Les métamorphoses de la sculpture
En marge de la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou, une exploration poétique et personnelle de l’oeuvre de Constantin Brancusi (1876-1957), dont le langage plastique révolutionnaire a fait entrer la sculpture dans la modernité.
Rien ne prédisposait Constantin Brancusi, né en 1876 au sein d’une famille de paysans aisés, dans une Roumanie encore rurale, à devenir quelques décennies plus tard l’inventeur de la sculpture moderne… Formé aux Beaux-Arts de Bucarest, le jeune artiste débarque à Paris en 1904, où il est quelques mois assistant de Rodin, avant de s’émanciper de cette figure tutélaire : "Rien ne pousse à l’ombre des grands arbres", dira-t-il. Dans l’atelier de l’impasse Ronsin, dans le quartier de Montparnasse, qu’il investira jusqu’à sa mort, il innove. À rebours de l’académisme, Brancusi opère une rupture radicale avec les canons de sa discipline – travail d’après modèle vivant, modelages préparatoires, souci de la ressemblance – pour privilégier la taille directe et se lancer dans une quête effrénée de la "forme pure". Un langage plastique révolutionnaire qui se matérialisera notamment par la série des Baisers, étreinte stylisée jusqu’à l’abstraction…
Formes en mouvement
C’est un documentaire très personnel que signe le réalisateur Alain Fleischer : un dialogue intime et poétique avec l’artiste, retraçant son parcours au plus près de ses œuvres, entre Paris et la Roumanie, où Brancusi a conçu des installations monumentales comme l’extraordinaire Colonne sans fin, totem minimaliste et mystique au socle constituant une création à part entière. Le film s’avère idéal pour rendre hommage à celui qui définissait la sculpture comme une "forme en mouvement" et qui, tout au long de sa vie, filma et photographia inlassablement son travail. Objet de fascination pour ses contemporains, c’est peut-être son atelier – une œuvre en soi – qui incarne le mieux sa quête de l’"essence des choses". Un sanctuaire reconstitué à l’identique au centre Pompidou, dans lequel nous plonge la caméra du réalisateur, révélant les sculptures sous une lumière nouvelle.
En marge de la rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou, une exploration poétique et personnelle de l’oeuvre de Constantin Brancusi (1876-1957), dont le langage plastique révolutionnaire a fait entrer la sculpture dans la modernité.
Rien ne prédisposait Constantin Brancusi, né en 1876 au sein d’une famille de paysans aisés, dans une Roumanie encore rurale, à devenir quelques décennies plus tard l’inventeur de la sculpture moderne… Formé aux Beaux-Arts de Bucarest, le jeune artiste débarque à Paris en 1904, où il est quelques mois assistant de Rodin, avant de s’émanciper de cette figure tutélaire : "Rien ne pousse à l’ombre des grands arbres", dira-t-il. Dans l’atelier de l’impasse Ronsin, dans le quartier de Montparnasse, qu’il investira jusqu’à sa mort, il innove. À rebours de l’académisme, Brancusi opère une rupture radicale avec les canons de sa discipline – travail d’après modèle vivant, modelages préparatoires, souci de la ressemblance – pour privilégier la taille directe et se lancer dans une quête effrénée de la "forme pure". Un langage plastique révolutionnaire qui se matérialisera notamment par la série des Baisers, étreinte stylisée jusqu’à l’abstraction…
Formes en mouvement
C’est un documentaire très personnel que signe le réalisateur Alain Fleischer : un dialogue intime et poétique avec l’artiste, retraçant son parcours au plus près de ses œuvres, entre Paris et la Roumanie, où Brancusi a conçu des installations monumentales comme l’extraordinaire Colonne sans fin, totem minimaliste et mystique au socle constituant une création à part entière. Le film s’avère idéal pour rendre hommage à celui qui définissait la sculpture comme une "forme en mouvement" et qui, tout au long de sa vie, filma et photographia inlassablement son travail. Objet de fascination pour ses contemporains, c’est peut-être son atelier – une œuvre en soi – qui incarne le mieux sa quête de l’"essence des choses". Un sanctuaire reconstitué à l’identique au centre Pompidou, dans lequel nous plonge la caméra du réalisateur, révélant les sculptures sous une lumière nouvelle.
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00:00 Constantin Brancusi est né en 1876 en Roumanie.
00:10 Après des études artistiques dans son pays d'origine, il arrive à Paris en 1904 et installera son atelier.
00:18 Il s'inscrit à l'école des beaux-arts et devient l'assistant d'Auguste Rodin pendant quelques mois avant de le quitter.
00:25 De cette expérience, il lira plus tard cette phrase restée célèbre "Rien ne pousse à l'ombre des grands arbres".
00:34 Considéré aujourd'hui comme le père de la sculpture moderne, il rompt avec l'affiguration classique au profit d'une forme d'abstraction.
00:43 A la ressemblance et aux apparences, il préfère le travail de la mémoire et de l'imagination, de la stylisation et de la métamorphose des formes.
01:00 Pour Constantin Brancusi, tout a commencé dans cette campagne de Roumanie, aux dernières belles heures de l'Empire Austro-Hongrois.
01:12 Sur les escarpements des Carpathes voisines, se dressent les ruines d'un château qui pourrait être celui d'un certain Comte Dracula, inventé par Bram Stoker.
01:27 Loin d'ici, à Vienne, capitale des Habsbourg, on danse sur des musiques des Strauss.
