Antoine Régley, avocat auteur de Drames de la route, combats contre l’injustice (Hugo doc) est l'invité de 6h20. Il y propose, notamment, de faire payer aux personnes qui conduisent sous stupéfiants ou alcool, une partie des dommages et intérêts.
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00:00 6h21, bonjour Antoine Reglet.
00:02 Bonjour madame.
00:03 Antoine Reglet, vous êtes avocat de nombreuses victimes de la route, vous publiez un livre
00:07 « Drame de la route, combat contre l'injustice » et vous y racontez de multiples cas d'accidents
00:12 de la route et leurs conséquences.
00:13 Vous dressez un compte ça et ses limites dans le sous-titre, les victimes de la route
00:18 sont les « grands oubliés de la justice ».
00:20 Oui, les « grands oubliés de la justice », les « grands oubliés » tout court.
00:23 C'est vrai que les victimes de la route sont souvent ignorées, méprisées, on parle
00:26 toujours quasiment des auteurs, parce que c'est cela qui intéresse beaucoup aussi
00:28 les médias.
00:29 Moi j'ai voulu raconter leurs histoires aux victimes pour pas qu'on les oublie,
00:33 aussi pour dire le courage dont elles font preuve, la résilience, ce sont beaucoup de
00:37 témoignages de résilience.
00:38 C'est positif comme bouquin, malgré le titre que nous avons mis.
00:42 Les « grands oubliés » et puis surtout victimes, oui, deux fois, victimes d'injustice,
00:47 l'injustice d'assurance, beaucoup qui tentent de les culpabiliser pour les indemniser
00:50 moins, injustice d'une victime qui est trop lente et trop clémente, selon elle, injustice
00:56 aussi d'un pouvoir politique qui parle beaucoup mais qui ne fait pas grand-chose.
00:59 On va y venir, mais vous listez des cas, il y en a une dizaine, il y en a dix même.
01:03 Il y a celui d'Angélique et de Valentin et de leur fille Jade, mortes la veille de
01:07 sa naissance.
01:08 Ça fait écho à l'affaire Pierre-Palma, d'une histoire d'enfants morts avant de
01:12 naître qui n'existent pas dans le code pénal mais dans le code civil.
01:16 Et là, ça devient compliqué pour les parents.
01:18 C'est très compliqué, c'était même le jour même de l'accouchement, c'est-à-dire
01:21 qu'Angélique et Valentin partent à la maternité pour accoucher et ils ont un accident
01:26 ce jour-là et effectivement leur enfant va mourir in utero, donc avant même de respirer
01:31 en dehors du ventre de sa mère.
01:32 Et du coup, effectivement, juridiquement, sur le plan pénal, cet enfant n'existe
01:36 pas.
01:37 Vous dites qu'il a moins de droits qu'une chèvre ?
01:38 Oui, il a moins de droits qu'une chèvre.
01:39 Pourquoi ? Parce que c'est heureux que les animaux aient des droits et dans le code
01:43 civil, les animaux ont des droits et dans le code civil, les fœtus en ont aussi.
01:48 Mais sur le plan pénal, alors qu'on protège les animaux de maltraitance et c'est bien,
01:52 et bien en réalité, un enfant prêt à naître, qui n'a pas respiré en dehors du ventre
01:56 de sa mère, soit-il quelques secondes, n'existe pas.
02:00 Donc oui, un enfant à naître a moins de droits qu'un animal.
02:03 Ça veut dire qu'ils n'auront pas réparation, ces parents ?
02:05 Ils auront réparation civile, ils auront une indemnisation qui ne changera pas grand-chose
02:10 franchement à leur vie tant ils sont détruits.
02:12 Mais c'est la reconnaissance de ce que un être vivant, celui qu'Angélique sentait
02:18 depuis des mois, n'existe pas aux yeux de la loi pénale.
02:21 La souffrance, elle vient surtout de là aussi.
02:23 Vous dites dans vos histoires, vous décrivez beaucoup, vous parlez du manque de soutien
02:28 psychologique qui n'est pas gratuit.
02:31 Enfin déjà, ils n'en ont pas et quand ils en ont, c'est pas gratuit.
02:34 Il y a Sophie qui perd son mari motard qui, faute d'argent, va se priver de soutien
02:36 pour assurer celui de ses enfants.
02:39 Muriel qui a perdu son fils.
02:40 Là, tous parlent vraiment du manque de soutien psychologique.
02:44 Ils ont raison d'en parler.
02:46 C'est pour moi un scandale absolu que lorsqu'il y a un accident, l'État ne dépêche pas
02:52 une cellule psychologique comme c'est le cas pour les attentats, les meurtres dans
02:55 les écoles que l'on comprend évidemment parfaitement.
