Michaël Zemmour, économiste et enseignant à Lyon-2 est l'invité de BFMTV-RMC.
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00:00 Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV avec vous, Michael Zemmour ce matin, bonjour.
00:06 Merci d'être dans ce studio ce matin. Vous êtes économiste, économiste plutôt à gauche,
00:10 vous êtes enseignant-chercheur à l'université de Lyon 2 et je voudrais voir avec vous ce matin
00:15 si vous estimez qu'il y a le feu ou qu'il n'y a pas le feu.
00:17 On nous parle d'économies, de milliards, dizaines de milliards d'économies à faire.
00:22 Alors tout le monde n'est pas absolument d'accord, mais enfin au minimum 10 milliards cette année,
00:26 20 milliards l'an prochain. Essayez de comprendre avec vous les conséquences, de quoi on parle,
00:32 du déficit, de la dette, de la réforme du chômage, la faute à qui ?
00:36 Si on écoute le gouvernement c'est peut-être la faute des chômeurs, on va y revenir.
00:39 Mais je voudrais qu'on commence par écouter les mots du président hier, Emmanuel Macron,
00:44 qui s'est invité semble-t-il dans une réunion où il y avait la majorité, pour faire la leçon.
00:49 La leçon à ses ministres, il a dit "le gouvernement se met dans une situation où il se prend des leçons
00:54 de l'intérieur budgétaire matin, midi et soir par des gens qui n'ont pas voulu voter l'année dernière
00:59 les réformes des retraites". Là il parle des oppositions. Il précise "il ne faut pas que ce soit
01:03 la foire à la saucisse", voilà l'expression d'Emmanuel Macron, "il faut le calme des vieilles troupes".
01:08 Et il dit "nous n'avons pas un problème de dépenses excessives, mais un problème de moindre recette".
01:13 Alors je vous pose tout de suite la question d'abord, est-ce que c'est un problème de dépenses excessives
01:17 ou de moindre recette ou les deux ?
01:19 Il y a effectivement un déficit qui est important et c'est plutôt un problème de moindre recette,
01:24 mais qu'il y a deux choses. D'une part, une croissance qui est plus faible qu'attendue,
01:27 une année 2023 qui n'est pas très bonne. Et puis d'autre part, c'est le gouvernement qui s'est lui-même
01:32 créé ces problèmes de recettes. Depuis 2017, le gouvernement a beaucoup baissé les impôts sur les ménages
01:37 mais aussi sur les entreprises et s'est privé d'à peu près 50 milliards de recettes par an.
01:41 Et donc aujourd'hui, effectivement, quand on regarde la politique du gouvernement dans les années passées,
01:46 on ne voit pas une priorité à la baisse du déficit puisqu'il y a vraiment eu des baisses importantes de recettes
01:51 et en face des baisses de dépenses. Donc on a plutôt le sentiment qu'il y a des baisses de recettes
01:55 qui sont une explication du déficit, mais que le gouvernement en est en partie responsable.
02:00 Alors Bruno Le Maire affirme donc que le retour des déficits sous la barre des 3% reste l'objectif.
02:06 Aujourd'hui, je précise les choses, le déficit est à 5,5% du PIB. Les prévisions, c'était 4,9%,
02:12 ça a donc déjà dérapé par rapport aux prévisions. 1) est-ce que cet objectif, c'est-à-dire repasser sous la barre des 3%,
02:19 qui est une sorte de règle budgétaire européenne, est-ce que c'est tenable et est-ce que c'est souhaitable ?
02:25 Tenable, je ne sais pas, souhaitable, peut-être pas. Effectivement, on a un déficit important.
02:31 Il n'y a pas le feu, vous posiez la question au début. Il n'y a pas le feu parce que la France s'emprunte aujourd'hui
02:35 pour pas cher, mais il y a vraiment une nécessité de réduire au fur et à mesure le déficit
02:39 parce que ça coûte des intérêts chaque année à la France.
