Depuis le 26 février, enseignants et parents d'élèves du 93 se mobilisent et en appellent au ministère de l'éducation : Grégory Thuizat, professeur de français et co-secrétaire départemental du Snes-FSU 93 est l'invité de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-25-mars-2024-8018827
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00:00 Mathilde Minos, le 5/7.
00:05 Il est 6h21, cela fait un mois que les enseignants et les parents d'élèves de Seine-Saint-Denis
00:10 se mobilisent pour réclamer un plan d'urgence pour l'éducation.
00:13 Plus de moyens dans leurs écoles, un mois de grève de manifestations, de réunions publiques.
00:18 La ministre Nicole Belloubet doit recevoir dans les prochains jours les députés du
00:21 département et moi je reçois Grégory Thuysin.
00:24 Bonjour.
00:25 Bonjour.
00:26 Vous êtes professeur de français au lycée Suger à Saint-Denis, co-secrétaire départementale
00:29 du SNES-FSU 93, c'est le premier syndicat dans le secondaire.
00:32 Avant d'évoquer ce sujet, j'aimerais qu'on parle quand même du plan Vigipirate puisque
00:36 le gouvernement a décidé hier soir de le rehausser à son niveau le plus élevé.
00:40 C'est la conséquence de l'attentat de Moscou revendiqué par le groupe ETA islamique et
00:44 des menaces aussi qui ont été envoyées à plus de 150 collèges et lycées en fin
00:49 de semaine dernière, menaces d'attentat.
00:51 Qu'est-ce que ça implique le niveau urgence attentat pour les établissements scolaires ?
00:55 D'abord c'est sur l'enceinte des établissements un certain nombre de contrôles de sécurité
01:02 plus fréquents à l'entrée des établissements.
01:04 Ça c'est la mise en place du plan Vigipirate je dirais classique.
01:07 Et puis une vigilance particulière très clairement des services de l'Etat sur également
01:12 les intrusions informatiques aussi puisque ça a été le cas notamment en fin de semaine
01:16 dernière, jeudi et vendredi dernier.
01:17 Et est-ce que vous savez si comme dans les académies de Lille et d'Amiens où des
01:20 forces de l'ordre, des policiers vont être déployés près des collèges et des lycées
01:24 dès aujourd'hui, où il y a une écoute psychologique aussi qui est en place pour
01:27 les élèves qui ont été choqués par ces menaces d'attentat ?
01:29 Est-ce qu'il y aura la même chose en Ile-de-France où il y a eu une cinquantaine de menaces
01:32 dans cette région ?
01:33 Oui tout à fait.
01:34 Alors dans l'Ile-de-France, dans les établissements de la région parisienne, ce sont 500 personnes,
01:37 membres de la communauté éducative qui ont été destinataires effectivement d'une
01:41 intrusion malveillante et d'un message extrêmement violent.
01:43 Nous ce qu'on a demandé en tant qu'organisation syndicale, la FSU en a fait la demande auprès
01:48 de la région académique, c'est d'avoir d'abord une plus grande vigilance sur les
01:53 environnements numériques de travail, puisqu'ils semblent peu voire mal sécurisés.
01:57 La deuxième chose c'est qu'évidemment ça a provoqué un très grand choc dans la
02:01 communauté éducative, donc il doit y avoir des mesures d'accompagnement et d'écoute
02:03 évidemment pour les élèves comme pour les personnels.
02:06 Et puis aussi certains établissements ont fait, ont exercé, certains collègues ont
02:10 exercé leur droit de retrait et donc on demande à ce qu'ils soient reconnus au titre de
02:13 l'émotion provoquée par cette intrusion malveillante.
02:16 Voilà, il a Saint-Sagny qui n'avait pas besoin de ça puisque vous avez plein de
02:19 problèmes dans ce département, spécifiquement dans le secteur de l'éducation.
02:23 Venons-en donc à ce plan d'urgence que vous, enseignant, réclamez avec les parents
02:27 d'élèves aussi.
02:28 Est-ce que vous avez l'impression que ça bouge du côté du gouvernement ?
02:31 Écoutez, pour l'instant le sentiment est plus que mitigé dans la mesure où nous avons
02:35 été reçus en délégation en compagnie de nos organisations nationales le vendredi
02:38 15 mars dernier au ministère de l'éducation nationale.
