Certaines influenceuses sur les réseaux sociaux notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Brésil, au Japon, défendent le retour du modèle de la femme dévouée et au foyer. Ce phénomène porte un nom: "tradwife" pour "traditionnal wife". Elles se construisent en opposition au féminisme. Ce type d'influenceuses n'existent pas encore en France.
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00:00 -Retour sur le plateau de première édition, il est 7h19,
00:02 pour évoquer un phénomène dont vous avez peut-être déjà entendu parler,
00:06 mouvement véhiculé par des influenceurs,
00:09 influenceuses qui plaident en faveur du retour de la femme au foyer.
00:13 -Dévouée. -Voilà.
00:14 S'occupant des enfants, de la cuisine,
00:17 au service de son mari, le vieux modèle de nos grands-parents,
00:20 pour ne pas fâcher nos parents.
00:22 C'est pour ça qu'on a demandé à Johanna de nous accompagner.
00:26 Vous avez entendu parler de ce phénomène ?
00:29 -Oui, les tradwives sur TikTok, même en France,
00:32 on a entendu parler. -De plus en plus.
00:34 -C'est le retour aux valeurs conjugales traditionnelles,
00:37 avec des épouses soumises à leur mari,
00:39 toujours souriantes, brushing impeccable,
00:41 collées en cuisine.
00:43 On va décrypter ça avec Johanna.
00:45 On regarde le reportage de Tom Beck et Guillaume Lavial.
00:48 -Ce sont des influenceuses qui prônent un retour au foyer,
00:52 ainsi qu'obéissant ces soumissions dans le couple.
00:54 Les "traditional wives", littéralement, les femmes traditionnelles,
00:58 sont en vogue sur les réseaux sociaux en Angleterre.
01:00 Faire le ménage, s'occuper des enfants
01:03 et obéir au doigt et à l'oeil à son mari,
01:05 voilà le modèle familial prôné,
01:07 un contenu qui choque les femmes à qui on a montré ces vidéos.
01:10 -Ca est très dégradant pour la femme,
01:12 après tous les droits qu'on a réussi à acquérir
01:15 depuis des dizaines d'années.
01:17 -On revient aux années 40.
01:18 -On n'a pas besoin de ce genre de contenu en 2024, je pense.
01:22 -Clairement, je suis maman d'enfant, je travaille,
01:25 je m'éclate aussi à faire tout ça, sans me dire "génial,
01:28 "je vais relancer le mode des années préhistoriques".
01:31 -Cette tendance, venue des Etats-Unis,
01:33 s'oppose clairement aux mouvements féministes contemporains.
01:36 -Ils disent que les féministes sont contre la liberté des femmes
01:41 en les forçant à aller travailler, à rivaliser avec les hommes,
01:44 alors qu'en réalité, les mouvements féministes,
01:47 ils vont plutôt porter le fait que la femme est libre
01:50 dans ses choix de travailler si elle le souhaite.
01:52 -A l'heure actuelle, ce type d'influenceuse
01:55 est francophone.
01:56 -Je ne suis pas féministe, alors évidemment qu'une femme
01:59 devrait toujours respecter l'autorité de son mari.
02:01 -Mais certaines personnalités d'extrême droite
02:04 appliquent déjà leur discours.
02:06 -C'est un phénomène tangible, réel ?
02:08 Ca correspond à quelque chose ?
02:10 -C'est un phénomène qu'on retrouve surtout
02:12 dans les pays anglo-saxons, un peu aussi au Japon.
02:15 Il semblerait, en Amérique du Sud,
02:17 on pourrait dire les "trad wives",
02:19 ou le dangereux fantasme d'un passé
02:22 où seuls les hommes comptaient.
02:24 Donc, Marie a raison, ça fait quand même
02:26 309 millions de vues sur TikTok.
02:28 Ca prône les valeurs patriarcales des années 50,
02:31 l'âge d'or des femmes au foyer.
02:33 La figure de proue des "trad wives",
02:35 c'est Elena Kate.
02:37 C'est une Britannique, star des réseaux sociaux,
02:40 qui revendique la soumission à son mari.
02:42 Je la cite, parce que j'ai écouté
02:44 certaines de ses vidéos, vous verrez, c'est angoissant.
02:47 "Je ne dis pas que mon mari est supérieur,
02:49 "mais il est plus fort, moins émotif et plus pertinent.
02:53 "Je le soumets volontiers à lui
02:54 "et je lui fais confiance pour prendre les décisions."
02:57 8000 abonnés sur son compte YouTube.
02:59 -C'est pas beaucoup. Lorraine ?
03:01 -Je pense à Ballerina Farm, que je suis moi-même sur Instagram,
03:05 qui est suivie par 9 millions de personnes.