02:43 Maintenant, si on fait ça trop vite et si on fait ça en même temps que les autres pays européens,
02:47 il était question de l'Italie sur votre antenne il y a quelques minutes,
02:50 on risque d'avoir le même épisode qu'en 2010 où tous les pays européens ont fait de l'austérité en même temps
02:55 et la conséquence, ça a été un ralentissement économique pendant plusieurs années
02:59 et puis avec des conséquences sociales très dures, on peut se rappeler des fermetures d'hôpitaux,
03:03 des baisses de retraite en Grèce par exemple.
03:05 Est-ce que quand vous mentionnez la Grèce, évidemment ça crée l'effroi.
03:09 La Grèce, on le sait, a traversé une crise budgétaire majeure avec des conséquences pour toute la population,
03:16 pour les fonctionnaires d'abord, mais pour les autres aussi.
03:18 Est-ce que quand on agite cet exemple de la Grèce, on est réaliste ?
03:23 Est-ce qu'à un moment ou à un autre, il faut se dire que la France, ça peut aussi être la Grèce ?
03:27 Non, non, pas du tout. La Grèce était dans une situation particulière.
03:30 L'exemple que je voulais donner de la situation européenne, c'est l'exemple de l'austérité coordonnée.
03:34 Si on fait une austérité coordonnée un peu précipitée, en disant "il y a le feu"
03:38 et tout de suite on coupe dans les dépenses de manière dure,
03:41 on risque de créer des problèmes plus gros que ceux qu'on essaye d'affronter.
03:44 Le déficit c'est un problème, mais il y a d'autres problèmes auxquels on doit faire face.
03:47 Il y a la question de la transition écologique, la question de la santé, de l'éducation aussi.
03:51 Par exemple, quand des écoles ne sont pas suffisamment financées, comme c'est le cas en ce moment en Seine-Saint-Denis,
03:55 ce n'est pas un plus petit problème que le déficit public et il faut tenir les deux ensemble.
04:00 Pour vous, c'est aussi une question de choix dans les priorités, dans ce que l'on tient ou qu'on ne tient pas.
04:05 Vous évoquiez la question des voisins, et est-ce qu'on fait tout ça ensemble ou pas ?
04:09 Est-ce que vous pouvez nous donner une indication sur la situation de l'Allemagne, de l'Italie, de nos voisins ?
04:15 Je ne vais pas passer tous les pays en revue, mais il y a un ralentissement économique important en Allemagne.
04:20 Il y a un ralentissement économique dans beaucoup de pays en même temps.
04:23 Et c'est ça qui est inquiétant.
04:24 Si vous avez un pays qui est très dynamique, c'est un peu plus facile de faire des économies dans les pays voisins
04:29 parce qu'on va bénéficier de leur croissance.
04:31 Si tous les pays sont ralentis en même temps, alors l'austérité coordonnée devient de plus en plus dangereuse.
04:36 Vous parliez de choix politiques, il y a aussi un choix qui, pour l'instant, est celui du gouvernement,
04:40 qui est de dire que le déficit budgétaire, on va le réduire uniquement par la réduction des dépenses publiques
04:45 et absolument pas par une augmentation des recettes.
04:48 Et ça, ça paraît à la fois pas très souhaitable, parce que les dépenses publiques financent des choses utiles,
04:53 et ça paraît même pas très réaliste, parce que si on veut résorber le déficit,
04:57 probablement qu'il faut passer en revue à la fois les baisses d'impôts précédentes et les dépenses publiques.
05:01 Et ça, c'est un vrai choix politique, vous l'assumez d'ailleurs, Michael Zemmour,
05:04 quand on se dit "il faut trouver des sous", soit on en dépense moins, soit on en gagne plus.
05:08 Pour vous, il faudrait aller chercher où.
05:10 Il y a ce fameux mot de super-profit qui a été lancé dans le débat public, sans qu'on sache d'ailleurs précisément ce que c'est.