02:40 La ministre ne nous a pas reçus directement ni son directeur de cabinet, nous avons été
02:43 reçus par deux conseillers et conseillères.
02:45 Et pour l'instant aucune réponse concrète n'a été apportée.
02:48 Donc très clairement, on nous a fait comprendre que les leviers n'étaient plus rue de Grenelle
02:51 mais étaient à Bercy ou à Matignon et qu'il fallait, de toute façon, on était dans
02:54 un contexte d'économie et que l'éducation n'était pas vraiment un poste d'investissement
02:58 mais plutôt un poste de dépense.
03:00 Quels sont les problèmes exactement ? Parce qu'en 98, vos prédécesseurs manifestaient
03:03 déjà de la même manière et après deux mois de mobilisation, ils avaient obtenu 3000
03:07 postes.
03:08 Ce sont les mêmes problèmes aujourd'hui ?
03:09 Exactement, c'est-à-dire que périodiquement, la Seine-Saint-Denis se retrouve dans une
03:13 situation de relégation et doit demander une remise à niveau.
03:17 Nous, on l'a chiffré, on l'a documenté, on l'a objectivé, ce plan d'urgence.
03:22 Si on parle de plan d'urgence...
03:23 358 millions d'euros.
03:24 Exactement, 358 millions d'euros.
03:25 Si on parle de plan d'urgence, c'est parce que l'état de l'école aujourd'hui publique
03:30 en Seine-Saint-Denis, c'est un état d'urgence.
03:32 Qu'est-ce que c'est qu'être élève dans un département comme la Seine-Saint-Denis
03:34 aujourd'hui ? C'est par exemple faire sa rentrée dans des établissements scolaires
03:37 où on ne peut pas faire sa visite médicale quand on est en sixième parce qu'il n'y
03:39 a pas d'infirmière.
03:40 C'est avoir un sous-dimensionnement des demandes en termes de bourse nationale parce
03:45 qu'il n'y a pas d'assistance sociale, parfois depuis plusieurs années dans un établissement
03:47 scolaire.
03:48 C'est aussi être confronté à des établissements où, sur une enquête qui avait été menée
03:52 à la rentrée, au moins 60% des établissements du département avaient un enseignant ou une
03:55 enseignante qui n'était pas remplacée.
03:57 Donc la promesse de remplacer tous les profs absents, elle n'est pas tenue en Seine-Saint-Denis.
04:01 Elle n'est pas tenue et encore moindre qu'ailleurs, je dirais, en Seine-Saint-Denis, très clairement.
04:05 Donc ça signifie que pour rattraper cette égalité qui manque encore en Seine-Saint-Denis,
04:11 où l'État est en faute tous les jours en termes de missions régaliennes, il faut effectivement
04:16 débloquer ce plan d'urgence qui a à la fois un volet sur les moyens horaires et humains,
04:20 puisqu'on demande 5000 enseignants et enseignantes, 175 CPE, des postes d'assistance éducative,
04:25 650, 320 postes d'assistance pédagogique et 2200 ABSH pour l'accompagnement des élèves
04:29 en situation de handicap.
04:30 Et puis il y a un volet bâtimentaire aussi, puisque par exemple, dans les collèges de
04:34 Seine-Saint-Denis, un autre chiffre qui est assez marquant, l'État normalement compense,
04:40 sur la moyenne nationale, environ 15% des dépenses des départements pour le bâti des collèges.
04:44 En Seine-Saint-Denis, c'est 8,8% seulement.
04:45 Donc vous voyez qu'il y a une rupture d'égalité réelle qui a été documentée d'ailleurs
04:49 dans deux rapports parlementaires, l'un en mai 2018 et l'autre tout récemment, en décembre 2023.
04:53 C'est pour ça qu'on demande un plan d'urgence.
04:54 Mais parce que les bâtiments sont vétustes ? Le vôtre par exemple, votre lycée, il
04:57 est abîmé, il n'est pas en bon état ?
04:59 Oui, les établissements de manière générale.
05:00 Il y a 70% des lycées, puisque moi j'exerce en lycée, 70% des lycées dans le département
05:05 qui datent des années 70.
05:07 Donc très clairement, la région a un retard très important, renvoie la responsabilité
05:11 à la majorité précédente d'ailleurs, alors qu'elle est aux manettes depuis 8 ans maintenant.