01:34 Gustav Mahler dirige l'orchestre à l'opéra. Alban Berg, Arnold Schönberg inventent la musique de demain avec leur confrère Béla Bartók à Budapest.
01:43 Gustav Klimt et Gön Schill sont les grands artistes du moment. Sigmund Freud invente la psychanalyse.
01:51 En dehors de quelques grandes villes comme Bucarest, Kloug ou Timisoara, la Roumanie est principalement rurale.
02:17 L'habitat des paysans et villageois, constitué de petites maisons en bois, dans le style de chaque région, parmi les campagnes et les forêts.
02:44 Constantin Brankusi est né en février 1876 à Obitsa, petit village de l'Oltenie, à 300 km de Bucarest.
02:53 Il passe son enfance dans une maison semblable à celle-ci, à quelques pas, qui brûla dans un incendie.
03:04 Cette maison est aujourd'hui un musée, avec des constructions, des meubles, des ustensiles, des matériaux comme le bois de chêne, typique de la région et de l'époque où vécut Brankusi jusqu'à l'âge de 11 ans.
03:18 Il suivit les classes de l'école primaire dans un village voisin. A 8 ans, il est apprenti tonnelier, avant d'être employé chez un teinturier, puis commis dans une épicerie.
03:29 Peu à peu, le monde de son enfance s'éloigne. Les bâtisses, les accessoires de la vie à la campagne le font rêver à d'autres espaces, à d'autres moyens pour s'exprimer.
03:42 A 18 ans, en 1894, Brankusi prend son destin en main. Il abandonne le monde traditionnel de la vie paysanne et ses outils familiers pour devenir artiste.
03:54 D'abord à l'école des arts et métiers de Krajowa, puis 4 ans plus tard à l'école des beaux-arts de Bucharest, où il se forme à la sculpture classique, à commencer par la copie d'antique, jusqu'à obtenir son diplôme en 1902.
04:11 Deux ans plus tard, en 1904, il décide d'aller voir à quoi ressemble l'art de son temps dans les grandes villes d'Europe.
04:24 Il part à pied.
04:31 Passe par Vienne.
04:39 Budapest.
04:45 Munich.
04:47 Bâle.
04:52 Deux mille kilomètres plus tard, il choisit de s'installer à Paris, la ville de Rodin et capitale de la sculpture. Il y vivra jusqu'à la fin de ses jours.
05:08 Presque 120 ans plus tard, nous nous préparons à filmer l'atelier de Brankusi sur le parvis du centre Pompidou.
05:25 Il s'agit de la reconstitution par Renzo Piano de l'atelier que le sculpteur occupa à Paris, un passe-roncin dans le 15e arrondissement.
05:40 A sa mort en 1957, Brankusi lègue son atelier à l'état français avec tout son contenu.
06:08 137 sculptures, 87 socles, nombre de dessins, de moules et plus de 2300 photographies.
06:26 Sans oublier ses outils de travail, pas si différents de ceux qui se trouvaient dans sa maison natale.
06:34 On ne sait d'ailleurs plus à quoi ils servaient exactement.
06:51 Lors de la première installation de l'atelier de Brankusi au musée national d'art moderne, c'était à l'époque au palais de Tokyo, les jeunes artistes étaient curieux de le visiter.
07:02 Ici, Christian Boltonski fait un inventaire des lieux à sa façon.
07:07 L'atelier Brankusi, selon la dernière volonté de Constantin Brankusi, né en Roumanie en 1876, mort en France en 1957, a été procédé dans cette salle à la reconstitution de l'atelier qui l'occupa, 11 un passe-roncin.
07:24 Tous les objets qui sont rassemblés ici ont appartenu à Brankusi. Tous avaient pour lui un fonctionnement précis. Ils étaient utiles à sa vie et à son discours.
07:34 Maintenant, et malgré le soin mis dans la reconstitution du lieu, ces objets restent sans signification. Nous ne savons plus à quoi ils servaient et quels sont ceux qui avaient de l'importance pour lui.
07:53 Cet atelier est conçu comme une œuvre en soi, on dirait aujourd'hui une installation, où tout a été fait de la main de l'artiste, que ce soit bien sûr les sculptures, les socles, mais également le mobilier, les tabourets, la cheminée, les outils qu'il a souvent lui-même forgés de ses propres mains.
08:11 [Musique]
08:23 Sous la mezzanine où était le lit de Brankusi est accrochée cette guitare, témoin de son goût pour la musique.
08:31 Sa collection de disques comprenait peu de musique classique, ni Wagner, ni Beethoven. Beaucoup de musique ethnique et du jazz afro-américain. Duke Ellington, Louis Armstrong, Cab Calloway.
08:49 Dans son atelier, on trouve aussi des machines et des appareils nouveaux, ceux des images de la modernité, chambres photographiques, appareils de projection.
09:02 Photographie et cinéma deviennent les témoins de ses créations de sculpteurs.
09:07 [Musique]
09:18 Brankusi est d'origine roumaine, mais il a vécu toute sa vie à Paris. Il a ici rassemblé toutes ses œuvres qui rendent compte de la réinvention radicale de la sculpture dans la première moitié du XXe siècle.
09:31 Il faut comprendre que cet atelier est le fruit d'une vie de création.
09:37 Retour en Roumanie. Le musée de Craiova se souvient que c'est à l'école des arts et métiers de la ville que Brankusi commença ses études.
09:46 Le musée conserve certaines œuvres des débuts, comme l'écorché, réalisé en collaboration avec son professeur d'anatomie, Dimitri Gerota.