05:16 Donc je voudrais d'abord, un, que vous nous donniez la définition de ce que sont les super-profits.
05:20 L'autre mot qui a été utilisé, et est-ce qu'on parle de la même chose, c'est le mot de rente.
05:23 On a Gabriel Attal qui a dit "on pourrait taxer les rentes". Est-ce que c'est la même chose de quoi on parle ?
05:29 Ce n'est pas forcément la même chose.
05:31 Les super-profits, il y a des secteurs qui ont fait des taux de marge très importants suite à la crise du Covid.
05:37 Le secteur de l'énergie, le secteur de l'agroalimentaire,
05:40 qui dans un contexte d'inflation, ont réussi à faire des marges encore plus importantes que d'habitude.
05:45 Donc là, on a ce qu'on peut appeler des super-profits, et des choses qu'on peut taxer de manière exceptionnelle,
05:50 y compris pour financer des dépenses publiques.
05:52 Et puis de manière générale, il y a eu des baisses d'impôts qui étaient justifiées selon le gouvernement
05:58 en disant "on va faire des baisses d'impôts, ça va dynamiser très fortement l'économie".
06:02 Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est qu'on a payé trop cher pour ce qu'on obtient.
06:06 Vous pensez à quelle baisse d'impôts en particulier ?
06:08 Par exemple, la baisse de l'impôt sur les sociétés, qui a coûté extrêmement cher, de l'ordre de 10 milliards par an je crois.
06:13 La baisse des impôts de production, ou même des baisses d'impôts sur les ménages dans leur ensemble,
06:19 ou les ménages les plus aisés, la baisse de la taxe d'habitation sur les ménages riches, ça coûte très cher,
06:24 et ça ne dynamise pas beaucoup l'économie française.
06:26 Et donc, ce serait intéressant de passer en revue ces baisses d'impôts, 50 milliards depuis 2017,
06:31 pour voir lesquelles ont été utiles, lesquelles ne le sont pas.
06:34 Utiles au sens "créer de la croissance, créer de l'emploi" ?
06:37 On remplit leur objectif. S'il s'agit simplement de baisser les impôts pour un objectif,
06:41 les impôts ont baissé, y compris sur des ménages qu'on n'a pas forcément besoin.
06:45 S'il s'agit de répondre aux défis, c'est-à-dire croissance, emploi, mais aussi transition écologique,
06:50 on est sans doute passé à côté.
06:52 - M. Zemmour, le mot de "rente" utilisé par G. Attal, est-ce qu'on parle de la même chose ?
06:58 - Je ne sais pas ce que le Premier ministre entend par là.
07:02 La rente en économie, c'est des revenus qui sont produits par une propriété,
07:07 des revenus exceptionnels qui sont produits par une propriété,
07:10 du simple fait de posséder quelque chose qu'on n'a pas forcément produit.
07:14 On pourrait taxer la rente si on le prend au sens large.
07:17 - Ça veut dire quoi ? Ça veut dire une rente immobilière ?
07:19 Ça veut dire des entreprises qui, alors que la situation ne change pas, gagnent davantage ?
07:24 On parle de quoi en fait ?
07:26 - Je ne sais pas ce que le Premier ministre entend.
07:28 - Vous l'a dit ce mot sans expliquer encore précisément,
07:30 mais vous-même économiste, vous ne savez pas de quoi on parle.
07:33 - On pourrait taxer les revenus du patrimoine,
07:36 quand les taxés de manière plus importante sont déjà taxés.
07:40 Emmanuel Macron, en arrivant au pouvoir, a mis en place une sorte de bouclier fiscal,
07:44 le prélèvement forfaitaire unique,
07:46 qui fait que les revenus du patrimoine sont moins taxés à l'impôt sur le revenu
07:50 que les revenus du travail.
07:51 Donc il y a une baisse d'impôt sur les revenus du patrimoine
07:53 par rapport au gouvernement Hollande qui avait augmenté cette imposition.
