• il y a 8 mois
Alors qu'une réunion interministérielle sur la sécurisation des établissements scolaires est organisée cet après-midi, Carole Zerbib, proviseure adjointe au lycée Vauquelin à Paris, membre du syndicat SNPDEN-UNSA, est l'invitée de Amandine Bégot.
Regardez L'invité de RTL du 04 avril 2024 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL Matin
00:06 Il est 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Les recteurs d'académie et les préfets sont convoqués aujourd'hui au ministère de l'Intérieur
00:13 pour évoquer la sécurisation des établissements scolaires.
00:16 Amandine Bégaud, vous recevez ce matin une chef d'établissement justement, Carole Zerbib, qui est proviseure à Paris.
00:21 Proviseure au lycée Vauclin dans le 13e arrondissement de Paris, membre également du syndicat national des personnels de
00:28 direction de l'éducation nationale, qui est le premier syndicat des personnels de direction.
00:32 Carole Zerbib, diriez-vous ce matin que le métier de proviseur est devenu un métier à risque ?
00:37 Alors oui, ça peut le devenir. On l'a vu
00:40 récemment dans l'actualité.
00:43 Effectivement, on prend conscience que d'une minute à l'autre, tout peut basculer
00:48 dans notre métier. En fait, on est quand même très exposé.
00:52 On lit de plus en plus de témoignages de proviseurs qui racontent avoir reçu des menaces, aller dans leur établissement,
00:59 la boule au ventre. Plus de 31% d'incidents graves dans le second degré en cinq ans, ce sont les chiffres d'un rapport du Sénat.
01:07 C'est une réalité quotidienne qui n'épargne aucune zone.
01:10 Oui, l'augmentation des violences est perceptible
01:15 partout. Alors, ce sont des violences de nature différente, mais elles existent et elles sont aujourd'hui
01:22 en augmentation. Vous-même, vous avez déjà été menacé ? Oui.
01:26 Dans quelles circonstances ? Des parents d'élèves qui ne comprennent pas une sanction, qui contestent une sanction, un conseil de discipline.
01:33 Là aussi, on annonce une exclusion
01:35 définitive que les familles n'acceptent pas et ne comprennent pas. Et où fusent les insultes et parfois les tables.
01:43 Les menaces ? Et les menaces. Vous vous menacez de quoi ? On menace de me casser la figure, de me retrouver
01:50 à la sortie de l'établissement et j'ai plusieurs fois dû porter plainte et je pense qu'on est
01:55 plusieurs collègues à avoir dû le faire. Oui, ça arrive. Et au moment aujourd'hui où vous prenez une sanction, vous pensez à ça ?
02:01 Non, moi j'y pense pas.
02:04 Je fais mon métier.
02:06 Mon travail, c'est de faire respecter la loi. Je suis le premier représentant de la loi dans un établissement scolaire
02:11 et je fais ça. Je ne pense pas forcément aux conséquences. Peut-être que je devrais.
02:18 On a bien sûr, et vous le sous-entendiez tous en tête, le cas du proviseur du lycée Maurice Ravel à Paris, qui a été menacé
02:24 de mort après avoir demandé à une élève de retirer son voile. Il a démissionné la semaine dernière pour raison de
02:29 sécurité. Ça paraît quand même fou qu'en 2024, aujourd'hui, dans un pays comme la France, on ne soit pas capable de protéger la sécurité
02:36 d'un proviseur. On recevait l'avocat Richard Malca en tout début de semaine à votre place ici même sur RTL et il nous disait c'est une
02:43 défaite cataclysmique pour la République. Vous êtes d'accord avec ça ?
02:47 Alors,
02:49 on va continuer à faire ce qu'on a à faire. On va continuer à être la digue face aux obscurantismes
02:54 et à ceux qui veulent déstabiliser
02:58 l'école. Alors,
03:01 c'est pas vraiment une défaite. C'est-à-dire qu'il fallait protéger ce proviseur des menaces
03:07 qui venaient. Je pense que lui aurait aimé
03:10 rester à son poste. Mais quand les menaces sont trop importantes, eh bien
03:15 il est en retrait pour être protégé. L'État n'est pas capable de protéger un proviseur dans un établissement.
03:20 Ça c'est une défaite. Mais parce que ça met aussi
03:23 en protégeant le proviseur, on protège aussi les élèves et c'est ça qui est important.
03:30 Le protéger, le retirer, c'est aussi protéger toute une communauté scolaire. Et si c'est la seule solution
03:36 pour protéger la communauté scolaire, eh bien oui, il fallait en arriver là. Mais j'allais vous dire c'est comme... Maintenant les causes sont...
03:44 Les causes, il faut les traiter. Et on va en parler, mais là on en est au point où, comme pour le harcèlement à une époque,
03:51 c'est le harcelé qui s'en allait. Et on laissait le harceleur dans l'établissement.
03:56 Là c'est pareil, on fait partir finalement celui qui est en danger, la victime.
04:01 Oui, alors après, à nous de rappeler fermement
04:05 les règles de l'école, que nous ne reculerons pas et que nous continuerons à appliquer
04:11 la laïcité dans les établissements
04:14 scolaires, ça c'est le message que nous continuons de faire passer. Maintenant il fallait protéger un individu et une communauté éducative.
04:21 Donc ça, c'était la solution.
04:24 On évoquait ce lycée Maurice Ravel. Il y a un certain nombre de professeurs qui ont été
04:29 interrogés suite à ces menaces. Une professeure de musique notamment, qui expliquait il y a quelques jours dans le journal Le Palais Résilient que les élèves
04:35 refusaient de chanter pendant le ramadan parce que c'était à rame. Pêché.