03:07 Elle ne fait pas des discours où elle revendique,
03:10 mais c'est son style de vie.
03:12 C'est une femme qui a 8 enfants,
03:14 qui vit à la campagne, c'est une Américaine,
03:16 elle vit dans une région des Etats-Unis
03:19 où elle fait son pain elle-même,
03:21 elle vit en Chine, elle élève ses enfants dans la nature,
03:24 elle les a laites très longtemps.
03:26 Il y a un retour dans les valeurs traditionnelles
03:29 et c'est une nouvelle injonction.
03:31 -Je parlerais plutôt de régression.
03:34 On valorise le rôle de l'homme en tant que chef de famille
03:38 et la femme à la maison, comme tu disais,
03:41 une soumission et un respect de la femme
03:43 à l'égard de son époux, une critique du féminisme
03:46 et de l'égalité homme-femme.
03:48 En gros, c'était mieux avant,
03:50 les femmes sont confinées dans une posture domestique,
03:53 diminuées dans leur autonomie, leur émancipation.
03:56 Il y a un retour de tous les stéréotypes de genre
03:59 et les femmes sont entravées, encore une fois,
04:01 dans leur posture de femme.
04:03 -C'est une tendance dans certains pays musulmans.
04:06 -De ce que j'ai vu, on parle des pays anglo-saxons,
04:09 du Royaume-Uni également, du Brésil et du Japon, pour l'instant.
04:13 La grande question, c'est est-ce que ça va arriver en France ?
04:16 Est-ce que cette mode va commencer à cartonner en France ?
04:20 Pour moi, je suis un petit peu optimiste,
04:23 mais pour moi, la France, elle a une tradition féministe énorme
04:28 depuis la deuxième vague des années 70.
04:30 La libération de la femme est passée par de nombreux domaines,
04:34 la société, le travail, la famille, la sexualité, la culture.
04:37 La France, c'est aussi Simone Veil, Simone de Beauvoir,
04:41 Elisabeth Badinter.
04:42 On ne peut pas retourner vers ce mode-là.
04:44 -Ce qui m'étonne, c'est que ces valeurs,
04:47 elles sont souvent véhiculées par des femmes elles-mêmes.
04:50 C'est étonnant, ça. Marie.
04:53 -Ou est-ce qu'on met la limite ?
04:55 A partir de quand on peut considérer
04:57 que ça va devenir une relation abusive ?
04:59 Quand on prône la soumission extrême,
05:01 comme le font certaines tradwives,
05:04 on peut dire qu'on est dans l'abus de la femme du mari.
05:07 -Quand on les écoute toutes, elles ont un message
05:10 d'une décision prise personnellement,
05:12 d'une forme de conviction de ce retour nécessaire
05:15 de la femme au foyer des années 50.
05:17 Il faudrait pouvoir échanger avec elles.
05:20 J'adorerais pouvoir discuter avec elles
05:22 pour voir s'il y a de la soumission
05:24 qui serait liée à une emprise de couple.
05:26 Elles s'en défendent.
05:28 -C'est pas lié à une esthétique ?
05:30 Quand on les voit dans ces vidéos,
05:32 on pense, pour ceux qui l'ont vu,
05:34 à la série des "Spirit House Wives",
05:36 à "Breathe in the Camp",
05:38 il y a une esthétique de la femme au foyer dévouée.
05:40 Avec le serre-tête, des robes afriolentes, parfois.
05:43 On a l'impression qu'elles se réveillent
05:46 pour être belles.
05:47 Est-ce que ça correspond pas à des codes Instagram d'esthétique ?
05:50 Au fond d'elles-mêmes, elles ne sont pas autant sous l'emprise
05:54 qu'elles veulent le montrer.
05:56 -C'est possible, mais pour moi,
05:57 c'est le côté pervers de cette tendance-là.
06:00 C'est sous couvert de beauté, d'évanescence,
06:03 d'épanouissement à la maison.
06:05 On fait passer un message antiféministe très fort.
06:07 -C'est pour ça que je parlais d'injonction faite aux femmes.
06:11 Il y a une femme qui était femme au foyer
06:13 qui dit qu'elle ne fait pas une affaire,
06:15 même si ça m'éclate.
06:17 On a l'impression que c'est une esthétique rêvée
06:20 de la femme au foyer, avec des règles imposées aux femmes
06:23 de comment être une bonne mère et une bonne épouse,
06:26 Mathieu, en général.
06:27 -La France est un des pays où les femmes travaillent le plus
06:31 quand on regarde nos voisins.
06:33 On n'en prend pas forcément le chemin.
06:35 -Merci beaucoup. -Merci.
06:36 -On surveille. -Exactement.