09:56 Ce travail aurait, paraît-il, détourné à jamais Brankusi de la figuration réaliste du corps humain.
10:03 En réalisant son écorché, Brankusi aurait compris que Michel-Ange n'avait représenté que des biftecs.
10:11 Nous avons organisé l'exposition du cabinet Brankusi en tenant compte des périodes de création.
10:26 Le visiteur voit d'abord les œuvres de sa période de scolarité.
10:33 Ensuite, toujours dans cette première salle, des sculptures de sa période de début mais créées à Paris,
10:41 telles que l'Orgueil en 1905 ou Tête d'enfant.
10:48 Mais l'évolution de l'œuvre de Brankusi s'éloigne de la figuration réaliste et devient manifeste avec la fameuse Mademoiselle Pogani,
11:01 une jeune Hongroise dont Brankusi fit le portrait décliné en plusieurs versions.
11:09 Quant à ce premier état du baiser, il sera présenté à Bucarest en 1910, dans l'exposition "Tini Remea Artistica".
11:21 Puis, trois ans plus tard, à l'Armory Show de New York.
11:26 Le directeur nous révèle que cette œuvre, point de rupture dans la création de Brankusi, est celle à laquelle le musée est le plus attaché.
11:36 Pour Brankusi, l'atelier était plus qu'un lieu de fabrication et de présentation de ses œuvres.
11:47 C'était une œuvre en soi, formant un ensemble cohérent dans une scénographie choisie par lui.
11:53 C'est au point qu'il prenait soin de faire un moule et un tirage en plâtre de chaque sculpture vendue,
11:58 afin qu'elle garde sa place dans l'atelier parmi les autres.
12:03 L'homogénéité de l'ensemble se manifeste d'abord par la domination du blanc, aussi bien celui des plâtres que celui des marbres immaculés.
12:13 Plus encore qu'une couleur, le blanc devient une matière que Brankusi travaille.
12:18 La beauté du blanc correspond à l'épuration des formes, mais ce sont elles qui donnent au blanc ses reliefs, ses contrastes.
12:26 L'ensemble d'œuvres de Brankusi, qui est conservé au Centre Pompidou, est vraiment un trésor de la collection du Musée national d'art moderne
12:38 et un fonds exceptionnel dans la connaissance de la sculpture du XXe siècle.
12:43 C'est un ensemble qui n'existe nulle part ailleurs et qui est aussi important dans l'histoire de l'art
12:48 que des chefs-d'œuvre comme Guernica ou les Demoiselles d'Avignon,
12:52 des ensembles considérables qui ont révolutionné l'histoire de l'art.
12:57 Situé dans l'imposant Palais Royal de Bucarest, le Musée d'art national de Roumanie conserve encore certaines œuvres de Brankusi.
13:09 Au deuxième étage, dans la galerie d'art moderne, une salle lui est entièrement consacrée.
13:14 Le directeur du musée nous rappelle que Brankusi fut sélectionné pour la première exposition organisée par la revue Cantimporanul en 1924.
13:31 Brankusi est un artiste qui est devenu un symbole,
13:36 le symbole de ce qu'on peut appeler l'affirmation de l'art roumain dans l'espace universel,
13:42 ce qui traduit cet esprit de la culture populaire qu'il a repris et qu'il a transmis dans une œuvre d'une extraordinaire modernité.
13:56 La culture populaire en Roumanie est une culture qui s'apparente à tout ce qu'on appelle la culture archaïque.
14:02 Il ne faut pas oublier que plus de 80% de la population roumaine, entre les deux guerres, était rurale et habitait dans des villages,
14:10 et leur occupation était liée au monde du village.
14:21 Il a accompli un travail remarquable de création, qui est à la fois une démarche intellectuelle et matérielle.
14:29 Je crois que chez Brankusi, l'idée précédait la fabrication.
14:35 C'est un artiste qui poursuivait avant tout une idée.
14:40 À la sortie des salles, on se demande pourquoi ces deux magnifiques têtes ne font pas partie de l'exposition.
14:50 C'est qu'elles ne sont pas de Brankusi, mais d'une artiste roumaine de la génération suivante,
14:54 la sculptrice Irene Codreano, qui fit le portrait d'Aileen Lane, muse et compagne de Brankusi.
15:01 Irene Codreano rejoignit Brankusi à Paris pour être son assistante.
15:06 Le sculpteur créa des costumes pour sa sœur, la célèbre danseuse Lysica Codreano, qu'il photographia dans l'atelier.
15:15 Voici les trois amis posant devant l'objectif de Brankusi un passer-en-sein.
15:20 Mais restons en Roumanie, à Timisoara, l'ancienne Temesvara de l'Empire Austro-Hongrois, encore imprégnée des souvenirs de son passé.
15:30 Bâtiments anciens, parcs, synagogues en ruines, retour à la Roumanie de l'enfance de Brankusi.
15:39 Si les rapports du sculpteur à la Roumanie communiste donnent lieu à diverses analyses,
15:44 les Roumains d'aujourd'hui sont restés attachés à leur grand artiste.
15:48 Comme Vitebsk conserve en son cœur le souvenir de Marc Chagall, ou Prague, celui de Franz Kafka.
15:56 De nombreuses œuvres qu'on a pu voir dans l'atelier parisien ou dans les musées,
16:03 sont ici rassemblées dans une scénographie et une lumière idéale.
16:08 On retrouve le Brankusi classique avec cette commande d'une femme dont le mari, grand avocat, était décédé.