02:57 Je ne comprends pas moi, quand on arrive à l'hôpital pour constater le corps du gamin
03:02 qui vient de mourir, comment un psy qui est au cinquième étage ne descend pas pour accueillir
03:07 ces gens-là, pour les soutenir, pour être le premier soutien, la première épaule.
03:10 Et effectivement, l'État, moi c'est une demande que je formule à l'État.
03:13 On n'en est plus à une dépense près.
03:15 Les dérapages vont continuer de toute façon.
03:17 Pourquoi pas aider financièrement pendant, je ne sais pas, un an, deux ans, les familles
03:21 qui vivent ce genre de choses.
03:24 L'État leur paye une ou deux séances de psy par semaine.
03:28 Je ne pense pas que ça nous fera plus disputer par Bruxelles.
03:31 Et puis, Antoine de Réglet, vous évoquez le cas des assureurs qui ne sont pas réglos
03:34 selon vous.
03:35 Beaucoup d'assurances, effectivement, ne sont pas réglos en ce qu'elles vont culpabiliser
03:39 les victimes pour les indemniser moins.
03:41 Quand l'assurance arrive à démontrer que la victime serait responsable à 20 ou 30%,
03:45 eh bien c'est 20 ou 30% d'indemnisation en moins.
03:48 Donc c'est vrai qu'on a d'un côté beaucoup d'assureurs qui, disons les choses, sont
03:52 cotés en bourse, donc il y a des dividendes, donc il y a des gens derrière qui veulent
03:54 se faire de l'argent sur le dos des victimes.
03:56 Et puis vous avez les victimes qui, elles, doivent, quand elles sont seules, se débrouiller
04:00 face à ces mastodontes.
04:01 Et c'est là où les avocats, les associations sont là pour dire « non, on va essayer,
04:05 nous, de démontrer à l'assurance que vous n'avez pas commis de fautes ». Et c'est
04:09 le pot de terre contre le pot de fer.
04:11 Cette année, il y a eu un changement dans la loi avec la création d'un homicide routier.
04:16 Vous dites que la France pénalise les conducteurs, les auteurs d'homicides routiers, mais ne
04:23 protège pas les victimes.
04:24 Vous parlez d'une coquille vide dans cette proposition de loi ?
04:27 Oui, la seule réponse depuis des années en politique pénale routière, c'est « on
04:32 tape sur l'auteur, toujours plus, toujours plus ». Et les chiffres ne tombent pas, les
04:36 chiffres ne baissent pas.
04:37 Donc c'est qu'on s'est trompé de politique pénale, à mon avis.
04:39 Je crois que oui, c'est une coquille vide, alors le symbole est beau.
04:42 Il fallait changer les mots, c'était une demande des victimes.
04:44 Donc le changement de mot est symbolique.
04:46 Mais on ne gouverne pas par des symboles.
04:48 Quand on fait de la politique, c'est pour changer le quotidien des gens.
04:51 Alors il faudra m'expliquer, mais personne n'y arrivera.
04:53 En quoi ce changement sémantique répare les drames d'hier et prévient ceux de demain ?
04:57 C'est une des nombreuses propositions que nous formulons à la fin de ce livre.
05:01 Et je serai reçu par le garde des Sceaux puisque Mme la députée Violette Spilbout
05:04 me l'a promis hier.
05:05 Nous proposerons de faire payer aux auteurs, conduites sous stupéfiants, conduites sous
05:09 alcool qui créent des dégâts importants, de payer une partie des dommages et intérêts
05:16 avancés par l'assurance.
05:17 Et peut-être que comme ça, ça nous permettra d'avoir certaines assurances avec nous pour
05:22 avancer dans un projet de réforme plus équilibré.
05:23 Vous réclamez un Grenelle pour les victimes ?
05:26 Oui, alors si c'est un Grenelle avec le texte qui est déjà prêt à l'avance,
05:29 auquel on fait des photos et on sourit en disant qu'on a avancé, j'en veux pas.
05:33 Si on fait un vrai Grenelle avec tout le monde autour de la table et des juristes, parce
05:36 que je crois que c'est la loi Badinter qu'on va devoir toucher et franchement…
05:39 Qui est LA référence en termes d'anonymisation des victimes qui date de…
05:43 85.
05:44 5 juillet 85.
05:45 Aujourd'hui, elle tente à s'opposer aux victimes en ce que les assureurs en jouent
05:48 pour culpabiliser les victimes.
05:49 Je crois qu'il faut mettre beaucoup plus de juristes autour de la table que de politiques.
05:53 Merci beaucoup Antoine Reglet, avocat et auteur de « Drame de la route, combat contre l'injustice »
05:59 chez Hugo Dock.
06:00 C'est très éclairant.
06:02 Vous étiez l'invité du 5/7.