Après plusieurs autres villes de France, c'est au tour de Toulouse et de Nantes d'être visées par des opérations anti-drogues massives, baptisées "place nette XXL" par le ministère de l'Intérieur.
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00:00 Elles sont nécessaires ? Est-ce qu'elles sont suffisantes ? Sans doute pas, mais elles sont nécessaires pour donner un signal.
00:05 Le trafic de drogue s'est considérablement développé dans notre pays au cours de ces dernières années.
00:10 Et c'est sans doute un des angles morts des politiques de sécurité.
00:15 À tel point que des quartiers aujourd'hui sont tenus par les trafiquants de drogue.
00:20 Donc il était important qu'à un moment l'État, et je crois que je reconnais à Gérald Darmanin
00:26 l'expression de cette volonté, que l'État
00:29 manifeste la volonté de reprendre pied dans ces quartiers.
00:32 Maître Koraïtem, vous qui connaissez bien les mécanismes du trafic de drogue, est-ce que ces opérations
00:39 déstabilisent réellement le trafic en France ?
00:42 Pour être tout à fait franc, je ne suis pas certain.
00:45 Ce sont des mesures
00:47 cosmétiques, c'est de la communication.
00:49 En réalité, la police, la magistrature, la justice, de façon générale, luttent quotidiennement contre le trafic de produits stupéfiants.
00:57 Là, j'ai le sentiment, si vous voulez, que dans des affaires pour lesquelles il faudrait
01:02 faire de la dentelle, en réalité, on essaye de tuer les mouches avec un marteau.
01:08 On envoie la police,
01:11 on arrête quelques vendeurs qui sont en réalité des fusibles, mais le haut du panier du trafic de stupéfiants, tout le monde le sait,
01:18 ne se trouve pas dans les fours, les fameux terrains de vente.
01:22 C'est les points de deal, oui.
01:23 Voilà, sur les points de deal.
01:25 Le haut du panier se trouve ailleurs que sur ces points de deal.
01:28 Donc on peut couper la mauvaise herbe à cet endroit-là, mais elle repoussera quelques temps plus tard.
01:32 C'est un simple constat de la façon dont le trafic de stupéfiants fonctionne et fonctionnera tout le temps.
01:39 Qu'est-ce que vous répondez à ça, François Dureau ?
01:41 Je l'ai indiqué tout à l'heure,
01:42 nécessaire, parce qu'il fallait donner un signal, y compris parce que je le reconnais, ça peut être considéré comme une opération de communication,
01:49 mais il faut aussi que la peur change de camp.
01:51 Et donc ce signal était important, ce n'est sans doute pas suffisant,
01:55 parce que je partage le point de vue selon lequel ces trafics existent au quotidien,
02:01 que malheureusement ce n'est pas une opération de police un matin à 6 heures qui permettra vraiment de créer des places nettes.
02:07 Il faut des actions continues de la part de la police, il faut que la police ait des instructions claires pour intervenir de façon régulière pour stopper l'ensemble de ces trafics.
02:17 Gérald Darmanin disait 1738 opérations depuis le début de ces places nettes XXL, qu'est-ce qu'il veut dire ce chiffre ?
02:22 Ça ne veut pas dire grand-chose, tout dépend de ce qui a été récupéré.
02:27 J'ai vu quelques chiffres également sur les quantités de stupéfiants saisis.
02:31 On est à 150 kilos saisis.
02:33 Je vous le dis franchement, c'est rien du tout.
02:35 150 kilos de cannabis, une personne dans un camion faisant l'Espagne traversant la France jusqu'à la Hollande peut transporter 500 kilos de cannabis.
02:45 Une personne.
02:46 Voir même parfois une tonne de cocaïne qui arrive dans le port du Havre.
02:50 Donc 150 kilos de cannabis, pour les professionnels du droit et les avocats pénalistes dont je fais partie,
02:56 c'est peut-être l'équivalent de tout ce qui a été récupéré lors d'une audience correctionnelle.
03:01 Dans le cadre d'une audience correctionnelle, ce n'est pas énorme.
03:04 En même temps, on voyait tout à l'heure avec Jean-Aulphre de Forcaz des habitants dire "ça nous rassure".
03:09 Il y a au moins cet effet-là, pendant un temps.
03:12 Oui, la présence de la police, bien évidemment, mais je pense que ce dont la police et ce dont la justice auraient besoin
03:18 pour éventuellement démenter les trafics de stupéfiants, c'est de plus de moyens.
03:22 Les choses sont claires.
03:23 Mais envoyer des fonctionnaires de police arrêter, encore une fois, des petits revendeurs,
03:29 ce n'est pas comme ça, à mon avis, que le gouvernement parviendra à éradiquer le trafic de stupéfiants en France.
03:37 Tout le monde le sait.
03:38 J'ai un exemple à vous donner qui était donné par l'AFP, un exemple à Roubaix où il y a eu une opération Plastet-XXL.
03:42 On arrête un guetteur, arrêté, garde à vue, tribunal, le parquet réclame 9 mois de prison, au final 140 heures de travail d'intérêt général.
03:51 Oui, bien, vous avez tout dit.
03:54 Là, on peut s'interroger sur l'efficacité, précisément.
03:56 Oui, vous avez tout dit.
03:59 Je rejoins un certain nombre de propos qui ont été tenus tout à l'heure.
