le sens où on ne les entend même pas là où ils sont, qu'il n'y a rien qui est fait.
01:19:13 Ils sont obligés d'aller se déplacer, de tout donner,
01:19:17 quitte à même une agricultrice qui était passée avec sa chèvre,
01:19:22 qui a dit qu'elle n'en pouvait plus.
01:19:24 C'est à ce point-là, en fait, et nous en tant que futurs agriculteurs,
01:19:28 et même en tant que citoyens, se dire que notre France est comme ça, ça fait mal.
01:19:34 Ça fait mal de se dire que le métier qui devrait être le plus beau au monde,
01:19:38 le métier le plus important du monde, est mal.
01:19:42 Est-ce que toi, tu as manifesté ?
01:19:45 Je n'ai pas manifesté, mais j'ai énormément soutenu,
01:19:48 que j'avais des amis ou même d'autres personnes de connaissance qui l'ont fait.
01:19:51 Oui, bien sûr. Est-ce que d'autres ont soutenu le mouvement ?
01:19:54 Oui.
01:19:55 Oui, Angèle, dis-moi.
01:19:56 Je sais que même avec mon patron, on en a parlé.
01:19:59 Il m'a expliqué plusieurs choses de comment ça se passe avant.
01:20:02 Il a sa femme qui travaille aussi dans l'exploitation,
01:20:05 il m'a expliqué pour elle que c'était aussi assez compliqué de se faire entendre.
01:20:09 Et puis, quand on écoute les femmes à la télé pendant la manifestation,
01:20:13 on voit très bien que c'est encore difficile pour eux de se faire entendre
01:20:16 et que c'est souvent les hommes qui ont le micro, qui parlent,
01:20:19 alors que les femmes aussi, ils vont leur mot à dire dans cette manifestation.
01:20:23 Est-ce que vous avez suivi ce que le gouvernement, ce que l'État français,
01:20:28 a répondu au mouvement des agriculteurs, même un peu plus loin aussi, jusqu'à Bruxelles ?
01:20:34 Vous savez, les tracteurs sont montés jusqu'à Bruxelles.
01:20:37 Est-ce que vous pensez que ce sont de bonnes solutions ?
01:20:41 Est-ce que vous pensez que… Comment vous voyez les choses ?
01:20:45 Est-ce qu'autour de vous, vos patrons, justement, ils vous disent
01:20:47 « Ok, on a été entendu » ou pas vraiment encore ?
01:20:50 Dites-moi, dis-moi, Béna.
01:20:51 Moi, non. Parce que j'en ai parlé avec mon patron et lui, justement, il allait manifester.
01:20:56 Après, je n'ai pas trop eu de retour là-dessus,
01:20:58 mais je ne pense pas qu'on s'est fait trop entendre parce que ça fait longtemps qu'on demande ça
01:21:02 et longtemps qu'il n'y a pas eu d'amélioration.
01:21:04 Et ça, comme je rejoins ce que Léonardine a dit, ça fait mal.
01:21:06 Parce que voir comment est la France aujourd'hui, alors que, comme elle a dit,
01:21:10 c'est le métier le plus beau, sans nous, les agriculteurs et agricultrices,
01:21:14 on n'aurait pas de nourriture, pas de céréales.
01:21:17 Donc, voilà.
01:21:18 Le sentiment de ne pas être encore assez entendu.
01:21:21 Oui.
01:21:22 Mais du coup, est-ce que ça ne vous fait pas peur ?
01:21:24 Enfin, je ne voudrais pas…
01:21:25 C'est pas facile, justement.
01:21:26 Oui. Pour votre avenir, en fait, c'est ça ?
01:21:28 Si, oui, ça fait peur.
01:21:29 Ça fait peur.
01:21:30 De se dire ce qui va arriver après, comment ça va se passer.
01:21:34 Est-ce qu'on va réussir à vivre ? Est-ce qu'on va réussir à se loger ?
01:21:37 Est-ce qu'avec tout le travail qu'on fournit, tous les efforts physiques de ce métier,
01:21:41 est-ce qu'on va réussir, mentalement, physiquement ?
01:21:43 Est-ce qu'on va y arriver ?
01:21:45 Et pourtant, ici, on a la force, je pense, de le faire.
01:21:49 Mais pour ça, il faudrait que tout le monde s'y mette, tout le monde fasse des efforts.