04:40 Face à cela, Nicole Belloubet a répondu cette semaine "il faut expliquer,
04:43 dialoguer". Alors j'ai envie de vous dire, bien sûr, l'idéal c'est d'expliquer, de dialoguer.
04:47 Sauf que dans la pratique, on a l'impression que ça ne suffit plus aujourd'hui de dialoguer.
04:52 Alors notre travail éducatif, effectivement, c'est d'expliquer la règle. Là on a à faire face à une
05:02 contestation d'enseignement. Ça c'est typiquement
05:04 ce à quoi on a à faire face. Un élève qui refuse de faire quelque chose qui est prévu dans les programmes
05:10 de la République. Et bien à partir du moment où on n'accepte pas le programme de la République, je crois que là
05:15 il y a aussi à travailler avec les élèves et les familles et rappeler que quand on est dans l'école de la République,
05:20 on respecte toutes les règles. Sinon on fait un autre choix de scolarisation.
05:23 On respecte toutes les règles ou on s'en va. C'est ce que vous nous dites ce matin. Il faut durcir le ton.
05:28 Si on n'accepte pas les lois de l'école de la République,
05:32 si on n'accepte pas le contrat républicain,
05:36 alors bien sûr qu'il faut expliquer, mais si les élèves persistent, à un moment il faut peut-être proposer une autre
05:41 scolarisation qui soit peut-être plus en phase aux idées des élèves et notamment peut-être des établissements confessionnels.
05:47 Quand vous entendez la ministre de l'éducation nationale dire ça, il faut dialoguer,
05:51 expliquer. Elle n'est pas en peur de ça. Je ne vous pose pas la question pour la critiquer à tout prix, mais
05:56 est-ce que les pouvoirs publics aujourd'hui ont bien pris conscience de là où on en était ?
06:01 J'espère qu'on a pris la mesure
06:04 des difficultés que rencontre l'école.
06:06 Ce que dit la ministre, c'est vrai que
06:09 notre rôle de pédagogue, c'est de privilégier le dialogue. Mais il y a un moment quand on arrive au bout du dialogue,
06:16 eh bien il faut aussi rappeler avec fermeté la loi. Le dialogue on l'a eu sur la baïa.
06:22 Finalement, l'interdiction a quasiment résolu le problème. Tout à fait. Il y a eu un rappel ferme à la loi
06:30 sur l'interdiction des tenues religieuses à l'école et il n'y a pas eu de difficulté.
06:35 Les élèves ont respecté la loi. Plus de fermeté règle peut-être les problèmes. En tout cas, dans la situation
06:40 des tenues religieuses, effectivement, le ministre Attal, en rappelant fermement la loi, a réglé le problème.
06:48 Les recteurs d'académie et les préfets sont aujourd'hui réunis au ministère de l'Intérieur pour évoquer justement la question de la sécurisation des établissements scolaires.
06:56 Ça veut dire quoi sécuriser les établissements scolaires ? Mettre des forces de l'ordre à l'entrée des collèges et des lycées par exemple ?
07:02 Alors, c'est terrible pour nous d'entendre ça. Parce qu'un établissement scolaire ne doit pas être un bunker.
07:08 Pour nous, un établissement scolaire doit être ouvert sur le monde,
07:14 ouvert sur les autres. Mais face aux attaques physiques, il y a aussi des attaques numériques,
07:19 eh bien il faut que l'établissement arrive à mettre en place des choses pour se protéger
07:25 et éviter
07:26 des catastrophes.
07:28 Donc oui, on est obligé de sécuriser les établissements, de trouver des solutions.
07:32 Carole Zerbi, on aurait eu cette même discussion il y a dix ans, il y aurait eu
07:36 des centaines d'enseignants et de proviseurs qui seraient insurgés contre ça, des forces de l'ordre devant un établissement. Aujourd'hui on a l'impression
07:43 que c'est la seule solution. En tout cas, vous ne dites pas non ?
07:47 Eh bien parce que notre priorité c'est la sécurisation des élèves et des personnels.
07:53 Les choses ont évolué. Oui, les choses ont évolué. Bien sûr, face aux menaces et aux attaques,
07:58 il faut bien aussi qu'on essaie de trouver des solutions pour se protéger.
08:03 Après la fin du lycée Maurice Ravel, Nicole Belloubet a annoncé l'instauration d'une force mobile, une vingtaine de personnes qui seront capables de venir
08:09 rassurer les personnels en cas de tension dans un établissement.
08:12 20 personnes, est-ce que c'est suffisant ? Ça paraît dérisoire, il y a 28 000 incidents graves, je crois,
08:18 dans les établissements secondaires, 20 personnes pour 28 000 incidents ?
08:23 Alors ce dispositif existe déjà au niveau académique.
08:26 Voilà, donc quand on a des difficultés, on fait appel à ces équipes, ça s'appelle les équipes mobiles de sécurité,
08:31 qui se déplacent dans les établissements. L'idée là de la ministre en créant cette équipe mobile
08:38 nationale, c'est de pouvoir intervenir dans les établissements qui rencontreraient des crises graves et durables.
08:44 Nous, tout ce qui nous permet, tout ce qui permet un accompagnement renforcé est bienvenu. Bien sûr que ces équipes
08:52 composées de professionnels qui vont permettre de travailler avec les équipes, de faire face aux difficultés,
08:57 eh bien c'est une idée qui est plutôt bienvenue pour nous.
09:02 Carole Zerbi, dernière question, on évoquait le cas de ce proviseur du lycée Maurice Ravel, avant cela il y a eu
09:06 Samuel Paty, Dominique Bernard, est-ce que vous retoutez d'autres drames ? Bien sûr. Vous y pensez ? Oui. Tous les jours ? Oui.
09:13 Merci beaucoup.

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