16:24 Brankusi a l'habileté de représenter un corps de femme,
16:30 en dissimulant sa sexualité. Cette silhouette d'une femme nue est réellement celle d'une prière.
16:36 Sous l'influence d'Auguste Rodin et de Medardo Rosso, un sculpteur d'origine italienne,
16:42 Brankusi continue de créer dans un style réaliste.
16:46 Ainsi, l'orgueil est un buste de jeunes filles dont les traits nobles et sévères sont rendus de manière classique.
16:57 C'est pendant cette même période qu'il sculpte également le supplice,
17:01 buste d'un enfant dont le style réaliste rappelle le vécu des enfants des rues.
17:06 Avec le sommeil, Brankusi imite encore l'écriture des marbres de Rodin.
17:17 On y voit un visage qui émerge de la pierre laissée à l'état brut.
17:22 Si Brankusi se démarque de son maître, c'est par une technique consistant à délaisser le modelage
17:27 au profit d'une attaque du matériau en taille directe.
17:31 C'est en 1907, à 32 ans, que Brankusi s'engage dans une voie qui lui est personnelle,
17:39 et c'est le baiser qui marque sa vraie rupture avec Rodin.
17:43 Le célèbre baiser du maître français, réalisé à la fin du XIXe siècle,
17:49 représente un couple de jeunes gens nus harmonieusement enlacés dans un acte d'amour et de sensualité.
17:54 C'est en contre-pied de cette œuvre que Brankusi sculpte dans un même bloc de pierre
18:00 un couple d'amoureux qui, enlacés face à face jusque dans la fusion, n'en forment plus qu'un.
18:06 Quand Brankusi est mort en 1957, j'avais 13 ans. J'aurais pu le connaître.
18:16 J'aurais même pu le filmer avec ma première caméra d'amateur.
18:19 Ces images sont celles de Man Ray, ou parfois de Brankusi lui-même,
18:24 à qui son ami fit découvrir la magie de la photographie et du cinéma en l'initiant à leur technique.
18:31 On voit ici la construction de la grande cheminée.
18:35 J'aurais aimé filmer Brankusi au travail, manipulant les blocs de marbre,
18:42 attaquant la pierre en taille directe.
18:46 Toutes sortes d'outils sont utilisés, de la scie circulaire au marteau.
18:51 Brankusi va faire coïncider la conception de l'œuvre et son exécution.
19:04 Le rapport à la taille directe va bien sûr modifier l'esthétique de l'œuvre
19:10 parce que Brankusi choisit des formes massives,
19:13 la beauté du bloc, un symbole à la fois archaïque et moderne,
19:18 et un engagement physique, un travail des matériaux,
19:22 que l'on retrouve ensuite dans ses sculptures en bois.
19:26 [Musique]
19:46 J'aurais aimé filmer ce dîner de fête pour l'inauguration de la grande cheminée en présence de Marie Reynolds,
19:54 Vera Moore et Marcel Duchamp.
19:57 Brankusi était très attaché à accueillir tous les visiteurs qui venaient.
20:04 Les admirateurs, les admiratrices sont très nombreux à venir toquer à la porte de son atelier un passer-on-sein.
20:09 On a de nombreux témoignages des visiteurs qui étaient fascinés par cet espace.
20:14 On connaît les mots de Man Ray qui disait "Entrer dans l'atelier de Brankusi, c'est pénétrer dans un autre monde".
20:21 Il y a cette dimension d'élévation, de transport, d'émotion.
20:25 Quand on arrive dans l'atelier, il y a cette blancheur, cette clarté,
20:28 qui est apportée par la lumière naturelle et par la verrière.
20:32 La bibliothèque Kandinsky conserve un ensemble formidable de ses lettres à ses amis,
20:40 des grands artistes, des grands écrivains, des grands musiciens,
20:43 qui ont été ses amis, comme Marcel Duchamp, Tristan Tzara, Ezra Pound,
20:49 Fernand Léger, Blessandre, Eric Satie.
20:52 Brankusi, comme Picasso, ne jetait rien, donc on a conservé ses notes de voyage,
20:59 ses réflexions sur l'art, ses lettres, ses factures, ses coupures de presse.
21:04 Nous avons aujourd'hui la connaissance de ce contexte historique extraordinaire
21:08 dans lequel Brankusi a évolué.
21:14 À ses archives s'ajoute l'acquisition de ses films, qui ont été très longtemps méconnus,
21:19 mais qui apportent un nouveau regard, notamment sur la relation
21:23 que Brankusi entretient à l'image en mouvement.
21:26 Par-dessus tout, j'aurais aimé filmer les visiteuses que Brankusi recevait dans son atelier,
21:35 comme l'écrivaine Nancy Cunard, l'artiste Béatrice Wood, la danseuse Florence Meyer,
21:43 jeune américaine qui venait danser pour Brankusi au milieu de ses œuvres,
21:46 comme Martha Graham l'avait fait pour Rodin.
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22:43 Étrangement, ce sculpteur qui chercha à faire vivre les formes,
22:51 qui aimait inviter des danseuses dans l'atelier parmi ses œuvres,
22:56 n'arrêtait toujours de travailler à partir de modèles vivants.
22:59 D'ailleurs, il s'intéressa peu au corps et se consacra surtout au visage.
23:04 Au réalisme de la figuration, à la fidélité de la ressemblance,
23:09 il préférait la reconstitution de la figure humaine stylisée
23:13 et idéalisée par les matériaux et les outils de la sculpture.