07:57 Et donc on pourrait faire une partie du chemin en arrière
07:59 et taxer davantage les revenus du patrimoine.
08:01 Dans la période récente, on a constaté une augmentation du taux d'épargne.
08:05 Ça veut dire que probablement les ménages qui ont le plus de moyens
08:08 mettent de côté en ce moment.
08:10 Et donc là, il y a une source de revenus potentielle.
08:12 - Michael Zemmour, est-ce que le gouvernement a été sincère ou insincère ?
08:15 Est-ce que quand ils ont défini le projet de loi de finances,
08:20 ils avaient ou non connaissance de cet état des dépenses ?
08:25 - Ce qu'on peut dire, c'est que la prévision budgétaire du gouvernement
08:28 était très optimiste par rapport à toutes les autres prévisions.
08:31 Et donc quand le gouvernement dit qu'il y a eu un dérapage
08:35 et dit qu'on va faire un plan d'économie de 10 milliards,
08:38 il est un peu le seul surpris de ce dérapage.
08:41 - Est-ce qu'il surjoue la surprise ?
08:44 - Souvent, le gouvernement a tendance à dramatiser.
08:46 On l'avait vu pendant la réforme des retraites.
08:49 Dramatisation, une solution proposée qui n'est pas mise en débat.
08:52 De la même manière, le gouvernement dramatise la situation budgétaire
08:57 et met en place un plan d'économie de 10 milliards
08:59 qui ne met pas en débat à l'Assemblée nationale.
09:01 - Mais si je vous pose la question, Michael Zemmour,
09:03 c'est aussi parce que ça a des conséquences politiques.
09:05 C'est-à-dire que le fait de définir un budget,
09:08 enfin chacun doit le faire dans son propre foyer,
09:11 définir un budget en fonction de ce qu'on pense qu'on va gagner
09:15 et de ce qu'on pense qu'on va dépenser.
09:17 Est-ce qu'au moment où ils font ça, ce gouvernement n'est qu'optimiste
09:23 ou est dans une forme de mensonge en se disant "on va voir si ça passe" ?
09:27 - Un gouvernement peut avoir des bonnes raisons d'être optimiste
09:30 de manière budgétaire, parce que si vous êtes trop pessimiste
09:32 et que vous faites un budget trop serré,
09:35 vous allez vous-même ralentir votre économie.
09:37 Donc ça peut être une bonne raison pour un gouvernement d'être volontariste.
09:40 - Parce que c'est dynamique en quelque sorte ?
09:41 - Parce que c'est dynamique.
09:42 On a intérêt à prévoir que ça va aller mieux,
09:44 pour dépenser un peu plus et accélérer l'économie.
09:46 Là où je comprends moins, c'est la question de la dramatisation
09:51 et en catastrophe, de mettre en place un plan d'économie de 10 milliards
09:54 dont on ne connaît toujours pas très bien le contenu.
09:57 Et puis un jour d'être un peu optimiste
09:59 et de l'autre côté, de ne même pas discuter
10:02 les conditions de l'économie avec l'Assemblée nationale,
10:04 ni le calendrier.
10:05 Est-ce qu'il faut faire les économies tout de suite
10:07 ou est-ce qu'il faut se donner du temps ?
10:08 - Et c'est d'ailleurs là qu'on a ce feu contre-feu
10:12 avec Bruno Le Maire qui d'un côté en effet,
10:15 comme vous le dites, dramatise,
10:17 dit soudain "attention, ça ne va pas et il faut faire des économies"
10:20 immédiate et à moyen terme.
10:22 Et puis on a Emmanuel Macron hier qui a l'air un peu d'engueuler tout le monde
10:25 en disant "mais enfin, ça ne doit pas être la foire à la saucisse,
10:28 il faut le calme des vieilles troupes".
10:30 Sous-entendu, calmez-vous tous.
10:31 Qui croire ?
10:32 - Ça c'est plutôt des propos politiques.