01:21:53 On parle des gens qui sont au-dessus.
01:21:56 Des gens qui décident.
01:21:57 Oui, des gens qui décident.
01:21:58 Et c'est vrai que là, le monde agricole commence à bien tomber.
01:22:03 Et que nous, du coup, nous, agricultrices, en tant qu'agricultrices,
01:22:07 déjà, c'est dur aujourd'hui.
01:22:09 Alors plus tard, ça risque d'être très compliqué rien que pour se loger, pour nourrir, pour…
01:22:15 Oui, très compliqué.
01:22:16 Si vous aviez le gouvernement en face de vous, qu'est-ce que vous auriez envie de lui demander,
01:22:20 très concrètement ? Qu'est-ce qu'il faudrait améliorer en priorité, peut-être ?
01:22:23 Lauriane, dis-moi.
01:22:24 Les conditions de vie des agriculteurs.
01:22:26 Qu'on les comprenne vraiment et qu'on écoute réellement leurs paroles.
01:22:31 Qu'ils comprennent vraiment que là, ce n'est pas juste une simple manifestation.
01:22:35 Que là, c'est vraiment un combat pour tout.
01:22:38 C'est vraiment là, c'est pour la filière.
01:22:41 C'est juste un combat.
01:22:43 Qu'on les comprenne plus.
01:22:45 Qu'on essaye de vraiment améliorer leur qualité de vie.
01:22:48 Parce qu'il y en a certains qui se lèvent super tôt, qui ne peuvent pas voir leur famille,
01:22:53 qui travaillent comme des dingues, qui se tuent au travail pour n'avoir rien au final.
01:22:58 Et il y en a beaucoup qui se disent « à quoi ça sert en fait ? »
01:23:01 On se tue au travail, on se lève et on doit quand même travailler.
01:23:06 Mais à quoi ça nous sert si on n'est même pas écouté ?
01:23:10 Moi, j'aurais tout simplement dit, essayer d'arranger les choses et ouvrir les yeux aussi.
01:23:15 Ouvrir les yeux, regarder où va le monde.
01:23:18 Et même les citoyens, pour ceux qui sont dépréjugés, qui ne sont pas d'accord,
01:23:22 qui disent que les agriculteurs polluent ou plein de choses comme ça.
01:23:26 Ouvrir les yeux, regarder dans notre monde et voyer ce que le monde nous donne.
01:23:30 Ce sont des belles choses d'ailleurs.
01:23:32 Alors, on t'écoute Lauriane.
01:23:33 Moi, j'avais une question pour Delphine Pruneau.
01:23:36 C'est, êtes-vous fière de la réalisation de ce documentaire ?
01:23:40 C'est la dernière question.
01:23:43 Je ne sais pas si je peux dire que je suis fière de la réalisation de ce documentaire.
01:23:48 Je suis fière de les avoir mises en avant, toutes ces femmes.
01:23:52 Et je suis fière et heureuse en tout cas d'avoir pu participer à toutes ces projections,
01:23:59 d'avoir pu échanger comme nous le faisons aujourd'hui,
01:24:02 sur une histoire encore une fois qui était inédite,
01:24:04 qui n'avait jamais été racontée à la télévision.
01:24:07 Et c'était bien la moindre des choses que de le faire.
01:24:10 Donc ça, j'en suis ravie et je vous remercie de toutes vos questions aujourd'hui.
01:24:16 Et vous, vous pouvez être très fière de vous pour vos questions.
01:24:19 Merci.
01:24:20 Merci infiniment à vous deux d'avoir participé à ces échanges passionnants.
01:24:24 On va remercier aussi vos deux professeurs qui vous ont si bien préparés pour ces échanges.
01:24:29 Et puis merci à vous, les élèves, d'avoir eu autant de questions,
01:24:32 de vous être autant intéressés à ce film et par-delà à ce sujet.
01:24:36 Et on se retrouve très vite avec un nouveau film et un nouveau documentaire
01:24:39 parce qu'il n'y a pas d'âge pour questionner le monde et ses images.
01:24:42 Salut les élèves !
01:24:43 Au revoir !
01:24:45 Ça va ?
01:24:46 Oui, ça va un peu.
01:24:47 C'est très très bien.
01:24:49 [Musique]

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