23:17 Brankusi avait-il découvert l'art cycladique dans les vitrines du Louvre lors de ses visites au musée ?
23:24 Il seurait qu'à l'origine les têtes étaient peintes et colorées,
23:27 restait la leçon d'une simplification extrême des formes.
23:31 Henry Moore, le grand sculpteur anglais, disait lui-même que la tête de Kéros,
23:36 chef-d'œuvre de l'art préclassique, influença Brankusi.
23:40 Celui-ci était plus intéressé par la vérité intérieure des femmes
23:45 que par les traits de leur visage.
23:48 C'est ainsi qu'il réalisa plusieurs séries de muses endormies.
23:53 Si elle fut la baronne Renée Irana Frachon, il ne garda que la tête,
23:56 d'abord dépouillée de sa coiffure, et puis il lui ferma les yeux.
24:01 Il commence en même temps une autre série qui a pour titre "Mademoiselle Pogany".
24:09 Cette première version de l'œuvre, qui est conservée au musée de Craiova,
24:13 s'apparente à une madone appuyant sa tête sur ses mains jointes.
24:17 Ses deux grands yeux ont l'air aveugles, comme s'ils ne nous regardaient pas,
24:22 tournés vers l'intérieur.
24:24 Dans les versions suivantes, les yeux disparaissent.
24:29 Il ne reste que l'arcade supérieur que dessinent les sourcils.
24:33 Brankusi se lance alors dans la série des Danaïdes,
24:36 où sont incarnées la beauté du geste, l'élégance et la discrétion.
24:41 En 1914, pour sa première exposition personnelle à New York,
24:46 chez Alfred Stieglitz, il réalise le premier pas.
24:50 Après l'avoir photographié, Brankusi démonte la statue,
24:56 estimant sans doute trop littéral son rapport à la statuaire africaine.
25:00 Il n'en conserve que la tête et la couche, pour qu'elle devienne celle du premier pas.
25:07 Brankusi part de l'idée du fragment, une idée chère à Rodin,
25:15 mais la traite de manière complètement différente.
25:19 On voit ici, à travers le nouveau-né,
25:21 comment Brankusi va abstraire la figure humaine,
25:25 en séparant la tête du reste du corps.
25:28 La tête est coupée et posée sur un socle,
25:31 comme un objet, finalement, comme un masque.
25:34 Et cette sublimation de la figure humaine
25:37 va s'accompagner d'un effacement des traits du visage.
25:41 Cette quête de la forme pure correspond chez Brankusi
25:45 à une volonté de dépasser les apparences
25:48 et de chercher à atteindre l'essence des êtres et des choses.
25:53 Ce dépassement du visible ouvre grand la voie à l'abstraction,
25:58 qui a une postérité gigantesque dans tout l'art du XXe et du XXIe siècles.
26:04 Brankusi va progressivement se montrer réticent à participer à des expositions,
26:17 car il connaît un certain nombre de scandales polémiques.
26:20 En 1920, au Salon des indépendants à Paris,
26:23 sa grande sculpture en bronze, "Princesse X",
26:26 va être retirée sur ordre du préfet pour pornographie.
26:31 La forme ambigüe de "Princesse X" de 1916
26:35 n'est sans doute pas étrangère à son interdiction au Salon parisien,
26:38 dont celui des indépendants en 1920.
26:41 De même qu'elle fut un portrait plusieurs fois remanié de Marie Bonaparte,
26:46 elle est la célèbre correspondante de Sigmund Freud.
26:48 Brankusi conserva toute sa vie cette œuvre.
26:51 Avec "Princesse X", il réalise la fusion impossible des formes viriles et d'un corps de femme.
26:57 Voici Maïastra, l'oiseau ventru créé par Brankusi,
27:07 qui s'inspire de la figure des oiseaux fabuleux des contes roumains.
27:12 Il installe cette œuvre sur un socle qui rappelle la divinité horus de l'art égyptien.
27:17 À la fin des années 1920, Brankusi connaîtra un scandale très important aux États-Unis,
27:27 puisque son oiseau dans l'espace va donner lieu à un procès qui l'oppose aux États-Unis,
27:33 et où il devra justifier que sa sculpture est de l'art.
27:36 Tandis qu'à l'époque, l'académisme règne en maître outre-Atlantique,
27:41 les témoins de l'accusation prétendent que l'œuvre de Brankusi retenue à la douane,
27:45 "L'oiseau dans l'espace", ne peut pas être un oiseau,
27:48 puisqu'il n'a ni patte, ni plume, ni aucune caractéristique d'un oiseau.
27:53 Pourtant, avec l'aide de Marcel Duchamp et d'autres amis,
27:57 Brankusi fit admettre qu'une de ses sculptures les plus emblématiques
28:01 n'était pas un simple ustensile de cuisine soumis aux frais de douane,
28:05 mais une authentique œuvre d'art.
28:08 Soutenu par ses amis et défenseurs, Brankusi gagne son procès et, avec lui,
28:13 c'est l'art moderne tout entier qui est désormais reconnu par la loi.
28:17 À propos de l'oiseau, Brankusi se souvient,
28:21 "Lorsque j'étais enfant, j'ai toujours rêvé que je volais dans les arbres et dans le ciel.
28:26 J'ai gardé la nostalgie de ce rêve.
28:29 Ce n'est pas l'oiseau que je veux exprimer, mais le don, l'envol, l'élan."
28:35 L'autre passion de Brankusi était celle du mouvement.