10:36 Mais par contre, encore une fois, dans le "ça ne va pas",
10:39 moi quand je regarde la politique du gouvernement,
10:41 je n'ai pas l'impression que la priorité soit
10:43 à la réduction des déficits.
10:44 La priorité du gouvernement est à la réduction des impôts,
10:48 d'une part, il y a eu des baisses d'impôts,
10:50 et de l'autre côté, à la réduction des dépenses publiques.
10:52 Quand vous regardez le programme et la politique de Bruno Le Maire,
10:55 on a l'impression qu'il a davantage une priorité
10:57 à faire reculer les services publics,
10:59 les dépenses sociales et les impôts,
11:01 qu'à réduire le déficit public.
11:02 - Et on va y venir avec notamment la perspective d'une réforme,
11:06 encore une réforme de l'assurance chômage, je rappelle les chiffres.
11:09 Bruno Le Maire dit qu'il faut 10 milliards cette année,
11:12 son ministre du budget précise également
11:14 qu'il faudra au minimum 20 milliards l'an prochain,
11:17 et pendant ce temps-là, la Cour des Comptes,
11:19 elle, évoque le chiffre de 50 milliards,
11:22 50 milliards d'ici 2027.
11:24 Pour ce qui est des chiffres, est-ce que vous êtes d'accord,
11:27 Michael Zemmour ?
11:28 - Les chiffres, c'est un calendrier.
11:29 Dire qu'il faut réduire le déficit, je suis d'accord.
11:32 Dire qu'il faut faire les économies très rapidement
11:34 et dans des proportions importantes,
11:36 je pense que ça peut se discuter.
11:38 Et puis la troisième question, c'est comment on fait les économies,
11:40 et si c'est en réduisant, par exemple,
11:42 les dépenses de l'assurance chômage,
11:44 ou les dépenses pour l'environnement,
11:46 la transition énergétique ou l'éducation,
11:48 là, je pense qu'il y a un débat à avoir.
11:50 - Alors justement, plongeons-nous dans cette perspective
11:53 de réforme de l'assurance chômage.
11:55 Gabriel Attal a annoncé une nouvelle réforme de l'assurance chômage en 2024,
11:59 avec la volonté, dit-il, de durcir les règles
12:01 pour inciter au retour à l'emploi.
12:04 Alors d'abord, avant de voir comment il fait,
12:05 est-ce que durcir les règles incite à reprendre un emploi ?
12:09 Est-ce que ça marche ?
12:11 - Non.
12:12 Non, globalement, ça ne marche pas.
12:13 C'est-à-dire que d'abord, il faut rappeler
12:15 qu'une personne sur deux au chômage n'est pas indemnisée.
12:17 Donc durcir les règles de l'assurance chômage,
12:19 ça n'agit pas sur tout le monde.
12:21 La deuxième chose, on a constaté que
12:23 quand vous arrivez en fin de droit au chômage,
12:25 une sorte de précipitation est d'accepter un peu plus vite
12:28 un emploi de moins bonne qualité,
12:29 dégradé ou à des conditions de salaire plus faibles.
12:32 Par contre, on n'a pas de preuve que ça réduit le chômage,
12:34 puisque souvent, vous allez prendre plus vite un emploi
12:36 qu'une autre personne aurait prise
12:37 et peut-être qu'elle avait plus les qualifications.
12:39 En fait, il y a deux visions de l'assurance chômage.
12:41 Pour les salariés, pour les syndicats
12:43 et même parfois pour le patronat,
12:44 l'assurance chômage, c'est une sécurité.
12:46 C'est-à-dire que si vous êtes à un moment privé d'emploi,
12:49 suite à un licenciement, suite à une rupture conventionnelle,
12:52 l'assurance chômage est là pour remplacer une partie de votre salaire
12:55 et vous permettre de faire une transition.
12:57 Puis il y a la deuxième vision, qui est celle du gouvernement,
12:59 qui considère l'assurance chômage comme un instrument
13:02 de gouvernement du marché du travail.
