Se dirige-t-on vers un #MeToo des armées? La députée Renaissance et capitaine de l’armée de terre Laetitia Saint-Paul dénonce les agressions sexuelles vécues par une jeune recrue dans la Marine, ouvrant la voie à d'autres témoignages.
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00:00 Racontez-nous ce qu'a subi cette jeune recrue.
00:04 Alors cette jeune recrue, Manon a été engagée sur un chaland à Brest.
00:10 Et sur ce chaland, elle a subi de multiples agressions sexuelles, alors jeune adulte.
00:18 Et lorsqu'elle a été embarquée sur un nouveau bâtiment,
00:22 son agresseur s'est retrouvé dans la chambre en face d'elle.
00:26 Et là, elle a craqué, elle en a fait part à son commandement.
00:30 Bien sûr, une fois en mer, c'était difficile d'isoler l'agresseur.
00:34 Et elle a porté plainte dès qu'elle a pu, une fois à terre.
00:37 Elle a eu ce courage de porter plainte.
00:40 Elle est toute jeune, hein ?
00:42 Oui, elle est toute jeune. C'est arrivé quand elle avait 17-18 ans.
00:46 On peut dire que malheureusement, elle aura vécu toute sa vie d'adulte avec cette souffrance.
00:53 Et c'est ce qui a fait que j'ai apporté tout mon soutien à cette jeune femme.
00:58 D'autant plus que vous, à Saint-Cyr, vous avez été harcelée ?
01:02 Oui, tout à fait. C'était institutionnalisé envers les femmes.
01:06 Il était dit qu'il fallait pratiquer l'indifférence courtoise, à savoir ne pas nous parler.
01:10 Donc effectivement, quand on ne vous parle pas au quotidien, trois années peuvent en paraître trente.
01:14 Mais ce ne sont pas des faits isolés.
01:17 Il y a au sein de l'armée française ces comportements sexistes, misogynes,
01:20 et qui peuvent même aller plus loin, vers des agressions sexuelles.
01:23 Il faut donc un "me too" de l'armée ?
01:27 Je crois qu'effectivement, le fait que la parole puisse se libérer,
01:31 que les témoignages puissent être livrés, et à ce propos,
01:34 Aurore Berger a dédié une adresse mail pour accueillir des témoignages de ministères
01:40 où il y a peu de contre-pouvoirs, où il y a une vie à huit clots.
01:44 Et dans tous les cas témoignés, le début de la reconstruction des victimes,
01:48 qui souvent le disent, ont subi une triple peine, être victimes,
01:52 voir une peine infligée clownesque à leur agresseur,
01:56 et souvent écartées de leur métier qu'elles aiment,
02:00 et comme Manon, poussées à la démission.
02:02 Oui, mais madame la députée, vous dites qu'il y a une boîte mail dédiée qui a été ouverte.
02:06 Est-ce qu'il y a déjà des témoignages qui arrivent ?
02:09 Oui, il y a déjà des témoignages qui arrivent,
02:11 et c'est pour ça que j'ai utilisé cette expression pour l'article du Monde.
02:16 Je lui ai dit, j'ai l'impression que ma boîte mail professionnelle
02:18 est le Me Too des armées tellement il y a d'afflux de témoignages en tout genre
02:23 depuis que j'ai marqué mon soutien à Manon dans le Courrier de l'Ouest.
02:29 Donc je crois vraiment qu'il y a...
02:31 La libération de la parole dans la grande muette, ça va être compliqué quand même.
02:36 Oui, c'est le moins qu'on puisse dire.
02:39 Mais moi j'identifie un problème structurel, déjà dès l'hélicet militaire,
02:43 quand on laisse proliférer des comportements déviants.
02:47 J'ai suivi beaucoup de témoignages en tant que députée,
02:50 parce que, étant identifiée comme la députée militaire d'active,
02:54 eh bien spontanément les gens de toute la France se sont tournés vers moi.
02:58 Et des cas absolument similaires à celui de Manon avec un huis clos,
03:04 des agresseurs qui ont déjà fait leurs preuves opérationnelles,
03:07 une jeune victime qui engage de la paperasse et qui devient un dommage collatéral.
03:12 Donc je crois vraiment que la cellule Témis,
03:15 qui a été mise en place par le politique, par Jean-Yves Le Drian,
03:18 suite à l'apparution de la guerre invisible en 2014,
03:21 était nécessaire, mais est sous-dimensionnée
03:25 et ne répond pas à toutes les problématiques.
03:27 Parce que quand on a une force avec près de 300 000 personnels,
03:32 eh bien nécessairement il y a des dérives et je pense qu'elles sont absolument sous-évaluées.