28:56 Il lui arrivait d'animer les scènes de l'atelier
28:59 grâce à des socles motorisés qui faisaient tourner les œuvres.
29:03 Brankusi ne définit-il pas la sculpture comme une forme en mouvement ?
29:08 Et c'est le cinéma qui lui permit d'enregistrer
29:15 comment les sculptures peuvent être regardées sous tous les angles,
29:19 comment les formes en volume s'animent,
29:21 révélant des points de vue où les ombres et les reflets changent sans cesse.
29:26 On peut voir en Brankusi le précurseur de la sculpture animée.
29:35 Les pensées au mobile de son ami Calder, son cadet d'une vingtaine d'années.
29:40 Ici, le grand mobile qui fut installé sur le parvis du Centre Pompidou
29:48 avec l'atelier de Brankusi à l'arrière-plan.
29:52 Brankusi approche son œuvre en privilégiant un regard dynamique,
29:57 un regard qui est toujours en mouvement.
29:59 Cela se voit dans sa photographie, dans ses films,
30:02 par le jeu des reflets, par le cadrage, par les ombres.
30:05 Il faut imaginer que cet atelier n'est pas un ensemble figé,
30:08 mais un espace de travail en perpétuelle transformation.
30:11 Quand on voit l'atelier Brankusi, on peut comprendre sa réflexion,
30:21 son cheminement, comment il a su réinventer la sculpture,
30:25 créer un nouveau langage plastique.
30:27 On suit la reprise inlassable des mêmes motifs.
30:31 Le motif du baiser se décline à travers des socles
30:35 jusqu'à la colonne du baiser où le motif est stylisé.
30:40 On voit les mêmes formes ovoïdes de la muse endormie
30:43 qui est déclinée à travers différents motifs,
30:46 le nouveau-né, le prométhée, le commencement du monde.
30:50 On mesure combien l'art de Brankusi est cohérent
30:53 et approfondit cette même veine tout au long de quatre décennies.
30:57 Si pour Brankusi l'atelier est une œuvre en soi,
31:04 une sorte de grand théâtre des formes,
31:06 chaque sculpture est pour lui inséparable du support
31:09 qui la met en scène et en espace.
31:11 Le socle n'est pas un simple présentoir sur lequel une œuvre est posée.
31:16 Il fait partie de l'œuvre autant par sa forme
31:19 que par le choix de son matériau.
31:21 Dès 1926, il va exposer ses socles directement
31:29 sans sculpture posée dessus.
31:32 Traditionnellement, le socle est simplement un dispositif de présentation
31:36 qui permet de séparer l'œuvre et de magnifier la sculpture,
31:40 de séparer en quelque sorte ce qui est de l'art et ce qui n'en est pas.
31:43 Et Brankusi, lui, va accorder la même attention à ses socles
31:48 il va jouer sur des empilements de formes, de matériaux,
31:51 des formes simples, le rond, la sphère, la croix,
31:55 et jouer sur cette rythmique qui fait le lien entre le sol et la sculpture.
32:01 Il n'y a pas de hiérarchie pour lui entre ce qui est du domaine de l'art
32:05 et ce qui est un dispositif de présentation.
32:08 C'est-à-dire qu'en quelque sorte, le spectateur est intégré
32:11 dans le même espace que celui de l'œuvre.
32:16 On découvrira bientôt comment le motif d'un socle,
32:18 multiplié et empilé sur lui-même, peut devenir une sculpture
32:23 qui, dès lors, n'a plus rien à présenter qu'elle-même,
32:26 à moins qu'elle désigne le ciel comme ce qui la complète.
32:29 Ce sera la colonne sans fin,
32:32 un socle qui n'en finit pas de devenir sculpture.
32:35 Cette œuvre, que Brankusi déclinera de nombreuses façons,
32:39 est une de celles où le sculpteur se montre tenté par l'architecture.
32:43 J'aurais pu le filmer festoyant avec Man Ray
32:45 dans la maison de son ami le photographe Édouard Fleischen
32:49 à Woulangis, en Seine-et-Marne.
32:52 Image des débuts d'une belle époque des films d'artistes
32:55 et des documentaires d'art.
32:58 Brankusi a souvent rêvé d'élever une colonne sans fin en plein air,
33:07 celle qu'il avait réalisée dans le jardin de la maison.
33:11 Celle qu'il avait réalisée dans le jardin de Steichen
33:13 dû être couchée puis découpée pour pouvoir regagner un jour l'atelier.
33:17 J'aurais aussi aimé filmer ces images.
33:21 Sous-titrage MFP.
33:24 Sous-titrage MFP.
33:28 Musique douce
33:54 Le principal projet qui a ramené plusieurs fois Constantin Brankusi en Roumanie
33:58 est celui de la colonne sans fin.
34:00 A Chicago, il avait rêvé en dresser une de la hauteur d'un gratte-ciel.
34:04 J'aurais aimé aussi enregistrer ces images
34:08 de la construction de la colonne sans fin à Targu Djo,
34:11 supervisée par le sculpteur et filmée par lui-même.
34:14 C'est donc finalement chez lui, dans son pays d'origine,
34:18 que Brankusi réussit à faire dresser une colonne sans fin de 30 mètres,
34:23 qui devient un véritable totem de la sculpture moderne.
34:26 Brankusi rêve toujours d'élever une colonne en plein air.
34:33 L'occasion se présente en 1935,
34:37 quand l'épouse du Premier ministre de l'époque, Gheorghe Tatarescu,
34:41 lui commande un monument dédié aux héros tombés pendant la Première Guerre mondiale.