05:14 Donc ce sont des excuses qui sont inaudibles.
05:16 Mais le rectorat de Créteil lui dit quand même que la Seine-Saint-Denis fait depuis
05:19 longtemps l'objet d'une attention particulière en matière de dotation.
05:22 Alors en matière de dotation, oui, c'est ce qu'on nous répond d'ailleurs.
05:24 On nous dit "mais vous avez un taux d'encadrement qui est meilleur qu'ailleurs".
05:27 Avec par exemple le dédoublement des classes qui s'est fait dans la zone prioritaire à
05:31 tous les niveaux qui étaient prévus, c'est le seul département où vraiment tout a été
05:34 fait.
05:35 C'est ce que dit le ministère.
05:36 C'est ce que dit le ministère, c'est ce que dit d'ailleurs aussi le directeur académique.
05:38 La réalité est un peu différente dans le premier degré.
05:40 Mais en revanche, ce qu'on observe, c'est qu'on a quand même un département qui est
05:42 d'abord le plus pauvre de la France hexagonale, qui est aussi le plus jeune, donc qui est
05:46 un département extrêmement dynamique, puisque c'est le département le plus jeune de France
05:50 hexagonale.
05:51 Et c'est un département aussi où il y a énormément d'inégalités sociales, puisque
05:55 quasiment 65% des écoles et établissements scolaires sont en éducation prioritaire.
05:58 Donc évidemment, le ministère ne peut pas s'enorgueillir d'avoir un taux d'encadrement
06:02 supérieur dans le département de la Seine-Saint-Denis.
06:03 C'est sa réalité sociale qui fait qu'il a un taux d'encadrement supérieur.
06:06 Et le dernier plan qui a été mis en place, mais là pas uniquement pour l'éducation,
06:09 mais à toutes les chaînes de la Seine-Saint-Denis, qui s'appelait "L'État plus fort en Seine-Saint-Denis",
06:13 qui a 4 ans, ça a été annoncé à l'époque par le Premier ministre Edouard Philippe.
06:16 Ça a donné quoi pour l'école ? Est-ce que ça vous a aidé quand même ?
06:19 Eh bien, disons que le volet éducation de ce plan a été quasi unanimement considéré
06:24 comme le plus faible.
06:25 L'investissement dans le bâti locatif à hauteur de 20 millions d'euros sur 10 ans,
06:28 en soyons clairs, c'est une goutte d'eau dans l'océan.
06:30 Les groupes d'appui éducatif focalisés pour les vies scolaires ne se sont pas traduits
06:34 par des moyens tangibles, très clairement sur les vies scolaires.
06:39 Vous aviez aussi des mesures qui ne concernaient pas seulement l'école comme la prime de
06:44 fidélisation pour permettre l'attractivité dans le département, sauf qu'à l'heure
06:47 actuelle, elle n'a toujours pas été versée aux agents et aux agentes qui sont en poste,
06:50 contrairement à ce que prétendait la ministre devant la représentation nationale.
06:52 Donc vous allez continuer la mobilisation, continuer la grève.
06:55 Prochaine manifestation, c'est quand ?
06:56 La mobilisation se poursuivra cette semaine, en lien bien entendu avec les parents d'élèves
07:00 et aussi les élèves.
07:01 Nous appelons d'ores et déjà un rassemblement très important vendredi et il y a également
07:07 une manifestation dans tout le département samedi.
07:10 Donc la grève se poursuit avec des appels à la mobilisation qui dureront jusqu'aux vacances.
07:13 Et vendredi, la manifestation, c'est où ?
07:15 On ira sans doute à Bercy, puisque quoi qu'il arrive, nous avions dit qu'on irait à Matignon.
07:19 On est allé à Matignon avec 3000 personnes dans le cortège en fin de semaine dernière.
07:23 Donc maintenant, on va aller voir si les caisses de l'État sont vides et si surtout Gabriel
07:28 Attal est capable de tenir sa promesse puisqu'il avait dit qu'il emmenait avec lui la cause
07:31 de l'école à Matignon et qu'il en ferait la mère des batailles.
07:33 Chiche.
07:34 Merci Grégory Tuisa, co-secrétaire départemental du SNES-FSU 93.
07:38 Merci beaucoup.