13:04 En se disant, on va mettre sous pression le marché du travail
13:07 pour espérer réduire le chômage.
13:08 Et en faisant ça, d'une part, ça ne marche pas très bien,
13:11 en tout cas, on n'a pas de preuve que ça marche.
13:12 On en est à la troisième, quatrième réforme.
13:14 On n'a pas d'études qui montrent que ça a été très efficace.
13:16 Disons que le chômage, on peut quand même le dire, a baissé.
13:19 Alors là, il remonte légèrement.
13:20 Emmanuel Macron avait promis le plein emploi en France à l'horizon 2027.
13:24 Le plein emploi, c'est un chômage aux alentours de 5 %.
13:28 On est aujourd'hui aux alentours de 7,5 %.
13:31 On est bien d'accord ?
13:32 Oui, bien sûr.
13:33 Le chômage a baissé, plutôt par une reprise de l'activité économique globale,
13:37 aussi par d'autres choses, par exemple la mise en apprentissage
13:40 de nombreux jeunes en apprentissage.
13:42 On n'a pas d'élément qui nous montre que les réformes
13:44 d'assurance chômage, qui ont eu lieu pour la plupart après
13:48 cette baisse du chômage, ont eu un effet sur le chômage.
13:51 Par contre, on a des éléments concrets pour montrer que d'une part,
13:53 ça durcit les conditions de vie des personnes au chômage,
13:56 et puis ça diminue aussi la sécurité des salariés en poste.
14:00 C'est-à-dire que pour les relations avec les employeurs,
14:02 pour les négociations salariales, la pression sur l'assurance chômage,
14:05 c'est aussi une pression, par exemple, sur les salaires.
14:07 Avec une question aussi qui est celle de la désmicardisation,
14:11 qui est l'un des objectifs aujourd'hui du gouvernement.
14:14 On va y revenir dans un instant.
14:16 Comment distinguer davantage le travail qui paierait davantage
14:20 que le fait de ne pas travailler ?
14:21 Mais sur cette réforme de l'assurance chômage, il y a deux leviers.
14:24 Celui du montant des indemnisations et celui de la durée d'indemnisation.
14:29 Il y en a même un troisième, qui est celui de l'activation des droits.
14:32 Au bout de combien de temps est-ce que ces droits seraient activés ?
14:35 Ces trois points-là.
14:38 Quel est celui qui est privilégié, semble-t-il, par le gouvernement ?
14:41 Quelle est pour vous la zone rouge qu'il ne faut absolument pas atteindre ?
14:45 Le gouvernement fait mine de dire aux partenaires sociaux
14:49 de se mettre d'accord entre eux, mais en fait il leur donne une feuille de route
14:52 qui est tellement pas acceptable qu'on peut prévoir qu'elle ne va pas aboutir.
14:56 Il a déjà fait ça trois fois lors des négociations.
14:58 Ils sont en discussion déjà actuellement sur un point précédent
15:00 qui n'a déjà pas abouti, puisque l'une des discussions
15:03 qui devait se boucler cette nuit, discussion entre les partenaires sociaux,
15:07 ils n'ont pas réussi à se mettre d'accord hier,
15:09 ils pensent réussir à se mettre d'accord dans les jours qui viennent.
15:12 C'est sur la question de la vie au travail et des seniors.
15:15 Mais ça veut dire qu'ils n'arrivent déjà pas à se mettre d'accord là-dessus.
15:17 C'est surtout que sur l'assurance chômage,
15:20 les lignes rouges en fait, elles ont déjà été franchies depuis longtemps.
15:23 Si vous êtes un jeune, que vous travaillez cinq mois en CDD, par exemple,
15:27 et que vous perdez un emploi, il y a un an et demi,
15:30 vous aviez le droit au chômage pour chercher l'emploi suivant.