34:46 Brankusi accepte, mais a une condition essentielle,
34:51 c'est la liberté de création.
34:53 Brankusi, même s'il était un grand rêveur et qu'il construisait,
34:59 il était très précis.
35:02 C'était presque un ingénieur,
35:05 parce qu'il y met toutes ses intuitions d'architecte et d'urbaniste.
35:10 Il choisit l'endroit où il y avait le marché au foin.
35:16 Il prend une photo de cet endroit,
35:20 et il dessine une colonne.
35:22 Dans son atelier parisien, il réalisait des socles en bois,
35:26 sous forme de colonnes, des rhomboïdes qui se succédaient,
35:29 mais toujours d'un seul morceau de bois.
35:32 Il sculpte en bois une partie d'un module de cette future colonne,
35:37 pour modèle pour les gens qui devaient continuer ce travail.
35:42 Parce qu'il a envisagé d'élever une colonne grande de 30 mètres,
35:48 composée de 15 éléments entiers,
35:51 et de deux demi-rhomboïdes, un en bas et un en haut,
35:56 qu'il appelle la colonne sans fin.
35:59 Puisque, selon le temps, selon les nuages,
36:03 elle donne l'impression de se perdre dans les nuages.
36:06 C'est la colonne, comme disait Mircea Eliade,
36:09 la colonne qui réunit la terre et le ciel.
36:13 Le monument, qui après diverses péripéties,
36:16 s'élèvera à jamais dans le ciel de Tarkoudjou,
36:19 a donc perdu toute référence historique,
36:22 pour devenir la célébration vertigineuse d'une élévation vers le ciel.
36:26 Un mouvement qui avait déjà inspiré à Brancouzi
36:29 la forme de son oiseau légendaire.
36:32 Le monument est un des premiers à être construit
36:36 dans le cadre de la colonne de Tarkoudjou.
36:41 [Musique]
36:52 Quelques cent ans plus tard,
36:55 Constantin Brancouzi a disparu à jamais dans les hauteurs qui le fascinaient.
36:59 Mais autour de sa colonne sans fin,
37:02 s'organise encore aujourd'hui le monde qui fut le sien,
37:05 et que, par ce geste, il inscrivit dans l'histoire de l'art moderne.
37:10 [Musique]
37:35 On peut filmer sans fin la colonne sans fin.
37:39 Il arrive pourtant un moment où la colonne s'interrompt,
37:41 mais son principe invite à continuer.
37:44 Avec son motif, qui pourrait se répéter à l'infini,
37:47 suite de modules identiques,
37:49 elle est aussi une échelle, ou un mât,
37:52 avec ses échelons successifs,
37:54 qui aident l'imagination à en prolonger l'ascension
37:57 au-delà de la réalité physique.
37:59 La colonne sans fin est une invitation mentale
38:03 à dépasser la matérialité du monde,
38:07 à s'abandonner à une forme de spiritualité.
38:09 Si elle n'a pas de signification politique,
38:12 elle pourrait avoir une dimension religieuse, ou mystique.
38:16 Pour que la colonne soit réellement sans fin,
38:19 il suffit d'y croire, pourrait-on dire,
38:22 aidée par les degrés réguliers et répétitifs qu'elle offre à la méditation.
38:26 On peut donc filmer sans fin la colonne sans fin,
38:31 sans qu'elle soit toujours la même,
38:33 et pourtant, sans qu'elle soit toujours une autre.
38:36 Selon l'état du ciel et de la vie sur Terre.
38:39 Si la colonne sans fin finit par avoir une fin dans l'espace,
38:44 Brancousi a sans doute rêvé qu'elle soit sans fin dans le temps.
38:48 La forme rhomboïde de chaque section fait penser à un sablier,
38:53 où le temps pourrait s'écouler dans les deux sens,
38:56 à les retours infinis d'un contenant dans l'autre,
38:59 d'un corps dans l'autre.
39:04 Plantée vers le ciel, la colonne sans fin est comme l'aiguille d'un cadran solaire.
39:08 Son ombre nous oriente et nous conduit jusqu'à la porte du Baiser,
39:11 autre élément de l'ensemble architectural de Targoutzio.
39:15 Brancousi a une idée formidable de continuer ce monument.
39:22 Son idée est de relier la colonne,
39:26 qui est un pilier du souvenir,
39:29 à la rivière de Gioux.
39:32 Il veut rappeler l'idée de l'eau,
39:34 qui signifie la mort, elle fait disparaître les formes,
39:38 et la vie en même temps.
39:40 L'eau est génératrice, c'est comme une matrice de la vie,
39:43 qui donne naissance à la vie.
39:45 Il propose de continuer et de faire sur le même axe
39:50 une porte du Baiser et une table du silence.
39:55 Brancousi commande une pierre de la région, de Bampotoc,
40:01 et prend le contact avec des tailleurs de pierre
40:03 et fait le projet de la porte du Baiser.
40:06 En fait, l'entrée du parc se trouve dans ce même axe
40:12 qui part de la colonne, qui est l'allée des Héros,
40:15 et à l'entrée du parc, il installe la porte du Baiser.
40:19 C'est une sorte d'arc de triomphe à dimension humaine
40:23 qui est décorée avec des frises de Baiser sur le linteau,
40:29 40 frises du Baiser sur le linteau,
40:32 et les piliers des colonnes du Baiser
40:35 qui gardent de ces êtres qui sont fusionnés
40:39 que l'œil, l'arrondi de l'œil, coupé en deux,
40:43 donc il rappelle ces deux êtres qui s'aiment.