04:02 D'abord, je voudrais penser à tous les habitants des quartiers qui vivent aujourd'hui au quotidien l'enfer du trafic de drogue.
04:09 Je pense notamment à ces femmes, parce que ce sont souvent des femmes, qui travaillent à leur domicile pour garder des enfants
04:15 et qui perdent leur travail tout simplement parce que les parents n'osent pas rentrer dans la cage d'escalier qui est aujourd'hui occupée par des trafiquants.
04:23 Et donc, ce signal, il est indispensable.
04:26 Maintenant, ce n'est évidemment pas suffisant.
04:28 Il faut remonter les filières.
04:29 Il faut que la police et la justice, surtout la justice, disposent de moyens permettant de juger et de juger avec sévérité.
04:40 Et dans un tribunal comme celui d'Evry, on sait très bien qu'il manque considérablement de moyens,
04:45 que beaucoup d'affaires ne sont pas traitées, sont classées sans suite,
04:48 ou donnent lieu à des jugements comme ceux que vous avez évoqués à Roubaix,
04:52 alors même que nos concitoyens attendent des réponses pénales à la hauteur.
04:56 Vous avez vu comment on a intitulé ce débat "Place nette ou légalisation".
04:59 Quel est le sens de mettre autant de moyens dans la lutte contre le cannabis,
05:03 de mettre autant de forces de l'ordre, des milliers de policiers et de gendarmes chaque semaine pour ces opérations,
05:07 quand de l'autre côté du Rhin, l'Allemagne légalise ? Quel est le sens ?
05:11 Alors d'abord, pourquoi on est obligé de mettre autant de moyens ?
05:14 Tout simplement parce que la consommation de drogue s'est considérablement développée dans notre pays.
05:19 Et je crois savoir que la France est malheureusement le pays d'Europe où la consommation est la plus importante.
05:24 Donc il faut mettre autant de moyens.
05:26 Un million de consommateurs quotidiens.
05:27 Exactement.
05:28 Et ensuite, vous me posez une question qui est relative à la sécurité publique,
05:33 par rapport à un sujet de santé publique.
05:36 Moi je suis contre la légalisation du cannabis ou de toute autre forme de drogue,
05:40 tout simplement parce qu'il y a une question de santé publique.
05:42 Est-ce que la drogue a une conséquence sur la santé ?
05:46 Oui. Dès lors qu'elle a une conséquence pour la santé, on doit combattre sa consommation.
05:50 Maître Coray, Thème.
05:51 En fait, le gouvernement, si je puis dire, pour faire une boutade, a un point commun avec les trafiquants de stupéfiants.
05:57 C'est que les deux sont opposés à la légalisation du cannabis.
05:59 Parce qu'en réalité, si le cannabis est légalisé, il n'y a plus de trafic.
06:07 Ce serait la façon de tarir de façon définitive le trafic de produits stupéfiants.
06:14 Tout simplement.
06:15 Et on a un exemple historique en la matière, c'est la prohibition aux Etats-Unis.
06:19 La prohibition avait entraîné un accru de la criminalité.
06:22 Et quand finalement la prohibition a été levée dans les années 30, il n'y a plus eu de criminalité après.
06:28 Donc, bien évidemment, pas légaliser la totalité des drogues.
06:30 Mais pour ce qui est du cannabis, quand vous traversez le Rhin, effectivement, vous pouvez fumer tranquillement.
06:35 Quand vous allez à Amsterdam ou autre, vous pouvez fumer tranquillement.
06:39 C'est quand même curieux qu'on ait deux systèmes en Europe en la matière.
06:43 Il faut harmoniser ?
06:45 Est-ce qu'il est possible d'harmoniser ?
06:47 Franchement, non. Je pense que chaque Etat est souverain.
06:50 Je suis attaché à cette souveraineté.
06:52 Et je n'imagine pas, par exemple, que les Allemands ou les Néerlandais imposent leur réglementation à la France sur un sujet aussi important que celui-ci.
07:00 Donc, non.
07:01 Oui, mais quand vous dites qu'il y a un problème de santé publique qui se pose, il se pose déjà aujourd'hui, le problème de santé publique.
07:05 On est d'accord.
07:06 Mais il se pose et il se pose depuis un certain nombre d'années.
07:08 C'est la raison pour laquelle il faut reprendre la lutte contre ce trafic.
07:12 Et c'est une guerre.
07:13 Et c'est une guerre qui va prendre énormément de temps, évidemment.
07:16 Ce n'est pas d'un coup de baguette magique.
07:18 Mais vous ne dites "légalisation" jamais ?
07:20 Non, mais je dis que la légalisation entraînerait un problème de santé publique.
07:25 Je lis avec intérêt, il y a un député dans mon département, Robin Reda, pour ne pas le citer, qui est favorable à la légalisation.
07:31 Et je peux vous assurer que lorsque j'ai vu sa position, cela m'a posé question.
07:36 Parce que, évidemment, tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir.
07:39 Je suis défavorable à la légalisation pour cette question de santé publique.
07:43 Il n'en demeure pas moins que, évidemment, si la drogue était légalisée, il y aurait sans doute un certain nombre de trafics qui disparaîtraient d'eux-mêmes.
07:51 Mais est-ce une raison suffisante pour légaliser ? Je pense que non.