15:33 Aujourd'hui, si vous avez moins de 25 ans, que vous perdez votre emploi,
15:35 que vous avez travaillé cinq mois, vous n'avez plus le droit au chômage
15:37 et vous n'avez pas le droit au RSA parce que vous n'avez pas 25 ans.
15:39 Donc vous êtes dans un trou.
15:40 Vous êtes complètement dans un trou et vous dépendez de la solidarité familiale,
15:44 d'un contrat jeune si vous en trouvez un, etc.
15:46 Donc le durcissement, il a déjà eu lieu du côté des jeunes, par exemple,
15:50 du côté des personnes en activité réduite qui étaient au chômage
15:52 quelques jours par semaine.
15:54 Il a aussi eu lieu du côté des seniors.
15:56 C'est-à-dire qu'on sait que les personnes qui sont sans emploi
15:59 autour de 58-59 ans ont beaucoup de mal à retrouver un emploi.
16:02 Il y a eu la réforme des retraites qui a décalé le point d'arrivée à la retraite.
16:05 Et il y a eu un raccourcissement de la durée d'indemnisation.
16:08 En fait, il y a déjà eu des réformes extrêmement dures.
16:10 L'indemnisation du chômage a baissé de 16% en moyenne, mais plus pour certains profils.
16:15 L'accès à l'indemnité chômage a aussi été restreint.
16:20 Et donc personne ne pense réellement, d'une part, qu'il faut un nouveau tour de vis
16:25 et d'autre part, que ça va améliorer les chiffres du chômage.
16:28 Y compris d'ailleurs des économistes qui sont plus proches d'Emmanuel Macron,
16:32 qui l'ont souvent conseillé, disent aujourd'hui "stop, halte au feu, faisons une pause,
16:36 évaluons les réformes qui ont déjà été faites et regardons ce que ça a donné".
16:40 - Mikaël Zemmour, la question de la désmicardisation du pays.
16:43 Gabriel Attal insiste sur la nécessité.
16:45 Je cite "que le travail paye davantage que le fait de ne pas travailler".
16:49 Est-ce qu'aujourd'hui, il existe une forme de trappe
16:53 dans laquelle seraient pris à la fois ceux qui ne travaillent pas,
16:56 qui ne sont pas forcément encouragés à reprendre un travail
16:58 parce que l'effort que ça demanderait par rapport aux gains financiers n'est pas suffisant ?
17:03 Et par ailleurs, est-ce que ceux qui travaillent ont du mal à décoller de cette zone du SMIC ?
17:08 - Alors cette expression de dire "le travail paye moins que de ne pas travailler", c'est trompeur.
17:13 Globalement, ce n'est pas vrai.
17:14 Il y a une étude de France Stratégie qui montre par exemple que pour les personnes au minima sociaux...
17:18 - France Stratégie est une agence de l'État, donc qui n'est pas censée être politique.
17:23 - Bien sûr, qui montre qu'il y a quelques années, quelques dizaines d'années, ça pouvait être vrai,
17:27 mais quand on est au minima sociaux et qu'on reprend un travail même à mi-temps,
17:30 le niveau de vie augmente, par contre on ne sort pas forcément de la pauvreté.
17:34 Quand on est au chômage, la loi dit qu'on ne peut jamais toucher plus de 75% de son salaire de référence.
17:39 Donc ce n'est pas vrai de dire qu'on vit mieux sans travailler qu'en travaillant,
17:43 sauf à dire que si vous êtes cadré au chômage,
17:45 oui effectivement vous avez une indemnité chômage qui est supérieure au SMIC,
17:49 mais c'est la vocation de la science chômage.
17:51 Donc cette idée de dire que le travail paye moins que de ne pas travailler, c'est faux.
17:56 Ensuite, effectivement, le travail ne paye pas beaucoup en ce moment, on a une panne des salaires.
18:01 Il y a un mot que je n'aime pas beaucoup qui est SMICARDISATION,
18:04 je n'aime pas beaucoup parce que le SMIC, ça a vraiment permis de maîtriser les inégalités salariales historiquement en France.