40:47 C'est l'accomplissement également de tout son travail sur le Baiser.
40:58 Cette œuvre de 1945, la seule de Brancouzy
41:01 qui pourrait avoir une portée politique, a pour titre "Borne-frontière".
41:06 C'est une époque où la Roumanie perd des territoires,
41:09 et la sculpture formée de trois grands blocs de pierre
41:12 entourés du motif du Baiser devient un symbole de fraternité,
41:16 de paix et d'amour.
41:19 Ce monument en réaction à la fin de la guerre en Roumanie
41:22 est sans doute unique dans l'œuvre de Brancouzy.
41:27 Si la porte du Baiser reprend la forme d'un traditionnel arc de triomphe,
41:30 il ne s'agit ici que de célébrer l'union des corps et des êtres
41:34 avec le motif du Baiser, que Brancouzy reprend à Rodin en le repensant,
41:40 en le simplifiant de façon radicale sous l'aspect d'un pur symbole.
41:44 Ce monument s'inscrit aujourd'hui dans la vie quotidienne de la ville de Targoutio.
41:50 Lorsque le public se sent assez familier avec une œuvre pour jouer avec elle et s'amuser,
41:55 les clins d'œil sont le signe que l'art, désacralisé, est devenu une réalité vivante.
42:00 Mais lorsqu'une œuvre d'art devient le lieu d'un rituel ou d'une superstition,
42:05 c'est qu'une forme du sacré est de retour en elle.
42:08 Ici, deux amoureux offrent leur baiser à une sorte de bénédiction par l'œuvre d'art,
42:14 qui symbolise et célèbre cette figure de l'amour entre les êtres.
42:18 Comme le Baiser impose le silence à deux bouches jointes,
42:23 la porte du Baiser conduit, après une longue promenade dans un parc, à la table du silence.
42:28 On continue pour arriver vers la rivière de Giu,
42:32 et pour arriver à la table du silence, laquelle rappelle aussi les socles de l'atelier.
42:40 Elle est réalisée en pierre, avec deux socles circulaires superposés,
42:52 entourés de douze sabliers, douze tabourets en forme de sablier.
42:57 Il ne faut voir dans cette table ronde, massive, avec les douze sièges qui l'entourent,
43:04 aucune allusion à la scène christique avec les apôtres.
43:08 Ici, toute référence s'efface,
43:10 et l'anecdote cède la place au règne des formes pures, géométriques, abstraites,
43:16 comme sont de purs repères les heures indiquées par une horloge pour mesurer le temps.
43:22 Cet ensemble, et surtout la table du silence, a été interprétée de toutes les sortes.
43:28 Brancusi n'a jamais expliqué ces monuments, il a laissé libre à chacun de penser.
43:36 Il a indiqué seulement ce parcours dans lequel on s'engage,
43:41 et qui nous oblige à une réflexion sur la vie, sur la mort, sur les conflits, et sur le recueillement.
43:50 Pour lui, ce qui comptait, c'est de proposer des endroits de méditation, de réflexion et de paix.
43:59 Et ça tombait bien, c'était juste avant l'éclatement de la deuxième guerre mondiale,
44:05 c'est pour ça qu'il n'est plus revenu dans le pays.
44:08 La table du silence pourrait plutôt constituer la scène circulaire d'un théâtre en plein air.
44:19 Une piste ou une estrade pour des acrobates, des jongleurs, des danseurs.
44:23 Alors tout s'inverse, et c'est la sculpture qui devient à son tour un socle pour les formes et les mouvements de l'imagination.
44:32 Nous repensons aux jeunes femmes qui venaient visiter Brancusi et danser dans son atelier.
44:37 Eût-il aimé que ces œuvres, transportées parmi les arbres d'un parc,
44:42 accueillent le souvenir ou le fantôme de Florence Meyer ?
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48:27 L'art de Brancusi est toujours vivant, sa sculpture est toujours à réactiver,
48:32 et même si les formes des sculptures semblent closes, fermées sur elles-mêmes,
48:37 c'est une œuvre en perpétuel mouvement.
48:40 Et c'est Brancusi qui, interrogé dans les années 1920 sur son art, disait
48:44 "Mais il n'y a pas encore eu d'art, l'art ne fait que commencer."
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49:08 Depuis l'impasse roncin jusqu'au plateau Beaubourg, en passant par le palais de Tokyo,
49:13 l'atelier a été une sorte de théâtre ambulant,
49:16 avec au programme une page de l'histoire de la sculpture moderne.
49:20 Célébrons ce sanctuaire de son œuvre, peut-être sa création majeure.
49:25 Où qu'il aille désormais, il emportera toujours avec lui les fantômes
49:29 dont les mouvements font revivre les œuvres dans l'immobilité de la pierre.
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49:52 Eclairons les lieux par les images d'un feu d'artifice filmé à l'époque où Brancusi découvrait le cinéma.
49:57 Il eût peut-être aimé voir ses œuvres de sculpteur dans la lumière de ses œuvres de cinéaste.
50:03 Et dans les éclats d'un lointain 14 juillet.
50:05 Peut-être les sculptures apparurent-elles dans l'atelier de l'impasse Ronsain,
50:10 éclairées par les fusées qui s'élevaient dans le ciel de Paris, au-dessus de la tour Eiffel,
50:15 avant de s'éteindre, pour se rallumer un jour, sans fin.
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