18:10 Mais on a plus de personnes qui se retrouvent au SMIC en ce moment, à peu près 17% des salariés qui sont au SMIC.
18:15 - Contre 10% il y a encore quelques années.
18:17 - Contre 10-11% il y a quelques années.
18:18 - C'est aussi dû au fait que le SMIC a augmenté quand même.
18:20 - Alors en fait, le SMIC n'a pas bougé en pouvoir d'achat.
18:23 Il a suivi l'augmentation des prix et donc il a augmenté en euros, mais son pouvoir d'achat n'a pas bouché.
18:28 Ce qui s'est passé, c'est que les autres salaires ont baissé,
18:30 c'est-à-dire qu'ils n'ont pas suivi l'augmentation des prix.
18:33 Et du coup, des gens qui étaient un petit peu au-dessus du SMIC, ils se retrouvent au SMIC.
18:36 - Mais est-ce qu'il y a un plafond ?
18:37 C'est-à-dire, est-ce qu'il y a un plafond, une sorte de faux plafond qu'on pourrait réussir à faire sauter,
18:42 qui permettrait effectivement à ceux qui sont au SMIC et qui y sont un peu coincés ?
18:47 Gabriel Attal précisait que ça coûtait en réalité très cher à ce niveau-là d'augmenter juste de 100 euros un salarié.
18:53 Ça coûtait quasiment 500 euros pour l'employeur, pour un gain en réalité minime,
18:57 parce que même compensé par le fait de se retrouver à perdre d'autres aides par ailleurs.
19:02 Bref, ça n'est plus l'intérêt de personne avec cette prime d'activité.
19:06 Est-ce que, oui ou non, il faut faire sauter un de ces verrous
19:10 et que ça permettrait de pouvoir reprendre le chemin d'un salaire plus élevé ?
19:14 On peut aménager un peu les exonérations de cotisations sociales à la prime d'activité,
19:18 mais je pense que le gouvernement se trompe de diagnostic.
19:20 Il y a deux raisons pour lesquelles les salaires n'augmentent pas.
19:22 Première raison, on a eu des années de croissance faible,
19:24 et donc il y a des entreprises qui ont des difficultés.
19:26 Mais la deuxième raison, c'est qu'on a eu pendant des décennies des politiques
19:29 qui avaient pour but de désarmer la négociation salariale.
19:32 Les gouvernements ont mis en place, par exemple, le gel du point d'indice dans la fonction publique.
19:36 Non seulement ça n'augmente pas les fonctionnaires,
19:38 mais ça crée un climat sur le marché du travail qui n'est pas favorable à la négociation salariale.
19:42 Deuxième exemple, la prime Macron.
19:44 Elle est là exactement pour dire aux employeurs,
19:47 si vous voulez rémunérer vos salariés, on met une prime à disposition,
19:51 ce qui vous permet de ne pas augmenter les salaires.
19:53 On a plein d'exemples comme ça.
19:55 Qui n'ont pas encouragé l'augmentation des salaires.
19:57 Qui ont encouragé même à ce que les salaires diminuent en pouvoir d'achat réel.
20:01 Et donc, si on veut réamorcer l'augmentation des salaires,
20:06 ce qui probablement se produira dès qu'il y aura un peu de croissance,
20:09 il faut sans doute aussi revenir, pas seulement sur la fiscalité,
20:12 mais sur la législation du marché du travail,
20:14 et notamment avoir des accords de branches qui sont plus contraignants.
20:17 Merci Michael Zemmour de nous avoir aidé à y voir plus clair.
20:19 Michael Zemmour, économiste, pour vous, en tout cas, il n'y a pas forcément le feu.
20:23 Il faut réformer, mais de manière plus douce.
20:25 Et puis, évidemment, vous estimez que c'est du côté des recettes qu'il faut aller chercher l'argent.
20:30 8h53 sur RMC BFM TV.